Différence d’amenagement par le tourisme dans le village de Mondoukou (Grand-Bassam-Côte d’Ivoire).
1KOFFIE-BIKPO Céline Yolande , 2BISSOU Guikahué Daniel, 3APHING-KOUASSI Germain
Résumé :
Cette étude a pour objectif didentifier les déterminants de la différence daménagement du village de Mondoukou par le tourisme qui sy pratique. A cet effet, la recherche documentaire, les entretiens avec les autorités villageoises et communales et les enquêtes de terrain auprès des opérateurs et des visiteurs ont constitué lessentiel de la démarche méthodologique. Dune part, il ressort de cette étude que toutes les activités touristiques sont concentrées à louest du village. Elles lui confèrent un aménagement plus agréable que la partie Est. Ainsi, laménagement par le tourisme traduit une ségrégation spatiale. Dautre part, cette recherche révèle que cette ségrégation spatiale résulte moins des conditions physiques et des attraits touristiques y constatés que dune insuffisante volonté de développement rural chez les acteurs du tourisme. En ce sens, on ne peut pas affirmer linexistence dun véritable système touristique dans ce village reconnu, aujourdhui, pour sa fonction de loisir et de détente.
Entrées d’index
Mots-clés : Côte dIvoire, tourisme- campagne-ségrégation spatiale- système touristique
Keywords: Côte dIvoire, tourism, countryside, spatial segregation, tourist system
Abstract :
This studys aim is to find out the factors of the difference of equipment of Mondoukous village through tourism practiced there. So, the documentary research, interviews with local and communal authorities and investigations with investors and visitors constituted the most important methodological process. First, through this analysis, we conclude state that all the touristic activities are to be found at the western part of the village. They provide the village with better equipment than its eastern part. Thus equipment, through tourism shows a space segregation. On the other hand, this research reveals that this space segregation is not partly due either to natural conditions and touristic attractions that have been noticed there and to a lack of rural development will from touristic agents. So, we cant share the existence of a real touristic system in that village knows today for its leisure and relaxing function.
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Mots-clés : Côte dIvoire, tourisme- campagne-ségrégation spatiale- système touristique
Keywords: Côte dIvoire, tourism, countryside, spatial segregation, tourist system
INTRODUCTION
De plus en plus, des campagnes ivoiriennes dont celles de la sous-préfecture de Grand-Bassam ont des fonctions diversifiées. Traditionnellement considérées à travers lagriculture et surtout la pêche, elles deviennent davantage, résidentielles, touristiques et assurent des fonctions de loisir et de détente. Elles sont, en ce cela, citées parmi les principaux sites touristiques ivoiriens pour leurs riches patrimoines naturels, architecturaux et culturels. Cette fonction touristique est perçue par laccueil, en moyenne, de 100 visiteurs par mois selon les opérateurs du tourisme. Aussi, y observe-t-on cinq résidences secondaires qui représentent plus de 6% des équipements touristique du village de Mondoukou. Ces résidences justifient lattachement à ce cadre de vie rurale.
Pour expliquer ces phénomènes, les conditions de vie offertes par les campagnes (moindre pollution, stress limité, rupture avec lanonymat) et les possibilités de logement à un plus faible coût quen ville sont généralement évoquées. Ce faisant, au même titre que certains quartiers urbains, plusieurs campagnes de la sous-préfecture de Grand-Bassam attirent désormais des populations aux origines sociales et géographiques multiples, aux profils économiques et culturels variés qui entretiennent avec la ville des rapports différenciés. Ils sont même classifiés comme destination touristique à lintérieur de la Côte dIvoire. Dans ce cadre, Mondoukou est cité parmi ces villages du tourisme de la région du Sud Comoé et même de la Côte dIvoire. Ce village côtier denviron 700 habitants (RGPH, 2014) est bâti sur une superficie de 18 km². Il est localisé au Sud-est de la sous-préfecture de Grand-Bassam. Il est limité à lest par le village de Mohame, à louest par la ville de Grand-Bassam au nord par le canal dAssinie (la lagune ébrié) et au sud par locéan atlantique. Ce village connaît depuis plusieurs années, une forte attraction touristique dont les principaux indicateurs sont :
– des arrivées touristiques (excursionnistes et touristes) estimées à plus de 1000 par an entre 2012 et 2014 selon les jeunes gérants des paillottes, des autorités villageoises et des hôteliers.
