Accès à l’eau potable et bien-être social dans la ville de Bonon (centre-ouest ivoirien)

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Résumé :

L’eau est un bien aux qualités plurielles. Elle intervient dans le fonctionnement des organismes vivants, végétaux, animaux et est un facteur de développement agricole, industriel, des services et biens d’autres. Ces multiples appréciations et richesses lui valent d’être taxée ‘’d’or bleue’’. Toutefois, sa disponibilité pose problème dans les collectivités locales africaines notamment ivoiriennes. C’est donc le cas de la ville de Bonon, une collectivité locale du Centre-Ouest ivoirien. L’article soulève le problème du bien-être social lié à l’accès à l’eau potable dans ladite localité. Il a pour objectif de montrer le problème du bien-être social soulevé par le difficile accès à l’eau potable à Bonon. Pour l’atteinte des résultats, une méthodologie basée sur la documentation et les données de terrain à travers les observations directes, les interviews et les enquêtes par questionnaire auprès de 200 ménages a été adoptée. Les résultats soulignent qu’à l’échelle de la ville de Bonon, les quartiers, Séhizra 2 et de Séhizra 1, s’approvisionnent en eau de SODECI et puits. Pour les quartiers Nord et frefredou, ils utilisent l’eau de SODECI, de BF et 76% au puits traditionnels. Quant à Bozra, Belleville et Séhizra, les puits traditionnels, les HV et l’eau courante constituent les sources d’eau. Quant aux problèmes de bien-être, les difficultés se traduisent par l’épuisement (32,6% des enquêtés), la déception (18,9%) aux attentes du servie d’eau, la colère et le mécontentement (14,3%), les maladies (14,1%), les dépenses financières supplémentaires (8,7%), le choque (5,1%), les pertes de temps et les retards (3,7%) et le stresse (2,6%).

Mots clés : Ville de Bonon, Accès à l’eau potable, bien-être social, fatigue

Abstract

 Water is a good with multiple qualities. It is involved in the functioning of living organisms, plants, animals and is a factor in agricultural, industrial development, services and many others. These multiple appreciations and riches have earned it the reputation of “blue gold”. However, its availability poses a problem in African local authorities, particularly in Ivory Coast. This is therefore the case of the town of Bonon, a local authority in central-western Ivory Coast. The article raises the problem of social well-being linked to access to drinking water in the said locality. Its aim is to show the problem of social well-being raised by the difficult access to drinking water in Bonon. To achieve the results, a methodology based on documentation and field data through direct observations, interviews and questionnaire surveys with 200 households was adopted. The results highlight that at the scale of the city of Bonon, the districts, Séhizra 2 and Séhizra 1, obtain water from SODECI and wells. For the North and Frefredou districts, they use water from SODECI, BF and 76% from traditional wells. As for Bozra, Belleville and Séhizra, traditional wells, HV and running water constitute the water sources. As for well-being problems, the difficulties result in exhaustion (32.6% of respondents), disappointment (18.9%) in the expectations of water service, anger and discontent (14.3%). %), illnesses (14.1%), additional financial expenses (8.7%), shock (5.1%), wasted time and delays (3.7%) and stress (2 .6%).

