Pêche continentale sur le chenal de Cotonou au Benin : profils sociodémographiques et niveaux d’implication des femmes dans les activités de post-capture

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1- Biaou Oyédélé Evariste ADEOTI,  2- Adéréwa Aronian Maximenne AMONTCHA, 3- Ibouraïma YABI, 4- Euloge OGOUWALE

La présente recherche est une contribution à une meilleure connaissance de l’efficacité socio-économique des femmes dans la pêche continentale sur le Chenal de Cotonou. Pour mener à bien ce travail, l’approche méthodologique adoptée est axée sur la recherche documentaire, la collecte des données auprès de 188 femmes intervenant sur ce chenal comme femmes exerçant au moins une activité du secteur de la pêche, le traitement des données et l’analyse des résultats. Sur ce Chenal, 98 % des femmes épouses des pêcheurs exercent une activité de post-capture (transformation et commercialisation du poisson) et 2 % des femmes sont impliquées dans le trafic fluvial en commun des personnes et des biens sur le Chenal de Cotonou. Les revenus obtenus par les femmes permettent de contribuer efficacement aux charges de leurs ménages. En effet, 30 % des revenus sont utilisés dans les besoins du foyer, 22% dans la scolarisation des enfants, 20 % dans les besoins personnels de la femme elle-même (achat de pagne, soins de beauté, épargne, etc.), 12 % dans diverses cérémonies, 11,5 % dans les petits métiers de commerce et 4,5 % pour la santé familiale. Ces femmes, désormais des actrices économiques incontournables dans le développement de la pêche continentale sur le Chenal de Cotonou, contribuent aussi au développement de la ville de Cotonou en souscrivant aux épargnes locales et en payant les taxes. Mais certaines contraintes limitent la potentialité de ces femmes sur le Chenal de Cotonou.

Mots clés : Chenal de Cotonou, Pêche continentale, Profils socio-démographiques.

Introduction

La pêche continentale revêt une importance capitale pour les populations riveraines des cours et plans d’eau dans la mesure où elle contribue à la sécurité alimentaire et nutritionnelle sans oublier les emplois créés et les revenus monétaires (Allagbé, 2018 p.6).
Les activités de pêche continentale dans le monde sont des sources importantes d’apports de revenus pour les familles des pêcheurs. En effet, la pêche continentale occupe de nos jours une place non négligeable dans le contexte socio-économique des pays, puisqu’elle représente de nombreux emplois et constitue une source importante de revenus pour les populations. Elle constitue une source de création d’emplois, de lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire (Adéoti et al, 2018, p.2).
Selon Fiagan, (2014, p. 124), 60%des populations qui peuplent les littoraux des pays de l’Afrique de l’Ouest, vivent de la pêche, mais, en tant que principale activité est complétée dans des proportions de plus en plus considérables par les échanges commerciaux. En dehors du secteur de production primaire, de nombreux emplois sont offerts par les activités connexes telles que la transformation, le conditionnement, la commercialisation et la distribution, la fabrication de matériel de transformation du poisson, la confection de filets et d’engins, la production et la fourniture de glace, la construction et l’entretien des navires, ou encore la recherche et l’administration. Au Bénin, la pêche continentale demeure une activité de cueillette et représente une source d’emplois, de ressources, d’apports de protéines pour l’ensemble de la population. Elle est très importante pour les communautés riveraines de par son caractère générateur d’emplois (Djessouho, 2015, p.12). La pêche continentale occupe près de 600 000 acteurs, exploitant environ 130 000 ha de réseau hydrographique, contribue à plus de 75% à la production halieutique nationale et fournit chaque année, plus de 30 000 tonnes de produits halieutiques (Rapport, enquête cadre pêche continentale, 2012, p.9). Ainsi, parmi ces acteurs, les femmes occupent et jouent un rôle très spécial dans la chaîne de transformation et de distribution des poissons. Elles représentent la moitié de la main-d’œuvre du secteur de la pêche continentale dans le monde, et occupent des rôles importants dans la chaîne de valeur de la pêche (FAO, 2016b cité par Rapport ACED, 2018, p.16). Au Bénin, environ 40 000 femmes sont employées dans le secteur de la pêche continentale, l’achat, la transformation et la vente de poisson étant leur principale activité (https://aced-benin.org,p.13).Les activités de post-capture, génératrices de revenus, sont essentiellement réservées aux femmes et permettent d’améliorer leurs conditions de vie. La lagune de Cotonou constitue un des plans d’eau du sud-Bénin où l’activité de pêche est développée. Il s’agit d’une activité pluri-acteurs qui mobilise les femmes notamment dans la phase post-capture où elles jouent des rôles de premier plan. Mais, les conclusions de Anihouvi et al. (2005, p.329), ont souligné qu’il y a eu très peu d’intervention directe en vue d’une meilleure connaissance de l’activité de transformation artisanale du poisson. Afin d’aider à la prise de décision pour combler cette lacune, il importe de produire des connaissances sur le profil socio-démographique des femmes concernées. La présente recherche s’inscrit dans cette perspective. Elle se fonde sur l’hypothèse selon laquelle, les femmes impliquées dans les activités de post-capture de pêche sur le chenal de Cotonou font face à plusieurs difficultés malgré leur importance dans la chaine de transformation et de vente. La recherche repose sur des questions suivantes :
Qui sont les femmes qui mènent l’activité de post-capture ? Quelles sont les différentes activités exercées en lien avec la pêche sur le Chenal de Cotonou ? Quelles sont les difficultés éprouvées par cette catégorie d’acteurs dans la pêcherie ? Le Chenal de Cotonou (figure 1) encore appelé ‘’lagune de Cotonou’’ est un plan d’eau très importante pour l’activité de la pêche dans la ville de Cotonou et ses environs.

