Pertubations causées par la cohabitation des activités portuaires et le transport urbain : cas de l’agglomération d’Abidjan

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1Kablan Hassy N’Guessan Joseph, 2Kabran Gnankon Estelle Gisèle, 3Aké Aké Brice Patrick

Résumé;

FrançaisEnglish


La création du port d’Abidjan a eu pour conséquence la littoralisation des activités et par conséquent une migration des populations vers le Sud. À Abidjan, non seulement, certaines activités des populations urbaines ont une très grande promiscuité avec les activités du port construit à l’intérieur de la ville en lagune Ebrié, mais aussi, le port est sans cesse soumis au flux de populations à cause des emplois qu’il génère. Cet article vise à analyser les problèmes liés à la cohabitation des activités portuaires et celles de la ville. La recherche documentaire, l’observation du trafic urbain sustenté d’un suivi d’itinéraires des flux de marchandises transportées en provenance et en partance du port et les entretiens avec les autorités portuaires, les acteurs publics et privés du domaine des transports ont permis d’obtenir trois principaux résultats. D’un côté, les activités portuaires sont perturbées par la circulation des véhicules et les activités de la ville localisée dans la zone portuaire. De l’autre côté, le stationnement anarchique des camions portuaires et leur circulation dans la ville créent des perturbations au trafic urbain. Aussi, l’absence de cadre de concertation entre les autorités portuaires et celles de la ville restent un problème.

Entrées d’index


Mots-clés : agglomération abidjanaise : port, activités portuaires, perturbation, trafic urbain

Keywords: Abidjan agglomeration, port, port activities, perturbation, urban trafic

Abstract :

FrançaisEnglish


The consequences of the Abidjan harbor founding is the littoralization of the activities and consequently a migration of des populations to the south of the country. In Abidjan, not only, some activities of the urban population are not far to the ones of harbour build inside the city on the Ébrié lagoon , but also, the port is subject to the ebbing of the population because of the jobs that it generate. The objective of this current study is to analyze the problem caused by the cohabitation of the port’s activities and the ones of the city. the bibliographic researches in internet, the observation of the urban traffic and the goods coming from and going to the port and the discussions with port authorities and the private and public participants of the transport permit to obtain three results. On the one hand, the urban Traffic and urban activities in the port area create the disturbance of the port‘s activities. On the other hand, the anarchic packing of the port trucks and their movement on the city contribute to the traffic jam. Moreover, the lack of dialogue between the port authorities and the ones of the Abidjan city stay a problem.

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Mots-clés : agglomération abidjanaise : port, activités portuaires, perturbation, trafic urbain

Keywords: Abidjan agglomeration, port, port activities, perturbation, urban trafic

INTRODUCTION


La création du port d’Abidjan a eu pour conséquence la littoralisation des activités et par conséquent une migration des populations vers le Sud (Koby, 2008 ; Kablan, 2010). Aujourd’hui, le littoral de façon générale constitue une zone de concentration humaine donc d’intenses activités économiques. Abidjan, ville portuaire, a connu une forte croissance de sa population depuis cette époque. Cette augmentation demeurait soutenue jusqu’en 1980 au rythme de 8 à 10 % en moyenne avant d’amorcer une croissance progressive pour se situer aux alentours de 5 %. Au recensement de 1998, l’agglomération abidjanaise regroupait 20 % de la population et 44 % des urbains (Koby, 2008). En 2014, celle-ci était de 4807000 habitants (RGPH, 2014). Ces populations développent des activités dont certaines cohabitent avec celles du port construit à l’intérieur de la ville en lagune Ebrié. Par ailleurs, le port, entité économique, source d’emplois, lieu de contacts et d’échanges commerciaux est sans cesse soumis au flux de populations (Kassi, 2007). 
Ces différents constats nous amènent à poser la question de savoir quelles sont les perturbations liées à l’interaction entre les activités portuaires et les activités urbaines à Abidjan ? L’étude se propose d’analyser les perturbations induites par la cohabitation de ces deux types activités.