Keywords: City of Bonon, Access to drinking water, social well-being, tiredness

Introduction

Bien-être c’est bien-vivre, c’est également bénéficier d’une jouissance relative à un service, une situation voire un bien. Le bien-être peut être rapporté aux services sociaux de base, notamment à l’eau de boisson ; cela, quand son accès se fait en toute sécurité, de façon permanente, en quantité suffisante, en temps raisonnable et épargné de toute souffrance. Le bien-être social est avant tout un indicateur de santé ; dans la mesure où l’OMS (2014, p. 1) définit la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social. Cependant, quand l’accès aux services d’eau potable se pose avec acuité, parce que source de conflits, de fatigue générale, d’anxiété, de maladie, etc. (T.M. Diabia, 2019, p. 75), alors il soulève de ce fait des problèmes de bien-être relatifs à ce service. Cette situation est récurrente dans les collectivités locales d’Afrique, notamment en territoire ivoirien où l’accès à ce bien reste une équation difficile. Le problème le plus difficile à résoudre est souvent celui de l’approvisionnement en eau (M. Michaux, 2008, p. 171). Or, les projets d’approvisionnement en eau potable améliorent les conditions de vie des populations et crée ainsi le bien-être dans les communautés (A. A. AHMAT, 2015, p. 4) ; surtout quand on sait que l’accès à l’eau potable figure parmi les défis les plus curieux du développement durable. L’accès à l’eau potable est un paramètre clé de développement. Mais, dans les pays pauvres, il se pose comme un obstacle en matière de croissance ; dans les pays pauvres, la croissance repose sur l’agriculture fortement consommatrice d’eau. Ne pas sous-estimer la dimension sociale du développement durable, surtout l’accès à l’eau potable qui donne lieu à des inégalités de toutes sortes : entre pays ayant la maîtrise de la ressource et ceux en étant privés, entre régions abondantes en eau et régions arides, entre riches et pauvres, entre femmes et hommes, etc. (L. Baechler, 2012, p. 20).

A l’image des collectivités locales ivoiriennes, la ville de Bonon semble présenter des problèmes de bien-être justifiés par les modes d’accès à l’eau potable. Les sources d’approvisionnement en eau sont dans l’ensemble précaires et traditionnelles (F. N. N’Guessan et al., 2018, p. 204). Par ailleurs, dans la sous-préfecture de Bonon, 66% des ménages n’ont pas accès à l’eau potable, alors que 31,7% s’approvisionnent via les eaux de surface (F. N. N’Guessan et al., 2018, p. 213)  

L’article soulève le problème de bien-être social lié au difficile accès à l’eau potable dans la ville de Bonon. Il a pour objectif de montrer le problème de bien-être social lié à l’accès à l’eau potable dans la ville de Bonon. Spécifiquement, il montre la répartition des points d’approvisionnement en eau de boisson, étudie les modes d’accès en eau de boisson des ménages et analyse les problèmes de bien-être soulevés par ces modes d’accès à l’eau de boisson à Bonon.

1. Méthodologie

1.1. Présentation de la ville de Bonon 

La ville de Bonon est située au Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire dans la région de la Marahoué et dans le département de Bouaflé (Figure 1). 

Figure 1 : Localisation de la ville de Bonon

Bonon est située entre les Longitudes : 6°4’00’’ et 6°1’30’’Ouest et les Latitudes : 6°54’30’’ et 6°56’30’’ Nord. La ville compte 116 871 habitants avec un rapport de masculinité de 115 (RGPH, 2021, p. 25). Quant à la sous-préfecture de Bonon, elle totalise 112 629 habitants pour un rapport de masculinité de 118,8 (Op. Cit). Cela témoigne de la supériorité du genre masculin dans la ville : synonyme également de la force de travail ou du caractère attractif de la cité en termes d’offre d’emplois. Bonon est une zone de production agricole. En dehors des produits industriels d’exportation dont l’espace est grand producteur (café, cacao, anacarde, hévéa et autres), Bonon est une des grandes zones de production du vivrier en Côte d’Ivoire, notamment de la banane plantain, de l’igname, du taro, des légumes, des agrumes, etc. (A. C. A. KOUAKOU et al., 2018, p. 207). Ces atouts définissent des types de migrations et représentent de ce fait un facteur de densification et de pluralité ethnique de la cité.

1.2. Méthodologie de collecte de données

Pour la collecte de données, nous avons adopté deux techniques. Il s’agit de la recherche documentaire et des enquêtes de terrain (les observations, les interviews et le questionnaire adressé aux ménages). La documentation nous a permis de cerner le sujet et d’engager la discussion à travers les articles, les ouvrages, les mémoires et autres. Quant aux enquêtes de terrain, elles nous

ont accordé de disposer d’informations via l’observation et les données chiffrées auprès de la population en vue d’analyser et d’apprécier avec elle, les points d’eau disponibles, les systèmes d’accès à l’eau et ses enjeux. Les données de terrain ont été obtenues à partir d’un échantillon de 200 chefs de ménages tirés de façon raisonnée dans les huit quartiers de la ville de Bonon. Dans chaque quartier, 25 chefs de ménages ont été enquêtés (Tableau 1). 

