Réhabilitation de l’axe routier Abidjan- Noé du corridor Abidjan-Lagos : une opportunité pour le port d’Abidjan et les villes contigües

0
2379

1Konan Victorien, KANGA, 2Yao Didier, BELI

Résumé

Les autorités ivoiriennes se sont engagées dans le vaste projet de construction du corridor Abidjan-Lagos voulu par les États de la CEDEAO au début des années 2000. L’axe Abidjan-Noé long de 170 km est la partie ivoirienne. L’aménagement de cette voie produit déjà des résultats. Cette contribution montre comment la réhabilitation d’une route peut impacter les activités d’un port et les villes qu’elle traverse.
Le port d’Abidjan bénéficie d’une facilité d’accès de toute la région du Sud-Comoé et d’une fluidité dans les échanges avec le poste frontalier de l’Est. On estime à plus de 4millions de tonnes de marchandises en direction du port vers cette région et inversement. La contigüité à une voie expresse procure des avantages aux villes. La ville de Grand- Bassam bénéficie d’un désengorgement et une circulation fluide grâce à l’autoroute qui facilite une déviation des gros porteurs. La ville de Bonoua est en mouvement avec l’augmentation du parc de véhicule de transport. La ville d’Aboisso se trouve en chantier avec le reprofilage, l’élargissement et l’agrandissement des voies et la construction de pont sur la rivière Bia. Quant à la zone de Noé, c’est une mutation remarquée avec la route 2×2 voies et le pont sur la rivière Tanoé. Tous ces changements impactent la vie économique et sociale de la région.
Ce sont autant d’avantages que nous essayons de mettre en évidence à travers une méthodologie qui tiendra compte de la recherche documentaire, privilégiera les enquêtes sur le terrain et une observation participante.

Mots clés : Abidjan, Noé, port, réhabilitation, corridor.

Abstract :

The Ivorian authorities have committed themselves to the vast project of construction of the Abidjan-Lagos corridor wanted by the ECOWAS States in the years 2000. The rode Abidjan-Noé long 170 km is the Ivorian side. The development of this route is already producing results. This contribution shows how the rehabilitation of a road can impact the activities of a port and the cities it crosses. The port of Abidjan enjoys easy access to the entire South Comoé region and a fluidity of exchanges with the Eastern border crossing. It is estimated that more than 4 million tons of goods are shipping to and from the port. Contiguity to an express way gives advantages to cities. The city of Grand-Bassam benefits from a decongestion and a smooth traffic thanks to the highway which facilitates a diversion of the big carriers. The city of Bonoua is moving with the increase of the fleet of transport vehicles. The city of Aboisso is under construction with the reprofiling, widening and widening of the tracks and bridge construction on the Bia River. As for the area of Noé, it is a remarkable mutation with the 2×2 lane road and the bridge over the Tanoé river. All these changes impact the economic and social life of the region. These are all advantages that we try to highlight through a methodology that will take into account the literature search, give priority to field surveys and participant observation.

Key words: Abidjan, Noé, port, rehabilitation, road

INTRODUCTION

Les corridors sont très importants dans les relations inter-états ou régionales. Ces couloirs qui constituent des voies plus ou moins sécurisées et régulièrement empruntées pour le transport des marchandises et des personnes constituent un champ d’étude important pour la géographie des déplacements et des transports. En Côte d’Ivoire les voies internationales les plus utilisées sont l’axe Abidjan-Korhogo (820 km) et Abidjan-Noé (170 km). L’axe Abidjan- Noé qui fait l’objet de cette étude est celle qui relie la Côte d’Ivoire au Ghana en parcourant le littoral par le Sud –Est.

Depuis la crise politico- militaire de 2002 à 2010, cette voie très exploitée pour relier le Burkina Faso à la Côte d’ivoire via le Ghana, afin d’y assurer le transport de bétails et produits d’exportations du Burkina Y. Beli, (2014, p.12) a subi une dégradation très avancée et ne répondait plus à la qualité de voie express. On y trouvait des nids de poule à divers endroits qui causaient de nombreux accidents de la circulation à cause de l’étroitesse de la voie et de nombreux kilomètres impraticables. Cette situation causait de nombreux désagréments aux usagers, les transporteurs mettaient parfois quatre heures pour une distance de 170 km parcourable au plus en deux heures. Des marchandises pas livrées à temps, souvent en mauvais état ce qui occasionnait des pertes d’argent aux opérateurs économique. Les passagers qui devaient descendre et monter dans les zones impraticables. Au-delà des produits de consommation ou d’exportation, le problème devenait encore plus crucial quand il fallait transporter un malade sur cette voie vers Bonoua, Bassam ou Abidjan. A ce corollaire de problèmes s’ajoutaient les nombreux barrages routiers sur le tronçon et les rackets des forces de l’ordre engendrant des frais supplémentaires et un manque à gagner pour les usagers. Ainsi, dans le cadre du vaste projet du corridor Abidjan-Lagos visant la facilitation de la circulation des biens et des personnes, la voie express ou corridor Abidjan-Noé subit une réhabilitation et un aménagement depuis 2012.