Le chenal partage la ville en 2 parties et constitue le ‘’chemin’’ de communication entre le lac Nokoué et la mer (Océan Atlantique). Il traverse plusieurs quartiers qui abritent une population de pêcheurs. Il s’agit des quartiers comme Gbèdromèdé, Agala, Towéta, Ladji, Djidjè, Hindé, Adogleta, Midombo, Kpakpan, Enagnon Dantokpa. Les épouses des pêcheurs s’adonnent aux activités de transformations et de commercialisation de poissons.

1. Démarche méthodologique

La démarche méthodologique utilisée est basée sur la collecte des données, le traitement des données et leur analyse. La collecte des données de cette recherche a pris en compte188femmes, âgées de 18 à 70 ans, fortement impliquées dans les activités liées à la pêche dans onze quartiers autour du Chenal de Cotonou et dans le marché Dantokpa. L’enquête de terrain s’est déroulée dans la première quinzaine du mois d’octobre 2018 et a duré 10jours. Deux types de données ont été collectés pour cette recherche : le premier provient des informations documentaires et le second des données de terrain relatives aux activités de post-capture. Ainsi, la recherche documentaire a permis la consultation systématique de tous les documents ayant abordés la thématique dans les centres de documentation du Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la Pêche, de la Direction de la Production Halieutique (DPH), de la Direction de la Statistique Agricole (DSA), de la Faculté des Sciences Agronomiques (FSA), de la mairie de Cotonou et des ONG œuvrant dans le domaine de la pêche continentale au Bénin. La phase de terrain concerne la collecte des données ménage par ménage. Elle prend en compte essentiellement les caractéristiques socio-démographiques (statuts matrimoniaux, âges, niveaux d’instruction, appartenance sociolinguistique) des femmes impliquées dans la filière de transformation et de commercialisation, les revenus engrangés et leurs destinations de même que les difficultés soulevées ont été collectées.
Les différents acteurs choisis sont sélectionnés en fonction de leur niveau d’implication dans les activités de post-capture, de l’importance des actions dans les tissus économique et social. Le choix des femmes enquêtées est fondé aussi sur certains critères tels que :
– l’âge (être âgé de 18 ans au moins) ;
– exercée au moins une activité de post-capture ;
– avoir une expérience au moins 10 ans dans le domaine;
– vivre dans l’un des quartiers identifiés pour la recherche ;
– avoir des matériels et matériaux de transformation et de commercialisation de poissons.
La liste exhaustive des femmes impliquées dans la pêche n’étant pas disponible, la proportion des femmes concernées par les activités de pêche sur le Chenal de Cotonou a été estimée à 40 % de l’effectif des ménages des pêcheurs. Cette proportion a été déterminée au cours des entretiens avec les femmes lors de la pré-enquête. Ainsi, la taille de l’échantillon est déterminée suivant la méthode de Schwartz (2002), dont la formule est la suivante :

n =t² x p x q / e²  (1)

