Analyse de l’Etat de la forêt à l’épreuve de l’étalement urbain dans le district autonome d’Abidjan de 1988 à 2020

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Ahou Brice Larissa KONAN, konanahoularissa4@gmail.com

Kouacou Jean-Marie ATTA, , jeanmarie_kouac@yahoo.fr

Kouassi Fulgence N’GUESSAN,), , dr.nkful8@yahoo.fr

Université Félix Houphouët-Boigny de Côte d’Ivoire

Résumé :

En raison de la concentration de la plupart des activités économiques dans le District autonome d’Abidjan, de l’exode des populations dû à la crise poste électorale de 2002 et de la diversité des opportunités d’affaires que représente de cette région pour les bailleurs de fonds, ce District se présente comme le pôle d’une urbanisation nationale irréversible, avec une population urbaine représentant plus de 40 % de la population urbaine nationale. Il se présente alors un besoin de logement et d’infrastructures. Face à ce besoin de plus en plus grandissant, on assiste à une utilisation des terres à la périphérie et dans le District d’Abidjan. Cette étude a pour objectifs de déterminer la superficie de forêt dans ce District de 1988 à 2000 et de 2000 à 2020, ensuite d’analyser les facteurs à la base de la réduction progressive du patrimoine forestier et enfin, évaluer les stratégies de protection du patrimoine forestier dans un contexte de régression des superficies de forêts. Pour se faire, des données ont été collectées à travers les sources documentaires, l’observation directe, les entretiens semi-structurés, l’échantillon et l’acquisition d’images satellites. Également, une méthode et technique de prétraitement et de traitement d’images ont été utilisées, il s’agit notamment de la technique de la classification supervisée. A la suite de ces traitements, les résultats obtenus ont montré que les superficies de sols nus/habitats et de l’agroforesterie sont en évolution permanente depuis le début des années 1980, et cela au détriment des superficies des forêts primaires et secondaires. Toutefois, dans la période des années 2000 à 2020, l’on note un ralentissement de l’agroforesterie et une baisse accentuée des forêts primaires et secondaires au profit des habitats. Par conséquent, si aucune mesure n’est prise pour freiner cet étalement urbain, d’ici 2040, les forêts primaires et secondaires ne seront qu’un lointain souvenir dans le District.

Mots clés : District d’Abidjan, Agroforesterie, Forêt, Épreuve, Étalement urbain.

Abstract

Due to the concentration of most economic activities in the Autonomous District of Abidjan, the exodus of populations following the 2002 post-election crisis and the diversity of business opportunities that represents this region for donors, this District presents itself as the center of irreversible national urbanization, with an urban population representing more than 40% of the national urban population. There is then a need for housing and infrastructure. Faced with this increasingly growing need, we are witnessing land use on the outskirts and in the District of Abidjan. The objectives of this study are to determine the forest area in this District from 1988 to 2000 and from 2000 to 2020, then to analyze the factors underlying the progressive reduction of forest heritage and finally, Evaluate forest heritage protection strategies in a context of declining forest areas. To do this, data was collected through documentary sources, direct observation, semi-structured interviews, the sample and the acquisition of satellite images. Also, a method and technique for image preprocessing and processing were used, including the supervised classification technique. Following these treatments, the results obtained showed that the areas of bare soil/habitats and agroforestry have been constantly changing since the beginning of the 1980s, to the detriment of areas of primary and secondary forests. However, in the period from 2000 to 2020, there is a slowdown in agroforestry and a marked decline in primary and secondary forests in favor of habitats. Consequently, if no measures are taken to curb this urban sprawl, by 2040, primary and secondary forests will only be a distant memory in the District. This study shows that urban sprawl is the main factor in the decline in forest areas during this decade.

Keywords: Abidjan District, Agroforestry, Forest, Challenge, urban sprawl.

Introduction

A l’instar des villes africaines, Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire a connu une urbanisation fulgurante depuis son accession à l’indépendance en 1960, avec un taux d’urbanisation de 95 % (RGPH, 2012). Cette urbanisation a engendré une régression progressive, puis rapide du patrimoine forestier ivoirien dès le début des années 80 et ce, jusqu’à nos jours. Suivant les travaux de Asseypo Hauhouot (1992, pp.360-361) la forêt ivoirienne connait une régression spectaculaire depuis le début du XXème siècle du fait du déchiffrement lié au développement économique et extensif des plantations, de l’industrie locale du bois et de l’exploitation des grumes. En 2021, la population du District est passée à 6 321 017 habitants soit 21,5 % de la population totale du pays (RGPH, 2021).

