Application des méthodes statistiques et hydrochimiques dans la caractérisation des eaux souterraines de l’arrondissement 8 Madibou (Brazzaville -République du Congo)

Médard NGOUALA MABONZO, medngouala@yahoo.fr

Edmond Nicaise MALANDA NIMY, Université Marien Ngouabi, Brazzaville, République du Congo

Résumé :

L’arrondissement 8 Madibou est situé au sud de Brazzaville (République du Congo). L’approvisionnement en eau potable des populations de cet arrondissement est assuré par l’eau de la nappe souterraine de grès de l’Inkisi dont l’ignorance de la qualité pourrait exposer les populations aux risques des maladies hydriques. Une méconnaissance de la qualité de cette ressource exploitée existe ou demeure. Pour ce faire, cette étude a été initiée pour déterminer l’état actuel de la qualité de la ressource par l’étude de la qualité de l’eau dans les différents quartiers de cet arrondissement. Ces eaux ont fait l’objet de prélèvements en saison sèche et saison pluvieuse pour l’analyse des paramètres physico-chimiques. Les techniques d’hydrochimie et l’analyse statistique, donc les Analyses en Composantes Principales Normée (ACPN) ont été utilisées. L’étude hydrochimique montre que les eaux de cet arrondissement sont, acides avec un pH qui varie de 4,24 à 6,11, pour une moyenne de 5,27. Ces eaux sont faiblement minéralisées, avec des valeurs de la conductivité qui varient entre 11,00 μS/cm et 170,00 μS/cm. L’hydrofaciès de ces eaux est chloruré et sulfaté calciques et magnésien. La minéralisation des eaux est gouvernée par les phénomènes du contact eau-roche et des apports d’infiltration. Cette minéralisation est contrôlée par la nature des formations géologiques et par les précipitations. Cette étude a permis de mettre en évidence les caractéristiques physico-chimiques des eaux souterraines et des sources de pollution de l’eau ressource afin de garantir une gestion durable de la ressource.

Mots clés : Eaux souterraines, minéralisation, physico-chimique, Madibou, Brazzaville.

Abstract :

8 Madibou district is located south of Brazzaville (Republic of Congo). The drinking water supply for the populations of this district is provided by water from the sandstone groundwater of the Inkisi. This resource is faced with a lack of knowledge of its quality. To do this, this study was initiated to determine the current state of the quality of the water intake resource in the various neighborhoods of this arrondissement. These waters were sampled in the dry season and the rainy season for the analysis of physicochemical parameters. Hydrochemical techniques and statistical analysis, hence Normalized Principal Component Analyzes (ACPN) were used. The hydrochemical study shows that the waters of this district are acidic with a pH varying from 4.24 to 6.11, for an average of 5.27. These waters are weakly mineralized, with conductivity values varying between 11.00 μS / cm and 170.00 μS / cm. The hydrofacies of these waters is chlorinated and sulphated, calcium and magnesium. Water mineralization is governed by the phenomena of water-rock contact and infiltration contributions. This mineralization is controlled by the nature of the geological formations and by precipitation. This study made it possible to highlight the physicochemical characteristics of groundwater and sources of pollution of the resource water in order to guarantee sustainable management of the resource.

Keywords: Groundwater, mineralization, physico-chemical, Madibou, Brazzaville.

Introduction

L’eau est une ressource essentielle aux besoins fondamentaux de l’homme et à son environnement. Les eaux souterraines constituent une ressource en eau douce des collectivités urbaines et rurales. Cependant, l’eau captée peut contenir des éléments pouvant avoir des effets indésirables sur la santé, comme des microorganismes pathogènes, des substances indésirables ou même des substances toxiques (O. B. Yapo et al., 2010, p. 290 ; C.S. Jang et al., 2012, p.63). Ces substances peuvent provenir soit du milieu physique dans lequel l’eau a évolué, soit des rejets de certaines activités humaines dont l’eau est devenue le réceptacle. Des études menées en République du Congo dans certains aquifères ont permis de caractériser les eaux de forages, de puits traditionnels et sources à usage domestique des différents bassins versants et agglomérations congolaises (N. Moukolo, 1992, p.55 ; L. Matini et al., 2009, p.84 ; G.D. Moukandi–Nkaya, 2012, p.15 ; M. Ngouala Mabonzo, 2016, p.14 ; U.G. Mbilou et al., 2016, p.58-59).