N = la taille de l’échantillon requise;
t= niveau de confiance à 95 % (valeur type de 1,96) ;
e = marge d’erreur à 7 % (valeur type 0,07) qui est l’intervalle de confiance;
q = 1- P avec P = rapport du nombre des femmes concernées par les activités de pêche sur le nombre total des ménages pêcheurs du Chenal de Cotonou. Cette proportion est estimée à 40 % après le sondage effectué pendant la pré-enquête.
Ainsi, n = (1,96)² x 0,40 (1-0,40) /(0,07)² = 188.
Ainsi, 188 femmes sont soumises aux différentes questions sur le Chenal de Cotonou.

Le questionnaire élaboré autour des idées directrices a permis de conduire des entretiens individuels. Ensuite six (6) discussions de groupes (focus-group) ont été organisées à l’aide d’un guide d’entretien pour compléter les informations. Enfin des observations directes faites le long du chenal, ont permis de suivre des femmes en pleine activité et de recueillir quelques informations complémentaires. Le traitement des données et analyse des résultats comprennent le dépouillement des données brutes et leur synthèse. Les questionnaires et les fiches d’observation ont été traités manuellement et codifiés avant d’être traités à l’ordinateur. Les informations ainsi obtenues ont été arrangées dans les tableaux pour la réalisation des figures à l’aide du logiciel Excel. Aussi, l’analyse des données a été faite à l’aide d’outil statistique approprié. Enfin, les statistiques sur l’utilisation des revenus obtenus par les femmes ont permis d’apprécier le degré d’efficacité sociale et économique des différentes catégories de femmes dans la filière
pêche sur le Chenal de Cotonou.

2. Résultats

2.1. Profil démographique et socio-économique des femmes impliquées dans la pêche continentale sur le Chenal de Cotonou

Les résultats d’enquêtes de terrain présentent le profil des femmes qui mènent des activités en lien avec la pêche sur le Chenal de Cotonou (lagune de Cotonou). Ces femmes sont majoritairement (90 %) d’ethnie « wla » et une minorité d’ethnies « Toffin » (3,4 %) et Aizo » (1,2 %). Les différents niveaux d’instruction de ces femmes sont présentés dans le tableau 1.

L’analyse des résultats d’enquêtes montre que le taux d’analphabétisme est élevé chez les femmes. Le tableau 1 révèle que 87 % des femmes ne sont pas allées à l’école,6 % ont le niveau primaire, 5,5 % sont alphabétisés et à peine 1,5 % ont le niveau secondaire. Le taux de scolarisation des femmes impliquées dans les activités de post-capture de poissons est faible malgré l’importance de l’éducation dans la filière. Ce taux s’explique par le caractère héréditaire de l’activité (transformation et vente de poissons) et son apprentissage dès le bas âge au détriment de l’école. Aujourd’hui, l’éducation des femmes est un atout pour l’amélioration et la diversification des activités de la pêche et de transformation de même que la pratique des bonnes hygiènes au niveau des sites de transformation et de vente des poissons au regard des dysfonctionnements constatés dans le secteur. Seulement 9 % des femmes appartiennent à un groupement ou association des femmes transformatrices ou commerçantes de poissons. Le degré d’organisation est faible or, ces groupements bénéficient des avantages tels que les formations sur les nouvelles techniques de fumage, d’hygiène, d’environnement et surtout de microcrédits par des institutions en charge de la pêche, de l’environnement, de la santé humaine et des ONG. Selon les femmes enquêtées, les microcrédits sont souvent octroyés aux femmes qui sont en groupement. Environ 11 % des femmes enquêtées bénéficient de microcrédits de la part des services décentralisés de micro-finance. Ces microcrédits permettent à ces femmes d’avoir des matériels et matériaux de travail afin d’être
autonomes, propriétaires de marchandises (poissons) à transformer et à vendre. Différentes activités de post-capture sont menées par les femmes sur le Chenal de Cotonou (tableau 2).