– Lexistence déquipements touristiques de renom sur ce territoire rural.
Par ailleurs, lorsquon arrive dans cette localité une observation permet de constater quune partie du village semble en marge de lessor de ces activités touristiques. Ces constats mettent en évidence un contraste. Ce dernier se traduit par le fait que malgré son attraction touristique, une partie du village de Mondoukou présente une organisation anarchique de lhabitat. Par conséquent, la question de recherche est : pourquoi malgré les preuves dune importante pratique touristique, une bonne partie de lespace de Mondoukou demeure peu aménagée ? De cette question centrale, découlent les questions secondaires suivantes : En quoi la localisation des activités touristiques met-elle en relief une dichotomie du territoire rural de Mondoukou ? Comment lorganisation de lactivité touristique impacte la structuration de lespace à Mondoukou ? Cette étude vise à identifier les déterminants de la différence daménagement du village de Mondoukou par le tourisme qui sy pratique. Il sagit de façon spécifique de :
Localiser les activités liées au tourisme dans le village de Mondoukou Evaluer lorganisation du tourisme dans la structuration de lespace à Mondoukou
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METHODE ET MATERIELS
Les unités identifiées ont été observées essentiellement à léchelle locale. Ce premier niveau spatial est toujours considéré comme le lieu de lagriculture en Côte dIvoire. Les études sur les activités non agricoles sont insuffisamment abordées pour élaborer des stratégies adéquates de développement local et permettre à ces zones de faire face à la pauvreté et à lexode de leur population. Toutefois, les unités dobservation à léchelle communale ont été analysées. Ces différentes échelles ont permis dune part de mieux apprécier la dynamique organisationnelle du tourisme, dautre part dexpliquer les effets exogènes du milieu rural en matière de tourisme.
En outre lélaboration de cette étude a nécessité une recherche de terrain effectuée en plusieurs phases. Cette enquête a consisté dabord à un recensement des activités touristiques dans le village. Ensuite, il y a eu des entretiens avec les autorités villageoises et communales. Ces derniers sont des acteurs de décision dans la gestion des ressources territoriales et laménagement du territoire rural. Ces entretiens ont permis de comprendre lorganisation de lactivité touristique dans ce village. Enfin, un questionnaire a été administré à 100 visiteurs rencontrés sur le site au cours des différentes enquêtes dans le but dévaluer leur pratique touristique et de comprendre les motifs dominants.
RESULTATS ET DISCUSSIONS
1 PRATIQUE TOURISTIQUE SOURCE DE SEGMENTATION SPATIALE
1.1. Un tourisme concentré à Mondoukou
Le tourisme dans le village de Mondoukou est caractérisé par une concentration des activités dans le secteur ouest. Les activités directement liées au tourisme sont les activités dhébergement et de restauration. Lhébergement touristique à Mondoukou est mis en évidence par lexistence de quatre types déquipements : hôtel classique, village de vacance, résidence secondaire, paillote. La figure 1 ci-dessous présente les quantités selon les types déquipements dhébergement
Figure 1 : Proportion des types déquipements touristiques à Mondoukou

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La figure 1 montre une forte proportion des paillotes. Ces dernières sont des équipements de fortune construits avec des branches de cocotier nattées. Elles se présentent essentiellement sous forme de rectangle dans le village de Mondoukou telle quillustrée par la figure 2 ci-dessous.
