Géographie des transports urbains : quelle évolution dans la discipline géographique ?

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Irène KASSI-DJODJO

Résumé :

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La géographie des transports et plus spécifiquement celle des transports urbains est la branche de la géographie qui s’intéresse aux modes de transport, aux acteurs, au fonctionnement et aux infrastructures qui les soutiennent. Ce champ reste peu connu au sein de la discipline géographique. En Côte d’Ivoire, ce n’est que très récemment qu’elle est apparue dans les travaux de recherche. Pour autant, elle connaît depuis ces dernières années un réel engouement. Toutefois, au plan local son développement reste hypothétique à l’heure actuelle,en l’absence de tradition dans l’enseignement de cette thématique.

Entrées d’index


Mots-clés : Côte d’Ivoire, géographie, épistémologie, évolution, transports urbains.

Keywords: Côte d’Ivoire; Geography; Epistemology; Evolution; Urban transportations.

Abstract :

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The geography of transportation and more specifically thegeography of urban transportationis the branch of geography that focuses on the modes of transport, actors, operations and infrastructure that support them. This field is not well known within the geographical discipline. In Côte d’Ivoire, it is only very recently that it appeared in the research. For all it knows in recent years a real craze. However, its local development remains hypothetical at present there is no tradition in the teaching of this subject.

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Mots-clés : Côte d’Ivoire, géographie, épistémologie, évolution, transports urbains.

Keywords: Côte d’Ivoire; Geography; Epistemology; Evolution; Urban transportations.

INTRODUCTION


La géographie des transportsest le champ de la géographie qui étudieles « dispositifs, modes et moyens permettant l’acheminement de personnes ou d’objets matériels d’un lieu vers un autre » (Lévy et Lussault, 2003).Elle s’intéresse à tous les secteurs du domaine notamment maritime, ferroviaire, terrestre, aérien, etc. avec une particularité pour l’espace urbain où se développent divers réseaux de transport. La circulation, l’organisation spatiale, l’offre et la demande de transport, les acteurs, etc. constituent autant de domaines d’investigations d’intérêt géographique. Pour autant la spécialisation des transports en tant que discipline géographique s’est faite tardivement.La croissance des échanges économiques de l’après-guerre induite par le développement des moyens de transportet la récurrence des problèmes liés à la circulation dans les centres urbains ycompris la construction de nouveaux réseaux de transport ont conduit à cette spécialisation (Bailly et al, 2012).Le rôle important accordé à cette thématique dans cette discipline contraste pourtant avec le peu d’intérêt qui lui est consacré dans les travaux de recherche surtout sur les transports urbains. En Afrique et notamment en Côte d’Ivoire, ce n’est que très récemment que cette branche de la géographie a pris naissance. Nous sommes tentés de savoir pourquoi ce désintéressement à la géographie des transports urbains alors que le progrès des transports engendre des mutations tant sur l’espace urbain que sur les activités humaines et sur l’environnement ?Quelle est évolution méthodologique de cette thématique en Afrique et plus particulièrement à l’école de géographie ivoirienne ? Ce champ n’est-il pas voué à l’échec au moment où les préoccupations environnementales, climatiques et géopolitiques entre autres retiennent davantage l’attention du géographe ? En somme, il s’agit de voir l’évolution épistémologique mais aussi méthodologique de la recherche en géographie des transports urbains. La recherche documentaire s’avère nécessaire pour appréhender l’évolution et les champs d’investigation de cette thématique dans les travaux de recherche.

I – L’évolution épistémologique de la géographie des transports urbains

Ce n’est qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale que la spécificité de la géographie des transports en tant que branche de la géographie a vu le jour.Jusqu’à la fin de la décennie 1950, elle était du domaine de la géographie économique (Bailly et al, 2012). La spécialisation de la géographie des transports fait suite à l’évolution épistémologique de la discipline géographique. Elle intervient au milieu du XXe siècle,

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au moment où les travaux de géographie humaine se diversifiaient et où la géographie devenait une discipline vigoureuse et bien implantée dans tous les pays industrialisés (Claval, 1995).

