Impact des populations étrangères sur les activités économiques dans le département d’adzopé (Côte D’ivoire)
1WADJA Jean-Bérenger, 2SERHAN Nasser, 3ADOU Diané Lucie
Résumé :
Dans le département dAdzopé, ancienne zone dimplantation des cultures dexportation (café, cacao), limmigration étrangère date de lépoque coloniale. Elle sest intensifiée après les indépendances au point où aujourdhui le département compte un nombre important détrangers exerçant dans diverses activités. Cette étude vise à évaluer la contribution des allogènes dans le développement des activités économiques dans le département dAdzopé.
La démarche méthodologique a consisté en une collecte des données grâce à la recherche bibliographique, et à lenquête de terrain, les questionnaires, et les observations.
Les résultats obtenus montrent que le département dAdzopé est depuis lépoque coloniale une zone dimmigration. Ce qui a entrainé une mutation dans le paysage démographique et économique.
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Mots-clés : Adzopé, Immigration, Impact, Activités économiques
Keywords: Adzope , immigration, impact , economic activities
Abstract :
In the department of Adzope, former zone of the setting up of the crops of exportation (coffee, cocoa), the foreign immigration is traced back to the colonial time. It got intensified since the independences in such a way that today the department has a great number of foreigners doing many activities. This study aims at evaluating the contribution of the foreigners in the development of the economic activities in the department of Adzope. The methodological approach has involved in collecting the data thanks to the bibliographical research, the ground survey, the questionnaires and the comments.
The received results show that the Adzope department is, since the colonial time, an immigration zone. Thing that brought about changes in the demographic and economic landscape.
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Mots-clés : Adzopé, Immigration, Impact, Activités économiques
Keywords: Adzope , immigration, impact , economic activities
INTRODUCTION
Depuis la période coloniale, la Côte dIvoire subie des migrations interrégionales et internationales marquée par le recrutement détrangers pour le développement de léconomie de plantation.
Laccession à lindépendance en 1960 na pas marqué de rupture dans cette immigration car les autorités ivoiriennes avaient opté pour la politique douverture sur lextérieur avec les pays voisins. Ce qui a provoqué des vagues migratoires de ressortissants des pays limitrophes de la Communauté Économique des États de lAfrique de lOuest (CEDEAO) en direction de la Côte dIvoire (WADJA 2012). Les mouvements des ruraux vers les villes « lexode rural» des ivoiriens ont été une occasion favorable permettant aux étrangers de sintégrer et de sinvestir dans les activités agricoles en milieux ruraux. En effet, en quittant le milieu rural, ils ont laissé un vide en main duvre quil fallait combler. Doù lapport des étrangers. Ils forment une composante essentielle de la main duvre étrangère dans lagriculture prenant le relais des nationaux qui ont quitté les campagnes. Ce phénomène récurrent sest accentué dans toutes les zones forestières et côtières de la Côte dIvoire. Fort de cette remarque, les autorités ivoiriennes ont préconisé une politique migratoire restrictive dans les années 1990. En dépit de cette mesure, lon assiste à une propagation décisive de courants migratoires en direction du Sud forestier et une forte présence des étrangers dans les différents secteurs dactivités du pays.
Ainsi, à linstar de la quasi-totalité des régions forestières du pays, le département dAdzopé, va enregistrer de forts taux de mouvements migratoires dallochtones, de ressortissants de lAfrique de lOuest et même dailleurs. Cette immigration engendre une pression anthropique sur les terres cultivables. Concernant les étrangers, leur nombre est passé de 60 870 en 1998 à 98 201 en 2014 soit 28,74% de la population du département.
Lobjectif de cette étude est dévaluer la contribution des étrangers dans le développement des activités économiques dans le département dAdzopé.
II. Méthodes et techniques de collectes des données
La recherche documentaire et lenquête de terrain ont été nécessaires pour la réalisation de ce travail. Dans bibliothèques et centres documentation, nous avons consulté des ouvrages méthodologiques, des documents administratifs, des rapports, des thèses et mémoires qui abordent la question de limmigration des étrangers, et la typologie des activités économiques exercées par les étrangers en Afrique subsaharienne en générale et en particulier en Côte dIvoire.