Figure 2 : Une paillote sur la plage de Mondoukou

Ces paillottes servent de lieu de détente pour les visiteurs de journée. Elles appartiennent à cinq jeunes du village. Leur location est estimée à 10000 F CFA la journée et elles accueillent 80% des visiteurs dans le village selon lenquête de terrain. Lenquête relève aussi lexistence de lactivité de restauration à Mondoukou. On dénombre deux restaurants classiques appartenant à « Coconut Village » et « Mon doux coin ». Ces derniers ont respectivement 150 et 100 couverts. On a noté aussi, lexistence des maquis de plage construits en paille.
Lidentification et la localisation de ces activités touristiques mettent en relief leur agglomération dans le quartier Mondoukou plage à louest du village comme lillustre la figure 3 suivante.
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Figure 3 :Contraste daménagement des espaces à Mondoukou

La lecture du plan ci-dessus permet de constater la concentration des activités touristiques seulement dans la partie ouest du village. Aussi, montre-t-il la segmentation du village en deux parties distinctes séparées par une voie.
1-2- La rentabilité des entreprises touristiques
Cette concentration facteur de segmentation spatiale obéit, sans doute, aux exigences de la rentabilité des entreprises de service. En général, linstallation des entreprises de production est fondée sur le principe de la rentabilité. Ce principe exige la réduction du coût dinvestissement à travers la baisse des intrants (matière première, transport, clientèle). Plus lentreprise est proche de la matière première et la clientèle, plus elle est rentable. Ce principe est aussi valable pour les entreprises de services comme celles du secteur touristique. A juste titre, un hôtelier interrogé sur la question, répond : « Il est important de choisir un emplacement pour rentabiliser lhôtel ». Par ailleurs, pour GNAGNON, (2001), les positions attractives jouent un rôle de premier plan dans l’organisation spatiale des territoires. Ces territoires s’organiseraient à partir de pôles attractifs sur lesquels vient se brancher l’activité économique qui rentabilise les sites choisis. En cela, les entreprises de tourisme sinstallent sur des espaces qui présentent de nombreuses ressources touristiques (DEFERT, 1972). Il faut entendre par ressource touristique, « tout élément naturel, toute activité humaine ou tout produit de l’activité humaine qui peuvent motiver un déplacement désintéressé. Ils sont plus ou moins déterminants et constituent les matières premières du tourisme » (DEFERT, (1972). Il sagit particulièrement des attraits naturels tels que le relief, le climat, la flore, la faune et leau. Les pratiques touristiques sont fortement liées à ces ressources dite matière première du tourisme.
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Cest à partir de ces ressources que les territoires sont transformés en site dattraction pour les visiteurs. Par conséquent, une entreprise touristique qui sinstalle à proximité des ressources touristiques, accueille inéluctablement les touristes qui y viennent. De lenquête de satisfaction touristique réalisée dans ce village en août 2015, il ressort que la mer, les plages, les berges lagunaires sont les ressources touristiques qui attirent 81% des visiteurs dans la région du Sud Comoé. Or lobservation de la figure 3 montre quà louest de Mondoukou le milieu naturel est plus attractif à travers particulièrement la mer, la lagune, les plages adaptées. A ce sujet, le chef de village de Mondoukou fait remarquer que la partie la plus développée par le tourisme est celle qui est la plus proche de Grand-Bassam. En effet, ce quartier a bénéficié dun axe routier bitumé qui reliait facilement le village à la ville. Cette voie a favorisé le désenclavement du village. Autrefois, en 1958, à la faveur de la construction des deux ponts sur la lagune ébrié et le fleuve Comoé, cette route a été créée. Elle était une déviation qui permettait aux usagers de joindre les villes de Bonoua et dAboisso et même le Ghana en passant par Mondoukou. Dès lors, ce village a fait lobjet dattention non seulement de grands opérateurs du secteur hôtelier mais aussi de nombreux visiteurs- touristes estimé aujourdhui à 100 par mois. Sur le plan naturel, cette partie du village non seulement possède la plage la plus vaste et la moins profonde de cordon littoral de Mondoukou, mais elle est aussi située entre la mer et la lagune. Les opérateurs du secteur préfèrent plus les espaces avec ces caractéristiques naturelles qui influencent en grande partie le choix des visiteurs.
