Les implications socio-économiques et spatiales des pratiques foncières des autorités coutumières dans le développement de la ville de Yamoussoukro (Côte d’Ivoire)

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1Atsé Calvin YAPI, 2Armand Josué DJAH, 3Brou Emile KOFFI

Résumé

Au lendemain de l’indépendance en 1960, pour éviter l’anarchie dans l’urbanisation en Côte d’Ivoire, les gouvernements ont reconduit les politiques foncières de la colonisation. Celles-ci font de l’Etat, le gestionnaire exclusif de toutes les terres non immatriculées. Cependant, les difficultés économiques des années 1980 et l’application des plans d’ajustements structurels le contraignent à se désengager des secteurs non productifs au profit des acteurs privés. L’Etat se retire de la production et de la commercialisation des terrains urbains par l’adoption d’un nouveau cadre institutionnel. Ce retrait consacre l’avènement des aménageurs privés régi par la loi n°97-524 du 4 septembre 1997 portant création d’une concession d’aménagement foncier. En dépit des dispositifs législatifs et règlementaires en vigueur en matière de gestion foncière pour accompagner ces nouveaux acteurs privés (aménageurs), la plupart des lotissements actuels réalisés à Yamoussoukro sont non conformes aux normes entrainant de nombreuses implications dans le développement de la ville. Cette étude a pour objectif d’analyser les impacts socio-économiques et spatiaux engendrés par les pratiques foncières des autorités coutumières dans le développement de la ville de Yamoussoukro. Pour y parvenir, nous avons entrepris une recherche documentaire, fait des observations sur le terrain et procédé par une enquête par entretien avec certains acteurs du foncier (la direction régionale de la construction, les opérateurs privés, la fédération des propriétaires terriens de Yamoussoukro et le tribunal de première instance de Toumodi). Il ressort de cette étude que les pratiques des autorités coutumières ont favorisé le développement des litiges fonciers (83% sont le fait des autorités coutumières), un paysage urbain inachevé se traduisant par des lotissements non viabilisés (52,38%), des lots non mis en valeur (71,91%), des lotissements clandestins avec l’annexion de 11,32% des réserves dont 91,94% relèvent des autorités coutumières.

Mots clés : Yamoussoukro, urbanisation, pratiques foncières, autorités coutumières, développement.

Abstract :

In the aftermath of independence in 1960, to avoid anarchy in urbanization in Côte d’Ivoire, governments renewed the land policies of colonization. These make the state, the exclusive manager of all unregistered land. However, the economic difficulties of the 1980s and the implementation of structural adjustment plans forced it to withdraw from unproductive sectors to the benefit of private actors. The state is withdrawing from the production and marketing of urban land through the adoption of a new institutional framework. This withdrawal enshrines the advent of private developers governed by Law No. 97-524 of 4 September 1997 on the creation of a land development concession. In spite of the current legislative and regulatory mechanisms in terms of land management to accompany these new private actors (developers), most of the current housing estates realized in Yamoussoukro are not in conformity with the norms having many implications in the development of the city. This study aims to analyze the socio-economic and spatial impacts engendered by land tenure practices of customary authorities in the development of the city of Yamoussoukro. To achieve this, we undertook a literature search, made observations in the field and carried out a survey by interview with some actors of the land (the regional direction of the construction, the private operators, the federation of the landowners of Yamoussoukro and the Toumodi Court of First Instance). According to this study, the practices of customary authorities have favored the development of land disputes (83% by customary authorities), an unfinished urban landscape resulting in unserviced developments (52.38%), non-serviced lots developed (71.91%), clandestine housing estates with the annexation of 11.32% of the reserves of which 91.94% fall under the customary authorities.

Key words: Yamoussoukro, urbanization, land practices, customary authorities, development.