Tableau 1 : Les enquêtés par quartiers de la ville de Bonon

Nom des quartiers de la ville de BononEffectifs
Belle Ville25
Vramis25
Bozra25
Frefredou Nord25
Frefredou Sud25
Sehizra 125
Sehizra 225
Sehizra25
Total200

Source : T.M. Diabia et A.D.F. Aké-Awomon, 2022

La ville de Bonon est organisée en huit quartiers. Ceux-ci constituent les zones de dénombrement de notre étude. Les informations recherchées auprès des ménages portent sur la situation socio démographie, les sources et modes d’approvisionnement en eau et les difficultés relatives aux services d’eau. Suite à la collecte de données, nous avons adopté plusieurs techniques de traitement. 

1.3. Traitement des données

Les logiciels ArcGis10.2 et Excel 2013 ont été utilisés pour le traitement et l’analyse des données. Le premier a permis de réaliser les cartes thématiques. Pour le second, il a servi à la confection des tableaux et graphiques. Les outils statistiques ont aidé à analyser les résultats à partir de plusieurs valeurs relatives qui portent sur les points d’approvisionnement en eau, les modes et moyens de transport de l’eau dans les ménages et les problèmes de bien-être exprimés par la population. Ces différentes techniques de traitement de données nous ont donné d’avoir les résultats suivants.

2. Résultats

Les résultats sont structurés autour de trois points : la répartition des points d’approvisionnement en eau de boisson, les modes d’approvisionnement en eau et les problèmes de bien-être social associés aux services d’eau. 

2.1. Points d’approvisionnement en eau de boisson dans la ville de Bonon : diversités et inégalités

La figure 2 présente les différents points d’approvisionnement en eau de boisson dans la ville de Bonon.

Figure 2 : Les points d’approvisionnement en eau de boisson dans la ville de Bonon Source : T.M. Diabia et A.D.F. Aké-Awomon, 2022

Les ménages de la ville de Bonon sont desservis par quatre principales sources en eau. Ils utilisent autant les sources modernes que les sources traditionnelles. Il s’agit de l’eau courante ou hydraulique urbaine (HU) distribuée par la SODECI, de la Borne-fontaine (BF) et de l’Hydraulique Villageoise (HV) en ce qui concerne les sources dites modernes. Quant aux sources traditionnelles, les eaux des puits traditionnels sont donc sollicitées. Celles-ci sont inégalement réparties dans la ville. Ainsi, 19,60% des ménages recourent aux eaux de la SODECI, 0,8% sont desservis par les Bornes Fontaines (BF), 1,60% utilisent les HV et 78% s’approvisionnent via les puits traditionnels.

A l’échelle des quartiers, trois classes se présentent dans l’analyse.

La première est représentée par ceux qui ont plus accès aux sources modernes ; à peu près le double de la moyenne de la ville (22%). Dans ces quartiers, au moins 40% des ménages ont accès à l’eau potable. Il s’agit de Séhizra 2 dont 40% s’approvisionnent au travers la SODECI et 60% via les puits traditionnels. A Séhizra 1 également, 44% des ménages sont desservis par la SODECI contre 56% de puits traditionnels.

La deuxième classe regroupe deux quartiers au sein desquels 24% des ménages utilisent les sources modernes (soit légèrement au-dessus de la moyenne de la ville) : le quartier Nord (12% SODECI,

4,16% BF, 8% HV et 76% de puits traditionnels) et le quartier Frefredou (20% SODECI, 4% BF et 76% de puits traditionnels).