Étant donné la forte attraction démographique et la nécessité de satisfaire les besoins en logement de la population, l’étalement urbain dans la région devient un facteur majeur de déforestation. Il est alors nécessaire de faire un bilan des ressources forestières dans le District afin d’évaluer les stratégies de protection du patrimoine forestier dans un contexte de ville verte durable. Dès lors, quel est l’état des forêts dans la région de 1988 à 2020 ? Il s’agit de déterminer la superficie de la forêt de 1988 à 2000 et de 2000 à 2020.

1.    Présentation de la zone d’étude

Le District d’Abidjan sur lequel porte cette étude, est situé dans le Sud de la Côte d’Ivoire. Situé entre la latitude de 5.3364 et la longitude de -4.0266 5° 20′ 11″ Nord, 4° 1′ 36″ Ouest, il est bordé au Sud, par l’Océan Atlantique, au Nord, par le département d’Agboville, à l’Est par les départements d’Alépé et de Grand-Bassam, et à l’Ouest par les départements de Jacqueville et de Dabou, le District d’Abidjan (Figure 1) s’étend sur une superficie de 2 119 km² (211 900 ha) soit 0,6 % du territoire national, avec un plan d’eau qui représente environ 15 % de sa superficie.

Source : INS                                          Réalisation : Konan Ahou Brice Larissa 2022

Figure 1: Localisation de la zone d’étude

2.    Données et méthodes

2.1  Les données

2.1.1  Les données statistiques

Ils concernent les données sur le Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH, 1988, 2014) de l’Institut National de la Statistique (INS). Ces données nous ont permis de connaitre de façon précise la taille de la population, son taux de croissance et sa densité.

2.1.2  Les données cartographiques

Les données cartographiques utilisées sont entre autres une couche numérique géo-référencée du District Autonome d’Abidjan fournie par l’INS. Les données contiennent des couches vecteurs représentant les contours du District Autonome d’Abidjan, les routes, le réseau hydrographique, les zones de reboisement et les installations d’équipements. Elles nous ont permis d’extraire notre zone d’étude.

2.1.3  Les données satellitaires

Les données satellitaires sont des informations obtenues par satellite, elles nous sont transmises sous forme d’image, et sont appelées images satellitaires. En effet, une imagerie satellite (ou

satellitaire) qualifie une imagerie de télédétection recueillie par les satellites artificiels (Spot, Landsat, Ikonos, Terra, etc.) en orbite autour de la terre ou d’autres planètes. Les images pour cette étude concerne des images Landsat des années 1988, 2000 et 2020.

2.2  Les méthodes

Nous avons utilisé des méthodes pour traiter les différentes données afin d’aboutir aux résultats.

2.2.1  L’enquête de terrain

La mission de terrain s’est effectuée en trois étapes du 09 au 18 juin 2020 sur la zone d’étude, en particulier dans les localités de Songon, Anyama et Bingerville. Durant la première étape, il a été question de retrouver les points intégrés dans le récepteur GPS, afin d’identifier, vérifier et décrire les différentes unités d’occupation du sol répertoriés. Ainsi, nous avons visité deux cent quatre-vingts (280) parcelles d’entrainement sur la zone d’étude.

La deuxième étape à consister à faire des prises de vue (photo), des entretiens, des enquêtes et des levés de points GPS. Une troisième mission de terrain a été effectuée en complément de la deuxième. Ces missions ont permis de collecter des points qui ont servi à la validation des cartes d’occupation du sol.

2.2.2  Le traitement des données

Cette phase évoque les démarches qui nous ont permis d’aboutir aux résultats de l’étude. Ainsi, dans le cadre de cette étude, pour obtenir des résultats, nous avons procédé au traitement des données statistiques, puis au traitement des images satellitaire.

En effet, nous avons commencé par le téléchargement des images satellitaires, ensuite nous avons fait un traitement des données satellitaires qui a consisté à faire des prétraitements d’images (corrections radiométriques et atmosphériques), à l’amélioration et l’extraction de la zone d’étude et enfin, les opérations de traitement d’images.