Cette segmentation du territoire rural de Mondoukou est plus perceptible à cause du contraste qui existe dans lorganisation spatiale des parties.
Lespace où sont concentrées les activités touristiques est bien structurée. Cest le quartier Mondoukou plage. A côté, se trouve le bloc spatial de lhabitat réservé à la population locale dans le village. Ce secteur, caractérisé par un mitage dans loccupation spatiale, est juxtaposé au quartier de haut standing. Ce contraste dans laménagement des espaces dû au tourisme résulte aussi du manque dinitiative des acteurs touristiques en faveur de développement rural.
2. LE JEU DES ACTEURS LOIN DUNE VOLONTE DE DEVELOPPEMENT RURAL
2.1- Un véritable système touristique inexistant à Mondoukou
Analyser lorganisation du tourisme en milieu rural, nous amène à chercher à comprendre comment les individus de ce secteur arrivent à coordonner leurs actions dans un ensemble structuré. Cela vise particulièrement, à expliquer les règles de fonctionnement et leur application, les responsabilités des acteurs, les procédures de décision, linformation et sa circulation dans la prise de décision.
2-1-1- Les acteurs du tourisme à Mondoukou
Cette étude sest intéressée aux acteurs qui interviennent directement dans lactivité touristique sur cet espace rural de la région du Sud Comoé. Les principaux acteurs de lactivité touristique à Mondoukou sont : les visiteurs, les opérateurs du secteur, la mairie et la population locale. Ces acteurs constituent les points focaux pour la mise en uvre du système touristique. Ce dernier est fondé sur les interrelations et interactions
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entre les acteurs sur le territoire. A cet effet, la redynamisation de lactivité touristique exige surtout des « acteurs entrepreneurs » qui investissent et qui innovent.
Létat du système touristique local de Mondoukou met évidence quil nexiste presque pas de relations franches et constructives entres ces principaux acteurs. Les autorités villageoises affirment même que plusieurs fois les relations entre le village et la mairie ont été conflictuelles. 91% des visiteurs interrogés nont pas vraiment de contact avec la population locale. Ils se contentent dexploiter lespace à louest du village. A juste titre, lun deux répond « je suis venu ici plusieurs fois mais je ne savais pas quil existait des habitations pour les villageois à côté
».
2.1.2. Absence dun plan stratégique de coordination des acteurs
Les données statistiques évoquent plus de 1000 opérateurs dans le secteur touristique en Côte dIvoire. Cependant, ces « acteurs » que beaucoup de statisticiens aiment à chiffrer, sont-il vraiment aussi nombreux que les experts le prétendent ? Peut-on les qualifier de réels entrepreneurs pour le développement du secteur touristique surtout dans lespace rural en Côte dIvoire ? Ici, il est question dun acteur libre et responsable qui prend une part active dans un processus social et économique. Etre acteur touristique consiste donc à être entrepreneur dans le domaine du tourisme. Ce dernier exige une synergie des actions dautant plus que la qualité de la pratique touristique dépend de la complémentarité et dune bonne interrelation entre plusieurs structures. Cela traduit une bonne organisation du tourisme en espace rural. Il sagit alors de poser des actes de développement touristique qui sévaluent clairement par les transformations socioéconomiques et environnementales améliorées des territoires ruraux.