Le tableau 2 montre les différentes activités développées par les femmes impliquées dans les activités de post-capture et le mode de faire-valoir. Ainsi, 92 % des femmes exerçant le métier de transformation ou de vente de poissons ont hérité cette activité de leurs parents. Le taux d’héritage est donc élevé dans ce secteur. Ce taux s’explique par la transmission et l’apprentissage de la transformation et commercialisation du poisson à la jeune fille dès son bas âge. Seulement 8 % des femmes sont devenues transformatrices et commerçantes de poissons par alliance. Après, le mariage, les femmes sont orientées par leurs époux pêcheurs vers les activités de post-capture.

L’analyse du tableau 3 révèle que les matériels et matériaux de transformation et de commercialisation sont acquis par la majorité des femmes. Les 95 % des femmes ont affirmé être propriétaires de matériels et matériaux de transformation de même que la marchandise transformée. A peine 7 % d’entre elles sont propriétaires de pirogues sur le Chenal. Ces pirogues sont louées et utilisées soit pour le transport en commun soit pour la pêche en eau profondeur le Chenal. La valeur moyenne d’expérience des femmes transformatrices et commerçantes est comprise entre 11 ans à 15 ans. La tranche d’âge de ces femmes varie entre 18 ans à 70 ans, et 99 % sont mariées (figure 2).

La figure montre que 80 % des femmes exerçant au moins une activité en lien avec la pêche sur le Chenal de Cotonou leurs âges varient entre 18 et 60 ans, 11 % des femmes ont entre 60 et 70 ans et 9 % sont constituées d’enfants mineurs qui accompagnent leur maman au marché.

2.2. Secteurs d’activités des femmes impliquées dans la pêche sur le Chenal de Cotonou

Plusieurs activités socio-économiques liées à la pêche sont développées par les femmes sur le Chenal de Cotonou : le fumage, la vente de poissons, l’écaillage, la vente de nourriture, le transport fluvial en commun des passagers entre les différents quartiers longeant le Chenal de Cotonou. Les différentes activités sont classées selon leurs prédominances en activités principales et
activités secondaires (figure 3). Les activités principales sont la commercialisation, le fumage et l’écaillage de poissons. Les autres activités telles que le taxi fluvial, la vente de nourriture aux abords des barques, les petits métiers (vente de l’eau, de produits agricoles, etc,) sont qualifiées d’activités secondaires pour ses femmes.

La figure 3 montre que 68 % des femmes sont dans la commercialisation de poissons, 18 % dans le fumage et 5,5 % des femmes dans l’écaillage. La spécificité des secteurs d’intervention des femmes ajoutée à l’importance des efforts fournis par ses femmes sur le chenal de Cotonou témoignent du rôle tant indispensable joué par ces dernières dans le tissu économique et social dans la Commune de Cotonou.

La photo (1) présente les femmes vendeuses de poissons frais ou séchés et la photo (2)de la planche 1 montre les femmes écaillères en pleine activité dans le marché Dantokpa.

La photo (3) montre une femme conductrice de taxi pirogue sur la lagune. Ce métier de « taxi pirogue » devient de plus en plus important sur le Chenal. Les femmes conductrices de pirogues favorisent le passage des passagers (vendeuses de poissons, clients et autres commerçants) sur la lagune de Cotonou et la photo (4) montre une autre femme vendeuse de nourriture sur la lagune à la recherche de clients.Ces différentes photos montrent les différentes activités auxquelles les femmes impliquées dans la pêche s’adonnent sur le Chenal de Cotonou.

2.3. Importances socio-économiques des activités menées par les femmes du Chenal de Cotonou

L’expérience des femmes actrices de la transformation et de vente de poissons est à la base d’une dynamique impressionnante. Elle repositionne la femme comme un élément important dans le processus du développement durable de la pêche continentale avec les revenus obtenus en fonction de chaque activité menée par les femmes. Ces différentes activités permettent aux femmes impliquées dans les activités de post-capture de contribuer efficacement aux différents besoins du foyer. Ainsi, elles viennent en appui aux époux dans le paiement des frais de scolarisation et l’habillement des enfants, l’approvisionnement du foyer en vivre, le paiement de facture d’eau et d’électricité et les moyens de déplacement (achat de motos),etc. En conséquence, tout ceci participe désormais à l’amélioration sensible des revenus des membres des différents ménages vivants de la pêche au niveau de la ville de
Cotonou. La figure 4 présente les principales destinations des revenus tirés des activités de transformation et commercialisation de poissons sur le Chenal de Cotonou.