Les eaux souterraines constituent l’une des sources les plus importantes en eau dans les quartiers périphériques de la ville de Brazzaville, notamment dans l’arrondissement de Madibou. En effet, ces eaux sont utilisées comme eaux de boisson pour les populations de cet arrondissement et en faible proportion, dans les activités agricole et d’élevage ou pâturage des bêtes. Cela, à défaut de connaissances sur les éléments physico-chimiques. Ces éléments sont importants pour apprécier sa potabilité. Ceci constitue un risque pour la santé des populations consommatrices de la ressource, mais aussi une cause de vulnérabilité pour l’environnement. C’est dans ce contexte que s’inscrit cette étude, dont le but est d’évaluer la qualité physico- chimique des eaux souterraines du huitième arrondissement et d’expliquer les phénomènes qui sont à l’origine de la minéralisation de ces eaux. Cette étude s’est fondée sur l’application des tests statistiques.

1.  Présentation de la zone d’étude

L’arrondissement 8 Madibou couvre, au total, une superficie de 80,45 km2. Il est situé au sud de Brazzaville et fait partie des neuf arrondissements de cette ville. Madibou s’étend sur 4,250° et 4,350° de latitude Sud et entre 15,150° et 15,200° longitude Est et est limité au Nord par le district de Goma Tsé-Tsé, au sud par l’arrondissement 1 Makélékélé, à l’ouest par le Djoué et à l’Est par le fleuve Congo (Carte.1). L’altitude moyenne, dans cette zone, est de 335 m. Le sol est issu de la série gréseuse de l’Inkisi et la végétation se présente comme une formation à tapis graminéen clairsemé avec une strate arbustive d’Euphorbiacées où domine hymenocardia acida (Kinga Mouzeo, 1986, p.88). Les précipitations sont modérées, entre 1100 et 1800 mm de pluie par an. La température moyenne est de 25°C.

Carte 1 : Localisation de la zone d’étude

Source : SRTM 90 m (USGS), carte topographique de la République du Congo

Le climat de type bas-congolais présente deux saisons : une longue saison de pluies d’octobre à mai, marquée par une période de répit pluviométrique de janvier à février et une grande saison sèche de juin à septembre (M.J. Samba–Kimbata, 2002, p.82).

2.  Matériels et Méthodes

2.1.  Méthode d’échantillonnage et d’analyse

La campagne de prélèvement a été effectuée entre mars et septembre 2020. Treize (13) points d’eau ont été échantillonnés. Les échantillons d’eau sont recueillis dans des flacons en polyéthylène de capacité 1500 ml et analysés, juste après prélèvement. Vingt paramètres sont déterminés au laboratoire, selon les techniques de (J. Rodier et al., 2009, p.4).

2.2.  Méthode de traitement des données

L’approche méthodologique est basée sur l’utilisation des méthodes statistiques que sont l’analyse en composantes principales (ACP) et la classification ascendante hiérarchique (CAH). Les méthodes statistiques ont été utilisées pour identifier et mettre en lumière les sources majeures des effets anthropogéniques sur la qualité des eaux souterraines et de surface (Y. Jiang et al., 2009, p.51 ; K.H. Kim et al., 2009, p.115 ; S.M. Yidana et al., 2011, p.841 ; G. Soro et al., 2019, p.1874).

2.2.1.  Analyse en Composantes Principales (ACP)

L’Analyse en Composantes Principales (ACP) est une méthode statistique multidimensionnelle permettant de synthétiser les informations dans le but de comparer les systèmes entre eux. L’ACP est, particulièrement, utilisée et adaptée pour expliquer, d’une part, les ressemblances chimiques entre les différentes eaux et/ou les différents pôles d’acquisition de la minéralisation et, d’autre part, les variables qui gouvernent ces mécanismes (M. Monjerezi et al., 2012, p.69;

J. Yuan et al., 2017, p.4). En effet, c’est une technique qui permet de prendre en compte un grand nombre de variables et d’échantillons. Par ailleurs, l’ACP est une technique qui présente une forte sensibilité aux valeurs extrêmes (B. Garry, 2007, p.65). Cette forte sensibilité aux

extrêmes facilite l’application de l’ACP sur des données centrées réduites ou normalisées qui donnent le même poids à chaque variable. Pour ce faire, les données d’entrée ont été normalisées (Equation 1). Cette étape est très importante dans l’ACP car au niveau du calcul des distances euclidiennes, les variables avec de fortes variances tendent à avoir une grande influence sur celles qui ont des variances faibles (C. Güler et al., 2002, p.462; V. Cloutier et al., 2008, p.296).