Ce qui précède a permis de comprendre la situation non confortable de lespace rural de Mondoukou. Labsence de plan stratégique de laménagement touristique dans le village donne la possibilité aux opérateurs de faire ce qui ressort de leur volonté individuelle. Ce qui les intéresse cest dexploiter les parcelles qui leur sont favorables et quils achètent auprès des propriétaires terriens. Certes, la population locale constitue une ressource touristique à mieux exploiter mais elle est insuffisamment impliquée dans lorganisation de cette activité sur son territoire. Cette population fait preuve dun sens traditionnel de laccueil et dune grande capacité à souvrir à tout visiteur. Elle possède une riche tradition nzima marquée par des événements comme l « Aloanzêlé Beach », une manifestation annuelle qui se déroule au mois dAoût, des faits historiques de son existence en rapport avec la colonisation. Le visiteur y est intégré à une famille et aura loccasion de consommer certains mets traditionnels tels que « Akikiè » (Foufou digname) préparé pour accueillir un étranger. Autant datouts qui devraient motiver les pratiques touristiques. Un tel milieu humain, est encore inexploité tant par les opérateurs du secteur que les décideurs. On note quil ny a pas de convergence des acteurs vers une volonté commune en faveur de lamélioration globale du cadre de vie locale en vue de constituer un produit touristique de qualité à travers la destination Mondoukou.
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2.2- Une insuffisante volonté de développement socio-économique et spatial de Mondoukou des principaux acteurs
Lenquête révèle labsurdité dinclure systématiquement dans les comptabilités de lactivité touristique les propriétaires dhébergements. Les recoupements des critères de « motivation de création », « relation avec le village », « des entrées financières » et « politique de promotion touristique de lentreprise » permettent de faire une distinction entre le groupe des personnes pouvant être considérées comme investisseurs dans le domaine du tourisme et le groupe de celles que lon pourrait qualifier d « opportunistes ». Dans ce dernier groupe, il sagit précisément des personnes utilisant simplement le prétexte de lactivité touristique pour servir des intérêts purement personnels : avoir une résidence secondaire à moindre frais, placer un peu dargent disponible. Elles nont rien à voir avec lentreprenariat territorial.
En effet, lenquête auprès des opérateurs du secteur à Mondoukou (propriétaires dhôtel, restaurateurs
) a relevé que plus de la moitié de ces « acteurs » na pas de préoccupation majeure dordre économique dans le sens du développement rural. 60 % de ces individus ne retirent que des revenus servant de complément aux apports financiers dautres activités. Si lon peut penser à la « réussite » pour ces gens, il sagit dans ce cas dune réussite sociale et non pas dune réussite dentreprise. Cependant, le premier groupe en minorité qui estime contribuer au développement du territoire rural dimplantation de son activité est contraint par des difficultés persistantes. Selon les informations recueillies sur le terrain, lactivité touristique ne fait vivre quun propriétaire dhébergements sur dix. Et ce, grâce à un contexte bien particulier quil nest pas possible de retranscrire ou généraliser. Ces « réussites » que tant dauteurs aiment à mettre en avant, se révèlent être en fait, dans la plupart des cas, des expériences plus ou moins pénibles. Celles-ci se traduisent non seulement par des problèmes relationnels avec une partie de la population déjà établie mais surtout avec les institutions administratives, par des difficultés financières
Par ailleurs, il faut souligner que lexercice des activités pour ces personnes résulte moins dune initiation classique. Face à ces difficultés, ces personnes gardent comme arme la passion pour le tourisme. Selon elles, sans la passion qui les animent encore, leur entreprise serait très certainement vouée à léchec car non rentable au regard des exigences économiques actuels. Plusieurs taxes leurs sont imposées. Aussi, sont-elles confrontées aux nombreuses charges fixes (rémunération du personnel, eau, électricité, entretien,
) qui amenuisent leur marge bénéficiaire. Par conséquent, les ambitions de départ liées au processus de développement global du village sont ternies. La volonté politique locale, susceptible damorcer les projets de développement touristique et donc première condition de réussite touristique, nest pas efficacement de mise à Mondoukou.
2.3- La gestion touristique participative, outil de développement local quasiment ignorée
Lenquête de terrain a aussi relevé quil existe un autre facteur plus subtil de la ségrégation spatiale du tourisme à Mondoukou. Il sagit de labsence dune gestion participative au service du développement local.