1 – Les différentes étapes chronologiques

La « nouvelle géographie » des années 1950 aux années 1970, qui se voulait explicative a mis l’accent sur les relations hommes/milieuxen négligeant lacirculation(Claval, 1995). Cependant, les changements opérés durant et après la seconde guerre mondiale ont profondément modifié la manière d’appréhender les problèmes de société. Des méthodes et des champs d’investigation nouveaux voient le jour en géographie. C’est à cette époque que la géographie des transports s’impose comme une discipline géographique à part entière. L’école américaine de géographie et notamment l’université du Washington à Seattle innove dans le domaine avec Edward L. Ullman, spécialiste de la géographie des transports, des migrations et des flux. Pour lui, comme le rapporteClaval (1995), les faiblesses de la géographie tiennent de ce qu’elle a délaissé le volet circulation notamment des faits de relations au détriment des rapports entre l’homme et le milieu alors qu’ils ont été reconnus par les pionniers (Vidal de la Blache en particulier) comme les deux volets de la discipline. Par ailleurs, trois périodes caractérisent l’évolution de la thématique du transport dans les champs de recherche en géographie. 

La première période,des années 1940 aux années 1970 était caractérisée par une géographie des transports essentiellement descriptive (Bailly, 2012 ; Brocard et al, 2009). Maisà partir des années 1960,avec l’école américaine de géographie des transports, sont introduites la modélisation du réseau de transport et les interactions entre le système de transport et son environnement opérationnel, à savoir les aspects physiques, socio-économiques, politiques, administratifs et le niveau technologique d’un territoire(Pini, 2012).

La seconde période, de 1970 à 2000, est marquée par une évolution des approches en géographie des transports avec une domination de l’approchepar les réseauxdans les recherches. Les interactions entre la géographie des réseaux de villes et celle des réseaux de transport sont étudiées.L’épanouissement de ce champ d’investigation,au cours de cette période, s’est traduitpar l’apparition d’ouvrages et de revues spécialisées telles que « Flux » créée en 1990, « Journal of transport geography » créé en 1993 (Brocard et al, 2009). 

La dernière période, depuis 2000, marque la maturité de la géographie des transports en tant que branche autonome de la géographie humaine grâce à la diversité des problématiques abordées

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et à ses méthodologies éprouvées. Les thèmes et problématiques anciens sont approfondis « disparités de mobilité ou d’infrastructure et organisation des territoires, transport et développement, désenclavement et intégration des territoires, comportement des usagers, politique des transports », de nouveaux thèmes apparaissent « (substitution transport-télécommunication, transport et logistique industrielle, transport et développement durable) » (Pini, 2012). En somme, il y a des renouvellements significatifsvoire une évolution conceptuelle dans ce champ qui marque non pas la rupture mais plutôt la continuité et le changement à la fois (Brocard et al, 2009). 

Malgré sa maturité et la multiplication des publications, la géographie des transports mais plus spécifiquement celle des transports urbains reste un champ pourtant mal connu par toutes les disciplines scientifiques y compris au sein de la géographie. Les raisons sont diverses. Brocard et al (2009) en énumèrent quelques-unes notamment la priorité donnée à la description, aux paysages et aux régions au détriment de l’analyse des mouvements, la difficulté de traiter des flux en rapport avec l’espace géographique et l’absence de « tradition » dans l’enseignement de cette thématique.