Méthodologie

La recherche des informations passe nécessairement par une consultation documentaire et une enquête de terrain. Celles concernant la règlementation relative aux stationnements anarchiques et à la circulation des camionneurs nous a emmené à consulter les journaux officiels de la république de Côte d’Ivoire, les bulletins périodiques d’information, les articles scientifiques et les notes circulaires du port. Des enquêtes de terrain ont été nécessaires pour une observation du trafic urbain de 06 h 00 à 20 h 00 pendant un mois (du 05 juillet au 05 août 2015) en vue d’identifier les différents goulots d’étranglement. Aussi, avons-nous effectué des suivis d’itinéraires des flux de marchandises transportées en provenance et en partance du port en vue de localiser les zones de perturbation de la fluidité routière par les camionneurs du port. En outre, un atelier d’échanges sur les relations villes-ports que nous avons eu avec les autorités portuaires d’Abidjan à la conférence du 21 juin 20151 a été d’un apport très appréciable dans la compréhension de notre axe de réflexion. Par ailleurs, des entretiens semi-structurés ont été effectués avec les directeurs de la Planification et du Développement, du Domaine et celui de la Direction Commerciale et Marketing du port pour comprendre les différents projets relatif au désengorgement de l’espace portuaire.

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Résultats

Les observations que nous avons faites le long des voies de communication ont révélé qu’il existe une mauvaise cohabitation entre les activités portuaires et les activités urbaines.

I. L’impact des activités urbaines sur les activités portuaires dans l’agglomération abidjanaise

La mobilité des populations, assurée par les moyens de transports occasionnent des perturbations des activités portuaires.

1. L’utilisation des voies d’accès au port par le transport urbain : facteur de perturbation des activités portuaires

Les voies d’accès du port sont continuellement envahies par les véhicules. En effet, plusieurs lignes de bus de la Société de Transport Abidjanais (SOTRA) traversent la zone portuaire. Il s’agit des lignes 19 et 07 qui empruntent le boulevard du Havre et des lignes 18 ; 23 ; 24, 58 et 59 qui desservent les communes d’Abidjan par la rue pasteur. 

L’incapacité de la SOTRA à satisfaire la demande en transport des populations abidjanaises a trouvé une réponse à travers l’émergence des « Wôrô-wôro2 » et des « Gbaka3 » (Kassi, 2007). La zone portuaire qui, jusqu’en 2000 était inaccessible à ces transports populaires, est devenue aujourd’hui un lieu d’affluence et de conjugaison des catégories de transports privés, de «Wôrô-wôro » et de Gbakas dans la mobilité des travailleurs du port d’Abidjan (Figure 1)

Figure 1: Réseau des transports et zones de perturbations liés à la cohabitation des activés urbaines et portuaires

Ces véhicules, caractérisés par leurs tailles et leur capacité réduite (Godard, 2005), dans leurs allers et retours réguliers occasionnent des perturbations et des désagréments sur les voies qui desservent le port d’Abidjan (photo 1). 

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Aussi, les populations de la ville d’Abidjan possédant des véhicules individuels, surtout celles qui résident dans la zone de Vridi empruntent-elles régulièrement la voie principale desservant la zone portuaire depuis la rue de canal en passant par la rue du Havre pour joindre les communes de Treichville et du Plateau. Tous ces mouvements des usagers contribuent à la perturbation de la fluidité routière de la zone portuaire déjà exacerbée par le grand nombre de véhicules couplé à l’étroitesse des voies de desserte et le stationnement des camions poids lourds, en attente de chargement ou de déchargement, sur les trottoirs.

2. Les activités urbaines dans la zone portuaire

Pour réduire les coûts de transports des matières premières utilisées, les industries veulent que l’usine soit dans le port et le bateau dans l’usine ou encore l’usine soit les pieds dans l’eau d’où le développement industriel dans tous les grands ports du monde avec l’installation d’industries dans la zone portuaire (Kablan, 2008). Cette logique a suscité la création d’une Zone Industrialo-Portuaire de 270 ha sur la plateforme portuaire d’Abidjan pour permettre aux entreprises de réduire les coûts de transport et faciliter l’évacuation de leurs produits transportés par voie maritime. Plusieurs structures se sont ainsi installées dans la zone portuaire les entreprises de pétrole, (la GESTOCI, PETROCI, SIR…), les cimenteries telles que SOCIMAT, Bélier et les usines de transformation de thon. Cependant, des entreprises dont les activités ne sont pas tributaires du port, ont acquis des espaces dans la ZIP pour asseoir leur activité (cas de SOVINCI, UNILEVER SANIA, COMAFRIQUE, PALMINDUSTRIE). Les déplacements de leurs véhicules participent gravement à l’encombrement dans la zone portuaire.

