Lacs artificiels et risques sanitaires dans la ville de Yamoussoukro

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1- Bonaventure Kouadio ISSA,  2- Anouman Yao Thibault OUSSOU, 3- Tozan Lazare ZAH BI, 

L’urbanisation en Afrique reste un défi majeur à relever par les gouvernants. La gestion des infrastructures et équipements hérités de cette volonté à urbaniser est à désirer en Afrique. Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d’Ivoire qui résulte d’une urbanité particulière n’y échappe pas. Fort de sa place dans l’échiquier national, la ville dispose d’un système lacustre important dans son développement. Par ailleurs, les nombreuses agressions subies par ces lacs entraînent leur dégradation accentuée aux nombreuses conséquences. L’objectif de cet article est alors de montrer l’impact de la dégradation des lacs artificiels à Yamoussoukro sur la santé des populations. La démarche méthodologique adoptée repose sur un ensemble constitué par la recherche documentaire autour des lacs artificiels, d’entretiens auprès des autorités ayant en charge la gestion environnementale et de l’administration d’un questionnaire à 200 chefs de ménages. De cette analyse, il en ressort que la carence dans la gestion des lacs artificiels entraîne la pollution de leur quasi-totalité (90%). En outre, la pollution de ces lacs artificiels est la conséquence de la persistance des maladies telles que les maladies hydriques, l’ulcère de Buruli et autres, chez les populations environnantes.
Mots-clés : Yamoussoukro – Lacs artificiels – risque sanitaire – dégradation des lacs

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Lacs artificiels et risques sanitaires dans la ville de Yamoussoukro

1- Bonaventure Kouadio ISSA,  2- Anouman Yao Thibault OUSSOU, 3- Tozan Lazare ZAH BI, 

Résumé :FrançaisEnglish


L’urbanisation en Afrique reste un défi majeur à relever par les gouvernants. La gestion des infrastructures et équipements hérités de cette volonté à urbaniser est à désirer en Afrique. Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d’Ivoire qui résulte d’une urbanité particulière n’y échappe pas. Fort de sa place dans l’échiquier national, la ville dispose d’un système lacustre important dans son développement. Par ailleurs, les nombreuses agressions subies par ces lacs entraînent leur dégradation accentuée aux nombreuses conséquences. L’objectif de cet article est alors de montrer l’impact de la dégradation des lacs artificiels à Yamoussoukro sur la santé des populations. La démarche méthodologique adoptée repose sur un ensemble constitué par la recherche documentaire autour des lacs artificiels, d’entretiens auprès des autorités ayant en charge la gestion environnementale et de l’administration d’un questionnaire à 200 chefs de ménages. De cette analyse, il en ressort que la carence dans la gestion des lacs artificiels entraîne la pollution de leur quasi-totalité (90%). En outre, la pollution de ces lacs artificiels est la conséquence de la persistance des maladies telles que les maladies hydriques, l’ulcère de Buruli et autres, chez les populations environnantes.
Mots-clés : Yamoussoukro – Lacs artificiels – risque sanitaire – dégradation des lacs

