Impact des populations étrangères sur les activités économiques dans le département d’adzopé (Côte D’ivoire)

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1WADJA Jean-Bérenger, 2SERHAN Nasser, 3ADOU Diané Lucie

Résumé :

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Dans le département d’Adzopé, ancienne zone d’implantation des cultures d’exportation (café, cacao), l’immigration étrangère date de l’époque coloniale. Elle s’est intensifiée après les indépendances au point où aujourd’hui le département compte un nombre important d’étrangers exerçant dans diverses activités. Cette étude vise à évaluer la contribution des allogènes dans le développement des activités économiques dans le département d’Adzopé.
La démarche méthodologique a consisté en une collecte des données grâce à la recherche bibliographique, et à l’enquête de terrain, les questionnaires, et les observations. 
Les résultats obtenus montrent que le département d’Adzopé est depuis l’époque coloniale une zone d’immigration. Ce qui a entrainé une mutation dans le paysage démographique et économique.

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Mots-clés : Adzopé, Immigration, Impact, Activités économiques

Keywords: Adzope , immigration, impact , economic activities

Abstract :

FrançaisEnglish


In the department of Adzope, former zone of the setting up of the crops of exportation (coffee, cocoa), the foreign immigration is traced back to the colonial time. It got intensified since the independences in such a way that today the department has a great number of foreigners doing many activities. This study aims at evaluating the contribution of the foreigners in the development of the economic activities in the department of Adzope. The methodological approach has involved in collecting the data thanks to the bibliographical research, the ground survey, the questionnaires and the comments.
The received results show that the Adzope department is, since the colonial time, an immigration zone. Thing that brought about changes in the demographic and economic landscape.

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Mots-clés : Adzopé, Immigration, Impact, Activités économiques

Keywords: Adzope , immigration, impact , economic activities

INTRODUCTION


Depuis la période coloniale, la Côte d’Ivoire subie des migrations interrégionales et internationales marquée par le recrutement d’étrangers pour le développement de l’économie de plantation. 
L’accession à l’indépendance en 1960 n’a pas marqué de rupture dans cette immigration car les autorités ivoiriennes avaient opté pour la politique d’ouverture sur l’extérieur avec les pays voisins. Ce qui a provoqué des vagues migratoires de ressortissants des pays limitrophes de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en direction de la Côte d’Ivoire (WADJA 2012). Les mouvements des ruraux vers les villes « l’exode rural» des ivoiriens ont été une occasion favorable permettant aux étrangers de s’intégrer et de s’investir dans les activités agricoles en milieux ruraux. En effet, en quittant le milieu rural, ils ont laissé un vide en main d’œuvre qu’il fallait combler. D’où l’apport des étrangers. Ils forment une composante essentielle de la main d’œuvre étrangère dans l’agriculture prenant le relais des nationaux qui ont quitté les campagnes. Ce phénomène récurrent s’est accentué dans toutes les zones forestières et côtières de la Côte d’Ivoire. Fort de cette remarque, les autorités ivoiriennes ont préconisé une politique migratoire restrictive dans les années 1990. En dépit de cette mesure, l’on assiste à une propagation décisive de courants migratoires en direction du Sud forestier et une forte présence des étrangers dans les différents secteurs d’activités du pays. 
Ainsi, à l’instar de la quasi-totalité des régions forestières du pays, le département d’Adzopé, va enregistrer de forts taux de mouvements migratoires d’allochtones, de ressortissants de l’Afrique de l’Ouest et même d’ailleurs. Cette immigration engendre une pression anthropique sur les terres cultivables. Concernant les étrangers, leur nombre est passé de 60 870 en 1998 à 98 201 en 2014 soit 28,74% de la population du département.
L’objectif de cette étude est d’évaluer la contribution des étrangers dans le développement des activités économiques dans le département d’Adzopé.