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II. La circulation urbaine à l’épreuve des perturbations induites par les activités portuaires dans l’agglomération abidjanaise

La circulation des véhicules dont les activités sont liées au port, perturbent significativement la circulation dans l’agglomération abidjanaise où les distances sont caractérisées par la rugosité due à l’étroitesse des voies de communication et de l’étalement de la ville.

1. Les points d’encombrement liés aux activités portuaires

Les trains et les camions affectés au transit des marchandises en provenance et à destination du port participent à l’encombrement des voies de communication dans la ville d’Abidjan. Le transit terrestre est un maillon essentiel dans la chaîne des transports et de la logistique, le bateau ne pouvant prendre en charge le transport des marchandises de l’origine à la destination finale. La desserte terrestre des marchandises à Abidjan est assurée par un transport bimodal (route et rail). Les camionneurs portuaires utilisent les mêmes voies de communication que les automobilistes créant quotidiennement des goulots d’étranglement par endroit (figure 1 cité plus haut). La ville d’Abidjan comme la plupart des capitales économiques d’Afrique Subsaharienne est caractérisée par l’étroitesse des voies de communication. À cette situation s’ajoute la ségrégation spatiale imposée par le plan d’eau lagunaire et l’insuffisance d’ouvrages de franchise. Seulement deux ponts ont été mis en place pour la connexité entre Abidjan Nord et Abidjan Sud. Un troisième pont a été réalisé en 2014 pour améliorer la circulation sur ceux existants. Cependant, ce dernier pont en pleine agglomération reste un ouvrage à péage ce qui ne lui permet pas d’atteindre l’objectif de départ qui lui est assigné. Les usagers de la route qui, en majorité effectuent des mouvements pendulaires entre leurs domiciles et leurs lieux de travail sont amenés à emprunter les deux premiers ponts. Les camions qui assurent la desserte portuaire, utilisent les mêmes itinéraires que les usagers urbains. Ils exacerbent quotidiennement les embouteillages ralentissant ainsi la vie économique.

  Ainsi, entre 08 h 00 et 09 h 30 le matin et entre 16 h 00 et 19 h 30 le soir, la zone à l’entrée du Grand Moulin d’Abidjan (GMA), principale porte d’entrée du port est encombrée à cause de l’étroitesse de la voie et courte distance entre l’extrémité du pont Félix Houphouët-Boigny et la première intersection avec le feu tricolore juste avant le GMA. En effet, avec la taille des camions, l’arrêt de seulement deux ou trois d’entre eux à ce feu, empêche le passage des véhicules qui veulent emprunter le boulevard Valéry Giscard d’Estaing (VGE). Entre 16 h 00 et 19 h 30, correspondant à l’heure de pointe, le passage à ce carrefour, reste une véritable gageure. La présence des gros camions à ces heures vient amplifier l’embouteillage causé par « l’insuffisance d’ouvrages de franchise, de l’étroitesse des voies de communication et le nombre croissant de véhicules » (Kablan, 2010 ; Kassi, 2007). Cette difficulté se reproduit aux entrées et sorties de la zone portuaire d’Abidjan du côté du Centre Hospitalier et Universitaire (CHU) de Treichville et du côté de la Société Ivoirienne de Raffinage (SIR) à Vridi où le phénomène est vécu à longueur de journée. Pourtant, la règlementation interdit aux camions poids lourds de circuler entre 06 h 00 et 09 h 00 le matin puis entre 05 h 00 et 07 h 00 du soir. En effet, la circulation de ces véhicules poids lourds aux heures non indiquées s’expliquent par plusieurs facteurs. D’une part, l’insuffisance d’espaces de stockage (quais, magasins cales) nécessite un enlèvement régulier des marchandises pour éviter l’engorgement du port comme ce fut le cas pendant la crise qu’a connue la Côte d’Ivoire en 2002. 

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Quant au train, il provoque des désagréments à la fluidité de la circulation à travers des arrêts sporadiques qu’il impose aux usagers urbains pour son passage surtout au Plateau vers le centre technique de la SITARAIL et du coté de Treichville vers le CHU. Cette traversée crée un cordon de véhicules individuels et de transport en commun en attente pour franchir ces zones en plein centre urbain.