En plus, des sorties sur le terrain ont permis de nous familiariser avec les réalités du site. Cest ainsi que trois sous-préfectures ont été sillonnées pour identifier les activités économiques qui animent le département dAdzopé. Ce sont les sous-préfectures dAdzopé, de Bécédi-Brignan et dAssikoi (figure 1). Les données collectées ont permis de faire une extrapolation sur tout le département. Nous avons utilisé la méthode empirique ou choix raisonné pour déterminer les personnes à enquêter; la méthode des quotas a été adoptée pour construire notre échantillon représentatif. Pour cela, nous nous sommes basés sur la structure de la population étrangère de notre espace détude selon les informations statistiques du Recensement Général de la Population et de lHabitat, 2014 (RGPH), fournies par lInstitut National de la Statistique (INS). Les critères sont fonctions des objectifs fixés à savoir lorigine de létranger, leurs profils sociodémographiques et socioéconomiques, les activités socioprofessionnelles quils exercent et les phénomènes dynamiques de la mobilité des non ivoiriens dans le département dAdzopé.
Pour déterminer la taille de léchantillon (n), nous avons utilisé la formule suivante :
p : proportion des étrangers dans la population totale
Avec la population étrangère dAdzopé = 60870 habitants,
La population totale du département dAdzopé = 280346 habitants,
t = taux de confiance de 95% donne un coefficient de marge 1,96.
e = marge derreur à 5%, valeur type de 0,05
La répartition du nombre détrangers enquêtés par sous-préfecture choisie sest faite selon les critères de choix mentionné dans le tableau 1.
Tableau 1 : Répartition des étrangers enquêtés par sous-préfecture selon le sexe
Figure 1 : Carte du département dAdzopé
III. Résultats
3.1. Analyse des activités économiques dans le département dAdzopé
Le département dAdzopé est essentiellement animé par les trois grands secteurs dactivités économiques du pays. Ces différents secteurs ont fait de lui une zone dattraction de la population ivoirienne et non ivoirienne. Il sagit du secteur primaire, du secteur secondaire et du secteur tertiaire. Il existe une diversification de cultures pratiquées due à la position géographique du département.
3.1.1. Les différentes branches dactivités
La répartition des différentes branches dactivités dans le département dAdzopé donne de constater quil sest développé deux grandes branches dactivités dans le département dAdzopé au détriment des autres. Selon lordre dimportance nous avons lactivité agricole qui emploie une forte population étrangère. Cela signifie que lagriculture est beaucoup cultivée dans le département, soit une proportion de 35,24%. Il est suivi du commerce qui occupe le second rang. Lactivité commerciale emploie aussi un bon nombre détrangers, soit 31,03%. Ainsi, lagriculture et le commerce constituent deux principales activités économiques beaucoup pratiquées dans la région. Cependant, il existe un écart faible entre ces deux principales activités, soit un écart de 4,21%. Par ailleurs, les sans-emplois (la population étrangère inactive) sont faiblement représentés (1,15%).
Après analyse de la figure ci-dessous, nous pouvons conclure que lagriculture utilise une main duvre étrangère abondante pour son développement dans le département dAdzopé. La concentration détrangers dans lactivité agricole se justifie tant par lappel à la main duvre lancé par le colonisateur mais aussi par la politique mise en place par les autorités ivoiriennes après lindépendance du pays. En effet, pour instaurer léconomie de plantation, le colonisateur avait recruté des personnes de bras valides des pays voisins afin de développer lagriculture dans le pays. Après la décolonisation, les autorités ivoiriennes avaient souhaité ouvrir la Côte dIvoire vers lextérieur afin davoir une main duvre laborieuse pour propulser lactivité agricole.
Figure 2 : Répartition des différentes branches dactivités dans le département dAdzopé
Abordant dans le même sens, TOURE et NGUESSAN (1994) ajoutent que la Côte dIvoire a ouvert largement ses frontières à ses voisins, elle a favorisé lentrée dune main duvre abondante et laborieuse. Ces différents facteurs ont favorisé une immigration massive en Côte dIvoire. Ainsi, le département dAdzopé qui est une zone forestière du pays et favorable à lagriculture, constitue une région daccueil des étrangers. Ces derniers se sont investis dans lactivité agricole et surtout en milieu rural. Cependant, beaucoup de ces étrangers ont transféré leur longue tradition commerciale dans le lieu de destination. Ce qui explique la concentration de ces étrangers dans lactivité commerciale dans le département dune part. Dautre part, nous avons remarqué que nombreux de ces étrangers ont des niveaux détude inférieurs. Cette infériorité de niveau dinstruction pousse les étrangers à sélancer dans les activités comme lagriculture et le commerce.