INTRODUCTION

Située au Centre du pays dans la région du Bélier à 243 km d’Abidjan, la ville de Yamoussoukro est localisée entre 6°15 et 7°35 de latitude Nord et 4°40 et 5°40 de longitude Ouest (Carte 1). Capitale politique et administrative de la Côte d’Ivoire depuis 1983, Yamoussoukro connaît une expansion démographique et spatiale extrêmement rapide. Sa population est passée de 37 253 habitants en 1975 (RGP, 1975) à 155 803 habitants en 1998 (RGPH, 1998), puis à 216 412 habitants en 2014 (RGPH, 2014). Parallèlement, sa superficie connaît une extension. De 1 753 ha en 1975, sa superficie urbanisée a atteint 9 300 ha en 1998 et 11 265 ha en 2011 (K. P. Yao, 2011, p. 99). Avec une telle croissance démographique, la ville de Yamoussoukro est confrontée à de nombreux problèmes tels que : l’insuffisance de logements, l’insuffisance des équipements, mais surtout le développement des problèmes fonciers. Pourtant, l’Etat au lendemain de l’indépendance a marqué sa volonté de prendre en main les problèmes spécifiques liés au développement urbain (K. P. Yao, 2011, p. 48). Pour y parvenir, il s’est adjugé le monopole de la constitution des réserves foncières, de la production des terrains urbains et de la commercialisation des parcelles. Mais, suite à la crise économique des années 1980 provoquée par l’effondrement des cours mondiaux du café et du cacao et de la montée spectaculaire du cours du pétrole, l’État se désengage des secteurs non productifs au profit du privé (K. Atta et al. 2014, p. 20). Le retrait de l’Etat de la politique de gestion foncière se traduit par la mise en place d’un nouveau cadre institutionnel basé sur la concession d’aménagement foncier selon la loi n° 97-524 du 4 septembre 1997 portant création d’une concession d’aménagement foncier. Désormais, la production et la commercialisation des terrains urbains sont concédées au privé notamment aux aménageurs privés. En dépit des textes accompagnant ce nouveau cadre institutionnel, force est de constater que deux décennies après sa mise en œuvre, la production foncière par les autorités coutumières à Yamoussoukro est aujourd’hui marquée par une véritable anarchie. Cette étude soulève le problème des pratiques foncières anarchiques des autorités coutumières de Yamoussoukro. Quel est l’impact des pratiques des autorités coutumières sur le développement de la ville de Yamoussoukro ? Cette étude vise ainsi à analyser les impacts socio-économiques et spatiaux engendrés par les pratiques foncières des autorités coutumières dans la ville de Yamoussoukro. L’hypothèse est la suivante : les lotissements non conformes aux normes réalisés par les autorités coutumières impactent le développement de la ville. Pour vérifier cette hypothèse, nous allons d’une part montrer les pratiques foncières des autorités coutumières de la ville de Yamoussoukro et d’autre part examiner les impacts de ces pratiques au niveau socio-économique et spatial dans le développement de la ville.