Quel est l’état de réhabilitation de cette voie et quelles opportunités pour le port d’Abidjan et les villes contigües ?

Ce présent article a pour objectif de montrer l’impact de la réhabilitation de la voie Abidjan –Noé sur le port et les villes contigües.

1- Méthodes et matériels

Pour réaliser cet article, nous avons eu recours à la revue documentaire, à l’observation directe et à l’entretien semi-structuré. La revue documentaire s’est appuyée sur la consultation de divers ouvrages, publications et rapports établis par des structures et organismes relativement aux corridors. Elle s’est faite au centre de documentation du port d’Abidjan, au ministère des infrastructures, au ministère du commerce, dans les maries de Bassam, Bonoua, Aboisso et à la Sous-préfecture de Noé. La littérature recueillie sur Internet à partir de divers sites et moteurs de recherche fait partie intégrante de cette documentation. L’observation directe a eu lieu au port d’Abidjan, sur les sites de l’autoroute Abidjan- Noé à travers la visite des différentes sections Abidjan-Bassam, Bassam-Bonoua, Bonoua- Aboisso et Aboisso-Noé. Où nous avons adressés un questionnaire aux responsables d’équipes, aux populations afin de recueillir leur avis, aux usagers de la route (transporteurs et passagers) qui sont continuellement sur cette route. Nous avons également fait des prises de vues à l’aide appareils photo.

En plus des éléments indiqués ci-dessus, nous avons sollicité et obtenu auprès de la Direction des Infrastructures et de la Direction des études du port d’Abidjan, deux entretiens semi-structurés. Ces entretiens organisés autour des principales préoccupations liées au sujet ont été l’occasion de recueillir après les échanges, des informations touchant au tronçon Abidjan-Noé et leurs implications sur les activités du port. Nous avons aussi pu avoir un entretien avec le sous-préfet de Noé qui a donné ses impressions sur cette route vitale pour toute la région.

Les résultats issus de ces différentes démarches sont exposés dans les lignes ci-dessous.

2- Résultats

2-1. La présentation du corridor Abidjan-Noé

L’axe routier Abidjan-Noé communément appelé la route du Sud-Est ou route du Ghana est long de 170 km. Cet itinéraire constitue la principale voie de desserte des grandes villes de la région des lagunes et de la région du Sud-Comoé. Il prend son origine à Abidjan traverse successivement les grandes agglomérations de Bassam, Bonoua, Samo, Aboisso, Maféré et se termine à Noé au poste frontalier entre la Côte d’Ivoire et le Ghana. Le poste douanier de Noé contribue au développement du commerce intra-régional au niveau de la CEDEAO qui représentait 27% du commerce extérieur de la Côte d’Ivoire en 2012 MINISTERE DU COMMERCE (2014). Dans les villes traversées l’emprise de la route est constatée. Il y a des étals de commerçants, des aménagements réalisés en extension des constructions principales qui sont occupées par des commerces. Certaines installations sont sans aucune autorisation des autorités municipales et administratives. D’autres par contre sont faites avec l’accord des autorités qui délivrent des actes d’occupation du domaine. Dans les villages et hameaux, ce sont des commerces de produits agricoles qui occupent les bordures de la route. Au fur des années, le nombre de commerces est devenu important et constitue un marché comme c’est le cas dans les villages Samo et Moossou respectivement situés aux PK 3,8 et PK 30. Sur les autres sections routières, ce sont les plantations d’hévéa, de bananiers, de palmiers et d’ananas qui sont de part et d’autres de la route.