Notre enquête montre quune minorité de population étrangère est inactive (1,15%). Cette minorité détrangers inactifs démontre que les étrangers sont majoritairement actifs et se retrouvent dans les différentes branches dactivités.
3.1.2. Les différents statuts professionnels des étrangers dans le département dAdzopé
Dans le département dAdzopé, on constate que les agriculteurs sont fortement représentés, soit 35,24% des étrangers enquêtés. Ils sont suivis par les commerçants. Ceux-ci représentent 31,03% de la population étrangère. Ces deux grandes catégories de professions montrent que le département dAdzopé accueille fortement des étrangers dominés premièrement par les agriculteurs, puis par les commerçants. Aussi avons-nous les éleveurs, les artisans, les conducteurs, les employeurs et employés, les manuvres ou ouvriers. Cependant, les cadres supérieurs et les employeurs sont faiblement représentés dans le département dAdzopé, soient des proportions 0,38% et 1,15% comme le montre la figure 3.
On peut conclure que le département dAdzopé est dominé par des étrangers agriculteurs, et des commerçants. En effet, lagriculture et le commerce étant les plus pratiqués dans la région, ces activités emploient plus de personnes que les autres branches dactivités. La faible proportion de cadres supérieurs et demployeurs se justifie par le faible niveau détude des étrangers dans le département.
Figure 3 : Répartition des effectifs des étrangers par statut professionnel
3.1.3. Population étrangère et secteurs dactivités dans le département dAdzopé
En valeur brute, on constate que selon lordre dimportance, les burkinabés sont fortement présents dans le secteur primaire, ensuite dans le tertiaire et enfin dans le secteur secondaire. Ils sont suivis des Maliens. Ici le classement des effectifs dans les secteurs dactivités est inversé puisque les Maliens sont plus présents dans le tertiaire (commerce, transport, bâtiment, service, artisanal), et moins dans le primaire. Les nigériens sont plus concentrés dans le secteur primaire (agriculteur, élevage) que dans dautres secteurs dactivités. Cependant, certains étrangers consacrent leurs activités dans un seul secteur dans le département dAdzopé. Il sagit des nigérians, des ghanéens, des mauritaniens et des béninois, dans le tertiaire.
La classification des différentes branches dactivités se fera selon lordre dimportance de la concentration des effectifs de la population étrangère. De la branche dactivité dominante à la branche dactivité moins dominante, on a lagriculture cultivée majoritairement en zone rurale dans les sous-préfectures dAssikoi, de Bécédi-Brignan, dAnnepé, de Yakassé-Mé, dAgou et dAdzopé). Le commerce est florissant en zone urbaine, précisément dans la ville dAdzopé. Le bâtiment, le transport, lélevage, la réparation, le service et lartisanat sont développés aussi bien à Adzopé ville que dans les sous-préfectures.
Tableau 2 : Répartition des effectifs des étrangers selon les différentes branches dactivités dans le département dAdzopé
3.2. Impact socio-économiques de la population étrangère
3.2.1. Les investissements des étrangers dans le département dAdzopé
La plupart du temps, lobjectif des immigrés, cest de rechercher des ressources quils pourront rapatrier dans leur pays dorigine. Les migrants du département dAdzopé ne sont pas en reste. Les tableaux 3 et 4 indiquent leffectif des étrangers qui effectuent des rapatriements de fonds ou non dans leur pays dorigine, et leffectif des étrangers qui investissent ou non dans le département dAdzopé. Les données du tableau 3 montrent que dans le département dAdzopé, les étrangers qui rapatrient des fonds vers leurs différents pays dorigine sont inférieurs à ceux qui neffectuent pas de rapatriement de fonds, soit 38,70% contre 61,30%. Ainsi, dans le milieu rural (sous-préfectures dAssikoi, Annepé, Bécédi-Brigan, Yakassé-Mé etc) les étrangers ont investi dans le commerce (construction de boutiques et magasins), lachat de matières premières (café, cacao). Ces investissements locaux permettent aux villageois de sapprovisionner en produits de première nécessité. En milieu urbain (Adzopé), beaucoup dentre eux investissent leurs revenus surtout dans limmobilier, dans le commerce, dans le transport et dans le secteur de bois.