Où z est la valeur normalisée ; x est la donnée. μ et σ. sont, respectivement, la moyenne et l’écart-type des données. Durant toute la période d’étude, les analyses ont porté sur un total de 26 échantillons, avec 20 paramètres (T°C, pH, CE, Turbidité, Ca2+, Mg2+, K+, Cu2+, Al3+, Cr, Fe, Mn2+, Pb2+, MES, NO3-, Cl, SO 2-, PO43-, CaCO3, SiO2).

2.2.2.  Classification Ascendante Hiérarchique (CAH)

L’analyse de classification (Cluster Analysis) comprend un ensemble de techniques statistiques qui sont utilisées pour déterminer des groupes statistiques naturels ou des structures dans les données. Selon (K.H. Kim et al., 2009, p.115), l’application de cette méthode en géologie est récente. Cette méthode est, donc, couramment utilisée pour analyser les données hydrochimiques des eaux et vient en appoint de l’ACP. C’est un outil puissant pour l’analyse des données chimiques des eaux, compte tenu de la complexité des systèmes hydrochimiques et des difficultés que l’on rencontre au sujet de leur interprétation. Le fondement mathématique de la méthode tel que proposé par Kim et al., (2009, p.115) est basé sur le calcul de la distance euclidienne entre les individus ou observations dans un espace à n-dimensions. Premièrement, les données doivent être normalisées par le calcul de leurs moyennes à l’aide l’équation 2 suivante :

où Kij est la valeur normale de Xij pour la iième variable du jième individu, X est la moyenne de la iième variable et Sic l’écart type.

La procédure adoptée donne un poids égal à chaque variable. Ainsi, la mesure de similarité est, tout simplement, la distance définie dans un espace euclidien (X. Zeng et al, 2005, p.1984). La distance entre deux individus (j, k) est donnée par l’équation 3 suivante :

où Kik représente la Kième variable mesurée sur l’objet i, et Kjk la Kième variable mesurée sur l’objet j. Le résultat est donné sous forme d’un dendrogramme horizontal ou vertical qui classe les observations ou variables par groupes ou sous-groupes ayant le même poids ou les mêmes caractéristiques. Cette méthode permet de faire un regroupement des observations ou variables, en fonction des similarités qui existent entre celles-ci ou non. L’analyse statistique des données obtenues a été faite avec le logiciel Statistica 6.0.

3.  Résultats

3.1.  Évaluation de la potabilité des eaux

Les résultats des analyses chimiques des eaux souterraines de l’arrondissement 8 sont consignés dans le tableau 1. L’analyse de ces résultats montre que les eaux souterraines de la zone d’étude sont moyennement minéralisées, avec une minéralisation totale variant entre 48,20 et

143,83mg.L-1, pour une moyenne de 75,71 mg.L-1. La conductivité électrique (CE) de ces des eaux oscille entre 11,00 μS/cm et 170,00 μS/cm, avec une moyenne 55,35 μS/cm. Les eaux sont acides, avec un pH qui varie entre 4,24 et 6,11, pour une moyenne de 5,27. Elles présentent de faibles teneurs en substances indésirables, avec des teneurs de 0,00 mg.L-1, 15,00 mg.L-1 et 51,40 mg.L-1.