2 –Une thématique peu développée en géographie urbaine

Les recherches en géographie urbaine se sont multipliées dans les années 1950. Toutefois, le développement de cette branche disciplinaire n’a pas donné lieu à des études sur les transports urbains à cette époque. Du moins, très peu de travaux en faisaient brièvement cas dans des analyses générales sur le fonctionnement des centres urbains. En effet, la géographie urbaine qui s’était constituée à la fin du XIXe siècle en France et surtout à partir de 1911 avec Raoul Blanchard (Claval, 1995) et qui connaissait une certaine vivacité dans les années 1950, ne comptait pas la thématique des transports urbains parmi ses champs d’investigation. L’analyse de la mobilité inter ou intra-urbaine, par exemple, était laissée aux ingénieurs (Brocard et al, 2009). C’était un paradoxe que l’étude des villes ne s’intéressait pas à cette thématique, alors que l’organisation du transport suscite de profondes transformations dans l’économie urbaine et modifie la nature des rapports avec la production, l’habitat, les équipements, etc. 

La vie urbaine mais plus généralement, comme la stipuleMeynier (1966), la vie moderne ne peut être possible sans transport. L’absence de ce champ dans les études de la ville tient de ce que la géographie urbaine elle-même était gênée, dans ses débuts, par la volonté de coller au paysage en retraçant la genèse du bâti, la diversité des quartiers et se

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résumait souvent à l’analyse du site, de la situation et des fonctions urbaines (Claval, 1995). Il y a eu donc une promotion tardive de cette thématique en géographie urbaine. 

En France, les travaux s’y rapportant se sont développés à partir des années 1960 sans un réel engouement pour ce champ. Il suffit de faire un inventaire pour se rendre à l’évidence du faible intérêt que suscite cette thématique auprès des géographes, alors qu’on lui accorde beaucoup d’importance dans d’autres disciplines comme l’économie où foisonne une littérature abondante mais aussi auprès de nombre d’organismes internationaux tels que la Banque Mondiale et l’Union Européenne.Ce faible engouement, pour les problématiques des transports urbains, observé à l’école de géographie française l’est également pour l’ensemble des pays francophones anciennement colonisés par la France ou du moins ceux de l’Afrique subsaharienne dont nous connaissons mieux l’historique. La tradition universitaire est assez récente dans ces pays et notamment en Afrique occidentale où des universités furent créées qu’après 1960 par l’ancienne métropole, à l’instar des autres possessions coloniales d’Afrique du nord. 

Les écoles africaines de géographie naissantes et notamment celle d’Abidjan, dirigées par des maîtres français, tous quasi régionalistes et ruralistes, se sont investis dans des études scientifiques du pays, des habitants, de son évolution, de ses ressources et de ses productions (Kassi, 2010). Les objectifs majeurs assignés aux géographes étaient de faire de la recherche fondamentale et appliquée dans le but de mieux faire connaître le pays et favoriser son développement. Pour ce faire, les champs disciplinaires développés furent la pédologie, la biogéographie, la géomorphologie, la géographie régionale et rurale. Les recherches dans ces domaines géographiques étaient orientées vers le développement qui s’est révélé en géographie comme un outil opératoire au service de l’émancipation des peuples et des territoires. Ce paradigme en géographie a été à l’origine de nombreux travaux mettant en corrélation le développement différencié des territoires voire les disparités régionales et leurs facteurs explicatifs, le développement urbain et rural, les doctrines économiques contemporaines et leurs impacts sur le pays, etc.C’est seulement plus tard, que fut introduite la géographie urbaine avec des thématiques classiques comme l’étude des réseaux et des fonctions urbaines. A partir des années 1980, les études en géographie urbaines se sont développées au plan méthodologique, conceptuel et thématique. De nouveaux champs comme les transports urbains voient le jour.

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3 – Un champ nouveau à l’école de géographie ivoirienne

La relative jeunesse de la géographie des transports tient de ce que la géographie urbaine elle-même est apparue tardivement dans les champs d’étude géographique en Côte d’Ivoire. Les raisons sont diverses et quelques-unesont été susmentionnées. Les premières thèses sur les transports urbains ont été menées par les géographes ivoiriens qu’à partir de 1988, toutes soutenues dans des universités françaises en convention de co-tutelle avec l’université de Cocody. 