II. Méthodes et techniques de collectes des données

La recherche documentaire et l’enquête de terrain ont été nécessaires pour la réalisation de ce travail. Dans bibliothèques et centres documentation, nous avons consulté des ouvrages méthodologiques, des documents administratifs, des rapports, des thèses et mémoires qui abordent la question de l’immigration des étrangers, et la typologie des activités économiques exercées par les étrangers en Afrique subsaharienne en générale et en particulier en Côte d’Ivoire. 
En plus, des sorties sur le terrain ont permis de nous familiariser avec les réalités du site. C’est ainsi que trois sous-préfectures ont été sillonnées pour identifier les activités économiques qui animent le département d’Adzopé. Ce sont les sous-préfectures d’Adzopé, de Bécédi-Brignan et d’Assikoi (figure 1). Les données collectées ont permis de faire une extrapolation sur tout le département. Nous avons utilisé la méthode empirique ou choix raisonné pour déterminer les personnes à enquêter; la méthode des quotas a été adoptée pour construire notre échantillon représentatif. Pour cela, nous nous sommes basés sur la structure de la population étrangère de notre espace d’étude selon les informations statistiques du Recensement Général de la Population et de l’Habitat, 2014 (RGPH), fournies par l’Institut National de la Statistique (INS). Les critères sont fonctions des objectifs fixés à savoir l’origine de l’étranger, leurs profils sociodémographiques et socioéconomiques, les activités socioprofessionnelles qu’ils exercent et les phénomènes dynamiques de la mobilité des non ivoiriens dans le département d’Adzopé.
Pour déterminer la taille de l’échantillon (n), nous avons utilisé la formule suivante :
p : proportion des étrangers dans la population totale
Avec la population étrangère d’Adzopé = 60870 habitants,
La population totale du département d’Adzopé = 280346 habitants,
t = taux de confiance de 95% donne un coefficient de marge 1,96.
e = marge d’erreur à 5%, valeur type de 0,05
La répartition du nombre d’étrangers enquêtés par sous-préfecture choisie s’est faite selon les critères de choix mentionné dans le tableau 1.

Tableau 1 : Répartition des étrangers enquêtés par sous-préfecture selon le sexe

Figure 1 : Carte du département d’Adzopé

III. Résultats

3.1. Analyse des activités économiques dans le département d’Adzopé

  Le département d’Adzopé est essentiellement animé par les trois grands secteurs d’activités économiques du pays. Ces différents secteurs ont fait de lui une zone d’attraction de la population ivoirienne et non ivoirienne. Il s’agit du secteur primaire, du secteur secondaire et du secteur tertiaire. Il existe une diversification de cultures pratiquées due à la position géographique du département.

3.1.1. Les différentes branches d’activités

La répartition des différentes branches d’activités dans le département d’Adzopé donne de constater qu’il s’est développé deux grandes branches d’activités dans le département d’Adzopé au détriment des autres. Selon l’ordre d’importance nous avons l’activité agricole qui emploie une forte population étrangère. Cela signifie que l’agriculture est beaucoup cultivée dans le département, soit une proportion de 35,24%. Il est suivi du commerce qui occupe le second rang. L’activité commerciale emploie aussi un bon nombre d’étrangers, soit 31,03%. Ainsi, l’agriculture et le commerce constituent deux principales activités économiques beaucoup pratiquées dans la région. Cependant, il existe un écart faible entre ces deux principales activités, soit un écart de 4,21%. Par ailleurs, les sans-emplois (la population étrangère inactive) sont faiblement représentés (1,15%).
Après analyse de la figure ci-dessous, nous pouvons conclure que l’agriculture utilise une main d’œuvre étrangère abondante pour son développement dans le département d’Adzopé. La concentration d’étrangers dans l’activité agricole se justifie tant par l’appel à la main d’œuvre lancé par le colonisateur mais aussi par la politique mise en place par les autorités ivoiriennes après l’indépendance du pays. En effet, pour instaurer l’économie de plantation, le colonisateur avait recruté des personnes de bras valides des pays voisins afin de développer l’agriculture dans le pays. Après la décolonisation, les autorités ivoiriennes avaient souhaité ouvrir la Côte d’Ivoire vers l’extérieur afin d’avoir une main d’œuvre laborieuse pour propulser l’activité agricole.