De ce dernier, PECQUEUR, (1989) relève deux principales perceptions qui apparaissent dans les différentes définitions. Dune part, la perception politique qui considère le
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développement local comme la volonté politique des acteurs de changer la situation du territoire sur lequel ils vivent. Cette vision traduit une gestion intégrée avec toutes les parties prenantes. Cependant, le village de Mondoukou souffre de linexistence de ce mécanisme. Car les acteurs du tourisme nont véritablement pas de relations coordonnées dans le sens du développement territorial. Lautorité interrogée affirme à juste titre que les relations avec les opérateurs du secteur se limitent à lacquisition de terrain pour linstallation de leur entreprise. Ces relations se tissent avec lindividu propriétaire de terrain et non la communauté villageoise.
Dautre part, la perception technique, selon laquelle le développement local est un processus qui vise à améliorer la situation dun territoire du point de vue économique, social, environnemental et culturel, à partir des analyses des intérêts, des besoins et des initiatives des différents acteurs locaux (publics et privés) et par la mise en place concertée entre ces différents acteurs dactions cohérentes (HAUHOUOT, 2002). En outre, dans cette optique, IRAM (2014), soutient que la mise en place de ces actions se fait grâce à des ressources internes et externes au territoire en relation continue avec dautres territoires de même niveau et de niveau plus vaste. Ce mécanisme est illustré par la figure 4 ci-dessous
Figure 4 : Les paramètres du développement local

Cette modélisation de développement local montre que toutes les initiatives de développement naissent de lintérieur du territoire (processus endogène). Le développement local est voulu, initié et porté par les acteurs du territoire concerné. Ces derniers visent un projet davenir (projet global) quils souhaitent voir réaliser pour le territoire. De ce fait, le développement local non seulement prend en compte lensemble des préoccupations des différents types dacteurs, mais sarticule aussi avec les autres
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niveaux de décision et daction (lextérieur). Cela sexplique par le fait que le territoire sinscrit dans un réseau.
En cela, on note lexemple de développement rural à travers le tourisme dans le village de doudou au Burkina Faso. Ce village de 4000 habitants dans la province de Koudougou au Burkina-Faso a initié un cadre de concertation de coordination du tourisme. Il a bénéficié, de ce fait, dun encadrement de lorganisme Tourisme Développement Solidaire (TDS) pour mettre en uvre une stratégie daménagement et de développement socio économique par le tourisme. Cette intervention communautaire de TDS a eu des retombées satisfaisantes : la mobilisation villageoise autour de lactivité touristique, la construction la gestion communautaire dun campement de touriste, les bénéfices nets significatifs de lordre de 1,5 à 2 millions de FCFA réinvestis dans des projets communautaires. De même Georges Zongo, vice-président du comité de gestion note : « le fait que Doudou soit devenu village daccueil ne représente pas quun intérêt financier. Par exemple, les formations à lhygiène, à la santé, à la gestion de leau, que TDS a organisé pour le personnel du campement ont profité à de nombreux villageois (DOLLFUS et MARTIN-GOUSSET, 2001). Considérant, les principes évoqués du développement local et ses avantages à Doudou, cette étude évalue à un niveau bas la capacité des autorités locales à prendre des initiatives pour faire du tourisme un moyen de développement de tout le village. Au cours de lentretien avec le chef du village par intérim, ce dernier a dailleurs avoué quaucune initiative véritable au niveau local nexiste jusque là. Il a ajouté que toute la population surtout les jeunes ne mesurent pas encore lopportunité que constitue le tourisme pour le village.
Cela constitue un obstacle véritable dautant plus que tout développement durable véritable est par essence endogène. Les formes dadhésion au tourisme qui pourraient être qualifiées de « négatives » paraissent beaucoup plus préoccupantes pour lavenir du village de Mondoukou. Cette préoccupation est justifiée par trois réflexions qui sont régulièrement citées par des personnes interrogées dans le cadre de lenquête.