2-1-1. Les populations sur le corridor Abidjan –Noé

La composition de la population autour du corridor Abidjan-Noé présente une diversité qui revêt un caractère cosmopolite. En effet, la zone d’influence du corridor couvre une vaste région à fortes potentialités économiques. Aussi, représente-t-elle une zone de peuplement par excellence pour les forces vives de la Côte d’Ivoire et des pays de la sous-région ouest africaine. En plus des populations autochtones lagunaires, Ebrié, Alladian et Abouré (Port-Bouët, Grand Bassam et Bonoua) et Akan, Agni (Aboisso, Maféré et Noé), avons-nous aussi des populations allochtones, étrangères et saisonnières. A celles-ci s’ajoute une importante communauté de commerçants ambulants entre les différentes localités et des commerçants en mouvement entre le poste frontalier de Noé et les centres urbains. Ces derniers, au nombre de 4 sur le corridor, ont une population très variable d’une localité à une autre (carte 1).

Carte 1 : Les localités sur le corridor Abidjan-Noé

La population en 2016 est de 7459299 habitants, Abidjan reste la plus grande agglomération avec une population de 6641343 habitants soit 89,03% suivie d’Aboisso 5,33% et Bassam 3,18%. Les villages traversés par le corridor au nombre de 15, abritent aussi des volumes de populations disparates (tableau 1).

Tableau 1 : Volume des populations des villages traversés par le corridor en 2014.

Villages Populations %Villages Populations %
Yaou 4238 9,21Ayébo 1399 3,04
Samo 5455 11,86Assouba 3576 7,77
Larabia 2407 5,23Mouyassué 1668 3,62
Médina 457 0,99Akakro 3224 7,01
Adaou 2626 5,71Krindjabo 3624 7,88
Sanhouman 1239 2,69Allakro 2349 5,10
N’Zikro 4466 9,71Noé 2252 4,89
Koffikro 6993 15,21   

Source : RGPH 2014

Koffikro avec 6993 habitants situé entre Aboisso et Noé est le plus gros village. Viennent ensuite Samo et N’zikro entre Bonoua et Aboisso avec des populations respectives de 5455 et 4466 habitants. Le village de Noé, bien qu’ayant une population très inférieure à celle des premiers gros villages, soit 2252 habitants, est continuellement animé à cause de son poste de douane qui matérialise la frontière. Ces villages sont marqués par les traversées régulières des véhicules de transport de passagers, les camions de marchandises et de produits agricoles.

2-1-2. Les activités économiques autour du corridor

La région d’Abidjan reste la plus industrialisée du territoire national. Les activités économiques sont caractérisées par les industries, le commerce, le transport, les services, etc.

Le port d’Abidjan joue un rôle prépondérant aussi bien dans l’économie régionale que nationales. On compte ensuite l’industrie textile avec le conditionnement du coton cultivé. Le secteur du textile, très dynamique, représente 15,6 % des investissements nets. On dénombre plusieurs puits de pétrole au large de la côte en exploitation off-shore. Ce qui conduit à la présence d’industrie chimique avec une raffinerie de pétrole, et un port pour hydrocarbures.

Dans l’industrie agroalimentaire, on compte la fabrication d’huile de palme, la transformation de l’hévéa, la fabrication de boissons à partir des ananas, des oranges et des mangues et surtout la torréfaction du café venu des plantations, le conditionnement et le traitement du cacao.

De Bassam à Aboisso, l’agriculture constitue la principale activité économique. Les cultures pratiquées sont le café, le cacao, le palmier à huile, l’hévéa, l’ananas, la banane douce, le manioc, l’igname, la banane plantain, le maïs, le riz pluvial, le gombo, l’aubergine et le piment.

La région du Sud Comoé regorge de nombreux plans d’eau et reste une zone de pêche par excellence. La pêche est totalement artisanale et est pratiquée sur la Bia et la lagune Aby. La quantité totale annuelle moyenne de poissons pêchée est estimée à 6000 tonnes avec 57% d’ethmalose, 17% de mâchoiron, 4% de tilapia et 22% d’autres espèces E. Koulaï (2013, p 75).

L’élevage avicole est très bien développé. Toutes ces activités profitent de la présence de la route pour leur expansion et l’écoulement des productions.

En somme, le corridor Abidjan-Noé constitue un couloir vital pour toute la région des lagunes et du Sud-Comoé. Mais il a subi une dégradation avancée par manque d’entretien. Depuis 2012, un programme de réhabilitation est en marche. Comment se présente le niveau de réhabilitation de cette route ?

2-2. L’état de réhabilitation du corridor Abidjan-Noé

L’axe routier Abidjan-Noé s’étend sur 170 km, repartie en trois sections qui ont subi des aménagements (carte 2).