Tableau 3 : Répartition de leffectif des étrangers selon le degré daffirmation au niveau du transfert de fonds vers le pays dorigine
3.2.2. Impact socioéconomiques globalement positifs dans le département dAdzopé
Les étrangers sont toujours des acteurs de développement pour la société et pour léconomie de la Côte dIvoire. A cela DIENG (2008) ajoute que les étrangers ont contribué significativement à son développement. La Côte divoire doit en partie son dynamisme et ses performances économiques à sa politique douverture et à lapport de la force de travail des étrangers. Cette main-duvre a joué et continue de jouer un rôle important dans lagriculture, dans la mise en place des infrastructures économiques etc.
Dans le département dAdzopé, la présence étrangère constitue en partie la locomotive du développement de léconomie régionale. Cela sobserve par leur contribution au travers des taxes communales et la gamme dinvestissements dans le département. Lanalyse du tableau 4 montre que les étrangers qui investissent dans le département dAdzopé sont fortement représentés que ceux qui ninvestissent pas. Les investisseurs occupent une proportion de 72,80%, qui fait presque le triple des non investisseurs soit 27,20% des étrangers enquêtés.
Tableau 4 : Répartition de leffectif des étrangers selon le degré daffirmation au niveau de linvestissement dans le département dAdzopé
La comparaison de ces deux tableaux (3 et 4) nous permet dappréhender que les étrangers investissent davantage dans le département dAdzopé puisquils ne transfèrent pas assez de fonds vers leur différent pays dorigine. Même si une partie de leur revenu est transférée vers leur pays dorigine, ce transfert de fonds ninfluence pas les investissements. Donc une bonne partie de leurs revenus est investie dans le département. Dans le milieu rural (sous-préfectures dAssikoi, Annepé, Bécédi-Brigan, Yakassé-Mé etc) les étrangers ont investi dans le commerce (construction de boutiques et magasins), lachat de matières premières (café, cacao). Ces investissements locaux permettent aux villageois de sapprovisionner en produits de première nécessité. En milieu urbain (Adzopé), beaucoup dentre eux investissent leurs revenus surtout dans limmobilier, dans le commerce, dans le transport et dans le secteur de bois. Dautres étrangers nous ont fait savoir quils sont issus de familles nanties et leurs parents immigrés ne sintéressent pas à leurs richesses. Donc ils ont la possibilité dinvestir autant de fois que loccasion leur offre. Grâce aux importants investissements réalisés et à leur forte présence, les étrangers participent à la création de la richesse et au développement du département.
3.2.3. La contribution à la fiscalité du département dAdzopé
Dune manière générale, les étrangers du département dAdzopé contribuent activement à la création de la richesse à léchelle départementale, régionale et même nationale. Cela se justifie par le fait que lors de nos enquêtes, 174 étrangers ont affirmés payer des taxes contre 87 répondants qui ont dit « non », soit 66,67% de contribuables contre 33,33% de non contribuables. Parmi les pays qui participent à la fiscalité, le Burkina Faso affiche une proportion dominante de contribuables (39%). Il est suivi de la proportion malienne, soit 21,84%. Hormis ces deux pays, on observe aussi dautres pays comme le Nigéria et le Ghana. On peut conclure que la présence étrangère dans le département dAdzopé permet de générer des fonds dans la trésorerie du département et donc dans la trésorerie nationale.
Le Burkina Faso et le Mali participent fortement à la fiscalité à cause de leur forte présence dans le département dAdzopé. Malgré leur forte présence dans lagriculture, les Burkinabés et Maliens se retrouvent dans le commerce où ils contribuent aux taxes communales, dans le transport où ils payent des patentes et vignettes, dans limmobilier où ils participent aux impôts. Toutefois les Nigérians et Ghanéens contribuent aux taxes communales car leur nombre est important dans la commercialisation de la friperie, des produits sanitaires et phytosanitaires. Les Mauritaniens et libanais disposent de boutiques et magasins de produits alimentaires et cométiques. Ils payent aussi les impôts et les taxes communales Par ailleurs, dautres contributions proviennent de lagro-industrie de transformation de bois (scierie). Les principaux actionnaires de cette société sont les étrangers. Ils payent des impôts. Cela confirme les travaux de PRAO (2014) qui affirme que les étrangers contribuent à la croissance de léconomie de celui qui laccueille. Les étrangers qui ne contribuent pas à la fiscalité (taxes communales, impôts etc.) dans le département dAdzopé sont ceux qui exercent généralement des activités informelles. Ces activités informelles échappent souvent au contrôle de lEtat. A cela, nous ajoutons les étrangers chômeurs qui ont gonflé le rang des ivoiriens sans-emplois.