Tableau 1 : Résultats des analyses chimiques sur les eaux de puits et sources de l’arrondissement 8 Madibou (mg.L-1)

VariableMinimumMaximumMoyenneEcart-type
pH4,246,115,270,57
T°C26,4328,0427,350,52
CE11,00170,0055,3549,72
Turb.5,0016,009,773,06
NO31,183,191,850,49
3- PO40,121,630,520,46
2- SO45,0011,007,541,98
Cl0,001,080,240,30
Ca2+9,0017,0014,082,25
Mg2+11,0015,0012,081,19
K+1,605,603,601,25
Cu2+0,380,950,580,15
Al3+0,0811,151,113,02
Cr0,030,040,030,01
Fe0,010,230,060,07
Mn2+0,0070,040,010,01
Pb2+0,000,000,000,00
MES3,5910,535,411,96
CaCO37,0015,0011,312,81
SiO29,2051,4017,3011,36

Source : Données personnelles (2020)

3.2.  Classifications hydrochimiques des eaux de l’arrondissement 8 Madibou

Le faciès chimique des eaux de l’arrondissement 8 Madibou a été déterminé classiquement à l’aide du diagramme de Piper, en ayant recours au logiciel Diagramme du Laboratoire d’Hydrogéologie d’Avignon (R. Simler, 2007, p.1). Les données des ions majeurs, reportées sur ce diagramme (Fig.2), ont permis de déterminer la dominance des eaux chlorurées et sulfatées calciques et magnésiennes dans le pôle Hyper chlorurée ou hyper sulfatée calcique dans l’ensemble des eaux souterraines de cet arrondissement.

Figure 2 : Classification des eaux souterraines à partir du Diagramme de Piper

Source : Données personnelles (2020)

Dans l’arrondissement 8 Madibou, les eaux sont caractérisées par une prédominance des ions sulfates sur les ions nitrates et chlorures. Le magnésium (Mg2+) constitue le cation le plus important, puis vient le calcium (Ca2+) (Fig.3).

La représentation des hexagones issus du diagramme de Stiff (Fig.4) confirme, évidemment, le faciès déjà déterminé et permet, en outre, de visualiser leur répartition spatiale. Ainsi, les échantillons d’eau de la nappe souterraine de cet arrondissement permettent de confirmer l’existence du faciès chloruré et sulfaté calcique et magnésien, localisé dans l’ensemble.

  • Figure 3
  • Figure 4

Les tracés obtenus sur le diagramme de Schöeller Berkaloff (Fig. 5), pour les eaux souterraines de l’arrondissement 8 Madibou, montrent un pic pour les anions (sulfates), et un autre pour les cations, (magnésium), confirmant ainsi, le faciès chloruré et sulfaté calcique et magnésien pour ces eaux. L’allure quasiment parallèle des segments de droites sur la même figure, suggère que les eaux de l’arrondissement 8 Madibou subissent, toutes, les mêmes processus de minéralisation.

Figure 5 : Classification des ions à partir du Diagramme de Stabler

(Source : Données personnelles (2020)

Le diagramme de Wilcox (Fig.6) montre que les eaux souterraines de l’arrondissement 8 Madibou sont  excellentes.

Figure 6 : Diagramme de Wilcox

(Source : Données personnelles (2020)

3.3.  Analyse statistique des paramètres chimiques

L’analyse de l’hydrochimie des eaux souterraines a montré que le Ca2+, Mg2+ et SO42- sont les ions dominant dans les eaux souterraines. De même, en se référant à la matrice de corrélation (tableau 2), on note que l’ion (K+) est bien corrélé avec Cl (r = 0,731). La corrélation des différents paramètres étudiés a mis en évidence une relation étroite entre Mn2+, Cr, MES, K+, Cl, pH, T°C, Turbidité et la conductivité électrique (CE). Cette relation se traduit par les coefficients de corrélation qui sont proches de « 1 » (tableau 2). Les liens significatifs peuvent être probablement attribués à des origines communes de ces éléments. Puis ces résultats ont fait l’objet d’un traitement statistique par la méthode d’Analyse des Composantes Principales (ACP) à l’aide du logiciel XLSTAT 2007.1 – (version Demo).

Tableau 2 : Matrice de corrélation des paramètres chimiques mesurés

Source : Données personnelles (2020)

3.4.  Analyses exploratoires multivariées

L’analyse factorielle et la classification ascendante hiérarchique ont été appliquées aux paramètres de la qualité de l’eau considérés dans cette étude. Ces deux techniques statistiques peuvent être utilisées pour caractériser la qualité des eaux souterraines et concourent aussi à la planification d’un contrôle de suivi de la qualité des eaux (X. Zeng et al, 2005, p.1987). L’analyse factorielle permet de comprendre la structure de corrélation des paramètres de la qualité des eaux et d’identifier les facteurs les plus importants qui contribuent à cette structure. Quant à la classification ascendante hiérarchique, cette méthode permet une réduction de données en les regroupant en classes dont les entités ont des propriétés similaires. Les valeurs des paramètres de la qualité des eaux souterraines étudiées ont été centrées et réduites. Cette transformation de données (distribution de moyenne 0 et d’écart-type 1) rend la comparaison des distributions de valeurs plus aisée entre les paramètres.