Quant à la troisième classe, elle réunit les quartiers dont le taux d’accès aux sources modernes est inférieur ou égal 20% (moins que la moyenne de la ville). Ils sont au nombre de trois : Bozra (16% SODECI contre 84% de puits traditionnels), Belleville (16% SODECI contre 84% de puits traditionnels) et Séhizra (8% SODECI, 4% HV et 88% de puits traditionnels).

A partir de ces différents points d’eau, plusieurs modes sont utilisés par les ménages de la ville de Bonon pour la satisfaction de leur besoin en ressources hydriques. 

2.2. Une variété de modes d’accès en eau de boisson dans la ville de Bonon

Le tableau 2 montre une variété de modes d’accès et des moyens de transport de l’eau de boisson dans la ville de Bonon.

Tableau 2 : Modes d’accès et moyens de transport de l’eau de boisson à Bonon

La population de la ville de Bonon accède à l’eau de boisson à partir de 4 modes et 4 moyens de transport (Tableau 2). Les modes d’accès à l’eau de boisson sont structurés comme suit : Branchement privé à partir du réseau de la SODECI (BP) 36 ménages sur 200, soit 18% des citadins enquêtés ; l’accès via les revendeurs (ou points d’eau potable publiques), on dénombre 2 ménages, soit 1% du total ; les puits traditionnels dans la cour, ils sont estimés à 57,5% (soit 115 sur 200 ménages) et ceux qui accèdent aux puits traditionnels collectifs ou chez les voisins, ils représentent 27,5% (soit 55 ménages sur 200). 

Au niveau des modes d’accès, en termes de branchement privé (BP), aucun ménage enquêté de Blablata ne dispose de ce mode. A Sehizra, à Belleville, Bozra et à Fréfrédou Sud, le taux d’abonnement oscille entre 5,5% et 11,1%. Par ailleurs, à Séhizra 1, à Vramis et à Frefredou nord,

plus de 13% des ménages bénéficient des BP. Les raisons les plus avancées par les ménages quant au faible abonnement à la SODECI sont l’insuffisance du réseau de distribution d’eau dans les quartiers, surtout de l’absence de points d’eau potable et de l’inconstance dans la distribution de l’eau potable par la SODECI. En termes d’approvisionnement en eau via les revendeurs, seulement deux quartiers de la ville l’observent. Il s’agit de Sehizra et de Frefredou Nord. Dans tous les quartiers de Bonon, des ménages disposent variablement des puits traditionnels dans leur cour ou en dehors de leur habitat : Sehizra (10,4%), Belleville (13,4%), Bozra (13%), Frefredou Nord (13,9%) et Séhizra 2 (20,8%). En outre, des ménages accèdent à l’eau via les puits chez les voisins (Photo 1).  

Photo1 : Un exemple de puits traditionnel collectif à Frefredou Sud Prise de vue : T. M. Diabia, 2022

La disponibilité en eau dans les habitats a lieu grâce à plusieurs moyens de transport (Tableau 3).

Tableau 3 : Moyen de transport de l’eau à Bonon

                                                                           Moyens de transport de l’eau

     Modes d’accès à l’eau                                                                                                     

                                                        A                      A vélo                 A pied et              A moto

                                                  Brouette                                          sur la tète

Quartiers de Bonon

Belleville                              Eff        %           Eff       %              Eff          %           Eff      %

                                             1           5,88        3           27,27        19           11,51      2         50

Vramis                                  8           47,06      0           0               17           10,30      0         0

Bozra                                    1           5,88        1           9,09          22           13,33      0         0

Fréfrédou Nord                     2           11,76      2           18,18        21           12,72      0         0

Fréfrédou Sud                       1           5,88        1           9,09          23           13,94      0         0

Sehizra 1                               2           11,76      2           18,18        19           11,51      2         50

Sehizra                                  1           5,88        0           0               22           13,33      0         0

Sehizra 2                               1           5,88        2           18,18        22           13,33      0         0

Total                                     17         100         11         100           165         100         4         100