Carte 1 : Localisation de la ville de Yamoussoukro

1. Methodologie de la collecte et le traitement des données

La collecte des données s’est faite en deux étapes : la recherche documentaire et l’enquête de terrain. Dans le cadre de la recherche documentaire, nous avons eu accès à la documentation des services suivants (direction régionale de la construction de Yamoussoukro et du tribunal de Toumodi). Ces sources documentaires de la direction régionale de la construction nous ont permis de déterminer le nombre de lotissement, la part de chaque producteur et d’identifier les lotissements clandestins. A cause de la sensibilité du sujet, la préfecture de police nous a exigé une longue procédure à suivre pour accéder aux données relatives aux litiges fonciers recensés dans les deux commissariats de la ville. Pour contourner cette procédure complexe, nous nous sommes rendus au tribunal de première instance de Toumodi. Nous avons alors eu accès aux données des archives du tribunal de Toumodi. Cette documentation du tribunal nous a permis d’identifier 1 265 plaintes sur la période de 2012 à 2014 en provenance de Yamoussoukro dont 78 ; soit 6,17% sont liées au foncier. Elle nous a permis d’élaborer une typologie des litiges fonciers. Nous avons consulté des mémoires, des thèses, des rapports d’étude, des communications présentées lors des séminaires et des articles de revues. Ces consultations bibliographiques nous ont permis de connaître les textes d’urbanisme en vigueur en Côte d’Ivoire, l’évolution de la population et de la superficie de la ville grâce aux données du RGPH (1975, 1998 et 2014). L’enquête de terrain, nous a d’abord permis d’observer le niveau de viabilisation et de mise en valeur des lotissements de la ville. Ensuite, nous avons effectué des entretiens avec certains acteurs de la chaîne foncière. Le premier qui est un entretien individuel s’est fait avec le Directeur régional de la construction et de l’urbanisme à l’aide d’un guide d’entretien. Cet entretien a permis de connaître les textes en matière de lotissement, des données statistiques sur le nombre de lotissement, les types de producteur, le nombre de lotissement clandestins, le nombre de lot mis en valeur ou non. Le second est un entretien de groupe ou focus group discussions. Il s’est fait avec le bureau exécutif de la Fédération des Propriétaires Terriens de Yamoussoukro (FEPROTY) constitué de huit membres. Cette fédération comprend les représentants de chaque comité villageois de gestion foncière de la commune. Elle est donc l’émanation de 21 villages de la commune. Cet entretien a permis de comprendre les raisons de la production effrénée des lotissements dans la ville, du développement des lotissements clandestins et l’évolution des coûts des lots. Le dernier entretien s’est fait avec des opérateurs ou cabinets chargés de réaliser des lotissements. En 2014, la Direction régionale de la construction en a dénombré 12. Ces derniers ont réalisé 22 lotissements villageois dans la ville. Dans le cadre de cette étude, nous avons rencontrés six d’entre eux, les plus sollicités par les communautés villageoises. Chacun d’eux a réalisé au moins deux lotissements dans la ville. Il s’agit des cabinets : Bedji joseph, Pan Gaston, Soro Nanga Ziessouba, Kouadio Koko, Etra topo et Alpha topo. Les entretiens avec ces opérateurs nous ont permis de comprendre les conditions de réalisation des lotissements et de connaître le mode de rétribution après chaque lotissement réalisé. Toutefois, depuis 2016 dans le souci d’assainir le milieu, seulement deux sociétés d’aménageurs agréés sont appelées à exercer à Yamoussoukro (AT’IS SARL et EPHRAIM SARL). Le traitement statistique des données recueillies a permis de réaliser des tableaux, des figures (diagrammes, des courbes d’évolution) à l’aide des logiciels Excel. Quant aux cartes, elles sont faites à l’aide du logiciel ArcGis 2.1 et Adobe Illustrator 9.c.

2. Résultats

Nos analyses ont conduit à trois résultats : une mainmise des autorités coutumières sur les lotissements, une tendance à la réalisation des lotissements clandestins et les effets induits des pratiques des propriétaires terriens coutumiers.

2.1- Une mainmise des autorités coutumières sur les lotissements

Les autorités coutumières sont aujourd’hui très actives dans la réalisation des lotissements. A partir de la figure 2 ci-dessous, la typologie des lotissements fait ressortir la domination des lotissements villageois. En effet, sur la période de 1960 à 1980, l’Etat était l’acteur unique de la gestion foncière. Mais de 1990 à aujourd’hui, le mode de gestion du foncier a subi une réforme avec la loi de 1997 portant concession d’aménagement foncier consacrant le retrait effectif de l’Etat au profit des aménageurs privés. Depuis lors, les autorités coutumières de la ville de Yamoussoukro marquent leur présence par le nombre de plus en plus important de