Carte 2 : Les différentes parties de l’axe routier Abidjan –Noé

Les travaux continuent progressivement avec des zones déjà achevées. Toutefois, la morphologie de cette route varie d’une section à une autre.

2-2-1. Le tronçon Abidjan – Grand-Bassam

Le tronçon Abidjan-Grand Bassam est une autoroute inaugurée en septembre 2015. La construction de cette voie express a couté 62 milliards de FCFA, financés par un prêt Chinois à hauteur de 52,7 milliards FCFA et une contribution de l’État de Côte d’Ivoire à hauteur de 9,3 milliards FCFA. L’autoroute, longue de 28,4 km est divisée en deux sections. Port-Bouët- Gonzagueville représente la section urbaine longue de 8,5 km en 2X3 voies, du carrefour Akwaba, au rond-point de Gonzagueville (photo1). Ensuite, Gonzagueville-Grand-Bassam qui est la section interurbaine longue de 19,9 km également en 2X3 voies du rond-point de Gonzagueville au Pont de Moossou (photo2). C’est une autoroute large de 24m. Elle donne un accès facile à la zone portuaire à partir de la commune Port-Bouët.

2.2. Le tronçon Grand-Bassam – Aboisso

La route Grand-Bassam – Aboisso est longue de 79,1 km, elle commence à la descente du pont de Moossou, traverse la ville de Bonoua et arrive à Aboisso. Cette voie est caractérisée par son tracé assez sinueux. Les travaux de réhabilitation ont concerné la réduction des virages par la création de surlageurs d’emprise gauche et droite, l’élargissement de la voie en dégageant végétations, plantations et en réalisant des trottoirs entre Grand-Bassam et Bonoua. Les réparations permettent de rendre la route praticable en témoigne la photographie 3.

Les travaux sur le tronçon Bonoua-Aboisso ont consisté à renforcer la chaussée actuelle en 2×1 voie en mettant un nouveau revêtement, à l’élargissement de la route en rattrapant les bords par des remblayages. Aussi, à l’aménagement du carrefour d’entrée à Aboisso en agrandissant la route (voir photo 4). Notons que le tronçon Grand Bassam – Aboisso passant par Bonoua a subi deux phases d’aménagement. La première a consisté à un renforcement de la chaussée en conservant le tracé initial. La seconde consistera à la poursuite de l’autoroute par une modification en 2×3 voies. Cette étape commencera à la fin des travaux sur l’axe Aboisso-Noé.

2.3-Le tronçon Aboisso-Noé (frontière du Ghana)

Les travaux de réhabilitation de l’axe Aboisso-Noé de 54,9 km et du dédoublement du pont de Noé ont été lancés en 2014 ce qui traduit les progrès de ce projet national. Il est financé par la Banque mondiale à 22,5 milliards de FCFA K. Duncan (2014, p 6). Ces travaux de réhabilitation partent du pont de la Bia, à Aboisso, jusqu’au pont sur la rivière Tanoé, à Noé. Ils consistent à renforcer la chaussée et aménager les voies internes à Aboisso et à Noé. La voie sera agrandie avec une chaussée bidirectionnelle de 7m d’Aboisso à Noé c’est-à-dire 2×2 voies. Cette route permettra d’améliorer les échanges avec la sous-région. Les photographies suivantes présentent les différentes réalisations avant et après la ville d’Aboisso jusqu’à Noé.

En somme, nous pouvons dire que le niveau de réalisation des travaux de réhabilitation de l’axe routier Abidjan – Noé est satisfaisant, plus de 75 % des travaux achevés selon nos observations et selon le ministère des infrastructures routière et l’AGEROUTE. Toutes les routes interurbaines sont bien achevées et entièrement praticable surtout l’axe Aboisso-Noé qui fait la fierté des usagers et un grand bonheur des transporteurs et des passagers. Les voies intra-urbaines sont en cours de finissions au niveau d’Aboisso et du poste frontalier de Noé. Quant aux ponts sur la Bia à Aboisso et sur la Tanoé à Noé, les travaux d’exécution vont bon train et les ouvrages ont pris forme, on parlera de 60 % de réalisation pour le pont sur la Bia et de 65% pour celui sur la Tanoé.

Quels sont donc les avantages pour le port d’Abidjan et les villes contigües ?

2-3 Une opportunité pour le port d’Abidjan

Un port a toujours besoin de voies le reliant aux zones de production industriels ou des matières premières nationales et internationales. Ainsi, l’axe routier Abidjan-Noé est un véritable atout pour le port d’Abidjan dans son souci de quadriller tout l’arrière-pays V.Kanga (2013, p.75). Plus particulièrement, la zone du Sud-Comoé dont le corridor facilite l’accès.