Introduction

La salubrité est un bien public au même titre que l’eau potable dont les populations ne peuvent être privées. Cette exigence fait naître un droit fondamental : le droit du citoyen à disposer d’un environnement sain et approprié à la vie. A cet effet, les villes dans les pays développés comme dans les pays en développement offrent le meilleur comme le pire des environnements pour la santé et le bien-être. Toutefois, de multiples déterminants conditionnent les conditions de vie et l’état de santé des populations parmi lesquels se situe l’état de l’environnement. En Côte d’Ivoire, l’impact de ces environnements en général a longtemps été analysé, de
même que l’environnement lacustre en particulier. De nombreux plans d’eau tels que les systèmes lagunaires Ebrié et Aby, les fleuves (Comoé, Bandama, Sassandra), les réservoirs et les lacs (réservoirs et lacs d’irrigation, de production d’électricité et à vocation piscicole) sont envahis, à des degrés divers, par les macrophytes aquatiques (N. Ettien et R. Afri, 1996, p. 7) dégradant ainsi leur environnement. Cette situation est la conséquence de la dégradation du cadre de vie en milieu urbain qui se pose avec acuité dans de nombreuses villes ivoiriennes. A l’instar de ces villes, Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d’Ivoire dotée d’ouvrages et d’installations d’assainissement collectif qui sont pour la plupart hors d’usage ou abandonnés laissant ainsi entrevoir dans cette cité des lacs. La ville de Yamoussoukro et ses environs comptent une trentaine de lacs naturels et artificiels qui jouent et un rôle structurant particulièrement au centre-ville (E. N. Wandan et al.,2014, p. 464) pour recevoir les eaux de ruissellement et pour l’embellissement de la ville. Les eaux usées qui devraient ainsi être épurées sont déversées dans ces lacs artificiels sans traitement préalable. Malgré que ces lacs ont constitué pendant longtemps un attrait touristique et la fierté de la ville, ils présentent
aujourd’hui un état de pollution avancée aux conséquences multiples : l’envasement, une eutrophisation avancée, le dégagement d’odeurs nauséabondes, la prolifération des moustiques et la recrudescence des maladies hydriques. En effet, la santé qui est « se définit non seulement comme absence de maladie, mais aussi un état complet de bien-être physique et morale » (OMS, 2006) résulte de l’équilibre écologique souhaitable entre l’homme et son milieu. Etre en bonne santé, c’est être à la fois bien dans sa peau et bien dans son environnement. Cela semble attester la corrélation entre le cadre de vie et la santé des populations. Ainsi, une étude sur l’état de dégradation des lacs artificiels de la ville de Yamoussoukro devrait nous permettre d’établir une corrélation entre l’état de dégradation de ces retenues d’eaux et la santé des populations environnantes. Dès lors, quel est l’impact de la dégradation des lacs artificiels de Yamoussoukro sur la santé des populations ? Répondre à cette question, nous impose des questions subsidiaires: Ainsi, quels sont les facteurs explicatifs de la dégradation des lacs artificiels à Yamoussoukro ? Quelles sont les problèmes de santé engendrés par l’état de dégradation des lacs artificiels à Yamoussoukro ? La réponse à ces interrogations fonde l’objectif de cette étude qui est de montrer l’impact de la dégradation des lacs artificiels dans la ville de Yamoussoukro sur la santé des populations environnantes.

1. Matériels et méthodes

1.1. Matériels

Le cadre spatial voulu pour cette étude est la ville de Yamoussoukro qui est la capitale politique de la Côte d’Ivoire. Située au centre du pays, à 248 km de la ville d’Abidjan, entre 6°40’ et 7° de latitude Nord et entre 6°48’ et 5°30’ de longitude Ouest, Yamoussoukro couvre une superficie de 967km2 et compte 14 quartiers organisés. Elle est accessible à partir du Sud (Abidjan) par voie autoroutière, en provenance du Nord (Bouaké) ou de l’Ouest (Daloa, Sinfra). Sur le plan touristique, Yamoussoukro reste un important centre urbain de par la disposition de nombreux lacs artificiels et des lacs aux caïmans, des édifices comme la basilique notre dame et aussi la fondation Felix Houphouët Boigny… ce qui constitue un intérêt de choix pour cette analyse basée essentiellement sur les lacs artificiels. La figure 1 localise les lacs dans l’espace urbain de Yamoussoukro.

Les données secondaires utilisées pour cette étude sont issues de l’INS à travers son Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) de 1998 et 2014. Elles ont constitué la base des données pour la rédaction de cet article. Ces données concernent le nombre de ménages en 2014. Des données ont aussi été collectées au niveau du Ministère de l’Assainissement et de la Salubrité Urbaine. Elles sont relatives à la politique d’assainissement. En outre, à travers sa structure ANASUR, le Ministère de la Salubrité
Urbaine nous a renseigné sur les modes d’évacuation des eaux usées et des ordures ménagères dans la ville de Yamoussoukro. Quant à la gestion des lacs dans la ville, le District Autonome de Yamoussoukro et la Mairie nous ont fourni des données pour la compréhension la gestion de l’environnement lacustre. Aussi, des données cartographiques ont été recueillies au service du cadastre de Yamoussoukro. Le fond de carte de la ville réalisée par le district de Yamoussoukro en 2014 a permis la réalisation de la carte de localisation de la zone d’étude et la localisation des lacs.Les données recueillies ont été traitées et organisées afin de faciliter leur interprétation et leur utilisation. Ainsi, les données collectées ont été saisies et traitées avec le logiciel SPSSv20, Excel 2013 et Word 2013. Toutes les productions statistiques ont été réalisées à l’aide du tableur Excel 2013 sans toutefois oublier de noter l’utilisation d’un appareil photo numérique pour les prises de vue nécessaires dans l’observation. La population urbaine de Yamoussoukro s’élevait à 281 735 habitants atteignant ainsi un taux de croissance démographique d’environ 4% (INS, 2014). Les aménagements de la voirie, de drainage et d’adduction d’eau potable sont favorables. Nous cherchons à comprendre les problèmes de santé dans cette zone en rapport avec les lacs artificiels de plus en plus dégradés.

