Activités économiques et désordre urbain à AKeikoi
1Téré GOGBE , 2Deagai Parfaite DIHOUEGBEU, 3Mamoutou TOURE
Résumé :
La présente étudevise à analyser limplantation des activités économiques à Akeikoi. Pour ce faire, la démarche repose sur la recherche documentaire, lobservation directe et lenquête réalisées en Novembre 2014 et Juillet 2015. Il ressort de cette étude que 246activités économiques relevant de lartisanat, ducommerce, des NTIC et imprimerie à majorité informelle sont menées dans la zone. Si les activités formelles occupent des espacesrèglementaires,les activités informellesreprésentant 53,25% de lensemble dans le quartier, en revanche sont localisées de façon anarchiquesur le domaine public. Cette implantation illégale revêt trois formes dans la zoneà savoir loccupation des trottoirs, linvestissement des caniveaux et celui des abords de rues par les acteurs de linformel.Ce désordre résulte dela marginalisation du secteur informel dans la planification urbaine de même que de la récession économique et le laxisme des autorités. Cette anarchie savère être préjudiciable au cadre de vie vu quelle est source de différents maux notamment la dégradation de lenvironnement, la déstructuration de lespace urbain.
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Mots-clés : Abidjan, Abobo, Akeikoi, Activités économiques, désordre urbain
Keywords: Abidjan, Abobo, Akeïkoi, economic activities, urban disorder
Abstract :
This study aims to analyze the implementation of economic activities Akeikoi. To do this, the process is based on desk research, direct observation and investigation conducted in November 2014 and July 2015. The study found that 246 economic activities in the crafts, trade, ICT and printing to informal majority are conducted in the area. If formal regulatory activities occupy spaces, informal activities representing 53.25% of the total in the district, however are located haphazardly in the public domain. This illegal settlement takes three forms in the area namely the occupation of sidewalks, gutters investment and that of the surrounding streets by the actors of the informal. This disorder results from the marginalization of the informal sector in urban planning as well as the economic recession and the laxity of the authorities. This anarchy is found to be harmful to the living environment because it is a source of various ailments including environmental degradation, the disintegration of urban space.
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Mots-clés : Abidjan, Abobo, Akeikoi, Activités économiques, désordre urbain
Keywords: Abidjan, Abobo, Akeïkoi, economic activities, urban disorder
INTRODUCTION
Lurbanisation en Afrique et singulièrement dans les capitales revêt un caractère effréné (Vennetier,1996).Si cette urbanisation à grande vitesse est un atout économique, elle est en revanche porteuse daléas pouvant constituer des obstacles au développement des pays africains (Champaud,1990). En Côte dIvoire, la maîtrise de lurbanisation rapide constitue le but visé par lEtat afin daboutir à des résultats positifs. Dès lindépendance, la politique urbaine choisie par la côte divoire se veutmoderne et calquée sur le modèle occidental (Manou, 1985). Pour ce faire, sa mise en uvre sappuie sur des plans ou schémas directeurs durbanisme (Manou,1985). LEtat se fait planificateur et donc décideur de lossature de la ville ivoirienne tout en définissant les normes durbanisme à respecter (Manou ,1985). Toutefois, la planification urbaine comporte des insuffisances (Yapi,1994) potentiellement source de problèmes. Des activités économiques surtout artisanales sont marginalisées dans les schémas directeurs (Gogbe et al, 2014). Ainsi, dans les villes ivoiriennes, les espaces non-conventionnels dont le domaine public sont pris dassaut par les petits commerces et métiers en prolifération depuis la crise économique des années 1980 (Toure,1994). Cette occupation anarchique de lespace dit désordre urbain est hélas un phénomène qui mine les villes du pays.Abidjan, symbole de cette urbanisation rapide (avec 45,7%de population urbaine nationale selon le RGPH 1998)liée à son dynamisme économique, savère particulièrement touchée par le phénomène. Plusieurs quartiers anciensdes communes de la ville notamment Koumassi et Port-Bouët sont sujets à un désordre urbain fulgurant (Gourmelen et Le Roux ,2011).