2-3-1. La facilité d’écoulement des produits agricole vers le port

La région du sud-Comoé est grande productrice de matière première comme l’hévéa, le palmier à huile, le cacao, l’ananas, la banane poyo etc. Le Sud-Comoé est parmi les régions constituant l’arrière-pays du port d’Abidjan avec plus de 8 % du fret N.J.Kablan (2004, p 45). Cette tendance a évolué à plus de 10% PAA (2016) avec la réalisation du corridor et la multiplication des plantations. Zone privilégiée du palmier à huile avec les plantations d’EHANIA dont les productions sont dirigées vers le port par la présence d’Unilever qui transforme cette production en huile, savon etc. Une bonne partie de cette production est également exportée. La banane poyo pareillement à EHANIA est acheminée par la route et exportée par le port d’Abidjan. On note aussi, l’hévéa avec la zone de groupage de N’Zikro d’où partent en moyenne 5 camions de conteneurs 40 pieds chaque jours vers le port. L’ananas produit entre Bonoua et Aboisso fait encore des tonnages importants expédié par la route vers le quai fruitier. Le cacao plus cultivé entre Aboisso et Noé fait aussi route vers la zone portuaire dans des camions remorques de 40 tonnes. Au total, les autorités portuaires estiment à plus 4 millions de tonnes la production de frets transitant par le corridor Abidjan-Noé.

2-3-2. Le gain en temps (rapidité des transports)

L’indicateur du temps de séjour des marchandises au Port d’Abidjan dépend de l’écoulement rapide de ces marchandises vers le port. Le corridor étant très sollicité, l’unité de coordination du Projet de facilitation du commerce et du transport sur le corridor Abidjan-Lagos PFCTCAL(2015) à œuvrer pour réduire le temps de séjour des marchandises au port d’Abidjan. L’accent est mis sur la lutte contre les entraves faites à la libre circulation des personnes et des biens sur cette voie. Les mesures vigoureuses sont prises pour réduire les postes de contrôle et démanteler sur l’ensemble du corridor tous les barrages anarchiques portant entrave à l’indicateur de performance du Port d’Abidjan. Celui-ci étant le poumon de l’économie ivoirienne, il est donc logique qu’aucun effort ne soit ménagé pour le rendre plus compétitif.

2-3-3. Fluidité de la route et réduction des barrages

La réhabilitation des routes et la construction de l’autoroute ont améliorés les indicateurs de performance du corridor Abidjan -Noé. C’est un trajet fluide, sans encombrement qui se présente aux usagers. L’important aujourd’hui est le maintien de la qualité du tronçon et stimuler le développement économique à travers la fluidité routière. La libre circulation sur le Corridor Abidjan–Noé qui donnera une bouffée d’oxygène au port d’Abidjan. Il revient donc de proscrire les pratiques anormales qui viennent plomber les efforts faits en vue de rendre ce tronçon compétitif en réduisant les barrages. Ainsi, le nombre de barrages sur l’axe Abidjan–Noé est passé de 31 en 2011 à 6 en 2015 M.I(2016). Ce qui donne un ratio de 3,87 barrages pour 100 km. Toutefois, ce ratio reste supérieur à ce que prévoit la norme communautaire CEDEAO, soit 3 barrages pour 100 km. Néanmoins, notons que de gros efforts ont été faits.

2-3-4 La lutte contre le racket des forces de l’ordre.

Sur le corridor, la présence des PDG (Policiers Douaniers Gendarmes) est manifeste et parfois outrageant à cause des extorsions de fonds faits aux usagers. Les coûts d’extorsions du fait du racket élèvent à 304,5 milliards de Francs CFA sur les véhicules de transport de marchandises et entre 72 et 118 milliards de Francs CFA sur les véhicules de transport en commun en 2014 M.E.F (2007). Ces montants faramineux nécessitent que des efforts soient faits pour endiguer définitivement le racket et favoriser la fluidité routière indispensable à la libre circulation des biens et des personnes. Les responsables portuaires en collaboration avec les gouvernants ont pris les mesures idoines pour restaurer la libre circulation à travers la réduction des barrières physiques et non physiques le long du corridor Abidjan-Noé.