Figure 2 : Répartition des différentes branches d’activités dans le département d’Adzopé


Abordant dans le même sens, TOURE et N’GUESSAN (1994) ajoutent que la Côte d’Ivoire a ouvert largement ses frontières à ses voisins, elle a favorisé l’entrée d’une main d’œuvre abondante et laborieuse. Ces différents facteurs ont favorisé une immigration massive en Côte d’Ivoire. Ainsi, le département d’Adzopé qui est une zone forestière du pays et favorable à l’agriculture, constitue une région d’accueil des étrangers. Ces derniers se sont investis dans l’activité agricole et surtout en milieu rural. Cependant, beaucoup de ces étrangers ont transféré leur longue tradition commerciale dans le lieu de destination. Ce qui explique la concentration de ces étrangers dans l’activité commerciale dans le département d’une part. D’autre part, nous avons remarqué que nombreux de ces étrangers ont des niveaux d’étude inférieurs. Cette infériorité de niveau d’instruction pousse les étrangers à s’élancer dans les activités comme l’agriculture et le commerce. 
Notre enquête montre qu’une minorité de population étrangère est inactive (1,15%). Cette minorité d’étrangers inactifs démontre que les étrangers sont majoritairement actifs et se retrouvent dans les différentes branches d’activités.

3.1.2. Les différents statuts professionnels des étrangers dans le département d’Adzopé

Dans le département d’Adzopé, on constate que les agriculteurs sont fortement représentés, soit 35,24% des étrangers enquêtés. Ils sont suivis par les commerçants. Ceux-ci représentent 31,03% de la population étrangère. Ces deux grandes catégories de professions montrent que le département d’Adzopé accueille fortement des étrangers dominés premièrement par les agriculteurs, puis par les commerçants. Aussi avons-nous les éleveurs, les artisans, les conducteurs, les employeurs et employés, les manœuvres ou ouvriers. Cependant, les cadres supérieurs et les employeurs sont faiblement représentés dans le département d’Adzopé, soient des proportions 0,38% et 1,15% comme le montre la figure 3.
  On peut conclure que le département d’Adzopé est dominé par des étrangers agriculteurs, et des commerçants. En effet, l’agriculture et le commerce étant les plus pratiqués dans la région, ces activités emploient plus de personnes que les autres branches d’activités. La faible proportion de cadres supérieurs et d’employeurs se justifie par le faible niveau d’étude des étrangers dans le département.

Figure 3 : Répartition des effectifs des étrangers par statut professionnel

3.1.3. Population étrangère et secteurs d’activités dans le département d’Adzopé

En valeur brute, on constate que selon l’ordre d’importance, les burkinabés sont fortement présents dans le secteur primaire, ensuite dans le tertiaire et enfin dans le secteur secondaire. Ils sont suivis des Maliens. Ici le classement des effectifs dans les secteurs d’activités est inversé puisque les Maliens sont plus présents dans le tertiaire (commerce, transport, bâtiment, service, artisanal), et moins dans le primaire. Les nigériens sont plus concentrés dans le secteur primaire (agriculteur, élevage) que dans d’autres secteurs d’activités. Cependant, certains étrangers consacrent leurs activités dans un seul secteur dans le département d’Adzopé. Il s’agit des nigérians, des ghanéens, des mauritaniens et des béninois, dans le tertiaire.
La classification des différentes branches d’activités se fera selon l’ordre d’importance de la concentration des effectifs de la population étrangère. De la branche d’activité dominante à la branche d’activité moins dominante, on a l’agriculture cultivée majoritairement en zone rurale dans les sous-préfectures d’Assikoi, de Bécédi-Brignan, d’Annepé, de Yakassé-Mé, d’Agou et d’Adzopé). Le commerce est florissant en zone urbaine, précisément dans la ville d’Adzopé. Le bâtiment, le transport, l’élevage, la réparation, le service et l’artisanat sont développés aussi bien à Adzopé ville que dans les sous-préfectures.