La figure 4 montre que les gains tirés de ces activités sont orientés dans plusieurs domaines. En effet, 33 % sont destinés aux besoins quotidiens du foyer, 28,5 % pour les besoins personnels de la femme elle-même (soins de beauté, épargne, diverses taxes, etc), 22 % pour l’éducation des enfants, 12 % dans les cérémonies et 4,5 % pour la santé de la famille. Ainsi, les revenus des femmes impliquées dans la transformation et commercialisation de poissons sont une grande source de soutien pour la femme et le chef de ménage. La figure 5 présente les formes d’utilisations des revenus tirés de la vente de poissons.

Les femmes utilisent 50 % des revenus pour l’éducation des enfants et les autres besoins du foyer tandis que la 50 % restants sont partagés inégalement dans d’autres secteurs.Ainsi, 25 % pour l’équipement en matériels et matériaux de travail, 13,5 % pour les besoins personnels de la femme elle-même (soins de beauté, épargne, diverses taxes, etc), 7 % dans les cérémonies, 3% pour l’épargne et 1,5 % pour la santé de la famille.Enfin, ces femmes dans l’utilisation de leurs revenus, participent énormément au bien-être de la famille et contribuent également aux différentes charges de la Mairie de Cotonou en payant les différentes taxes à la mairie ce qui permet aussi à la mairie à son tour de faire des réalisations telles que constructions des latrines, des débarcadaires et même quelques salles de classes pour les populations de la berge lagunaire de Cotonou. Mais cette activité des femmes impliquées dans la pêche reste confrontée à des contraintes qui handicapent son développement.

2.4. Difficultés éprouvées par les femmes de la pêche continentale

Quelques contraintes sont identifiées au niveau des femmes qui mènent des activités liées à la pêche sur le Chenal de Cotonou. Il s’agit des contraintes matérielles, financières, organisationnelles, commerciales et maladies (tableau4).

Sur le Chenal, 96 % des femmes évoquent l’absence de système financier pour les accompagner ce qui créé d’énormes difficultés d’approvisionnement en poissons et en matériels de travail. Les femmes (95 %) soulignent que les maladies telles que le paludisme, le choléra, la diarrhée et les troubles de la maternité sont des freins au développement de leurs activités. La plupart des femmes (75 %) n’ont pas de moyens de déplacement sur l’eau (pirogues) et manquent de matériaux de traitement, de transformation (des fourneaux pour fumer les poissons, des balances pour peser) et de conservation de poissons (congélateurs, glacières, etc,). Trente-six pour cent des femmes évoquent le manque d’organisation et des groupements des femmes impliquées dans la filière pour une meilleure visibilité de leurs activités. Les contraintes liées à la commercialisation des poissons évoquées par 33 % des femmes se reposent sur les variations de prix de vente de poissons sur le marché Dantokpa. Les prix varient en fonction des périodes, de la journée et du temps entre femmes-pêcheurs, entre femmes-femmes et entre les femmes commerçantes. De même, 11 % soulignent que les tâches ménagères sont considérées comme une contrainte pour les activités liées à la pêche car réduisent le temps à passer sur l’eau et au marché. Enfin, 9 % des femmes affirment que les conflits entre femmes-pêcheurs, femmes-transformatrices et commerçantes des produits de pêche freinent le développement des activités des femmes sur le Chenal de Cotonou. Face à ces contraintes, des solutions de réorganisation de la filière transformation et vente de
poissons s’impose avec la recherche de nouvelles méthodes de fumage et d’appuis financiers  auprès des institutions de micro-finance pour faciliter l’accès au crédit des femmes de la pêche. Il faut aussi réorganiser les femmes en association afin de bénéficier des crédits ou des matériels et matériaux de travail. La quasi-totalité des lieux (100 %) de fumage et de vente des poissons sont très sales, des campagnes de sensibilisation, de renforcement et d’assainissement doivent être organisées afin de réduire les risques d’infections de poissons et des maladies aux femmes.