2-4. Une opportunité pour les villes contigües

L’avantage géographique qu’offre la situation d’une ville près d’une route de grande circulation est le désenclavement de cette ville. Cette situation offre de nombreuses retombées. Abidjan, Grand- Bassam, Bonoua, Aboisso et Noé par leur position privilégiée sur le corridor de l’Est sont en tête de ligne. Quels sont les avantages tirés de cette position suite à la réhabilitation de la route ?

2- 4-1. Un atout pour la ville de Bassam

Le parc automobile a augmenté et s’est transformé, de nombreux minicars se sont investis sur la ligne Abidjan-Bassam en remplacement des véhicules 504 originels. Bassam est plus visitée grâce à l’autoroute. Cependant, on note une baisse significative des encombrements et embouteillages dans le centre ville. En effet, les gros porteurs (camions remorques, camions citernes, porte conteneurs) sont maintenant détournés vers la route express de même que les grands cars de transport de passagers à partir du pont de Moossou venant de Bonoua et au niveau d’Ananie venant d’Abidjan. Cette mesure laisse le centre-ville aux petites voitures pour les déplacements internes. La zone franche ou village industrielle des technologies de l’informatique et de la biotechnologie de Grand- Bassam est plus facile d’accès à partir de l’autoroute. Les visites au niveau du VITIB ont beaucoup augmenté et le site est de plus en plus sollicité pour les rencontres et foires technologiques. Cette zone est également envahie par les sociétés de construction immobilières qui se livrent une course au lotissement et à la vente de maisons.

2-4-2 Bonoua : une ville en mouvement

La construction de l’autoroute et la réhabilitation de route Bassam-Bonoua ont fait de Bonoua une ville en mouvement avec une augmentation du parc auto de la ville. Plusieurs types de véhicules font désormais la ligne de Bonoua, en plus des compagnies existantes composées de car. Le tableau 3 donne un aperçu du nombre et des types de véhicules.

Tableau 2 : Nombre et types de véhicules sur la ligne de Bonoua

Types de véhicules nombre de places nombre
Car 36 à 65 75
Massa 26 à 32 93
Dyna 18 106
Hiace 14 135
Total  409

Source : Nos enquêtes ,2017

Aujourd’hui, on compte 409 véhicules qui effectuent le trajet Abidjan-Bonoua grâce à au bon état de la route. La prolifération des mini-cars (Massa, Dyna, Hiace) c’est fait autour de 2015. La circulation intense sur le tronçon à occasionner l’animation et le développement rapide des villages où il y a de fréquentes escales des transporteurs. Des marchés locaux se sont vite crées à Yaou et à Samo. La zone industrielle de Bonoua est devenue à nouveau compétitive grâce à l’autoroute qui favorise le transport rapide des produits et des travailleurs. C’est une zone industrielle qui prend de plus en plus forme.

2-4-3. Aboisso : une cité en chantier

Les travaux de réhabilitation de la route ont transformé la physionomie de la ville d’Aboisso, la ville est complètement en chantier. La voie principale qui traverse la ville est passée de 2×1 voies à 2×2 voies. Les voies secondaires sont également réhabilitées. Les routes sont dotées de canaux d’évacuation des eaux de ruissellement pour une meilleure qualité de la circulation en temps de pluie. Le pont sur la Bia vient soulager les gros porteurs et grandes compagnies de cars qui pratiquent les lignes internationales comme UTB, STC, GHANA INTER. A terme, ces travaux donneront une image reluisante à la ville d’Aboisso. Déjà de nombreuses compagnie de transport se sont installées, on en compte par exemple : CT (Colombe Transport), JMT (Jésus et Marie Transport), GT (Gamon Transport), MDT transport, UTA (Union des Transporteurs d’Aboisso), AT transport. On remarque aussi des dizaines de mini-cars de marque Toyota hiace qui font le trajet Abidjan-Aboisso.

2-4-4. Noé : un poste frontalier en mutation

Les travaux de réhabilitation sont en cours et les retombées se font voir à travers un essor des véhicules de transports. La gare routière est très fréquentée, des passagers et des marchandises en direction du Ghana et d’Abidjan. Lieu de développement du commerce composé de produits alimentaires et de nombreuses manufactures. Pour un contrôle plus efficace et un service plus rapide à la frontière, les contrôles pourront se faire de part et d’autre de la voie avec le renouvellement du poste frontalier. Celui-ci subit une modernisation par la construction d’un parking de plus de 4 ha qui sert au stationnement des camions pour les procédures douanières. Ce parking favorise la décongestion de la route. L’ancien pont sur la Tanoé est complété à droite par le nouveau pont qui servira de doublure pour créer un pont à 2×2 voies afin d’assurer une fluidité dans la traversée. La voie à la descente du pont marque la fin des travaux du côté de la Côte d’Ivoire.