1.2. Méthodes

Pour répondre à l’objectif principal, deux méthodes ont été utilisées. Ce sont entre autre la documentation grâce au moteur de recherche Google et la visite de terrain par une observation directe, une enquête par questionnaire et des entretiens. Pour la documentation ou la recherche documentaire, elle s’est faite à travers Internet et les archives du District et de la Mairie. A cet effet, nombreux chercheurs nous ont permis de comprendre l’aménagement lacustre et les atouts de ces lacs. Ainsi, des auteurs comme S. Aw et al. (2016, p.39) ; P. Aubry et B.A. Gaüzère (2015, p.1) ; B. Coulibaly et al. (2015, p.22)… nous donnent une idée sur les maladies tropicales ainsi que celles liées à la dégradation du système lacustre. Quant à B. Parin et al. (2000, p.250) ; A. Kouassi (2004, p.1) ; N. Ettien et R. Affri (1996, p.7), ils mènent des études autour de l’eutrophisation des lacs et des végétaux qui constituent sa dégradation. De plus, d’autres par contre ont montré l’impact de la dégradation des lacs sur la santé des populations : N. Ettien et R. Afri, (1996, p. 7) et B. Coulibaly et al. (2015, p. 22) Ensuite, des enquêtes de terrain ont été réalisées. A ce niveau, une observation directe effectuée a permis d’apprécier l’état de l’environnement lacustre de la ville ainsi que les carences observées. De plus, des entretiens ont été réalisés auprès des autorités compétentes à l’instar des responsables de l’ANASUR, du ministère de la salubrité afin de voir la gestion des espaces lacustres à Yamoussoukro. Enfin, une enquête par questionnaire a été réalisée auprès de 200 chefs de ménage riverains des lacs choisis de manière aléatoire sur la base des données démographiques disponibles (INS, 2014). Cette enquête a permis d’obtenir des éléments de réponses sur l’impact de ces lacs sur la santé des populations locales. Le choix du chef de ménage s’est fait de façon aléatoire en tenant compte de la proximité et de l’éloignement des quartiers par rapport aux lacs. Ainsi, nécessairement différents quartiers ont été touchés. Le tableau 1 donne le nombre de ménage enquêté par quartier choisi.

Le questionnaire s’est basé principalement sur le cadre de vie, la gestion des eaux usées provenant des ménages et les maladies contractées au cours des six (06) mois qui ont précédé l’enquête. Nous avons eu trois visites dans les ménages en raison d’une visite chaque deux (02) mois, pour connaitre les maladies les plus fréquentes dans ces ménages et leur fréquence. Ensuite, avec un médecin généraliste du CHR de Yamoussoukro, les visites devraient nous permettre de connaitre les causes des maladies relevées par les ménages. Cette méthode a pour but d’établir la corrélation entre le cadre de vie malsain et les maladies hydriques
existantes.

2. Résultats

2.1. Des lacs considérablement pollués dans la ville de Yamoussoukro

Le District Autonome de Yamoussoukro regorge de nombreux lacs naturels et non aménagés. Outre ceux-ci, la commune dispose d’un système lacustre composé de dix (10) lacs artificiels aménagés. Ces lacs se concentrent principalement dans la partie centre et traversent de nombreux quartiers dont ceux de Nzuessy, Assabou. Pendant de nombreuses années, ces lacs ont fait la fierté de la ville car véritable moteur de l’attraction touristique. Ils regroupaient une faune à l’instar de caïmans qui étaient une source d’attraction urbaine. Par ailleurs, les nombreux aménagements aussi bien environnementaux, dans l’urbanisme mais aussi la croissance démographique remarquable sont autant de fléaux qui impactent la vie des lacs (figure 2)