Si la ville dAbidjan a fait lobjet de maints travaux sur cette problématique de façon générale, spécifiquement le cas dAkeikoi à ABOBO na guère été étudié. Ce quartier périphérique récent,localisé au nord-est dAbobo, est une zone résidentielle duneurbanisation continue accompagnée de limplantation dactivités économiques. Dans un tel contexte nous nousinterrogeons :les activités économiques à Akeikoisinscrivent-elles dansle désordre urbain ?
Lobjectif général de cette étude est danalyser limplantationdes activités économiquesà Akeikoi. Deux objectifs spécifiques structurent létude à savoir répertorier les activités économiques et analyser leur implantation à Akeikoi. Deux hypothèses sont émises respectivement à savoir les activités formelles et informelles coexistent dans la zone, les formes doccupation illégale du site sont liées aux types despaces occupés par les activités économiquesà Akeikoi. La démarche adoptée dans cette étude repose sur la recherche documentaire,lobservation directe et lenquête par questionnaire.
1-METHODES
1-1 – Présentation de la zone détude
Situé dans lune des communes dAbidjan, Abobo au nord-est,Akeikoi est un quartier périphérique qui sétend sur un plateau raviné de 140 hectares(INS, 2013). Ilcomprend deux entités : Akeikoi-Extension et Akeikoi-village phagocyté par lurbanisation (voir figure 1), la population est estimée à 46 626 habitants(INS,2013 ).
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1-2-Lapproche méthodologique
Notre approche repose sur la recherche documentaire, lobservation directe et lenquête par questionnaire. Les documents statistiques consultés sont des estimations de la population dAkeikoi en 2013 de lInstitut National de la Statistique (INS). En outre, les cartes obtenues au travers de notre documentation ont servi à circonscrire la zone détude.Les cartes utilisées sont celles de la commune dAbobo à léchelle 1/35000 et celle de la localisation de notre zone détude au 1/200 élaborées respectivement par lINS et lIGT (Institut de Géographie Tropicale). Elles nous ont permis de réaliser les cartes relatives à létude.
Par ailleurs, lobservation directe vise à inventorier les types dactivités économiques menés dans la zone, à identifier les acteurs(nombre et sexe) et leur localisation. Afin de confirmer ou non le caractère illégal de loccupation de lespace et les formes, les localisations de ces activités sont analysées, en se référant aux textes durbanisme régissant loccupation du site dans le cadre des activités économiques.En outre, lenquête par questionnaire est menée auprès des acteurs installés sur des espaces non-conventionnels en vue de vérifier sils bénéficient dune autorisation municipale ou pas. Le traitement des données est à la fois statistique, cartographique et analytique.
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2-RESULTATS
Deux conclusions se dégagent de notre analyse. Il ressort la présence des activités économiquesformelles et informelles dans la zone et diverses formes dimplantationillégale.
2-1-UNFOISONNEMENT DACTIVITES ECONOMIQUES INFORMELLES A COTE DU TYPE FORMEL
Tableau 1 :Typologie et nature des activités économiques à Akeikoi en 2014
A la lecture du tableau,il ressortune pléthore dactivités formelles et informellesexercée dans 3 branches économiques à Akeikoi. Au total ,246 activités économiques sont menéeset principalement tenues par les hommes (60,5%des acteurs). Lesdomaines dactivités regroupent le commerce qui prédomine avec 39,09% des acteurs suivi de lartisanat puis des NTIC et limprimerie.Ces activités économiquesrelèvent majoritairement de linformel qui
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cumule 131 actifs (53,25% de lensemble des activités). Le commerce se rapporteà la vente de divers biens de consommationet aliments dans des espaces fermés ou ouverts.Lartisanat regroupe les métiers de réparation et de fabrication dobjets ou daliments dont le couscous de manioc communément appelé « Attiéké ». Les NTIC et imprimerie se composent des cybers café,des cabines téléphoniques et de réparation dappareils de communication.