Au total, ce sont trois thèses soutenues sur le sujet qui attestent du « sous-développement de la réflexion » (Claval, 1995)locale en géographie des transports urbains. Ce n’est que très récemment, à partir de2005, que les étudiants ont manifesté une certaine attirance pour ce champ en géographie. En effet, les soutenances de mémoires de maîtrise sur le sujet sont en progression. Elles restent certes insuffisantes par rapport aux autres thématiques urbaines dans lesquelles abondent les mémoires et les thèses, mais il y a un engouement réel. Les thématiques étudiées sont nombreuses et connaissent une évolution méthodologique et conceptuelle.

II –Une diversité des thématiques traitées

Malgré l’apparition tardive de ce champ à l’école de géographie d’Abidjan et bien qu’il y ait une constante dans les concepts notamment la mobilité, l’offre et la demande, les problématiques abordées dans les travaux de recherche se sont diversifiées.

1 – Quelques études géographiques portant sur lestransports urbains à Abidjan

Le premier travail de recherche sur le sujet fut, en 1969,un mémoire sur« Les transports urbains à Abidjan » (Demur, 1969). C’est une étude surl’offre, l’organisation et le fonctionnement des transports collectifs dans la capitale économique ivoirienne. L’auteur a adopté au plan méthodologique une démarche descriptive qui fait l’état des lieux des transports en commun dans la ville et ses périphéries. Il montre l’évolution chronologique des différents modes en rapport avec les mutations spatiales en cours. La coexistence des services artisanaux et conventionnels était déjà une réalité à cette époque qui a permis l’adéquation entre l’offre et la demande. L’entreprise de transport en commun SOTRA1(Société des Transports Abidjanais) assurait le transport collectif à travers toute la ville avec un complément des services artisanaux (les « gbakas ») à la périphérie (Yopougon et Abobo).

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La cartographie du réseau d’autobus (fig.1), réalisée dans ce travail, illustre bienl’ébauche d’une analyse réticulaire du système de transports en commun. Ce réseau a induit une meilleure organisation fonctionnelle de l’espace urbain d’Abidjan qui concentre dans le sud l’essentiel des emplois et dans le nord la majorité de la population.

Figure 1 : Réseau de la Sotra en 1969

Ce travail est suivi quelques années plus tard, en 1973, par « L’étude géographique des migrations quotidiennes des travailleurs à Abidjan ». Bien qu’elle ne soit pas une étude des transports urbains, l’auteur en a fait un aspect important de son analyse. Sa démonstration de l’impact des transports collectifs sur l’évolution spatiale de l’agglomération met en lien les circuits du transport populaire (privé ou « informel ») et conventionnel avec les premières apparitions de l’habitat populaire à Abidjan. Le coût du transport impacte les budgets familiaux et influe sur la localisation géographique des lieux d’habitation. Même s’il ne peut être généralisé à l’excès, la localisation de l’habitat dépend prioritairement de l’organisation

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des transports (Meynier, 1966). En effet, la création de ces habitats, comme l’expliqueHauhouot (1973) dans cette étude, répond à la nécessité de se rapprocher davantage du lieu de travail. Le faisant, les populations concernées réduisent drastiquement voire annulent le poste de dépense transport dans les budgets familiaux. Toutefois, il rappelle le rôle indéniable des transports collectifs dans les migrations pendulaires. Cette étude montre une évolution dans l’approche méthodologique et conceptuelle. La méthode descriptive laisse place à une phase démonstrative et analytique du système de transport collectif à Abidjan.