Tableau 2 : Répartition des effectifs des étrangers selon les différentes branches d’activités dans le département d’Adzopé

3.2. Impact socio-économiques de la population étrangère

3.2.1. Les investissements des étrangers dans le département d’Adzopé

La plupart du temps, l’objectif des immigrés, c’est de rechercher des ressources qu’ils pourront rapatrier dans leur pays d’origine. Les migrants du département d’Adzopé ne sont pas en reste. Les tableaux 3 et 4 indiquent l’effectif des étrangers qui effectuent des rapatriements de fonds ou non dans leur pays d’origine, et l’effectif des étrangers qui investissent ou non dans le département d’Adzopé. Les données du tableau 3 montrent que dans le département d’Adzopé, les étrangers qui rapatrient des fonds vers leurs différents pays d’origine sont inférieurs à ceux qui n’effectuent pas de rapatriement de fonds, soit 38,70% contre 61,30%. Ainsi, dans le milieu rural (sous-préfectures d’Assikoi, Annepé, Bécédi-Brigan, Yakassé-Mé etc) les étrangers ont investi dans le commerce (construction de boutiques et magasins), l’achat de matières premières (café, cacao). Ces investissements locaux permettent aux villageois de s’approvisionner en produits de première nécessité. En milieu urbain (Adzopé), beaucoup d’entre eux investissent leurs revenus surtout dans l’immobilier, dans le commerce, dans le transport et dans le secteur de bois.

Tableau 3 : Répartition de l’effectif des étrangers selon le degré d’affirmation au niveau du transfert de fonds vers le pays d’origine

3.2.2. Impact socioéconomiques globalement positifs dans le département d’Adzopé

 Les étrangers sont toujours des acteurs de développement pour la société et pour l’économie de la Côte d’Ivoire. A cela DIENG (2008) ajoute que les étrangers ont contribué significativement à son développement. La Côte d’ivoire doit en partie son dynamisme et ses performances économiques à sa politique d’ouverture et à l’apport de la force de travail des étrangers. Cette main-d’œuvre a joué et continue de jouer un rôle important dans l’agriculture, dans la mise en place des infrastructures économiques etc.
Dans le département d’Adzopé, la présence étrangère constitue en partie la locomotive du développement de l’économie régionale. Cela s’observe par leur contribution au travers des taxes communales et la gamme d’investissements dans le département. L’analyse du tableau 4 montre que les étrangers qui investissent dans le département d’Adzopé sont fortement représentés que ceux qui n’investissent pas. Les investisseurs occupent une proportion de 72,80%, qui fait presque le triple des non investisseurs soit 27,20% des étrangers enquêtés.

Tableau 4 : Répartition de l’effectif des étrangers selon le degré d’affirmation au niveau de l’investissement dans le département d’Adzopé

La comparaison de ces deux tableaux (3 et 4) nous permet d’appréhender que les étrangers investissent davantage dans le département d’Adzopé puisqu’ils ne transfèrent pas assez de fonds vers leur différent pays d’origine. Même si une partie de leur revenu est transférée vers leur pays d’origine, ce transfert de fonds n’influence pas les investissements. Donc une bonne partie de leurs revenus est investie dans le département. Dans le milieu rural (sous-préfectures d’Assikoi, Annepé, Bécédi-Brigan, Yakassé-Mé etc) les étrangers ont investi dans le commerce (construction de boutiques et magasins), l’achat de matières premières (café, cacao). Ces investissements locaux permettent aux villageois de s’approvisionner en produits de première nécessité. En milieu urbain (Adzopé), beaucoup d’entre eux investissent leurs revenus surtout dans l’immobilier, dans le commerce, dans le transport et dans le secteur de bois. D’autres étrangers nous ont fait savoir qu’ils sont issus de familles nanties et leurs parents immigrés ne s’intéressent pas à leurs richesses. Donc ils ont la possibilité d’investir autant de fois que l’occasion leur offre. Grâce aux importants investissements réalisés et à leur forte présence, les étrangers participent à la création de la richesse et au développement du département.