_ Classification d’images et production de carte d’occupation du sol

À l’issue des données obtenues lors de nos enquêtes, plusieurs méthodes de classification ont été effectuées sur les images Landsat de 2020. Après cela, les zones stables et non stables ont été choisies pour effectuer la classification des images Landsat 1988 et 2000. Toutefois, nous notons que la classification qui a permis d’avoir un meilleur résultat est la classification supervisée par maximum de vraisemblance.

_ Évaluation et validation de la classification supervisée

La validation de la qualité des résultats de la classification sera nécessaire pour déterminer la fiabilité de ces documents cartographiques (Puissant, 2003). Cette validation de la classification est effectuée à travers des méthodes qualitatives (interprétation visuelle) et quantitatives (la matrice de confusion). Elle consiste à faire une photo-interprétation numérique des cartes. Les résultats de la classification sont déterminés par des indicateurs de précision tels que le coefficient kappa et la précision globale.

Le coefficient Kappa indique comment les données à classer s’accordent aux données de référence. Il constitue une mesure fiable dans l’évaluation des classifications thématiques car il examine tous les éléments dans la matrice de confusion et prend en compte à la fois des erreurs d’omissions et de commissions (Rosenfiel et Filztpatrick-lins, 1986).

La précision globale est égale au nombre total de pixels correctement classifiés (diagonale de la matrice de confusion) divisé par le nombre total de pixels de vérification (Singh, 1986).

L’indice kappa évalue dans la matrice de confusion l’accord entre les résultats obtenus par satellite (carte) et la vérité sur le terrain (BD).

Il s’étend de 0 à 1 et se divise en cinq catégories : accord très faible de 0 à 0,20 ; accord faible de 0,21 à 0,40 ; accord modéré de 0,41 à 0,60 ; accord substantiel de 0,61 à 0,80 ; accord presque parfait de 0,81 à 1.

_ Vectorisation et rédaction cartographique

La vectorisation est la dernière étape du traitement des images satellites. Il s’agit de convertir les résultats de la classification en mode vecteur pour la suite des traitements.

Le rendu cartographique consiste à réaliser la carte d’occupation du sol en ajoutant les éléments sémiologiques d’une carte pour l’embellir : le Nord géographique, la légende, l’échelle, et les coordonnées géographiques.

_ Le traitement statistique

Le traitement statistique a permis de réaliser des tableaux, des diagrammes, des courbes à partir de données statistiques. Pour ce qui concerne le traitement des données de l’entretien, les enregistrements ont été effectués afin de compléter les prises de notes. Les opinions émises ont été ensuite classées par thématique et par idée dominante. Le classement des idées s’est fait en fonction des objectifs de recherche. Le traitement des fiches d’enquête s’est fait à travers le logiciel Excel qui a permis d’obtenir des bases de données, de réaliser des tableaux et des graphiques. L’analyse statistique a porté essentiellement sur le calcul des superficies, des pourcentages et des taux de changement des unités d’occupation du sol, des trois dates de notre étude. Le taux de changement consiste à produire des matrices de détections des changements issus de la comparaison entre les pixels de deux classifications entre deux dates (Girard et Girard, 1999).

_L’analyse de la dynamique forestière

Elle consiste d’abord à calculer la différence de superficie d’une affectation au sol entre deux dates. Ainsi, l’évolution peut être observée à travers la baisse ou l’accroissement de la superficie. Cela permettra d’évaluer respectivement la surface forestière disparue ou non disparue.

Le calcul du taux de changement moyen annuel (Tc) (encore appelé le taux moyen annuel d’expression spatiale) des deux grands traits de l’occupation du sol.