L’étude de 1988 s’intéresse beaucoup plus aux acteurs des transports collectifs publics et privés ainsi qu’à leur mode de fonctionnement. Une analyse structurelle est faite sur les gares et les itinéraires des transports surtout ceux du secteur privé. Sur le plan méthodologique, l’auteur a opté pour une approche globale, lui permettant de rassembler et d’organiser les données recueillies pour une meilleure connaissance du champ d’investigation. Il a mis ainsi l’accent sur le travail de terrain pour tenter de toucher toutes les couches sociales qui composent la population abidjanaise (usagers et acteurs des transports collectifs) mais aussi sur l’analyse cartographique et bibliographique. Les résultats de cette recherche a permis de montrer, outre les caractéristiques de l’espace urbain abidjanais, les principaux problèmes qui composent cette activité indispensableau fonctionnement de l’agglomération.

Cette étude est actualisée par les travaux d’Aloko (1999, 2001, 2002) à Cocody, Adjamé et à Bouaké sur les taxis collectifs « woro-woros ». Il détermine les facteurs expliquant le développement des taxis collectifs dans la desserte des espaces, analyse pour la première fois les choix qui président à la localisation des gares ou nœuds spontanés des transports populaires.

En 2007, l’étude sur les « Régulations des transports populaires et recompositions du territoire urbain d’Abidjan » (Kassi, 2007)a permis d’appréhender les facteurs explicatifs du développement des transports populaires et notamment les taxis collectifs « woro-woro » et les minibus « gbaka ». L’essor de ces modes de transport à Abidjan est inhérent à la crise multiforme que connaît la Côte d’Ivoire depuis la décennie 1990. Il s’agit de la crise économique, de la croissance urbaine accélérée, de la réduction des emplois modernes et par conséquent le renforcement des activités de l’informel, tout ceci dans un contexte d’affaiblissement de l’Etat et de son administration. Tous les secteurs socio-économiques ont été touchés par la crise y compris celui des transports collectifs urbains. L’adéquation entre l’offre et la demande constatée dans les années 1970 et 1980 n’est plus qu’un lointain souvenir. 

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Le secteur conventionnel, assuré par les autobus, est inefficace face à la hausse constante de la demande. L’initiative privée pallie ainsi l’insuffisance du service public voire d’Etat régulateur. Cela a engendré diverses pratiques illicites comme la corruption et le racket dans le secteur qui plombe tous les efforts pour une meilleure organisation du milieu. Cette étude a révélé le rôle capital joué par le secteur des transports populaires dans la résorption du problème de l’emploi. C’est un secteur pourvoyeur d’emplois par l’insertion de nombre de chômeurs dans cette activité. Mais au-delà de l’emploi, leur dynamisme a favorisé l’amélioration du transport urbain local. En revanche, ils posent des problèmes urbanistiques et gestionnaires. Les rues, les trottoirs et les carrefours sont détournés de leur fonction circulatoire au profit d’une émergence de gares spontanées (figure.2).

Figure 2 : Localisation et hiérarchie des gares des transports populaires

L’aspect méthodologique de ce travail combine à la fois le descriptif, l’analytique et le démonstratif. Les concepts d’accessibilité, de réticularité et de nodalité ont été abordés dans les chapitres. Aussi, une cartographie élaborée a permis de montrer à différentes échelles (quartier, ville) l’impact spatial de l’organisation d’une telle activité.

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« Dynamique urbaine et desserte des quartiers périphériques d’Abidjan »est une étude qui montre à travers les cas des quartiers périphériques, le rôle des modes de transport « informels » dans la desserte des différents secteurs d’Abidjan. Bien que la législation en vigueur leur soit défavorable, ces transports ont survécu et étendent leur réseau à travers toute la ville. L’auteur, dans une démarche systémique de l’étude géographique des distances de déplacement, de l’articulation résidence-travail-loisirs-autres, des réseaux et des problèmes inhérents, montre les facteurs de développement de ces dits transports officiellement interdits et interroge le rôle des acteurs professionnels et administratifs dans la léthargie de la régulation et l’atomisation du secteur du transport collectif.