3.4.1.  Analyse factorielle

L’extraction des facteurs a été effectuée par la méthode des composantes principales. Six facteurs, dont les valeurs propres sont supérieures à 1, ont été retenus, suivant le critère de Kaiser (1958). Ils correspondent à 77,87% de la variance totale. La rotation Varimax normalisée a été appliquée sur ces facteurs afin de faciliter leur interprétation. Le tableau 3 présente les valeurs propres des six facteurs et leurs variances expliquées.

Tableau 3 : Valeurs propres et variance des facteurs

NumérosValeurs propresVariabilités%Valeurs propres cumuléesVariabilités Cumulées %
15,0725,365,0725,36
22,9314,658,0040,01
32,4212,1010,4252,11
42,0510,2712,4862,39
51,989,9114,4672,29
61,185,5815,5877,87

Source : Données personnelles (2020)

3.4.2.  Classification Ascendante Hiérarchique (CAH)

L’évaluation de la qualité des eaux souterraines étudiées a été aussi faite en regroupant les points d’eau prélevés (puits et source) en des zones homogènes. Cette classification permet de réduire le nombre de sites de prélèvements dans le cas d’un programme de suivi temporel. La (Fig.7) présente les résultats de la classification des points de prélèvements en zones homogènes.

Quatre groupes se distinguent dans cette classification : G1, G2, G3 et G4. Dans ces groupes, des associations entre puits et sources sont évidentes. Tel est le cas de S2, Pt1, S3, S4, Pt3, S1 et S7 dans la classe G1; S8, S5 et Pt4 dans la classe G2; la source S6 dans la classe G3 ; la source S9 et Pt2 dans la classe G4. Les associations dans toutes les classes G1, G2, G3 et G4 ne concernent pas toujours des points localisés au même endroit.

Figure 7 : Classification des puits et sources

Source : Données personnelles (2020)

3.4.3.  Classification des observations

Le traitement statistique des observations, par la méthode d’Analyse en Composantes Principales, fait ressortir, dans son ensemble, deux axes F1 (25,36 %) et F2 (14,65 %). Les axes F1 et F2 représentent seulement 40,01 % de la variance. Ce résultat est un indicateur d’une dispersion des sources de variabilité de la composition chimique des eaux souterraines de la nappe de cette zone. Il montre que la qualité chimique des eaux provient de plusieurs processus qui entrainent une situation très complexe. On remarque que sur l’axe F1, (25,36 %) sont regroupés : le Calcium, l’aluminium, les sulfates, le Chrome, la turbidité, les nitrates et le plomb, s’opposant au fer, phosphate, au potentiel d’hydrogène, la température, au magnésium, l’alcalinité, le chlorure et le potassium. En effet, dans ce regroupement, l’association de ces ions correspond au pôle anthropique de la minéralisation de l’eau. Il traduit, ici, l’importance de la pollution domestique. Ceci montre une certaine originalité, dans ce cas d’étude. On peut dire que F1 est l’axe de la pollution.

Source : Données personnelles (2020)

L’axe F2 bien que peu représentatif (14,65 %) regroupe les matières en suspension, la silice, le cuivre, la conductivité électrique et le manganèse. Il traduit la minéralisation naturelle de l’eau ainsi que le degré d’altération des roches, d’une manière générale, le temps de séjour de l’eau, la durée de l’interaction eau-roche (Fig. 8). Ainsi, l’Analyse en Composantes Principales appliquées aux eaux souterraines de l’arrondissement 8 Madibou, montre que le pôle de minéralisation globale de ces eaux souterraines est contrôlé par des apports géologiques et, éventuellement, atmosphériques de nature variée dans un contexte hydrogéologique simple, où les échanges ioniques, l’altération des minéraux primaires ou la dissolution des minéraux secondaires, sembleraient jouer un rôle significatif dans la minéralisation des eaux souterraines. Le calcium, le Mg et la silice pourraient, dans ce contexte, être les meilleurs indicateurs de l’interaction eaux-roches. Sur un nombre limité de données et de plus sur des eaux relativement moins chargées dans un contexte de pression anthropique, l’Analyse en Composantes Principales présente une fiabilité limitée et donne difficilement des indications sur les mécanismes secondaires liés à l’interaction eaux-roches.