3.2.4. Le transfert du savoir-faire dans le département dAdzopé
La population étrangère présente dans le département dAdzopé constitue une source de création demplois et de richesse dans la région. Quel que soit le motif migratoire et le type de migration (saisonnière, pendulaire ou définitive), létranger migre toujours avec son savoir-faire et avec ses potentialités dans la région daccueil. Cest ce que LUTUTALA (2002) appelle « la fuite des cerveaux » vers la région daccueil. Aussi lOIM (2005) renchérit cela par lexpression « lexode des cerveaux » vers le pays de destination.
Dans le département dAdzopé, beaucoup détrangers ont créé des activités entrepreneuriales découlant de leur savoir-faire et qui ont créé des opportunités demplois et de richesses à la population résidente. On peut citer la création de lagro-industrie implantée dans la sous-préfecture dAdzopé précisément à la périphérie de la commune dAdzopé. Cette usine de transformation de bois a été installée par les français précisément la « famille Servant ».
La population bénéficie de cette industrie car elle génère des emplois aux ivoiriens et non ivoiriens et créée des richesses dans le département. Aussi avons-nous identifié lindustrie agro-alimentaire dans le village de Diapé, sous-préfecture dAgou. Cette unité de fabrication dattiéké a été implantée par des français. Il sagit entre autres des magasins construits par les libanais. Ceux-ci ont pour rôle de stocker la production des matières premières (café, cacao) qui proviennent des campagnes. Après lachat, ces produits sont directement acheminés au port dAbidjan. Les étrangers apportent en général avec eux leur énergie, leur détermination, leur envie dentreprendre et peuvent dynamiser les économies et lorganisation sociale du pays daccueil.
3.2.5. Impact positif pour les étrangers et leur pays dorigine
Comme lindique le tableau précédent (tableau 3), certains étrangers effectuent des transfèrements de fonds vers leurs différents pays dorigine. La majorité des étrangers qui rapatrient des fonds vers leur pays dorigine sont ceux qui ont bénéficié des assistances financières auprès des parents ou amis selon nos enquêtes. Selon DIENG (2008), les revenus générés par les étrangers leur permettent deffectuer des transferts monétaires. Ces revenus assurent lentretien de leur famille, apportent une assistance financière à des parents proches. Ces étrangers transfèrent des fonds vers leur pays dorigine pour la satisfaction des besoins de la famille. Pour ces étrangers la satisfaction des besoins familiaux demeure une préoccupation primordiale. Dans ce même contexte, LOIM (op.cit.) affirme que les étrangers transfèrent les connaissances et compétences acquises dans le pays daccueil lorsquils rentrent virtuellement ou réellement dans leur pays, de façon temporaire ou définitive.
Toutefois les étrangers bénéficient des infrastructures socio-éducatives et sanitaires et autres services sociaux (foyers des jeunes, centres de documentation etc.) du département dAdzopé. Ils ont facilement la possibilité de scolariser leurs enfants, laccès facile aux soins dans le centre hospitalier régional et les dispensaires de proximité. Aussi ont-ils la protection et la libre circulation de commercialiser leurs produits, de faire des échanges commerciaux intercommunaux dans le département et au-delà. A cela LAMA (2000) ajoute que différents accords bilatéraux et multilatéraux ont été signés entre la Côte dIvoire et les pays de la CEDEAO relativement aux questions de liberté de circulation des personnes, de droit de résidence et détablissement. Dans certaines localités rurales, les étrangers bénéficient de lacquisition des terres pour lactivité agricole. La facilité daccéder à la terre permet aux étrangers de créer de grandes plantations de caféiers et de cacaoyers. Cette assertion est corroborée par BABO (2010) lorsquil a affirmé que dans la région du Sud-Ouest de la Côte dIvoire, le chef de terre faisait « don » de la terre aux migrants sur la base dune reconnaissance implicite. Dautres même procèdent directement par lachat de terre auprès des autochtones lorsquils arrivent dans la zone. Nous avons constaté ce fait dans la ville dAdzopé lors de notre entretien avec un groupe de garagistes burkinabé. Le patron de cette entreprise nommé Adama a affirmé quil a acquis son atelier de travail par lachat direct de la parcelle auprès dun ivoirien.