3. Discussion

Sur le chenal de Cotonou (lagune de Cotonou), les résultats de cette recherche ont permis de connaître l’importance socio-économique que jouent les femmes impliquées dans la pêche sur ce Chenal. Les femmes (98 %)mènent des activités très importantes dans les activités de post-captures de poissons. Nombreuses (90,5 %)sont-elles qui interviennent dans les activités de transformation de commercialisation, d’écaillage des poissons et 9,5 % des femmes exercent autres métiers (la vente de nourriture, de produits agricoles, etc.) sur la berge lagunaire de Cotonou. Les femmes tirent des revenus qui leurs permettent de se rendre plus ou moins autonomes dans le foyer. Elles contribuent aux besoins du foyer en finançant l’éducation des enfants à la place de leur mari, participe aussi petitement dans le budget de la Maire de Cotonou avec les taxes qui sont payées dans les marchés (marché de Dantokpa, Adogleta, Sègbèya, Midombo.). L’activité de transformation et de commercialisation se transmet de génération en génération, de la mère à la fille au fil des années. Elle acquiert des connaissances (technique du savoir-faire) nécessaires auprès de sa mère et devient héritière du matériel de travail à la retraite de cette dernière. Les femmes détiennent ainsi le monopole de la filière de transformation et de commercialisation des produits halieutiques au Bénin. Une activité qui permet à ces femmes d’améliorer leur condition de vie. Mais, la majorité de ces femmes (99 %) sont confrontées à des contraintes qui freinent le développement de leurs activités sur la lagune de Cotonou. Ces problèmes sont liés aux matériaux de transformation et de commercialisation, d’approvisionnement en poissons, de fluctuation de prix de vente sur le marché, de manque de financement, de santé et d’analphabétisme des femmes. Les résultats de cette recherche sont similaires aux résultats de certains chercheurs qui ont démontré le rôle essentiel que jouent les femmes dans la filière pêche dans le monde et en particulier au Bénin. Nyebe Mvogo et al., (2014), cités par Djessouho, (2015, p.29) dans leur étude sur les expériences de la fumaison et de la commercialisation du poisson dans l’environnement urbain de Douala (Cameroun) ont qualifié aussi l’activité de hautement rentable. Les transformatrices réalisent donc des bénéfices très variables. Les écarts de bénéfice entre les transformatrices dépendent surtout de leur capacité financière et de la taille des entreprises (il y a des femmes qui possèdent un seul four). Au Bénin, Djessouho, (2015, p.28), a montré dans ses travaux de recherche, sur l’analyse socio-économique du fumage du poisson de la pêche artisanale maritime sur le littoral du Bénin, l’apport socio-économique du fumage de poissons par les femmes dans leurs foyers en soulignant que l’activité de transformation permet aux femmes de subvenir, seules, aux besoins de leur famille. Sodjihoun et al, (2016, p. 32), a montré que les femmes impliquées  dans les activités de post-capture dans l’arrondissement de Kpinnou au Bénin, jouent un rôle
primordial dans la transformation et la commercialisation de poissons sur le lac. Il souligne que les revenus issus de ces activités sont utilisés dans l’éducation des enfants, dans le foyer et pour les besoins personnels de ces femmes et dans l’acquisition des biens de service. Selon Sonneveld, et al, (2018) cité par le rapport ACED, (2018, p.20), les femmes impliquées dans la pêche au Bénin rencontrent d’énormes difficultés. Il s’agit des difficultés matérielles (outils) pour la transformation et la conservation du poisson frais et le stockage du poisson fumé ou séché, les difficultés financières, de transport et à l’accès aux marchés. Parlant du niveau d’instruction et du non-respect des règles d’hygiène par les femmes dans la pêche continentale, comme obstacle au développement de la pêche, Djessouho, (2015, p.42), souligne que l’activité de transformation du poisson dans le littoral du Bénin est largement dominée par les femmes, généralement analphabètes qui n’observent véritablement pas les règles d’hygiène en matière de sécurité des aliments dans les activités de transformation. En réalité, beaucoup de travaux ont abordé les aspects liés aux activités économiques des femmes et de leurs groupements sans établir une relation directe avec le développement à la base des communautés décentralisées. De même, Anihouvi et al (2005 p.327) ont montré que la filière de transformation du lanhouin est dominée par des illettrés dans le Golf du Bénin ce qui handicape l’évolution de la filière. Malgré cet atout, cette filière est handicapée par des contraintes organisationnelles, infrastructurelles. Il est donc important d’envisager des pistes de solution pour minimiser les impacts des différentes contraintes sur les activités des femmes de la pêche afin d’améliorer les conditions de travail de ces femmes. Le rayonnement des activités de post-capture passe par la réorganisation des activités de transformation et de commercialisation de même que le regroupement des femmes en association afin de leur permettre de bénéficier des formations
et des microcrédits. D’où, la portée de la présente étude sur l’efficacité sociale et économique des femmes sur le Chenal de Cotonou qui vise à montrer l’importance de la participation sociale et économique des femmes dans la pêche continentale sur le Chenal de Cotonou (lagune de Cotonou) et dans la ville de Cotonou.