2-2- Une diversité de formes doccupation illégale de lespace public par linformelen marge des activités formelles dans la zone
Limplantation desactivités économiques précitées dans la zone revêt diverses formes selon le type dactivité. Si les activités économiques formelles affichent une implantation règlementaire sur le site vu quelles occupent lessites prévusà savoir le marché et des locauxmodernes sur des terrains de particuliers mis en location, linformel en revanche présente une occupationanarchique de lespace.En effet, les sites investis, dans la pratique de ces activités, sont non-conventionnels au regard des textes urbanistiquesnotamment larrêté n° 942 INT-ACCR du 13 mai 1961et non-autorisés par la municipalité auxacteurs de linformel.La présence de 53,25% des acteurs implantés sur les trottoirs, caniveaux et abords de route relève de lanarchie. Si le commerce de rue et lartisanat prédominent dans linformel, soit 34,3%chacun,la principale zone de foisonnement des activités informelles anarchiques constitue le trottoir de la voie principale dAkeikoi (voir figure2 ci-dessous).La prise dassaut des espaces publics révèle 3 formes dimplantation illégale à savoirlinvestissement de lespace de circulation, linvasion des équipements dassainissement et loccupation des abords de rues.
Figure 2 : Distribution spatiale des activités économiques à Akeikoi
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Il ressort de nos resultats un desordre manifeste dans le cadre des activités infomelles à Akeikoi.
3-DISCUSSION
Ces résultats pour nous sontcrédibles. Ils sont fiables vu quils émanent dune méthode bien choisie. Les cibles visées sontappropriées pour la collecte des données recherchées.De cette approche, il ressort clairement un foisonnement dactivités économiques dans le quartier relevant de 3 domaines : lartisanat, le commerce, les NTIC et limprimerie. Si nombre de ces activités sont formelles, linformel se trouve être le type prédominant avec 53,25% des acteurs. Dans lensemble, les activités économiquessont essentiellement composées du commerce(principalement constituée du négoce de rue)représentant 39,02%de lensemble devant 34,55% pour lartisanat et 26,42% pour limprimerie et les NTIC.Le commerce se résume à la vente de produits alimentaires et autres biens de consommation dans les boutiques, supermarchés, le marché et autres sites. Lartisanat regroupe les activités de mécanique, de réparation dappareils et de ferronnerie, de plomberie, délectricité, de menuiserie et de poterie. Les NTIC et imprimerie se compose des cybers café, des cabines téléphoniques,des réparateurs de télévision, des réparateurs de portable. Limplantation de ces activités est dun caractère réglementaire pour plusieurs et anarchique pour la majorité au vu des textes durbanisme. Larrêté n°942INT-ACCR du 13 mai 1961, réglementant lexercice des professions ambulantes sur la voie publique par exemplefixe les interdits et exception en matière de commerce sur la voie publique. Ainsi il est interdit sauf autorisation spéciale délivrée par le Maire doffrir ou de vendre en ambulance en dehors des marchés, dexercer aucune profession ambulante sur la voie publique,dinstaller des baraques, des kiosques ou éventaires sur la voie publique pour lexercice dune des professions précédentes. Toutes les activités formelles occupent les sites conventionnels à savoir le marché dailleurs privé et des habitations modernes louées aux particuliers les ayant construits sur leurs terrains. Certaines sont installées aux abords de route sur autorisation municipale et payent des taxes.Les praticiens de linformel(53,25%) font officedune occupation anarchique du site et ne paient aucune taxe. Au vu des agents municipaux, les occupants de trottoirs séchappent et se réinstallent aussitôt que ces derniers quittent les lieux.
Trois formes dimplantation anarchique se présentent dans la zone.Lune constitue linvestissement des trottoirs par les petits commerces et métiers. Cest la forme la plus développée dans lespace détude, près de 2/3 des rues sont touchés par ce type dimplantation. Elle est suivie de loccupation des abords de rues par linformel et enfin de installation sur le réseau dassainissementqui savère être la forme la moins répandue.Les trottoirs et abords de la voie principale du quartier (voie bitumée) constituentla zone de prédilection de ces activités anarchiques dans lesquelles les 3 domaines précitées sont représentés. Ces activités illégales sont prédominées par le commerce suivi de lartisanat.Ces activités informellessinscrivent donc dans le désordre.