3.3.Effets socio-économiques pervers
3.3.1. Pour le département dAdzopé
Les enquêtes ont permis de constater que les étrangers pratiquent souterrainement le protectionnisme dans certaines activités commerciales. Cela est vérifié dans la commercialisation du bovin où les étrangers sont les seuls à contrôler ce secteur dactivité. La majorité des bouchers refusent lintégration des ivoiriens dans cette activité et les empêchent de leur faire la concurrence. La répercussion de cet empêchement est que le commerce de viande dans les marchés locaux échappe au contrôle des ivoiriens. Les investigations ont montré aussi que les étrangers ont la mainmise sur lachat et la commercialisation des produits des matières premières (café, cacao et hévéa) dans le département. Les grands magasins de stockage de ces produits sont contrôlés par les libanais en particulier qui sont des opérateurs économiques. Ces derniers fixent parfois le prix bord champ contraire à celui de lEtat ivoirien.
3.3.2. Pour les étrangers et leur pays dorigine
Selon DENNIS (2009), les étrangers subissent une stigmatisation si la communauté dans laquelle ils sinstallent ne les comprend pas ou ne leur fait pas confiance. Cette assertion corrobore les propos recueillis auprès dun septuagénaire malien pendant nos enquêtes. Celui-ci a affirmé quil a été méprisé dès son arrivée dans sa localité daccueil, par la communauté dans laquelle il avait cohabité. Il a fallu quil produise de bons rendements durant ses sept années daventure avant que cette communauté ne lui fasse confiance. Sept ans après, il a immigré dans le département dAdzopé pour sinstaller définitivement. DENNIS (ibid.) ajoute que la majorité des étrangers qui migrent sont des jeunes hommes dont beaucoup sont mariés. Ils laissent leurs femmes et celles-ci doivent assumer bien plus de responsabilités quauparavant, car elles gèrent le foyer seules. LOIM (op.cit.) cite la dépendance de léconomie du pays dorigine à légard des rapatriements de fonds effectués par les immigrés. Elle ajoute aussi lexode des compétences pouvant résulter de lémigration des plus qualifiés. Lémigration des personnes qualifiées est appelée « fuite de cerveau » selon la convention des nations unies (2012). Ce phénomène sobserve par la perte de stock en capital humain pour le pays dorigine qui a fortement investi dans léducation de leurs ressortissants les plus précieux. Nous avons observé ce fait dans la ville dAdzopé. Le délégué de la communauté malienne du département nommé TRAORE un niveau détude supérieur. Monsieur TRAORE exerce une activité du commerce de bois. Cet emploi est au rabais par rapport à son niveau de formation professionnelle. Cette activité est qualifiée par MUMPASI (1984) de déqualification.
CONCLUSION
Il existe effectivement dans le département dAdzopé trois grands secteurs dactivités économiques que sont le secteur primaire, le secteur secondaire et le secteur tertiaire comparativement à léchelle nationale. Ainsi, ces activités économiques contribuent au développement du département. Les étrangers fortement présents dans le département exercent majoritairement dans le secteur tertiaire à cause de la pluralité de ses différentes branches dactivité (commerce, transport, bâtiment, réparation, etc.). Ce qui montre la prédominance du secteur tertiaire dans le département. Les étrangers contribuent considérablement au développement du département dAdzopé par leur pouvoir financier. Ils sinvestissent énormément dans le commerce, le transport, le bâtiment etc. dans la ville dAdzopé. Ils contribuent au bon fonctionnement du secteur secondaire du département. Par conséquent, la présence étrangère participe au développement durable et à la valorisation des activités économiques dans le département dAdzopé.
Bibliographie
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WADJA J., 2012, Dynamique du peuplement et transformation de lespace dans la région du Bas Sassandra (Sud-Ouest de la Côte dIvoire), Thèse unique, IGT, 315 p.
Notes
Table d’illustrations/h4>
Auteur(s)
1WADJA Jean-Bérenger, 2SERHAN Nasser, 3ADOU Diané Lucie
1Maître-Assistant, Institut de Géographie Tropical, Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY, dAbidjan, Côte dIvoire jwadja@yahoo.fr
2Maître-Assistant, Institut de Géographie Tropical, Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY, dAbidjan, Côte dIvoire serhano2000@hotmail.com
3Maître-Assistant, Département de Géographie, Université Jean Lorougnon GUEDE, Daloa, Côte dIvoire dianlucad@yahoo.fr
Droit d’auteur
Université Felix Houphouët Boigny de Cocody, Abidjan, Côte dIvoire