2-4-5. Au plan socio-économique

Les travaux de réhabilitation, de construction de routes, de ponts sur le corridor Abidjan-Noé créent de nombreux emplois. Les entreprises en charge des travaux hormis les ingénieurs et chefs d’équipes utilisent la main d’œuvre local pour l’exécution des différentes tâches. Selon les informations sur le terrain ce sont plus de 1500 emplois qui sont créés par cette réhabilitation du corridor Abidjan-Noé. Cette réhabilitation du tronçon est une opportunité pour la région du Sud- Comoé. Sur le tronçon, on note 7 unités agro-industrielles de palmier à huile, d’égrainage de palme et de groupage d’hévéa qui fonctionnent à plein régime car la possibilité d’écoulement des produits est une réalité. Les 830940 habitants du sud-Comoé RGPHCI (2014) bénéficient de cette route. Cela permettra aux voyageurs d’effectuer leurs déplacements dans des conditions acceptables, aux opérateurs économiques de faire des affaires avec célérité et aux populations riveraines d’écouler facilement leurs productions vers les grandes villes pour subvenir à leurs besoins. Ainsi, au bout du compte, tout le monde y gagnerait. L’opérateur économique, qui réussit à réaliser de bonnes affaires n’hésiterait pas à créer des emplois nouveaux pour accroître ses bénéfices. L’agriculteur qui écoule facilement sa production agricole chercherait à améliorer sa capacité productive par l’acquisition de nouvelles techniques. Cela donnerait aussi aux ménages, l’opportunité de faire de meilleurs choix sur les marchés. Ce qui permettrait à l’agriculteur de produire encore plus et donc de faire des économies en épargnant un peu d‘argent. Cette épargne pourrait être investie dans les projets ou de créer des richesses. C’est ainsi que naît la croissance dans les régions traversées par la route.

3- Discussion

Cet article montre l’impact de la réhabilitation de la route Abidjan-Noé sur le port de vis-à-vis et les villes qui y sont proches.

Un port vit grâce à son arrière-pays qui doit y être connecté par des voies praticables. Le corridor Est demeure pour le port d’Abidjan un atout pour l’acheminement et l’expédition des marchandises. Nos résultats sont conformes avec Y. Alix (2012, p.57) qui affirme que les corridors de transports apportent un souffle nouveau aux ports cibles. En deuxième lieu, les avantages que procurent la route Abidjan-Noé aux villes contiguës sont remarquables. Cette route est un facteur de développement. Ainsi, le corridor Abidjan-Noé est un couloir vital pour toute la région des lagunes et du Sud-Comoé. De Bassam à Noé les villes tirent de nombreux avantages de cette infrastructure et cela se répercute au plan économique et social. Nous rejoignons ainsi dans ses analyses N.J.Kablan (2004,p.72) qui estime que les routes en Côte d’ivoire ont permis le désenclavement de plusieurs régions en y apportant le développement. De même J.T Bidi (2004, p.105) est unanime sur le faîte que la route est au départ de tout développement régional. Il démontre que l’Est de la Cote d’ivoire est plus développé avec un réseau de voiries convergeant vers Abidjan, tandis que l’ouest malgré les immenses potentialités et richesses a du mal à amorcer le développement autour de San-Pedro à cause des routes impraticables et voire inexistantes à certains endroits.

A l’opposé certains chercheurs du PFCTCAL (2015, pp. 15-35) affirment que la construction d’une route ne trouve pas toujours assentiment de tous. Car la réalisation de ces ouvrages peut être à l’origine de nombreux conflits. La construction, la réhabilitation, l’élargissement et l’agrandissement d’un axe routier provoque parfois au niveau des villes la destruction de certaines activités économiques. Les populations qui exercent des activités de commerce aux bords des voies subissent des déguerpissements et leurs lieux d’activités sont dégagés et cela souvent sans indemnisation. Parce que dit-on ces populations occupent des espaces publics et les autorités procèdent à leur déguerpissement sans se soucier que ces dernières investissent de l’argent dans ces activités. Au niveau des villages ou des campagnes le passage d’une voie est quelque peu à l’origine de la destruction des activités agricoles. Les cultures des plantations situées dans le plan de la route sont détruites pendant les travaux et les propriétaires laissés pour compte. A cela s’ajoute les déplacements de village et de population. Ces cas de figures sont la source de certains conflits entre populations et réalisateurs de ces projets de construction.