Conclusion

Au terme de cette étude, il faut souligner que les femmes impliquées dans les activités de post-capture dans la pêche continentale sur le Chenal de Cotonou jouent un rôle important dans la vie socio-économique des populations. La majorité des femmes actrices de la transformation et commercialisation de poissons vivent réellement de leur métier. Ces activités permettent à ces femmes de participer aux besoins de leur foyer mais, elles sont confrontées à d’énormes contraintes qui freinent cette filière telles que les techniques de transformation qui demeurent rudimentaires, le manque d’infrastructures de transformation, le manque de financement et les conditions d’hygiène autour des sites de transformation et de vente de poissons. Ainsi, de nouvelles techniques de transformation de poissons, de financement de la filière et la sensibilisation des femmes impliquées dans la filière de post-capture sur les pratiques d’hygiène constituent un atout pour réduire ces différentes contraintes.

Références bibliographiques

  • ADEOTI Biaou Oyédélé Evariste, YABI Ibouraïma, MEDEOU Kuassi Fidèle et OGOUWALE Euloge,2018, ‟Caractérisation de la pêcherie continentale dans les communes d’Adjohoun et de Dangbo au sud-est Bénin ”, Afrique Science. 14(4) : 170 – 184
  • ALLAGBE Epiphane, 2018, Risques hydro-climatiques et activités de pêche dans la commune de Adjohoun au sud Bénin. Mémoire de Master II en Géographie FASHS/IGAT/UAC,79 p.
  • ANIHOUVIVictor, HOUNHOUIGAN, Joseph et AYERNOR Georges, 2005, ‟Production et commercialisation du «Lanhouin», un condiment à base de poisson fermenté du golfe du Bénin”, Cahier de l’agriculture, 14(3), pp.323–330.
  • DJESSOUHO Dènamon Odon Chidas, 2015, Analyse socio-économique du fumage du poisson de la pêche artisanale maritime sur le littoral du Bénin. Mémoire de Master de l’Institut Supérieur des Sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage, Agro Campus Ouest, CFR Rennes, 56p.
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  • https://aced-benin.org. Site consulté le 05/12/2018 à 18 h GMT.
  • Rapport ACED, (2018) : Les femmes dans la pêche continentale au Bénin, 80p.
  • Rapport Enquête Cadre, 2013, Pêche Continentale au Bénin, 124p.
  • SODJIHOUN Hermann Innocent et TOSSA Kossi, 2016, Pêche et commercialisation de poissons dans l’arrondissement de Kpinnou (Commune d’Athiémé). Mémoire de Licence en Géographie FLASH/DGAT/UAC,41p.

Auteur(s)


1 Biaou Oyédélé Evariste ADEOTI; e-mail: adevariste2@gmail.com – Laboratoire Pierre PAGNEY Climat, Eau, Ecosystème et Développement (LACEEDE),Faculté des Sciences Humaines et Sociales (FASHS), Département de Géographie et Aménagement du Territoire,.

2 Adéréwa Aronian Maximenne AMONTCHA; Laboratoire Pierre PAGNEY Climat, Eau, Ecosystème et Développement (LACEEDE),Faculté des Sciences Humaines et Sociales (FASHS), Département de Géographie et Aménagement du Territoire,.

3 Ibouraïma YABI; Laboratoire Pierre PAGNEY Climat, Eau, Ecosystème et Développement (LACEEDE),Faculté des Sciences Humaines et Sociales (FASHS), Département de Géographie et Aménagement du Territoire,.

4 Euloge OGOUWALE; Laboratoire Pierre PAGNEY Climat, Eau, Ecosystème et Développement (LACEEDE),Faculté des Sciences Humaines et Sociales (FASHS), Département de Géographie et Aménagement du Territoire,.

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