2. Les désagréments des mouvements pendulaires entre les parcs à conteneurs à l’intérieur de la ville et le port d’Abidjan

Le trafic conteneurisé a été créé en 1956 en vue de faciliter le transport et la massification des marchandises. Il est apparu sur les côtes ivoiriennes en juin 1970. Dans le souci de répondre aux exigences de ce trafic, le port d’Abidjan a opté pour la construction d’un terminal spécialisé pour les conteneurs. L’exigüité de cet espace de stockage des conteneurs au port d’Abidjan a engendré l’occupation de sites dans certaines communes de la ville d’Abidjan par les compagnies de transport maritime telles que CMA-CGM, et la société de manutention SDV-SAGA. Quatre grands parcs ont été créés dans les communes de Yopougon, Marcory, Treichville et Port-Bouët. Ces espaces sont des lieux de dépotage et d’empotage de marchandises ; des espaces de relais entre l’hinterland et le port d’Abidjan. Ainsi, les camions remorques chargés ou déchargés de leurs cargaisons font régulièrement des navettes entre la zone portuaire et les parcs à longueur de journée et même aux heures qui leur sont interdites par la réglementation. 

En outre, les grues mobiles et les chariots élévateurs (photo 2) utilisés pour la manutention des marchandises entrainent de nombreuses perturbations de la circulation par leurs déplacements réguliers.

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3. Les stationnements anarchiques des camions, facteurs de rétrécissement des voies de communication

Les stationnements anarchiques des camions qui desservent le port exacerbent les complications de la circulation urbaine sur les voies de communication déjà trop exigües, insuffisamment entretenues avec des surfaces de roulement rugueuses (BAD, FAD, 1992).

Le port d’Abidjan se caractérise par un accroissement de son volume de marchandises. Cette augmentation s’exprime également par une demande croissante des camions pour assurer le transit terrestre des marchandises en provenance et à destination du port d’Abidjan. Ces camions continuent de stationner dans la zone portuaire et péri portuaire. 

Le stationnement de ces camions se fait selon une logique d’utilisation d’espaces publiques non occupés ou à proximité de la zone portuaire. Ainsi, les véhicules sont stationnés sur les trottoirs dans les zones contigües au port d’Abidjan depuis le palais des sports de Treichville jusqu’à l’Institut National d’Hygiène Publique (INHP). Les bordures de l’autoroute du nord dans la commune de Yopougon, entre la zone industrielle et le corridor de Gesco sont régulièrement occupées par les camions poids lourds (photo 3 et figure 2). Ces camions stationnent le plus souvent à mitoyenneté des stations-services. Leur emplacement à ces voisinages répond à une logique d’optimisation. Ces endroits constituent pour eux des points stratégiques de séjours en ce sens qu’ils permettent l’approvisionnement des camionneurs en carburant, en eau et en vivres pour attendre leur tour de chargement ou de déchargement des cargaisons. L’enquête origine-destination (OD) effectuée auprès de ces camionneurs a révélé que 80 % de ces véhicules poids lourds sont destinés à la desserte terrestre des marchandises en provenance ou en partance du port d’Abidjan et seulement 20 % sont destinés au transport des autres marchandises. 

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Ce phénomène contribue au rétrécissement des voies structurantes, provoquant ainsi de graves perturbations de la circulation dans la ville d’Abidjan à l’instar dans la plupart des pays africains où les réseaux urbains ne sont guère améliorés depuis les indépendances.

Le non-respect de la règlementation relative au stationnement des véhicules poids lourds par les camions du port s’explique d’une part par l’insuffisance de parcs de stationnement et d’autre part, par les frais de stationnement jugés trop élevés par ces camionneurs. En effet, il existe seulement deux parcs de stationnement de camions pour le port. À l’origine, un parc de stationnement a été créé sur la plateforme portuaire pour recevoir les camions en attente de chargement ou de déchargement. Située dans la zone de tri postale de Vridi, cette plateforme a une capacité statique d’accueil de trois cents véhicules poids lourds de trente-deux tonnes simultanément. Elle est donc incapable de contenir tous les camions afférant au port pour la desserte terrestre. Quant au second parc localisé dans la zone de Vridi, il est destiné aux camions citernes. 