3.2.3. La contribution à la fiscalité du département d’Adzopé

D’une manière générale, les étrangers du département d’Adzopé contribuent activement à la création de la richesse à l’échelle départementale, régionale et même nationale. Cela se justifie par le fait que lors de nos enquêtes, 174 étrangers ont affirmés payer des taxes contre 87 répondants qui ont dit « non », soit 66,67% de contribuables contre 33,33% de non contribuables. Parmi les pays qui participent à la fiscalité, le Burkina Faso affiche une proportion dominante de contribuables (39%). Il est suivi de la proportion malienne, soit 21,84%. Hormis ces deux pays, on observe aussi d’autres pays comme le Nigéria et le Ghana. On peut conclure que la présence étrangère dans le département d’Adzopé permet de générer des fonds dans la trésorerie du département et donc dans la trésorerie nationale.
Le Burkina Faso et le Mali participent fortement à la fiscalité à cause de leur forte présence dans le département d’Adzopé. Malgré leur forte présence dans l’agriculture, les Burkinabés et Maliens se retrouvent dans le commerce où ils contribuent aux taxes communales, dans le transport où ils payent des patentes et vignettes, dans l’immobilier où ils participent aux impôts. Toutefois les Nigérians et Ghanéens contribuent aux taxes communales car leur nombre est important dans la commercialisation de la friperie, des produits sanitaires et phytosanitaires. Les Mauritaniens et libanais disposent de boutiques et magasins de produits alimentaires et cométiques. Ils payent aussi les impôts et les taxes communales Par ailleurs, d’autres contributions proviennent de l’agro-industrie de transformation de bois (scierie). Les principaux actionnaires de cette société sont les étrangers. Ils payent des impôts. Cela confirme les travaux de PRAO (2014) qui affirme que les étrangers contribuent à la croissance de l’économie de celui qui l’accueille. Les étrangers qui ne contribuent pas à la fiscalité (taxes communales, impôts etc.) dans le département d’Adzopé sont ceux qui exercent généralement des activités informelles. Ces activités informelles échappent souvent au contrôle de l’Etat. A cela, nous ajoutons les étrangers chômeurs qui ont gonflé le rang des ivoiriens sans-emplois.

3.2.4. Le transfert du savoir-faire dans le département d’Adzopé

La population étrangère présente dans le département d’Adzopé constitue une source de création d’emplois et de richesse dans la région. Quel que soit le motif migratoire et le type de migration (saisonnière, pendulaire ou définitive), l’étranger migre toujours avec son savoir-faire et avec ses potentialités dans la région d’accueil. C’est ce que LUTUTALA (2002) appelle « la fuite des cerveaux » vers la région d’accueil. Aussi l’OIM (2005) renchérit cela par l’expression « l’exode des cerveaux » vers le pays de destination. 
Dans le département d’Adzopé, beaucoup d’étrangers ont créé des activités entrepreneuriales découlant de leur savoir-faire et qui ont créé des opportunités d’emplois et de richesses à la population résidente. On peut citer la création de l’agro-industrie implantée dans la sous-préfecture d’Adzopé précisément à la périphérie de la commune d’Adzopé. Cette usine de transformation de bois a été installée par les français précisément la « famille Servant ».
La population bénéficie de cette industrie car elle génère des emplois aux ivoiriens et non ivoiriens et créée des richesses dans le département. Aussi avons-nous identifié l’industrie agro-alimentaire dans le village de Diapé, sous-préfecture d’Agou. Cette unité de fabrication d’attiéké a été implantée par des français. Il s’agit entre autres des magasins construits par les libanais. Ceux-ci ont pour rôle de stocker la production des matières premières (café, cacao) qui proviennent des campagnes. Après l’achat, ces produits sont directement acheminés au port d’Abidjan. Les étrangers apportent en général avec eux leur énergie, leur détermination, leur envie d’entreprendre et peuvent dynamiser les économies et l’organisation sociale du pays d’accueil.