lotissements réalisés. Elles tirent, d’une part, leur légitimité du droit coutumier sur le sol correspondant à un droit d’usage et d’autre part, des dispositions législatives en vigueur à travers la loi n°98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine du foncier rural. Selon cette loi, le domaine foncier rural est hors du domaine publique, des périmètres urbains, des zones d’aménagement différé officiellement constituées et du domaine forestier classé (A. Djessan, 2017, p. 4). A partir de ce décret, les terres rurales situées dans le périmètre urbain sont du domaine de l’Etat. Pourtant, c’est sur ces terres que se réalisent la plupart des lotissements villageois. Dans la ville de Yamoussoukro, selon la direction régionale de la construction et de l’urbanisme en 2015 sur 42 lotissements réalisés, 22 sont le fait des propriétaires terriens coutumiers ; soit 52,38% contre 18 pour l’Administration (42,86%) et 2 pour le privé (4,76%) (Figure 1). Le premier lotissement villageois a débuté en 2003 avec le lotissement Morofé N’kloihidjo. Les propriétaires terriens sont aujourd’hui, les principaux producteurs de terrains urbains. Les lotissements administratifs ont été réalisés par le Ministère de la Construction, la Mairie, le ministère résident, la SOGEPIE et le programme spécial du transfert de la capitale à Yamoussoukro (PSTCY). Le lotissement privé est le fait de la Société de Distribution d’Eau de la Côte d’Ivoire (SODECI) et du cabinet Architecture-Construction-Formation infographique (ARCOFOR).

Figure 1 : Diagramme de répartition des lotissements selon le type de producteur

Source : Direction Régionale de la construction, 2018

Limitées financièrement, les autorités coutumières confient la réalisation du lotissement à des opérateurs ou cabinets exécutants par la signature de conventions. L’opérateur peut être une personne ou un cabinet que les propriétaires de parcelles sollicitent dans le cadre de la réalisation d’un lotissement. Il a alors en charge tout le processus allant de la constitution des dossiers aux démarches administratives pour l’approbation du lotissement. Celui-ci est en amont et en aval de tout le processus. L’opérateur n’étant généralement pas un spécialiste fait de la sous-traitance avec des professionnels de l’aménagement foncier représentés par les géomètres, les urbanistes, etc.). En contrepartie, il reçoit 30% de l’ensemble des lots produits qu’il partage avec tous ceux qui ont été sollicité dans le cadre de la réalisation du lotissement. A titre illustratif, pour dix lots produits, il en reçoit trois qu’il reparti entre lui et les professionnels de l’aménagement foncier sollicités dans le cadre de la réalisation du lotissement. Par ces pratiques nouvelles, on assiste à une multiplication de lotissements non planifiés (Figure 2).

Figure 2 : Evolution de l’effectif des lotissements de la ville selon les initiateurs 1962 à 2014

Source : DR MCLAU, 2015

Sur une période de 40 ans (1962 à 2002), seulement 12 lotissements ont été réalisés. Ils ont tous été réalisés par l’administration. Mais, après le retrait de l’Etat de la production des terrains urbains à partir de 1990, les lotissements connaissent un essor. Ainsi, sur la période de 2002 à 2014 c’est-à-dire en 12 ans, 30 lotissements ont été réalisés ; soit trois lotissements par an dont les 2/3 sont le fait des autorités coutumières. Cette situation est de nature à contribuer au développement anarchique de la ville car ces lotissements ne sont pas planifiés. Au total, depuis 2002, les autorités coutumières sont les principaux producteurs de lotissement dans la ville de Yamoussoukro au détriment de l’Administration et du privé. Certains de ces lotissements se réalisent sans l’aval du pouvoir central d’où leur caractère clandestin.