Le taux de changement moyen annuel permet d’estimer la proportion de gain ou de perte des superficies des unités d’occupation du sol par année. Cela a constitué à déterminer les changements intervenus au niveau des grands ensembles de l’occupation du sol en faisant ressortir leurs superficies pour chaque année sur les trois (3) périodes qui sont : la période 1988- 2000, la période 2000-2020 et la période 1988-2020. Par la suite, une analyse approfondie a été faite pour évaluer l’évolution de la forêt au sein des grandes unités d’occupation du sol. Cette analyse s’est faite grâce au calcul du taux moyen annuel d’expansion spatiale (Tc), couramment utilisé dans des études sur changement d’occupation du sol. (FAO, 1996 ; Hadjdj, 2011) cite par Kouassi (2014). Ce taux de changement s’évalue à partir de la formule suivante :

Tc = [(𝐒₂/ 𝐒₁) /𝒕 – 1] x 100 (3) Tc = taux de changement (%)

S1 = superficie de la classe à la date t1

S2 = superficie de la classe à la date t2 (t2 > t1) t = nombre d’années entre les deux dates.

L’analyse des valeurs du taux de changement montre que les valeurs positives indiquent une « progression » et les valeurs négatives, une « régression ». Les valeurs proches de zéro indiquent que la classe est relativement « stable ».

3.    Résultats

3.1.  La superficie de la forêt dans le district d’Abidjan de 1988 a 2000 et de 2000 a 2020

3.1.1  Situation de l’occupation du sol en 1988

Les grands ensembles de l’occupation du sol du District d’Abidjan sont repartis en différentes affectations au sol. La situation détaillée de l’occupation du sol en 1988 a été présenté par l’identification des superficies des différentes affections au sol en 1988 puis par la réalisation d’une carte de répartition des différentes affectations du sol dans le district d’Abidjan en 1988. La superficie de ces différentes affectations au sol a été déterminée en fonction de la superficie globale du District d’Abidjan qui est de 192 595 ha soit 100% de la zone d’étude et de leurs pourcentages dans la matrice de confusion. Le tableau 1 présente les différentes affections du sol et leurs superficies en 1988.

Tableau 1 : Répartition des types d’affectations du sol en 1988

Les unités d’occupation du solSuperficie (ha)Pourcentage (%)
Forêt primaire88 092,0245,74
Forêt secondaire42 144,1821,88
Agroforesterie24 099,0712,51
Champs/ jachère12 089,576,28
Sols nus et habitats16 075,058,35
Eau10 095,135,24
Total192 595100

Source : image Landsat 1988,           Konan Ahou Brice Larissa 2022.

Dans le tableau 1, la forêt primaire en 1988 occupait 88 092,02 hectares sur les 192 595 hectares que compte la totalité de l’espace du District d’Abidjan. La forêt secondaire quant à elle, occupait 42 144,18 sur 192 595 hectares que compte la totalité de l’espace du District d’Abidjan. Au total, la forêt en 1988 occupait environ 130 236,20 hectares sur les 192 595 hectares que compte la totalité de l’espace du District d’Abidjan soit 67,62% de la superficie du District. La répartition des différentes affectations au sol dans le district d’Abidjan en 1988 s’observe à travers la carte de l’occupation du sol du District d’Abidjan de la figure 2.

La figure 2 présente la répartition des différentes affectations au sol du District d’Abidjan en 1988. Celles-ci présentent la forêt primaire qui est une forêt naturelle ou peu anthropisée, la forêt secondaire qui est une forêt fortement modifiée par l’action de l’homme, l’agroforesterie

qui est une plantation d’arbre, la jachère qui représente un champ, les habitats et l’eau. Sur la carte, l’apparition de ses derniers est fonction de leurs positions géographiques dans le District d’Abidjan. Nous pouvons alors observer les forêts primaires au Nord-Est, au centre et au Nord- Ouest du District. En effet, la présence des forêts primaires au Nord-est est due à la présence du jardin botanique d’environ 57 ha et de forêt sacrée dans les villages Ebrié de Bingerville, au Centre la forêt primaire qui s’observe est due à la présence du parc national du Banco au cœur de la ville d’Abidjan. Ainsi, la forêt primaire au nord-ouest du District indique qu’en 1988 la forêt classée d’Anguédédou contenait encore une portion de forêt primaire. Quant à la forêt secondaire, elle occupe une grande partie du Nord-ouest du District. Il s’agit en effet de de l’infiltration dans la forêt Niangon et d’Anguédédou par les populations rurales des communes d’Adjamé pour des cultures de manioc, de vivrier et de palmier. En ce qui concerne les jachères, elles occupent le Nord-est et le Sud-ouest du District. Cela est dû à la culture des vivriers pour la consommation locale dans les communes de Yopougon et Adjamé.