Nos résultatsrejoignent ceux de plusieurs études précédentes menées.Relativement aux autres activités économiques, avec les mêmes méthodes, Gogbe et al(2010) ont conclus des résultats similaires. Leur étude met en relief le désordre urbain lié à lartisanat dans trois quartiers de Yopougon à savoir Banco,Siporex et Wassakara. Létude souligne limplantation anarchique des activités artisanales sur le domaine public et les terrains non-bâtis.
Liemdorfer(1999,2004) confirme loccupation de lespace public par les artisans et commerçants à Abidjan. Pour lui, la question se pose de « manièrevisible, massive et permanente ». CHAULIAC et al relèvent, quant à eux, que le commerce de rue des aliments à Abidjan sexerce sur les trottoirs, dans les arrêts de bus aux alentours des marchés et de la voie
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publique et dommageables à la santé (CHAULIAC et al,1993). Ils mentionnent que « certains gouvernants considèrentlalimentation de rue comme un phénomène nuisible : entrave à la circulation, menace pour la propreté de la ville, sources possibles dintoxication alimentaire et de maladie » (CHAULIAC et Al, 1993).PourFauré, les activités informelles et de commerce à Abidjan sont multiples,diversifiées et implantées pour plusieurs sur le domaine de lEtat à lair libre ou dans des locaux précaires(FAURE,1994).Le désordre lié à lartisanat est fulgurant. Variées, les activités artisanales dans les différentes communes engendrent une dégradation importante de lenvironnement et de nombreuses maladies.« Les artisans du secteur informel polluent le sol avec les huiles usagées, les déchets alimentaires et incommodent le voisinage par le bruit et les odeurs » (Ministère de lEnvironnement, 1998).Linsalubrité générée a pour corollaire diverses maladies parasitaire etinfectieuse que sont respectivement le paludisme et la diarrhée selon lauteur.
Comme facteurs de ce desordre,divers facteurs sont relevés.Selon Fauré (1994) , les établissements sommaires et anarchiques du secteur informel sont liés à la faiblesse économique des praticiens dont le plus grand nombre na accès au crédit bancaire.Par ailleurs, la mauvaise organisation du secteur est citée au rang des causes.En effet « malgré le nombre important des artisans ,ni les autorités politiques ou publiques ni les acteurs eux-mêmes ne sont parvenus à organiser correctement et convenablement le secteur pour lui permettre dêtre efficient et efficace.Il sen dégage une impression de desordre alors que les oportunités sont nombreuses »( KOFFI,2013).Quant à TUBIBU et al , ils évoquent le boom démographique comme vecteur de la prolifération de petits commerces à Abidjan ( TUBIBU et al , 2008). La prise en compte de toutes ces réalités importe donc pour pallier la problématique du desordre se rapportant aux activités économiques à Abobo-Akeikoi.
CONCLUSION
Au terme de cette étude visant à analyser limplantation des activités économiques àAkeikoiil ressort 246 activités économiques relevant de lartisanat, du commerce, des NTIC et imprimeries menées dans le quartier et majoritairement informelle. Ces activités informelles sinscrivent dans un désordre traduit par loccupation du domaine public. Cette implantation illégale revêt trois formes à savoir linvestissement des trottoirs, celui des caniveaux et loccupation des abords de rues. En cause, la récession économique, la marginalisation du secteur informel dans la planification urbaine et le laxisme des autorités. Cet anarchie est dun impact néfaste sur la zone à maints niveaux. Dautres nouveaux quartiers ne sont-ils pas touchés par ce désordre urbain ?
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Notes
Table d’illustrations
Auteur(s)
1Téré GOGBE , 2Deagai Parfaite DIHOUEGBEU, 3Mamoutou TOURE
1Maître de Conférences gogbetere@yahoo.fr
2Assistante parfaitedeagai@yahoo.com
3Maître-Assistant tourema@yahoo.fr
Droit d’auteur
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Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, Côte dIvoire