2.2- Une tendance à la réalisation des lotissements clandestins

Les pratiques des propriétaires terriens se traduisent aussi par la réalisation des lotissements irréguliers, voire clandestins. Les lotissements deviennent irréguliers, illégaux ou encore spontanés, lorsqu’ils sont effectués en dehors des normes de procédures définies par les pouvoirs publics prescrivant les conditions de réalisation des lotissements, tant sur le plan administratif que technique et parfois financier (B.E. Koffi, 2010, p. 61). En effet, la réalisation d’un lotissement est conditionnée par la signature d’un arrêté d’approbation du projet de lotissement par le ministre de la construction et de l’urbanisme avant tout abornement et ouverture de voies. L’approbation est donc l’étape la plus importante car elle atteste que la parcelle ne souffre d’aucune irrégularité et que le lotissement est conforme aux prescriptions du Plan d’Urbanisme Directeur (PUD). Le plan d’urbanisme directeur est régie par la loi n°62-253 du 31 juillet 1962 relative aux plans d’urbanisme. Il est un document de planification locale destiné à tracer le cadre normatif de l’aménagement et du développement du territoire d’une agglomération par la définition des règles générales et de servitudes d’urbanisme imposées à un territoire donné (E. C. Ouompie, 2012, p. 90). Or, celui de Yamoussoukro, élaboré en 1986, actualisé en 1996 et approuvé par le décret n°97-177 du 19 mars 1997, censé orienter le développement de la ville, est littéralement foulé au pied par les propriétaires terriens coutumiers depuis 2002. Cela se traduit par l’annexion des réserves foncières d’équipements pour les futurs besoins de la capitale (Ministère de la construction, 2016, p.4). Selon le PUD (1997), la superficie de la zone d’extension de la ville est de 19 950 ha dont 10 440 ha constituées de réserve ; soit 52,33%.

Notre enquête auprès de la direction régionale de la construction en 2015 a révélé l’annexion de 14 réserves foncières correspondant à une superficie totale 1182,31 ha à des fins d’habitation ; soit 11,32% de la superficie de la zone d’extension (Tableau 1).

Tableau 1 : Les réserves foncières d’Etat annexées dans la ville en 2015

Dénomination Promoteurs Superficie (ha) Niveau d’évolution Observations
1 Djahakro INP-HB Village de Kami 137 ha Projet arrêté Frappé de servitude car situé dans la réserve de l’INP-HB
2 Baba Simon Village de N’gokro 69 ha Projet arrêté Conflit foncier en cours de règlement en justice
3 Golikoué Village de N’gokro 204 ha Projet arrêté Conflit foncier en cours de règlement en justice
4 Nana Kplè Augustin Village de N’gokro 263 ha Gelé Frappé de servitude car situé dans la ZAP
5 Peleforo Gon Coulibaly Village de N’gokro N.D Gelé Frappé de servitude car situé dans la ZAP
6 Klémiantissou Village d’ Affouèkankro 200 ha Projet arrêté Frappé de servitude car situé dans une zone verte
7 N’dénou Village de Kami 14 ha arrêté Frappé de servitude car situé sur une réserve administrative
8 Kpangbassou-Extension Village de Kpangbassou N.D Gelé Frappé de servitude car situé dans la ZAP
9 Zinzibo Administration 27 ha Gelé Frappé de servitude car situé dans une zone prévue pour équipements
10 Kokrenou Zone Artisanale Administration 26 ha Gelé Frappé de servitude car situé dans une zone artisanale.
11 Cité CAFOP Administration 42, 31 ha Gelé Frappé de servitude car situé dans une zone pour équipements projetés.
12 SCP la Pépinière Village de N’gokro 200 ha Gelé Frappé de servitude car situé dans la ZAP
13 Ilot125 (Dioulakro) Administration ND Accepté Espace vert loti
14 Ilot13 (Dioulakro) Administration ND Accepté Espace vert loti
TOTAL : 14 1 182,31 ha

Sources : DRMCLAU, 2015, Mairie, 2015 et nos enquêtes de terrains, 2017

Il ressort de l’analyse que les autorités coutumières ont annexé 9 réserves sur un total de 14 ; soit 64,29%. Ces réserves annexées par les autorités coutumières correspondent à une superficie de 1 087 ha ; soit 91,94% de la superficie des réserves annexées. Les propriétaires terriens sont donc les plus actifs dans les annexions des réserves en complicité avec les opérateurs. L’Administration n’a annexé que 5 lotissements ; soit 35,71% de l’ensemble des réserves annexées. Elles correspondent à une superficie de 95,31 ha ; soit 9,70% de la superficie totale des réserves annexées. Les annexions des réserves par l’Administration interviennent le plus souvent dans le cadre des règlements des conflits fonciers ou pour satisfaire des requêtes de certaines autorités administratives de haut-rang (K. P. Yao, 2011, p. 138). Par ces pratiques, de nombreux sites prévus pour la réalisation des équipements administratifs notamment le palais de justice, la maison de la culture, la maison d’exposition ou même des espaces verts, sont en train d’être affectés à des projets de lotissement privés (Ministère de la construction du logement de l’assainissement et de l’urbanisme, 2016, p. 4).