A l’analyse de la figure 2, sur les 10 lacs que compte la ville, 9 sont véritablement pollués. Ils connaissent une dégradation accentuée, ce qui constitue 90% de l’environnement lacustre. Ainsi, le visage de la ville touristique de Yamoussoukro en est impacté car les lacs ne connaissent plus un engouement touristique. Plusieurs facteurs sont à l’origine de la pollution remarquable de ces paysages lacustres. Elle trouve son explication dans les comportements des populations environnantes et dans la gestion urbaine du système lacustre. De plus, ces lacs artificiels pour la plupart connaissent une eutrophisation et une pollution avancées du fait des activités humaines. Ainsi, parmi ceux-ci, le commerce de nourriture est perçu comme un facteur polarisant dans la pollution des lacs environnants. Dans les environnements immédiats des lacs se trouvent de nombreux services commerciaux. En effet, au vue des difficultés pour les commerçants de trouver des espaces dans les marchés pour écouler leurs marchandises, c’est vers les abords des voies de circulation et des lacs que ces derniers de déversent pour écouler leurs marchandises. D’autres facteurs aussi bien capitaux constituent des éléments de dégradation des lacs (photo 1).

La photo 1 montre des lacs recouverts par des végétaux qui dégradent la beauté de l’environnement lacustre. Les difficultés de gestion des ordures ménagères conduisent les populations environnantes à déverser leurs ordures dans ces espaces autrefois des joyaux de développement. Ces lacs se situant dans la zone commerciale, l’impact de ces activités est alors considérable. Nombreux sont les lacs qui se situent en amont des zones géographiques. Par ailleurs, parmi ces lacs, un seul reçoit un nettoyage régulier au vue de sa localisation et de son importance dans le tourisme à de la ville. En effet, situé devant la maison du père fondateur Felix Houphouët Boigny, il regorge des caïmans qui font la fierté touristique de la ville. Ainsi, des stratégies sont mises en œuvre afin de permettre un environnement salubre dans cet espace. Quant aux autres, ils ne bénéficient pas de cette sécurité environnementale et bénéficient plutôt d’une proximité de vie pour le commerce, pour les habitations et pour les formations végétales.

2.2. Une politique défectueuse dans la gestion du système lacustre à Yamoussoukro

La gestion lacustre à Yamoussoukro connait des irrégularités dans plusieurs secteurs. D’abord, un nettoyage irrégulier, ensuite un système de filtrage des eaux usées absent et un système sécuritaire inexistant. Les 10 lacs de la commune de Yamoussoukro ne connaissent pas un suivi régulier. Le nettoyage des lacs se fait rarement. Avec seulement deux pirogues mis à disposition pour la satisfaction du nettoyage des lacs, elles n’arrivent pas à nettoyer ces lacs qui sont très rapidement rattrapées par les eaux usées et les eaux vannes provenant de diverses sources publiques que privées. Ensuite, à côté de ce nettoyage irrégulier et insuffisant, le système de filtrage des eaux vannes est inexistant. En effet, l’absence de ce système important dans l’assainissement entraîne un déversement des eaux usées de nombreux services à l’instar du CHR et encore des ménages dans ces lacs, ce qui contribue à
la pollution de ces lacs. Pourtant, ces lacs artificiels ne coulent pas et restent statiques, ce qui conduit alors à une véritable dégradation de ces espaces de développement par l’accumulation d’eaux usées sur ces espaces lacustres transformés. La photo 2 montre le moyen de nettoyage des lacs.

Malgré la présence de ce système défaillant, les lacs restent confrontés à une pollution végétale. A côté de ces aspects défaillants que sont le système de filtrage et celui pour le nettoyage, aucune sécurité pour le système lacustre. Six des dix lacs de la ville connaissent des situations diverses. Pourtant, aujourd’hui, neuf des dix lacs sont véritablement pollués par diverses espaces et déchets. A cet effet, les camions de vidange choisissent ces endroits pour déverser leurs déchets en oubliant que ces eaux sont utilisées par les cultures maraîchères aux alentours comme le montre la photo 4.

De plus, dans certains lacs comme ceux de Dioulabougou, les animaux y font leurs besoins participants ainsi à la dégradation du système. Cependant, cette dégradation des espaces lacustres n’impactent-elle pas la santé des populations riveraines dans la ville de Yamoussoukro ?

2.3. Impact de la dégradation des lacs sur la santé des populations

Les problèmes de santé demeurent de plus en plus récurrents chez les populations. En effet, la dégradation de l’environnement lacustre est un leurre pour les populations environnantes. Nombreux sont les ménages qui résident dans la proximité de ces lacs qui connaissent des épisodes de morbidité. La figure 3 montre les pathologies rencontrées chez les populations riveraines.