La première réflexion : « Le tourisme, cest tout ce quil reste » : cette expression inquiétante prouve que la solution touristique est moins adoptée par conviction que par résignation. On veut bien croire aux vertus du tourisme puisquon constate quil ny a plus despoir ailleurs. Tel est le message à peine décodé de ces ruraux natifs, souvent âgés. En effet, selon lun des responsables du village, les principales activités du village demeurent encore la culture de copra et la pêche. Ces deux activités depuis plusieurs décennies connaissent de nombreuses difficultés et semblent ne plus être rentables. Le copra a vu son coût considérablement chuté de 200 F le kg en 1975 à 65 F en 2014. Aussi, lavènement du tourisme a-t-il poussé à la destruction de nombreux champs de coco. Tout cela a entrainé labandon des plantations au profit de la pêche. Cette dernière est confrontée à plusieurs problèmes. Ces faits expliquent lespoir que la population locale place dans le tourisme.
La deuxième réflexion : « Du tourisme, oui mais pas trop » : à travers cette formule maintes fois entendue au milieu de la population locale, se cache une forme dadhésion réservée au tourisme. Elle considère le tourisme comme une activité qui peut nuire plus quelle ne favorise les politiques de développement rural. En effet, les individus qui pensent ainsi, dune part considère effectivement le tourisme comme moyen pour favoriser toute forme
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de changement, comme un outil servant à concevoir les campagnes dans un décor idéalisé, celui dun lieu apaisant où sont conservées les traces dun passé jugé meilleur que le monde daujourdhui et qui devrait faire lobjet dun tourisme élitiste. Dautre part, ils affirment une hostilité vis-à-vis du tourisme de masse qui pourrait nuire complètement à leur quiétude. Ainsi, les contributions socio économiques du tourisme nempêchent pas pourtant de voir se profiler un certain nombre de risques dont il est nécessaire de prendre la mesure. A savoir, linévitable concentration de cette activité qui peut en certains lieux déboucher sur des menaces dordre écologique et dordre social. Des agressions déjà connues touchent en effet ces territoires dont on pourrait pourtant, a priori, croire quils ne connaissent quune forme de tourisme doux. Le rural fragile nest pas épargné par ces tensions sociales. La rupture brutale du rythme de vie des populations locales, due à larrivée massive et subite de « hordes de citadins », nest pas totalement bien vécue dans le village de Mondoukou. Il y a aussi le risque qui provient du fait que le tourisme peut aller à contresens du développement dun territoire en bloquant le patrimoine foncier et immobilier. Certes, il ne faut pas omettre les risques accourus par un trop fort développement de lactivité touristique, toutefois cette image du natif hostile au tourisme de masse et donc peu accueillant semble être une idée résultant de préjugés à légard du tourisme. Ces préjugés découlent, dans bien des cas, dune absence de démarche de terrain.
Une troisième réflexion : « le tourisme est loin de nos espérances » : cest une autre idée largement véhiculée chez les autorités villageoises de Mondoukou, évidemment liée aux affirmations précédentes. Selon elles, lapport du tourisme est encore très insignifiant dans le développement du village. « Cette activité est loin des ambitions quon lui attribue dans notre village » affirme lune des autorités villageoises rencontrées au mois de mai 2015. Le tourisme est annoncé comme le « moteur », le « levier » du développement local ou tout du moins constitue un moyen privilégié de maintenir léconomie des espaces ruraux fragiles (SIMONNEAUX, 1999). Aussi, est-il qualifié de phénomène social et de source de développement (OMT, 2011). Dailleurs, pendant la période 2009-2010, le Secrétariat Mondial du Tourisme na cessé de demander que le tourisme jouisse, davantage, dune meilleure place dans les priorités mondiales, nationales et locales. A cet effet, le Secrétaire général a rencontré dix-huit (18) chefs dÉtat et de gouvernement de mai à décembre 2010 afin de les convaincre de la valeur que le tourisme représente pour la croissance économique et le développement (OMT, 2011). Cest également dans ce contexte, quau sommet mondial du tourisme dans la capitale guinéenne en 2013, le secrétaire de lOMT, TALEB a affirmé : « Là où le tourisme progresse, la pauvreté régresse » (OMT, 2013) Cependant, cette étude permet de faire deux constats qui poussent à soutenir que cette activité est loin de jouer le rôle à lui attribuer dans lespace rural.