Au demeurant, un axe routier en bon état peut susciter des excès de vitesse de la part de certains usagers et provoquer parfois des dégâts comme des accidents de circulation, des sorties de routes et causer des pertes en marchandises ou en vies humaines.

Ainsi, un axe routier peut avoir de nombreux revers.

Conclusion

La réhabilitation du corridor Abidjan-Noé constitue un atout important pour le port d’Abidjan, car il est une voie d’accès facile audit port. Une quantité accrue de marchandises transitent par ce couloir pour atteindre le port et les efforts des autorités portuaires et le gouvernement permettent une fluidité en réduisant les barrages routiers inopportuns, chose qui constitue un gain en temps facteur primordial pour la compétitivité portuaire.

Au niveau des villes traversées par le corridor Abidjan-Noé les résultats sont remarquables. On assiste à une baisse des encombrements, un désenclavement de certaines zones, des villes en mouvement avec l’augmentation des parcs automobiles, la relance de projet de zone industrielle de Bonoua, des villes en chantier et en mutation avec les travaux agrandissement des voies principales et la construction de canaux d’évacuation. Ces résultats agissent au plan socio-économique par la création d’emplois locaux, la densification du tissu agricole et agro-industriel et le développement des régions en question. Toutefois cette réhabilitation n’a pas que des effets positifs certains aspects comme la destruction des activités économiques des populations en bordures de route et dans les zones de déviations pourraient être l’objet de nouveaux axes de recherches.

Références bibliographie

  • ALIX Yann, 2012, Les corridors de transport, col. Les océanides, Fondation Sefacil. Editions EMS, Caen 300 p.
  • ANSOU Mane, 2007, L’importance de la route dans le développement socioéconomique d’une région : exemple de la départementale 200 ou boucle du Blouf, Certificat d’aptitude à l’enseignement moyen (CAEM) 2007, Université Cheikh Anta Diop de Dakar. 45 p.
  • DUNCAN Kablan, 2014, discours de l’inauguration de l’autoroute Abidjan-Grand-Bassam, Fraternité matin N°15016 du 12 décembre 2014.12 p
  • KABLAN Assy Joseph, 2004, L’arrière-pays des ports ivoiriens, thèse de doctorat de 3ème cycle IGT, université Cocody, Abidjan 314p.
  • KANGA Victorien, 2014, Les sociétés maritimes en Côte d’Ivoire ; Thèse unique de Doctorat, université Félix Houphouët Boigny Abidjan, Côte d’Ivoire, 412 p
  • KOULAI Edith, 2013, La pêche dans la sous-préfecture d’Adiaké, Thèse unique de Doctorat, université Félix Houphouët Boigny Abidjan, Côte d’Ivoire ; 310 p
  • M.E.F, 2007, La Côte d’ivoire en chiffres, M.E.F (Ministère de l’Economie et des Finances), Abidjan, 270 p.
  • MINISTERE DES INFRASTRUCTURE, 2016 ; Les grands projets de construction en Côte d’Ivoire 2015-2020. MPI, 2016,186p
  • PFCTCAL, 2011, Plan d’action de réinstallation des personnes affectées par la réhabilitation de la route de Grand Bassam – Aboisso – Noé, Octobre 2011 ; n°c03, 93p.
  • PFCTCAL, 2015, Commerce et Transport sur le corridor Abidjan-Lagos : comment réduire le temps de séjour des marchandises au Port d’Abidjan ? Avril 2015
  • KNAFOU Rémy (1992), Le nouveau système-monde 1992, page 67.
  • PAA, 2015, PAA une référence internationale, Port Autonome d’Abidjan, 33 p.
  • TAPE Bidi Jean, 2004, Economie maritime et portuaire de la Côte d’ivoire, Etude géographique, Thèse d’Etat, Université de Cocody Abidjan, 876 p.
  • YAO Beli Didier, 2014, Dynamique de l’approvisionnement du marché à bétail du district d’Abidjan, géotrope revue de géographie tropicale et de l’environnement, n°2, EDUCI, 2014, pp86-96

Webographie

Auteur(s)


1Assistant, Institut de Géographie Tropicale, Université Félix Houphouët-Boigny Abidjan, konanvicky07@gmail.com

2Maitre-Assistant, Institut de Géographie Tropicale, Université Félix Houphouët-Boigny Abidjan, belididier07@yahoo.fr

Droit d’auteur


EDUCI

Plus de publications