Source : T.M. Diabia et A.D.F. Aké-Awomon, 2022

Les quatre moyens de transport de l’eau recourus par les ménages sont différents selon les quartiers. 17 ménages utilisent des brouettes, 11 recourent aux vélos, 165 à pied et quatre s’approvisionnent à partir des motos. A Frefredou Nord et Séhizra 1, 11,76% recourent aux brouettes, tandis qu’à Vramis, 47,06% usent cette pratique. Dans les autres quartiers moins de 6% de ménages observent cette pratique. Le moyen le plus adopté par les ménages de Bonon est plutôt un récipient ou un bidon à pied et sur la tête. Par ailleurs, les récipients ouverts sont les plus utilisés à cause du recours massif des ménages aux puits traditionnels et de la facilité du remplissage de ceux-ci aux points d’eau (Photo 2).

Photo 2 : Collecte d’eau de puits par un jeune homme à Frefredou Sud Prise de vue : T. M. Diabia, 2022

Toutes ces pratiques relatives aux modes et moyens de collecte de l’eau sont à l’origine, selon les ménages, de véritable problème de bien-être social à Bonon.    

2.3. Une multiplicité de problèmes de bien-être social liés au difficile accès à l’eau de boisson dans la ville de Bonon

Les points d’eau, les modes d’approvisionnement et les moyens de transport de l’eau de boisson dans les ménages de Bonon empiète sur le bien-être social de ladite population. Ces différents problèmes recensés auprès des ménages sont exprimés dans le tableau 4. 

Tableau 4 : Les différents problèmes de bien-être social liés à l’eau dans la ville de Bonon  

Problèmes de bien-être liés à l’accès à l’eauEffectifs des ménagesProportion de ménages (%)
Déception7418,9
Colère/mécontentement5614,3
Choquant205,1
Fatigant/pénible8120,8
Stressant102,6
Douleur4611,8
Pertes de temps/retard143,7
Maladies5514,1
Dépenses supplémentaires348,7
Total390100

Source : T.M. Diabia et A.D.F. Aké-Awomon, 2022

Le tableau 4 révèle une variété de problèmes de bien-être social exprimés par les ménages de la ville de Bonon. Ceux-ci sont relatifs à l’approvisionnement en eau de boisson dans les habitations. Ainsi, pour 2,56% des enquêtés, les difficultés d’accès à l’eau de boisson posent le problème de stress. Quant aux 3,59% des ménages de Bonon, la quête de l’eau est à l’origine des pertes de temps qui influencent négativement l’avancée des activités génératrices de revenus. Alors que 5,13% qualifient au quotidien, cette situation de choquante. Par ailleurs, 8,72% pensent que le problème d’accès à l’eau potable renvoie à des dépenses supplémentaires (Figure 3).

Figure 3 : Répartition des différents problèmes de bien-être liés à l’eau de boisson à Bonon  Source : T.M. Diabia et A.D.F. Aké-Awomon, 2022

A Bonon, 14,1% des ménages lient les problèmes de santé à la quête de l’eau de boisson et 11,79% pensent que le mode de collecte et de transport de l’eau est à l’origine des douleurs physiques. Certains ménages (14,36%) associent des colères voire des mécontentements à l’obtention de l’eau de boisson. En outre, 18,97% expriment des déceptions relatives à la discontinuité de l’eau de la SODECI et à la pénibilité du puisage et de transport de l’eau dans les habitats. Pour 20,77%, enfin,

cette situation est à l’origine de la fréquence des fatigues générales. Tous ces sentiments d’inquiétudes exprimés par les ménages constituent de ce fait, de véritables problèmes de bien-être social dans les foyers de la ville de Bonon.

3. Discussion

L’étude montre le rapport entre l’accessibilité à l’eau de boisson et le bien-être social dans la ville de Bonon. Il ressort des résultats que cette population accède difficilement à l’eau potable ; seulement 22% (dont 19,60% pour eau courante, 0,8% pour BF et 1,60% pour HV) bénéficient d’un point d’eau potable. Cette situation est expliquée à Bonon par l’insuffisance des équipements d’adduction en eau potable, surtout l’inexistence de réseaux de canalisation et le caractère intermittent du service d’eau dans les quartiers comme Séhizra 1, Vramis et Frefredou nord. Toute chose qui oblige les ménages à développer d’autres stratégies pour s’alimenter en eau de boisson.