Au niveau de l’agroforesterie, elle occupe la totalité de l’Ouest du District.

Les sols nus/habitats sont perçus au Centre et au Sud et sont peu dispersés dans le District. Cette position explique la condensation des habitats et des activités économiques au centre de la ville d’Abidjan notamment dans les communes de Koumassi, Marcory, Treichville, Plateau Adjamé et Yopougon.

Nous remarquons que déjà en 1988 la forêt primaire avait subi d’importantes dégradations notamment au Nord et au Centre du District d’Abidjan, au Nord-Est et au Nord-Ouest se trouve une légère portion de forêt primaire. La partie sud du District est dominée par le sol nu et les habits. L’agroforesterie et les champs/jachère sont plus présents dans le côté Sud-Ouest du District.

3.1.2  Situation détaillée de l’occupation du sol en 2000

La superficie des différentes affections du sol en 2000 a été enregistrée dans le tableau 2.

Tableau 2 : Répartition des types d’affectations du sol en 2000

Les unités d’occupation du solSuperficie (ha)Pourcentage (%)
Forêt primaire32 059,7816,65
Forêt secondaire27 097,1714,07
Agroforesterie51 079,2726,52
Champs/ jachère18 109,039,4
Sols nus et habitats55 190,3928,66
Eau9 059,184,7
Total192 595,00100

Source : résultat de la classification de l’image Landsat 2000

Source : image Landsat 8                                  Réalisation : Konan Ahou Brice Larissa, 2022

Figure 2 : Occupation du sol en 1988

Le tableau 2, la forêt primaire en 2000 occupait 32 059,78 hectares sur les 192 595 hectares que compte la totalité de l’espace du District d’Abidjan. La forêt secondaire quand elle, occupait 27 097,17 sur 192 595 hectares que compte la totalité de l’espace du District d’Abidjan. Au total, la forêt en 2000 occupait environ 59 156,95 hectares sur les 192 595 hectares que compte la totalité de l’espace du District d’Abidjan, soit 30,72% de la superficie total du District. De 1988 à 2000, le District d’Abidjan a perdu plus de la moitié de son patrimoine forestier. La répartition de différentes affectations au sol dans le district d’Abidjan en 2000 s’observe à travers la carte de l’occupation du sol du District d’Abidjan de la figure 3.

La figure 3 représente la répartition des différentes affectations au sol du le District d’Abidjan en 2000. Nous remarquons une diminution très marquée des forêts primaires et secondaires. En effet, les forêts qui étaient secondaires en 1988 ont été pour la plupart détruites pour faire place aux agroforesteries, les forêts primaires quant à elles, ont subi l’action de l’homme et sont devenues des forêts secondaires, seulement une minorité subsiste au cœur de la ville d’Abidjan, à la périphérie Nord-Ouest et Sud du District d’Abidjan. Les plantations et les habitats progressent de plus en plus dans les forêts.

Il ressort de cette observation que, la quasi-totalité des forêts qui occupaient toute la périphérie en du District en 1988 ont été remplacées par les plantations d’arbre à but agronomique appelé

Agroforesterie. Nous en déduisons que de 1988 à 2000, la forêt a été détruite au profit de l’agroforesterie.

Source : image Landsat 8                                Réalisation : Konan Ahou Brice Larissa, 2022

Figure 3 : Occupation du sol en 2000

3.1.3  Situation détaillée de l’occupation du sol en 2020

La superficie des différentes affections du sol en 2020 a été enregistrée dans le tableau 3.

Tableau 3 : Répartition des types d’affectations du sol en 2020

Les unités d’occupation du solSuperficie (ha)Pourcentage (%)
Forêt primaire15 389,088
Forêt secondaire11 159,235,8
Agroforesterie62 881,8732,65
Champs/ jachère14 079,177,31
Sols nus et habitats80 308,3241,69
Eau8 774,354,55
Total192 595100

Source : résultat de la classification de l’image Landsat 2020, Konan Ahou Brice Larissa 2022

Le tableau 3 montre que la forêt primaire en 2020 occupait 15 389,08 hectares sur les 192 595 hectares que compte la totalité de l’espace du District d’Abidjan. La forêt secondaire quand elle, occupait 11 159,23 sur 192 595 hectares que compte la totalité de l’espace du District d’Abidjan. Au total, la forêt en 2020 occupait environ 26 548,31 hectares sur les 192 595 hectares que compte la totalité de l’espace du District d’Abidjan, soit 13,8% de la superficie total du District. En 2020, le District d’Abidjan a également perdu plus de la moitié du patrimoine forestier qu’il possédait en 2000.