3.2.5. Impact positif pour les étrangers et leur pays d’origine

Comme l’indique le tableau précédent (tableau 3), certains étrangers effectuent des transfèrements de fonds vers leurs différents pays d’origine. La majorité des étrangers qui rapatrient des fonds vers leur pays d’origine sont ceux qui ont bénéficié des assistances financières auprès des parents ou amis selon nos enquêtes. Selon DIENG (2008), les revenus générés par les étrangers leur permettent d’effectuer des transferts monétaires. Ces revenus assurent l’entretien de leur famille, apportent une assistance financière à des parents proches. Ces étrangers transfèrent des fonds vers leur pays d’origine pour la satisfaction des besoins de la famille. Pour ces étrangers la satisfaction des besoins familiaux demeure une préoccupation primordiale. Dans ce même contexte, L’OIM (op.cit.) affirme que les étrangers transfèrent les connaissances et compétences acquises dans le pays d’accueil lorsqu’ils rentrent virtuellement ou réellement dans leur pays, de façon temporaire ou définitive.
Toutefois les étrangers bénéficient des infrastructures socio-éducatives et sanitaires et autres services sociaux (foyers des jeunes, centres de documentation etc.) du département d’Adzopé. Ils ont facilement la possibilité de scolariser leurs enfants, l’accès facile aux soins dans le centre hospitalier régional et les dispensaires de proximité. Aussi ont-ils la protection et la libre circulation de commercialiser leurs produits, de faire des échanges commerciaux intercommunaux dans le département et au-delà. A cela LAMA (2000) ajoute que différents accords bilatéraux et multilatéraux ont été signés entre la Côte d’Ivoire et les pays de la CEDEAO relativement aux questions de liberté de circulation des personnes, de droit de résidence et d’établissement. Dans certaines localités rurales, les étrangers bénéficient de l’acquisition des terres pour l’activité agricole. La facilité d’accéder à la terre permet aux étrangers de créer de grandes plantations de caféiers et de cacaoyers. Cette assertion est corroborée par BABO (2010) lorsqu’il a affirmé que dans la région du Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire, le chef de terre faisait « don » de la terre aux migrants sur la base d’une reconnaissance implicite. D’autres même procèdent directement par l’achat de terre auprès des autochtones lorsqu’ils arrivent dans la zone. Nous avons constaté ce fait dans la ville d’Adzopé lors de notre entretien avec un groupe de garagistes burkinabé. Le patron de cette entreprise nommé Adama a affirmé qu’il a acquis son atelier de travail par l’achat direct de la parcelle auprès d’un ivoirien.

3.3.Effets socio-économiques pervers

3.3.1. Pour le département d’Adzopé

Les enquêtes ont permis de constater que les étrangers pratiquent souterrainement le protectionnisme dans certaines activités commerciales. Cela est vérifié dans la commercialisation du bovin où les étrangers sont les seuls à contrôler ce secteur d’activité. La majorité des bouchers refusent l’intégration des ivoiriens dans cette activité et les empêchent de leur faire la concurrence. La répercussion de cet empêchement est que le commerce de viande dans les marchés locaux échappe au contrôle des ivoiriens. Les investigations ont montré aussi que les étrangers ont la mainmise sur l’achat et la commercialisation des produits des matières premières (café, cacao et hévéa) dans le département. Les grands magasins de stockage de ces produits sont contrôlés par les libanais en particulier qui sont des opérateurs économiques. Ces derniers fixent parfois le prix bord champ contraire à celui de l’Etat ivoirien.

3.3.2. Pour les étrangers et leur pays d’origine

Selon DENNIS (2009), les étrangers subissent une stigmatisation si la communauté dans laquelle ils s’installent ne les comprend pas ou ne leur fait pas confiance. Cette assertion corrobore les propos recueillis auprès d’un septuagénaire malien pendant nos enquêtes. Celui-ci a affirmé qu’il a été méprisé dès son arrivée dans sa localité d’accueil, par la communauté dans laquelle il avait cohabité. Il a fallu qu’il produise de bons rendements durant ses sept années d’aventure avant que cette communauté ne lui fasse confiance. Sept ans après, il a immigré dans le département d’Adzopé pour s’installer définitivement. DENNIS (ibid.) ajoute que la majorité des étrangers qui migrent sont des jeunes hommes dont beaucoup sont mariés. Ils laissent leurs femmes et celles-ci doivent assumer bien plus de responsabilités qu’auparavant, car elles gèrent le foyer seules. L’OIM (op.cit.) cite la dépendance de l’économie du pays d’origine à l’égard des rapatriements de fonds effectués par les immigrés. Elle ajoute aussi l’exode des compétences pouvant résulter de l’émigration des plus qualifiés. L’émigration des personnes qualifiées est appelée « fuite de cerveau » selon la convention des nations unies (2012). Ce phénomène s’observe par la perte de stock en capital humain pour le pays d’origine qui a fortement investi dans l’éducation de leurs ressortissants les plus précieux. Nous avons observé ce fait dans la ville d’Adzopé. Le délégué de la communauté malienne du département nommé TRAORE un niveau d’étude supérieur. Monsieur TRAORE exerce une activité du commerce de bois. Cet emploi est au rabais par rapport à son niveau de formation professionnelle. Cette activité est qualifiée par MUMPASI (1984) de déqualification.