4.  Discussion

Les résultats des analyses physico-chimiques des eaux de l’arrondissement 8 Madibou montrent que les eaux sont acides, avec un pH qui varie de 4,24 à 6,11. Le caractère acide de ces eaux constitue une caractéristique des eaux rencontrées en zone de socle en République du Congo. Cette acidité des eaux souterraines a été observée dans plusieurs régions de la République du Congo. Il s’agit de la région de Pointe-Noire (G. D. Moukandi – Nkaya, 2012, p.63), de la région du Mayombe (N. Moukolo, 1992, p.116 ; M. Ngouala Mabonzo, 2016, p.118), de la région de Brazzaville (L. Matini, 2012, p.89). D’après Matini (2012, p. 88), la présence dans l’eau de CO2 provenant des sols, facilite l’hydrolyse des minéraux silicatés et la formation des ions HCO3-. C’est ce phénomène qui explique l’abondance des bicarbonates dans les eaux de la région. En effet, l’hydrolyse des minéraux silicatés présents dans les roches constitue le principal mécanisme de production d’ions dans les eaux souterraines de la zone d’étude. Ce phénomène a été mis en évidence dans cette étude par les résultats des différentes analyses statistiques multi variées. En République du Congo, la minéralisation des eaux souterraines par l’hydrolyse des différents minéraux contenus dans les roches aquifères a été mise en évidence dans les systèmes multi aquifères. L’Analyse en Composantes Principales (ACP) a donné des indications sur l’origine de la minéralisation des eaux de la région. Celle-ci révèle que la minéralisation des eaux est contrôlée par la nature des formations géologiques présentes dans la région. En effet, la minéralisation des eaux de la Lobo est contrôlée par le contact eau-roche comme l’indiquent les résultats des différentes statistiques. La géologie de la zone d’étude est dominée par les formations telles que les grès du Ba1, les grès du SP2 et SP3, de l’argile du SP1 et de l’arkose de l’Inkisi. L’hydrolyse de telles roches riches en feldspaths alcalins et en plagioclases acides explique les teneurs en Ca2+pour les cations dans ces eaux (N. Soro, 2002, p.62).

Les résultats obtenus, au cours de nos analyses, justifient qu’aucun indicateur de pollution n’est identifié dans l’ensemble du réseau d’échantillonnage ; Ce qui détermine que les eaux souterraines de cette zone sont de très bonne qualité dans leur ensemble.

Conclusion

L’étude réalisée sur l’ensemble des eaux des nappes souterraines de l’arrondissement 8 Madibou a permis de mettre en évidence les principales caractéristiques de ces eaux. Ces dernières sont généralement acides, avec un pH moyen de 5,27. La conductivité des eaux souterraines varie entre 11,00 μS/cm et 170 μS/cm, avec une moyenne de 55,35 μS/cm. Les eaux souterraines présentent des teneurs en substances indésirables qui varient entre 9.20 et 51,40 mg.L-1 pour la SiO2. Dans cet arrondissement, la majeure partie des eaux étudiées a des teneurs en substance indésirables inférieures à la norme OMS. Les teneurs en Mn2+, Cu2+, Cr et Fe restent faibles et sont largement inférieures à la norme OMS qui est respectivement de 0,01 mg.L-1; 0,58 mg.L-1 ; 0,03 mg.L-1 et 0,06 mg.L-1. Les métaux lourds ou les substances indésirables présentes dans les eaux souterraines de cet espace géographique sont d’origines naturelles (lithologie, pluies acides, le cycle biogéochimique et le contact eau-roche). Les eaux de puits et sources de cet arrondissement contiennent de faibles quantités des substances indésirables ou métaux lourds et ne sont pas polluées. Elles sont propres à la consommation des populations et leur utilisation n’expose pas les populations à des risques sanitaires.

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