La figure 4 présente la répartition des différentes affectations au sol du District d’Abidjan en 2020. Nous remarquons une disparition quasi-totale des forêts primaires aux profits de l’agroforesterie et des sols et habitat. En effet, la forêt qui subsistait au Nord-Est en 1988 à a fait place à l’agroforesterie, aussi constate-t-on une diminution des champs et jachère. Cependant, on contact de plus en plus une infiltration des sols nus et habitats dans les agroforesteries et dans le reste des forêts secondaires, ce qui s’explique par l’essor des logements et des infrastructures dans les communes de Songon Bingerville et Anyama. Dans le District d’Abidjan, on observe une répartition inégale des éléments qui occupent le sol du District.

Source : image Landsat 8 2020           Réalisation : Konan Ahou Brice Larissa, 2022.

Figure 4 : Occupation du sol en 2020

3.2.  Évolution des types de l’occupation du sol entre 1988, 2000 et 2020 en fonction de leur superficie

La perception de l’évolution de l’occupation du sol s’est faite par le croisement des informations issues des cartes de l’occupation du sol de 1988, 2000 et 2020.

3.2.1  Évolution de l’occupation du sol entre 1988 et 2000 en fonction des superficies

De 2000 à 2020, on remarque une réduction des forêts et une augmentation des sols et habitats. En effet, les forêts primaires qui étaient à 32 059.78 ha sont passées à 15 389.08 ha, soit une réduction de 51% des forêts primaires, également les forêts secondaires qui occupaient 27 097.17 ha ont subi une réduction de 58%, elles occupent en 2020, 11 159.23 ha.

Tableau 4 : Évolution de l’occupation du sol de 2000 à 2020

Les                      unités d’occupation du solSuperficieAccroissement (+) Réduction (-)
20002020
Ha%Ha%
Forêt primaire32 059,7816,6515 389,088-16 670,69
Forêt secondaire27 097,1714,0711 159,235,8-15 937,94
Agroforesteries51 079,2726,5262 881,873,65+1 1802,6
Champs/ jachère1 8109,239,4014 079,177,31-4 030,06
Sols nus et habitats55 190,3928,6680 308,3241,69+25 117,93
Eau9 059,184,708 774,354,55-284,83
Total192 595100192 5951000

Source : images Landsat 2000 et 2020, Konan Ahou Brice Larissa 2022

Cependant, on remarque une augmentation au niveau des agroforesteries et des sols nus et habitats, les agroforesteries qui occupaient 51 079.27 en 2000 sont passées à 62 881.87ha en 2020, soit une augmentation de 23%, également les sols nus et habitats qui occupaient 55 190.39 ha sont passés à 80 308.32 ha en 2020, soit une augmentation de 46%.

3.2.2  Évolution des superficies des types de l’occupation du sol du District d’Abidjan de 1988 à 2020

L’évolution des grands ensembles de l’occupation du sol entre 1988 et 2020 a été représentée par un histogramme groupé dans la figure 5.

La figure 5 présente trois tendances d’évolution des grands ensembles de l’occupation du sol dans le District d’Abidjan. Notons qu’en 1988, la forêt dans le District d’Abidjan souffrait déjà de dégradation, il ne restait que 45.74% de sa valeur initiale (1960).

Au travers de ce graphique nous notons une diminution de la superficie forestière.