La plateforme de la Société de Gestion des Gares Routières (SOGEGAR) d’Abobo PK 18 a été aménagée par un opérateur privé pour désengorger la gare routière d’Adjamé devenue trop exigüe pour le volume croissant de véhicules de transport en commun et par ricochet, réduire les nombreux encombrements des voies de ladite commune. La non utilisation de cette plateforme par ceux à qui elle était destinée a encouragé l’Office Ivoirien des Chargeurs (OIC) à mener des démarches pour l’occupation de ce parc par les camionneurs du port. Cependant, non seulement la distance géographique reste au désavantage de ceux-ci, mais aussi la distance temps s’allonge à cause de l’étroitesse de la voie de communication et du nombre croissant de véhicules qui créent des embouteillages (Godard, 2005 ; Kablan 2010). Cette raison a été avancée par 47 % des camionneurs pour expliquer leur refus de stationner dans le parc de SOGEGAR. En outre, 53 % des camionneurs jugent les coûts de stationnement dans ce parc trop élevés. Ces derniers soucieux de réduire leurs dépenses financières préfèrent stationner le long des trottoirs ou dans les espaces publics (photo 3). 

Quant à la plateforme de stationnement de Yopougon dont il est question dans la note circulation du 1er avril 2015, elle n’existe que de nom. L’espace contenant les 30 hectares acquis par le port pour servir de plateforme de stationnement, d’empotage et de dépotage a été déclassé par l’État de Côte d’Ivoire. 

Selon les autorités portuaires, le port a mené des démarches pour l’acquisition d’espaces en compensation du site dont il a été exproprié.

Outre ces deux aspects susmentionnés, les formalités administratives concernant les enlèvements des marchandises occasionnent le stationnement des camions aux abords des routes.

III. Absence de cadre de concertation les autorités portuaires et urbaines

Au début des années 2000, des démarches ont été menées par les autorités portuaires d’alors afin de mettre en place un cadre de concertation réunissant les autorités portuaires et celles de la ville d’Abidjan. Il visait non seulement la mise en place d’une stratégie opérationnelle de gestion rationnelle de l’espace urbain d’Abidjan, mais aussi et surtout une gestion commune de l’horaire de circulation des automobiles. La mise en place de ce cadre de concertation n’a jamais été formalisée. Selon le sous-directeur du domaine portuaire, le port et la ville travaillent de façon autonome. Cette situation reste une entrave à la résolution des problèmes de perturbation dans la ville d’Abidjan.

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Discussion

Les enquêtes ont permis d’obtenir trois résultats prépondérants. D’une part, l’étude a dévoilé que la circulation des véhicules dont les activités sont liées au port, perturbent significativement la circulation urbaine à Abidjan. Les trains bloquent la circulation de façon sporadique dans les zones d’intersection rail-route. Quant aux camions affectés au transit des marchandises en provenance et à destination du port, ils occasionnent des perturbations par leur stationnement anarchique le long des trottoirs et leur circulation dans la ville aux heures qui leurs sont interdites. Cette situation a été révélée par Zoro bi (2005) dans son étude relative aux « transports urbains et coordination institutionnelle » en Côte d’Ivoire. Il a fait remarquer que la congestion à l’intérieur de la ville est amplifiée par un trafic sous-régional de poids-lourds induit par les activités du port d’Abidjan situé presqu’au centre-ville. Elle occasionne de graves embouteillages qui bloquent les deux ponts quasiment toute la journée et surtout aux heures de pointe. Aussi, les mouvements pendulaires entre les parcs à conteneurs situés à l’intérieur de la ville et le port effectués par les engins de manutention et les remorqueurs induisent-ils de nombreux désagréments sur les voies urbaines. Abondant dans le sens, Gordon et David (2013) ont montré que les transports routiers et ferroviaires destinés au trafic maritime occasionnent des retards dans la circulation routière dans la région des grands lacs et de la voie maritime du saint Laurent au Canada. En plus, ils ont révélé que le coût estimé de la congestion urbaine supplémentaire serait compris entre 346 à 380 millions de dollars et de 46 millions de dollars par année respectivement pour la route et les rails. D’autre part, les investigations et les entretiens avec les autorités portuaires ont mis en relief la perturbation des activités portuaires par la circulation des véhicules de la ville et les activités urbaines localisées dans la zone portuaire. Cette situation n’est pas toujours une incommodité. Allain et al. (2013) ont révélé que la contiguïté entre la ville et le port est plutôt un avantage qu’un inconvénient. Ils ont indiqué que la proximité aux mégalopoles […], la hiérarchie urbaine ainsi que la taille de l’arrière-pays influence grandement le niveau de diversité du trafic pour certaines capitales nationales et régionales. Aussi, l’étude a-t-elle montré qu’il n’existe aucun cadre de concertation entre les autorités portuaires et celles de la ville. La mise en place d’un cadre de concertation entre les autorités de ces deux entités serait profitable pour une meilleure coordination. À l’instar de la Société de Transport Abidjanais (SOTRA) qui bénéficie de 7 kilomètres de site propre, la création de voies dédiées aux camions afférant aux activités portuaires contribuera à la réduction des encombrements des voies de circulation urbaine à Abidjan. Nous pensons comme Allain et al. (2013) que les autorités de la ville et celles du port doivent concilier leurs efforts pour une application rigoureuse des décisions prises relativement à la circulation urbaine. En fait, ces derniers ont écrit que la coordination des stratégies entre les acteurs locaux des villes et des ports d’Anvers et Rotterdam permettront d’en améliorer leurs fonctionnements. Cela dépend avant tout des stratégies politiques et urbaines déployées.