Il s’agit principalement des eaux des puits traditionnels qui ravitaillent 78% des enquêtés de Bonon. En effet, en dépit des difficultés relatives aux modes et moyens d’accès à l’eau, la population est exposée aux véritables problèmes de bien-être social. Il s’agit de l’effet du puisage de l’eau dans les puits, le tarissement des puits, l’intermittence du service d’eau courante, l’approvisionnement via les revendeurs, les brouettes, les motos, les vélos et à pied sur la tête à partir, soit d’un bidon, soit d’un récipient ouvert. Ainsi, si pour 8,71% des enquêtés cette situation occasionne des dépenses supplémentaires, 11,79% parlent des douleurs physiques au quotidien, 14,1% lient cette situation aux maladies tandis que 14,36% expriment des colères relatives aux difficultés de l’accès à l’eau. En outre, 18,97% traduisent une déception à cet effet et 20,77% associent des cas de fatigue générale aux modes d’accès à l’eau de boisson.  

Les résultats de cette étude viennent compléter et conforter celle de A. Diabagaté et al. (2016, p. 356), qui étale les stratégies développées par les populations abidjanaises face à la forte densité démographique et à l’insatisfaction de l’eau potable par les services de la SODECI. Ainsi, en dépit des difficultés liées à l’approvisionnement en eau potable dans la ville d’Abidjan, les populations vont développer plusieurs stratégies (A. Diabagaté et al., 2016, p. 356). Il s’agit de l’achat d’eau chez les revendeurs, de l’usage de puits traditionnels, de l’installation des suppresseurs et d’équipements de stockage d’eau privé, du déménagement dans les quartiers mieux approvisionnés en eau potable et de la fraude sur le réseau d’eau public. Ces difficultés de parvenir à l’eau potable représentent des surcoûts budgétaires des ménages à cause du prix d’achat, du recours aux porteurs pour le transport des bidons (A. Diabagaté et al., 2016, p. 357). Pour certains ménages de la commune de Marcory remblais, c’est une humiliation de se lever très tôt le matin avec des bidons sur la tête pour chercher de l’eau (A. Diabagaté et al., 2016, p. 358) ; ce qui représente ainsi de véritables inquiétudes pour la population face au défi du développement, et donc des problèmes de bien-être liés à l’eau dans la métropole ivoirienne. Par ailleurs, l’approvisionnement difficile en eau potable à Abobo, Yopougon et Marcory occasionne des manifestations de la population, notamment des femmes contre les services de la SODECI à travers une opération appelée ’’opérations casseroles’’ (A. Diabagaté et al., 2016, p. 359). 