Divers types de maladies hydriques sont présentent chez les populations urbaines. Ce sont les maladies comme la fièvre typhoïde retrouvée chez 31% des ménages enquêtés. Ensuite, respectivement le paludisme et les maladies diarrhéiques avec 29% et 24%. Et enfin, les moins perceptibles que sont les IRA (Infection respiratoires aiguës) avec 11% et l’ulcère de Buruli (5%) beaucoup en vogue dans cette région du centre de la Côte d’Ivoire en particulier dans les zones rurales. L’environnement insalubre autour des lacs constitue un gîte à moustique, ils s’y abritent, se reproduisent. Aussi, dans le but de nourrir ses larves, la femelle pique l’homme afin de prélever du sang qui lui permettra d’accomplir cette tâche. L’anophèle (femelle) est un agent pathogène du paludisme. Elle transmet la maladie à l’individu ‘’saint’’ lorsqu’elle le pique. Il faut dire que selon nos recherches du terrain, seules les piqûres des
anophèles entre 18 h et 06 h, ont la chance de transmettre à l’homme le paludisme. Cet insecte est appelé « vecteur » du parasite, car il est responsable de sa transmission. Ensuite, l’Ulcère de Buruli avec 10% par les populations de ces zones. Toutes ces pathologies rencontrées dans les ménages qui résident autour de l’environnement lacustre sont des pathologies hydriques. Dans ce sens, la figure 4 présente les maladies orchestrées par les populations.

A l’analyse de la figure 4, la répartition spatiale de ces maladies diffère d’un quartier à un autre. Ainsi, les quartiers à proximité des lacs ont une prévalence plus accentuée des pathologies que les populations dans les quartiers éloignés des lacs. Les quartiers de
Dioulakro, Nzuessy et Assabou qui sont traversées directement par les lacs en constante dégradation présentent un taux de paludisme élevé que les quartiers de Morofé et d’INPHB. De plus, la fièvre typhoïde, les maladies diarrhéiques sont également autochtones de ces zones. En effet, toutes ces maladies sont des maladies hydriques. L’eau des lacs est utilisée à plusieurs fins surtout pour l’arrosage des cultures maraîchères. La qualité de l’eau est alors dégradée pour les personnes qui les utilisent par les déchets qui font la nage. L’état de pollution avancée des lacs à Yamoussoukro est un facteur crucial de la recrudescence de certaines maladies. Ainsi, 90% des ménages sont confrontés à des maladies hydriques.