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CONCLUSION

La cohabitation actuelle entre les activités portuaires et la circulation urbaine à Abidjan souffre de nombreux problèmes. Les activités portuaires perturbent la fluidité de la circulation urbaine à travers les stationnements anarchiques des camions le long des trottoirs. Aussi le déplacement de ces camions, les mouvements pendulaires entre le port et les parcs à conteneurs dans la ville d’une part et entre le port et les unités industrielles dont les activités sont liées au port d’autre part créent-elles de nombreux goulots d’étranglement qui troublent la circulation à Abidjan. 
Par ailleurs, la mobilité des populations de la zone portuaire, l’activité des entreprises nullement liées au port, mais localisées dans la zone industrialo-portuaire, contribuent à la perturbation de la circulation dans cet espace économique. 
La création de voies dédiées, l’allégement des taxes au niveau des parcs de stationnement des véhicules déjà trop éloignés, la création de parcs à proximité du port et l’intégration des projets du port dans les plans de développement de la ville permettraient une cohabitation harmonieuse entre la ville et le port.

Bibliographie

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Kassi I., 2007, Régulations des transports populaires et recomposition du territoire urbain d’Abidjan, Paris, Université de Bordeaux 3, 311 p.

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Pumain. D, Saint-julien. T., 2010, Analyse spatiale : les localisations, ARMAND COLIN, Paris, 198 p.

Pumain. D, Saint-julien. T., 2010, Analyse spatiale : les interactions, ARMAND COLIN, Paris, 220 p.

Notes


1Cette conférence a permis aux étudiants d’échanger avec les experts en économie portuaire et transport maritime. Les thèmes de référence étaient : les rapports entre la ville et le port d’Abidjan ; La place des transports maritimes dans l’émergence en côte d’Ivoire ; La concession portuaire et les performances du port d’Abidjan ; le port d’Abidjan entre risques naturels et risques économiques.
2Taxis communal et intercommunal
3Mini car de transport en commun urbain.

Table d’illustrations


Auteur(s)/h4>


1Kablan Hassy N’Guessan Joseph, 2Kabran Gnankon Estelle Gisèle, 3Aké Aké Brice Patrick 
1 Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny, Cocody, Abidjan, Côte d’Ivoire Institut de Géographie Tropicale,kablanjoseph@yahoo.fr 
2 Doctorante, Université Félix Houphouët Boigny, Institut de Géographie Tropicale ; Chercheur associée au Centre Suisse de Recherche Scientifique, Cocody, Abidjan, Côte d’Ivoire estellekabran@gmail.com
3Doctorant, Université Félix Houphouët Boigny, Institut de Géographie Tropicale, Cocody, Abidjan, Côte d’Ivoire briceake33@gmail.com

Droits d’auteur


Université Felix Houphouët Boigny de Cocody, Abidjan, Côte d’Ivoire

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