Premièrement, lenquête révèle que les activités touristiques diffusent peu leur dynamique économique. La population locale ne profite pas des flux se dirigeant vers les sites. La répartition du secteur de l’hôtellerie-restauration dans le village est, à ce sujet, édifiante.
Deuxièmement, la limite du secteur touristique est dordre économique. Lapproche auprès des artisans et commerçants prouve que le tourisme joue un rôle important en matière du maintien des services. En cela, un commerçant sur deux affirme être dans lincapacité de poursuivre son activité en labsence des entrées dargent apportées par les visiteurs. Il faut bien reconnaître que cest relativement satisfaisant et quil faut effectivement sattacher à
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valoriser, conforter le potentiel touristique. Mais, il semble dans bien des cas que ces apports ne servent quà accompagner la fin de nombreuses affaires. Le tourisme maintient seulement provisoirement une activité moribonde, il ne la relance pas.
CONCLUSION
Cette étude a noté que pour le village de Mondoukou, le tourisme est un fait réel. Il est traduit par lensemble des activités de tourisme (hébergement, restauration, loisirs sur plages), les flux et les pratiques touristiques. Il en ressort que le tourisme est à la base de la segmentation de lespace à Mondoukou. Cette dernière ne résulte pas dune insuffisance datout touristique dans tout le village. Selon lanalyse à partir des observations sur le terrain et des entretiens, cette différentiation spatiale résulte non seulement de la concentration des activités touristiques dans une partie du village mais aussi et surtout dune véritable insuffisance de volonté des acteurs (administration locale, opérateurs et population locale) duvrer dans le sens dun développement local durable. Ainsi, on note que le véritable clivage se situe entre ceux qui croient en une ruralité vivante et renouvelée et ceux qui ne voient dans le tourisme quun moyen de préserver les résidus dune société et de territoires considérés sans avenir.
Quoi quil en soit, le potentiel touristique existe. Il paraît nécessaire dentreprendre une meilleure valorisation de celle-ci dans la logique est fondée sur lapproche communautaire. Cette dernière efficacement mise en uvre dans les secteurs agricoles et socioéducatifs pourrait être bénéfique pour le village de Mondoukou dans le cadre du tourisme. En effet, en Côte dIvoire, on aussi devrait favoriser lexistence des structures daccompagnement directement en contact avec le monde rural à linstar du domaine de lagriculture. Il sagit, dune intervention sociale communautaire. Cest un processus dont le but est de susciter lorganisation et la mobilisation des populations, des communautés locales en vue du développement socio économique de lespace rural par le tourisme.
Bibliographie
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DOLLFUS A, et MARTIN-GOUSSET P, 2001, Village daccueil au Burkina Faso : Quand le tourisme devient générateur de développement durable in AGRIDOC n° 1 pp 29-30
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SIMONNEAUX J, 1999, Acteurs, enjeux et régulation dans la dynamique du tourisme en espace rural, thèse, Toulouse, 487p
Notes
Table d’illustrations
Auteurs
1KOFFIE-BIKPO Céline Yolande , 2BISSOU Guikahué Daniel, 3APHING-KOUASSI Germain
1Professeur Titulaire, Institut de Géographie Tropicale, Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, bikpoceline@yahoo.fr
2Doctorant en Géographie, Institut de Géographie Tropicale, Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, g_bissou@yahoo.fr
3Maitre-assistant, Institut de Géographie Tropicale, Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, germain_ak@yahoo.fr
Droit d’auteurs
Institut de Géographie Tropicale
Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, Côte dIvoire