3. Discussion

Cette étude a permis de montrer que les lacs artificiels dans la ville de Yamoussoukro ont subi un impact anthropique et une carence dans sa gestion. Les prises de vue et les enquêtes de terrain l’ont confirmé. Ces résultats ont montré que les activités commerciales autour des lacs, l’abreuvement du bétail et aussi le déversement d’ordures et le nettoyage irrégulier sont autant de facteurs qui contribuent à leur dégradation. Ces résultats sont conformes à ceux du CECAF international (2013, p. 32) qui fait une analyse physico-chimique des lacs artificiels. Pour eux, les normes ne sont pas respectées et les eaux des dix lacs de Yamoussoukro, utilisées par les maraîchers pour l’arrosage des parcelles sont si polluées que les plantes qu’elles servent à alimenter sont désormais impropres à la consommation. Il ajoute que le taux élevé de pollution microbiologique s’explique par le fait que des activités humaines multiples sont exercées dans les environs des lacs de la ville de Yamoussoukro. Il s’agit notamment de maraîchages et de riziculture dans certains bas-fonds, du commerce avec le développement des maquis, bars et restaurants qui rejettent leurs déchets dans les lacs. De plus, S. Aw et al., (2016, p.39) notent que quel que soit la saison, les lacs de Yamoussoukro reçoivent les eaux de la fertilisation et de l’irrigation des cultures situées aux abords des lacs ou des eaux de ruissellement au cours des pluies. Toutes ces eaux étant chargées en engrais organique (déchets de volailles, de porcs et de bovins). Quant à K. P. Anoh et al. (2017, p. 50), il précise que la présence des tas d’ordures, la vidange des ouvrages d’assainissement dans la nature et plus particulièrement dans les cours d’eau contribuent à dégrader l’environnement de l’eau et sa qualité. Pour le même auteur, le lac Drébot subit un fort impact anthropique. La pression humaine a des impacts sur la ressource en eau qui est utilisée pour l’alimentation de la ville en eau potable résultats ont montré que les activités comme le surpâturage et l’abreuvement de gros bétails constituaient des risques de pollution des eaux destinées à la consommation humaine. Pour B. Kambiré (1999) cité par K.P. Anoh et al. (2017, p.50), les risques de pollution de cette ressource en eau due à la présence des bœufs et aux actions de l’homme, bien qu’à cette époque, la zone de protection du lac n’était pas entièrement urbanisée. De plus, Goman (2005) cité par K.P. Anoh et al. (2017, p.50) quant à lui indexe dans ses études également les activités de surpâturage et
l’agriculture intensive sur les berges de la zone de protection de l’environnement du lac comme les causes de la dégradation des qualités d’eau brutes du lac Drébot. De même, ces résultats sont confirmés par les travaux de N. Etien et R. Afri (1996, p. 7) qui notent que les lacs de la ville de Yamoussoukro sont presqu’entièrement envahis par les macrophytes aquatiques. Quant au CECAF International (2013, p. 34), les lacs de la ville de Yamoussoukro sont confrontés à une pollution physico-chimique. Cette pollution pourrait encore s’aggraver à la longue, compte tenu de leur grande exposition aux activités humaines. Il ajoute que les quantités de pollution microbiologique des lacs de ville conduisent à leur eutrophisation qui est en général utilisée pour décrire l’enrichissement excessif d’un plan d’eau par l’apport artificiel et indésirable de substances nutritives favorisant le développement végétal. Par ailleurs, A. Kouassi (2004, p.1) exprime la pollution des lacs de la ville autrefois cité des lacs qui donnait leur identité même à la ville par leur mort mais aussi dans la mesure où les crocodiles ne se montrent plus. Nos résultats évoquent également que la dégradation des lacs contribue largement à la dégradation de l’état de santé des populations riveraines avec des pathologies récurrentes comme le paludisme, la fièvre typhoïde, les maladies diarrhéiques…. Dans ce sens, Selon N.Ettien et R. Afri, (1996,p. 7),à ces dommages écologiques s’ajoutent souvent des effets socio-économiques majeurs (impossibilité d’obtention d’eau potable, prolifération de maladies hydriques, difficultés dans les activités de pêche et d’irrigation, gêne à la circulation des biens et des personnes…).En effet, la présence de nombreux moustiques dans la ville de Yamoussoukro pourrait être liée à l’envahissement des lacs par les macrophytes aquatiques. L’ulcère de Buruli (UB) est une des 17 maladies tropicales négligées et considérées comme
maladies infectieuses émergentes par l’Organisation Mondiale de la Santé (B. Coulibaly et al., 2015, p.17).

Conclusion

En guise de conclusion, la ville de Yamoussoukro regorge de nombreux lacs artificiels repartis au centre-ville. Ces lacs artificiels aménagés dans le cadre du développement urbain sont aujourd’hui soumis à une dégradation. Cette pollution s’explique par les activités commerciales, les cultures maraîchères aux abords, la formation végétale et aussi les insuffisances dans la gestion. De plus, ces lacs dégradés sont une conséquence de divers maux et épisodes de morbidité liées aux maladies hydriques à l’instar de la fièvre typhoïde, le paludisme, les maladies diarrhéiques qui sont les plus en vogue auxquelles les populations environnantes sont confrontées. Ainsi, ces lacs qui ont longtemps fait la fierté touristique de la ville doivent à nouveau être regardés par les autorités compétentes pour la modélisation touristique, urbaine et environnementale. Le futur de la ville gravite alors autour de la capacité des autorités compétentes à mettre en œuvre les moyens afin de lutter contre la dégradation de l’environnement lacustre.

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Auteur(s)


1 Bonaventure Kouadio ISSA; e-mail: kouadioissab@gmail.com – Université Alassane Ouattara (Bouaké, Côte d’Ivoire)

2 Anouman Yao Thibault OUSSOU; e-mail: oussouthibault@gmail.com- Université Alassane Ouattara (Bouaké, Côte d’Ivoire)

3 Tozan Lazare ZAH BI; e-mail: thozane@hotmail.com – Université Alassane Ouattara (Bouaké, Côte d’Ivoire)

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