Outre l’évolution méthodologique et conceptuelle relevée à travers toutes ces études, il faut noter également la diversité des terminologies pour désigner ces différents modes de transport qui appelle aussi une analyse contextuelle de leur dynamique. Les travaux de recherche sur ce champ d’investigation se multiplient aujourd’hui au plan local. De nombreux articles ont été publiés ainsi que des mémoires de maîtrise soutenus sur le sujet qui montrent l’intérêt de plus en plus grandissant des géographes locaux pour la géographie des transports. Cependant, cet intérêt suffit-il pour faire localement de la géographie des transports une discipline d’avenir ? Face à la vivacité des autres branches géographiques, ne pensons-nous pas que ce champ est voué à l’échec ?

2 – Géographie des transports urbains : quelle perspective au plan local

Malgré le constat d’un intérêt certain porté à la géographie des transports urbains en Côte d’Ivoire, nous ne pouvons pas prévoir avec certitude le futur de ce champ. Le manque de laboratoire et d’une véritable équipe de recherche spécialisée sur la question ne garantissent guère la pérennité d’un tel champ d’investigation. Les études effectuées jusque-là sont individuelleset selon les aspirations de chacun. De plus, elles ne s’inscrivent pas dans un programme de recherche globale de sorte à réaliser des axes de réflexion mieux construits et plus attractifs pour les étudiants, garants de cette pérennité. Il est certain que les problèmes des transports urbains abondent dans les villes ivoiriennes. Il est aussi vrai que ces problèmes interpellent également les géographes en tant que spécialistes des évolutions spatiales, puisqu’il se pose dans ces villes un véritable problème d’aménagement et d’urbanisme. Mais, sans un minimum de construction institutionnelle locale pour apporter un élan à cette branche de la géographie, il serait difficile d’en assurer la continuité. La méconnaissance de ce champ tient aussi de ce qu’il n’est pas enseigné dans le programme pédagogique. Il a été intégré dès

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le départ à la géographie urbaine et il y est resté jusqu’aujourd’hui. La généralisation des problèmes du transport urbain à l’ensemble des villes ivoiriennes nécessite pourtant de le sortir de la géographie urbaine pour en faire une discipline à part entière. Ce champ devrait donc figurer dans les programmes d’enseignement et de formation.

CONCLUSION

Intégrée à la géographie économique, la géographie des transportss’est finalement imposée, suite à son évolution méthodologique et conceptuelle, comme une discipline géographique à part entière. Les problématiques se sont diversifiées et approfondies pour les plus anciennes.De nouvelles thématiques comme celle des transports urbains sont apparues dans les travaux de recherche. La géographie des transports urbains s’est ensuite développée à partir des années 1960 en France. Malgré tout,ce champ reste méconnu dans les sciences humaines et au sein de la géographie elle-même. En Côte d’Ivoire, elle n’est apparue que très récemment dans les années 1980. Après un début timide, cette thématique connaît aujourd’hui un engouement mais également une évolution méthodologique et conceptuelle. Les concepts de réticularité, de nodalité, d’accessibilité, etc. sont de plus en plus abordés dans les études locales. Cependant, en l’absence de cadres institutionnels et pédagogiques, la géographie des transports reste peu vulgarisée. Hors, il importe aussi qu’elle devienne aujourd’huiune discipline à part entière enseignée dans les programmes pédagogiques, compte tenu du développement des moyens de transport et des problèmes multiples qu’ils engendrent dans nos villes.L’absence de tradition dans l’enseignement de cette thématique constitue un frein à son épanouissement.

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Notes


1La SOTRA (Société des Transports Abidjanais) créée en 1961, est la première entreprise de transport en Afrique subsaharienne.

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Auteur’s)


1Irène KASSI-DJODJO
1Maître-assistante Institut de Géographie Tropicale Université Félix Houphouët Boigny, Abidjan irenekassi@yahoo.fr

Droit d’auteurs


Institut de Géographie Tropicale
Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire

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