CONCLUSION

  Il existe effectivement dans le département d’Adzopé trois grands secteurs d’activités économiques que sont le secteur primaire, le secteur secondaire et le secteur tertiaire comparativement à l’échelle nationale. Ainsi, ces activités économiques contribuent au développement du département. Les étrangers fortement présents dans le département exercent majoritairement dans le secteur tertiaire à cause de la pluralité de ses différentes branches d’activité (commerce, transport, bâtiment, réparation, etc.). Ce qui montre la prédominance du secteur tertiaire dans le département. Les étrangers contribuent considérablement au développement du département d’Adzopé par leur pouvoir financier. Ils s’investissent énormément dans le commerce, le transport, le bâtiment etc. dans la ville d’Adzopé. Ils contribuent au bon fonctionnement du secteur secondaire du département. Par conséquent, la présence étrangère participe au développement durable et à la valorisation des activités économiques dans le département d’Adzopé.

Bibliographie

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BABO A., et DROZ Y., 2008, Conflits fonciers, de l’ethnicité à la nation, rapport interethniques et «ivoirité » dans le Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire, cahiers d’études africaines, no 192, p 741-764. 

DENNIS R., 2009, Qu’est-ce que la migration ? 265 464, Angleterre et pays de Galles 

DUREAU F., 1987, Migration et urbanisation : le cas de la Côte d’Ivoire, Doctorat du 3eme cycle Paris ORSTOM, 321p 

DIENG A., S. 2008 « Déterminants, caractéristiques et enjeux de la migration Sénégalaise », REVUE Asylon(s), N°3, mars 2008, Migrations et Sénégal 

INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE, 1975 et 1988 RGPH Recensement général de la population et de l’habitat. 

INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE, (1998) RGPH volume III, Tome1, 

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LUTUTALA M., 2002, Les migrations en Afrique centrale : caractéristiques, enjeux et rôles dans l’intégration et le développement des pays de la région Université Kinshasa, 27 p 

ORGANISATION INTERNATIONALE POUR LES MIGRATIONS (OIM) 2005, 1211, Genèse 19, suisse 

PRAO Y., 2014, Pourquoi la Côte d’Ivoire n’a pas une politique d’immigration ? Côte d’Ivoire, Abidjan 

TOURE I., et N’GUESSAN K., 1994, La violence urbaines en Côte d’Ivoire : le cas de la ville d’Abidjan, Institut française de recherche en Afrique IFRA-Nigéria, Université Abidjan 

WADJA J., 2012, Dynamique du peuplement et transformation de l’espace dans la région du Bas Sassandra (Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire), Thèse unique, IGT, 315 p.

Notes


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Auteur(s)


1WADJA Jean-Bérenger, 2SERHAN Nasser, 3ADOU Diané Lucie
1Maître-Assistant, Institut de Géographie Tropical, Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY, d’Abidjan, Côte d’Ivoire jwadja@yahoo.fr 
2Maître-Assistant, Institut de Géographie Tropical, Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY, d’Abidjan, Côte d’Ivoire serhano2000@hotmail.com 
3Maître-Assistant, Département de Géographie, Université Jean Lorougnon GUEDE, Daloa, Côte d’Ivoire dianlucad@yahoo.fr

Droit d’auteur


Université Felix Houphouët Boigny de Cocody, Abidjan, Côte d’Ivoire

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