Les effets liés à la quête de l’eau de boisson sont pluriels : des dépenses imprévues, des maladies, les décès, des conflits, des tensions, l’épuisement physique à cause de la distance, etc. (S. Dos Santos et al., 2007, p.367, T. M. Diabia, 2019, p. 75). Les tensions sur la ressource en eau ne viennent pas en réalité d’un épuisement de la ressource, mais plutôt d’une mobilisation et d’une consommation excessives (F. Lasserre, 2012, p. 251). Cela permet de comprendre la place de la dynamique démographique sur le bien-être lié à la quête de l’eau. Quand on sait que la densité démographique favorise la surexploitation (surutilisation) des ressources en eau et dont la pression sur les équipements existants. Face donc à la rareté des investissements dans le secteur (Château d’eau, les réseaux de distribution de l’eau dans les quartiers en extension) et la dynamique d’une occupation spatiale beaucoup plus horizontale, il est évident que l’accès à l’eau potable pose le problème de bien-être à la population. L’inadéquation entre la croissance démographique et l’offre des services de base, notamment l’eau potable piège le bon fonctionnement des sociétés et influence négativement le bien-être sociétal. Surtout que l’espace de Bonon est influencé par sa proximité du parc national de la Marahoué ; ce qui permet à la sous-préfecture d’enregistrer une densité oscillante entre 80 et 100 habts/km2 (A.C.A. Kouakou et al., 2018, p. 215). Une situation géographique qui favorise une immigration de type agricole des allochtones (baoulé, sénoufo, lobi) et étrangers (burkinabés, maliens, guinéens). Alors, comment répondre aux besoins en eau d’une population en croissance perpétuelle et parfois illégalement constituée ? Notre étude étale les problèmes de bien-être associés aux modes et moyens d’accès à l’eau de boisson dans les villes de Bonon. Elle démontre, en effet, que cette situation de non satisfaction des besoins en eau potable concerne 78% de ménages. Ce qui représente un véritable défi face à la politique de développement de la Côte d’Ivoire via la décentralisation (les communes, les départements et les régions).  Le bon fonctionnement des entités territoriales reste, de ce fait, un enjeu majeur à travers la question de l’eau de boisson. La réalisation d’équipements hydriques, la canalisation des quartiers, la politique sociale de l’abonnement aux réseaux de distribution d’eau potable dans les ménages deviennent une nécessité et une priorité dans des communes, notamment à Bonon. Cela doit passer par des études intelligentes associant les caractéristiques de la population, de l’espace aux équipements en eau selon le temps. Quand on sait que l’eau est une ressource stratégique (F. Lasserre, 2012, p. 250) et est à l’origine des tensions sociales dans les collectivités territoriales ivoiriennes (T. M. Diabia, 2019, p. 75). Surtout que le problème le plus difficile à résoudre est souvent celui de l’approvisionnement en eau (M. Michaux, 2008, p. 171). Ainsi, les autorités (l’Etat, les conseils régionaux, les maires, les mutuelles de développement), les ONG, les bailleurs de fonds et les populations doivent mutualiser leurs efforts en vue de donner de la quiétude liée à l’eau de boisson (vu ses différents enjeux) ; car, dans les espaces urbain, l’accès à l’eau dépend principalement des infrastructures d’adduction et d’épuration de la ressource et la priorité est souvent à la construction et à l’entretien de ces infrastructures (L. Baechler, 2012, p. 19). L’étude donne de comprendre le rapport entre le bien-être social et la quête quotidienne de l’eau de boisson à Bonon, toutefois, elle n’a pas révélé tous les effets associés aux difficultés d’accès à ce bien. Il s’agit notamment des déménagements, des fraudes sur le réseau et certains types de tensions tels qu’évoqués par d’autres auteurs dans le texte. Au terme de cette discussion, il ressort que les

problèmes de bien-être social lié à la diversité d’approvisionnement en eau à Bonon est aussi observée par des auteurs dans différentes zones.  

Conclusion

La population de la ville de Bonon recourt à plusieurs points d’eau pour son alimentation au quotidien. Ceux-ci sont composés autant de sources modernes (eau courante, hydraulique villageoise et hydraulique villageoise améliorée) que de sources traditionnelles, notamment les puits traditionnels. Si 22% des enquêtés accèdent à l’eau potable, ce n’est pas le cas de la majorité, soit 78% qui ne recourent qu’aux puits traditionnels pour leur approvisionnement. Par ailleurs, la disponibilité en eau dans les ménages de Bonon a lieu grâce à plusieurs modes et moyens de transport (branchement privé revendeurs, brouettes, motos, vélos et à pied sur la tête à partir soit d’un bidon ou d’un récipient ouvert). Cependant, les difficultés relatives à l’accès à l’eau potable sont à l’origine de plusieurs maux exprimés par les ménages : les déceptions, les colères, les chocs, les fatigues générales, les stresses, les pertes de temps dans les services, les maladies et les dépenses supplémentaires. Ceux-ci constituent de véritables problèmes de bien-être social lié à l’accès à l’eau potable au sein de la population de la ville de Bonon. Ces résultats ont été possibles grâce à la méthode adoptée. Il est souhaitable de recourir à d’autres méthodes dans des localités différentes afin d’enrichir la discussion. 

Références bibliographiques

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