En effet, elle est passée de 88 092,02 ha en 1988 à 32059,78 ha en 2000, soit un taux de 45,74% à 16,64%. De 2000 à 2020, elle est passée de 32 059,78 ha à 15 389,08 ha, soit un taux de

45,74% à 7,99 %. Ensuite, nous observons une augmentation des superficies occupées par les agroforesteries dont la superficie est passée de 24 099,07 ha à 51 079,27 ha, soit un taux de 12 ,21% % à 26,52 % de 1988 à 2000 et de 51 079,27 ha à 62 881,87 ha de 2000 à 2020, soit un taux de 26,52 % à 32,65%. Quant aux sols nus/habitats, ils passent de 16 075,05 ha en 1988 à 80308,32 ha en 2020, soit un taux de 8,34% à 41,69%, soit une augmentation de 33,35%. Dans le District d’Abidjan les cultures de palmiers, d’hévéa sont les principales cultures des agriculteurs. En effet, en raison de la hausse des prix de l’hévéa en 2000, l’agroforesterie a connu un progrès. Il y a également une augmentation des sols nus /habitats due à la croissance de la population dans le District d’Abidjan surtout lors des crises post-électorales de 2002 à 2010.

Figure 5 : Évolution des types de l’occupation du sol de 1988 à 2020

Source : Images Landsat 1988, 2000 et 2020

4.    Discussion

Les cartes d’occupations du sol de la forêt du District autonome d’Abidjan de 1988, 2000 et 2020 ont été obtenues par la technique de classification supervisée, avec l’algorithme maximum de vraisemblance. En effet, cet algorithme, par sa capacité de discrimination des classes thématiques, a permis de discriminer six types d’occupation du sol. Ces différentes cartes ont été utilisées pour analyser l’évolution spatio-temporelle de la zone d’étude. Par ailleurs, l’analyse de la matrice de confusion révèle quelques irrégularités entre certaines classes. Selon Cabral (2006), cet algorithme crée des confusions entre les différentes classes parce ce qu’elle se base uniquement sur les informations spectrales pour extraire les unités d’occupation du sol. Les limites de cette méthode se corrigent par l’exploration de la zone d’étude et également par le bon choix des différents sites d’entrainement.

Malgré ces confusions, les précisions globales des classifications des images obtenues sont, respectivement, de 87,50% ; 96,66% et de 88,84%, pour 1988, 2000 et 2020 des images Landsat. Nous pouvons affirmer que la classification obtenue est bonne dans la mesure où une classification est jugée acceptable lorsque la précision globale avoisine 80 % (Congalton, 1991). Ces précisions corroborent celles d’autres auteurs tels que :

  • N’Guessan et al. (2006), dans une étude menée au niveau de la forêt classée de la Bedénou avec des précisions globales de 88% et 91% ;
  • Oszwald et al. (2007), dans une étude menée sur l’approche des dynamiques de changements forestiers dans la région du Sud-Est de la Côte d’Ivoire avec des précisions globales de 93% et 82% pour les images de 1986 de 2000.

Les résultats des différentes images ont permis de suivre l’évolution spatio-temporelle de l’occupation du sol dans le District Autonome d’Abidjan de 1988 à 2020. L’analyse de la dynamique des changements a souligné les différentes mutations intervenues au sein du paysage durant cette période. La tendance globale présente une diminution des surfaces de forêt primaire au profit des autres unités d’occupation du sol.

Conclusion

Les modifications de l’usage du sol de 1988 à 2020 dans le District d’Abidjan s’observent par les mutations des différentes affectations du sol que sont les forêts primaires, les forêts secondaires, l’agroforesterie, la jachère, les habitats/sols nus et l’eau. Ainsi, pour déterminer ces transformations spatiales, les techniques du système d’information géographique (SIG) et de la télédétection ont été utilisées. En effet, l’utilisation des images Landsat TM, ETM et OLI a permis de produire les cartes d’occupation du sol puis d’analyser la dynamique de l’occupation du sol, entre 1988, 2000, 2020 afin de déterminer les facteurs à la base de la régression de la forêt dans le District d’Abidjan. Les enquêtes de terrain et l’observation des cartes d’occupation du sol des années 1988, 2000 et 2020 ont permis d’identifier les facteurs à la base de la régression du patrimoine forestier à la périphérie du District d’Abidjan. Vu l’importance de la régression de la forêt et ces facteurs qui semblent être irréversibles, nous nous sommes interrogés sur la stratégie de gestion du patrimoine forestier dans le District d’Abidjan. La perspective qui en découle est de mener des études encore plus approfondies sur la régression des forêts protégées dans une métropole, afin d’apporter les solutions adéquates et généralisées face aux insuffisances de cette gestion.

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