Au total, les pratiques des autorités coutumières se traduisent par une mainmise sur la production foncière et la réalisation des lotissements clandestins. Toutes ces pratiques ont des implications au niveau socio-économique et spatial.

2.3- Les effets induits des pratiques des autorités coutumières

Les résultats de nos analyses indiquent que les effets des pratiques des autorités coutumières en matière de gestion foncière sont perceptibles au niveau socio-économique et spatial.

2.3.1- Les conséquences socio-économiques

Les conséquences socio-économiques des pratiques des autorités coutumières sont de deux ordres. Il s’agit d’une part du développement des litiges fonciers dans la ville et d’autre part l’enrichissement des autorités coutumières.

  • Le développement des litiges fonciers dans la ville

Les pratiques des autorités coutumières ont conduit au développement des litiges fonciers. Selon les données recueillies auprès du tribunal de première instance de Toumodi en 2015, les litiges fonciers connaissent une croissance (Tableau 2).

Tableau 2 : Nombre des plaintes liées au foncier de 2012 à 2014 à Yamoussoukro

Années Effectif total de plaintes enregistrées Effectif total de plaintes liées au foncier Pourcentage (%)
2012 318 13 4,1
2013 436 19 4,3
2014 511 46 9
TOTAL 1 265 78 6,17

Source : Statistique judicaire du Tribunal de première instance de Toumodi, février 2015

Le tableau 2 ci-dessus révèle que de 2012 à 2014, sur 1 265 plaintes recensées, 78 sont liées au foncier ; soit 6,17%. En outre, ces litiges fonciers connaissent une évolution dans le temps. De 13 en 2012, ils ont triplé en espace de 2 ans en passant à 46. Ces litiges fonciers sont de quatre types avec des proportions diverses (Figure 3).

Figure 3 : Diagramme de répartition des taux comparés des types de litiges fonciers à Yamoussoukro

Source : Statistique judiciaire du Tribunal de Toumodi, (enquêtes- décembre 2015)

Le nombre croissant des litiges fonciers pourrait s’expliquer par le développement des aménagements fonciers devenus source de richesse des propriétaires terriens. Ces litiges sont de quatre ordres à savoir frontaliers, familiaux, mauvaise foi et occupations illicites. Sont considérés comme conflits frontaliers, les litiges qui naissent entre les communautés villageoises. Les données recueillies auprès du tribunal de Toumodi en 2015 font état de 23 litiges frontaliers ; soit 29,49% de l’ensemble des litiges fonciers. C’est dans cette catégorie que s’inscrivent les litiges entre Kpoussoussou et Nanan ; Kpoussoussou et Logbakro ; Akpessekro et Subiakro, etc. Les conflits familiaux sont ceux qui opposent des membres d’une même famille lors du partage du domaine familial. Nous avons recensé 10 ; soit 12,42%. C’est l’exemple du litige portant sur une parcelle de 47 hectares qui a opposé les familles Kouamé Kouassi, Alloui Affoué Monique à une autre famille de Kami et le litige intracommunautaire qui a opposé les jeunes de Morofé au chef du village, accusé de vente illicite de terrains. Les litiges fonciers les plus récurrents sont ceux qui relèvent de la mauvaise foi. Nous avons recensé 39 ; soit (50%). Ce sont des cas d’escroquerie observés lors de l’achat des terrains. Ce sont, entre autres, les doubles attributions et les falsifications des documents de vente. C’est aussi l’exemple du litige foncier qui oppose les détenteurs des droits coutumiers du village de Kami au groupe Kouamé Yao Patrice à propos d’une superficie de 101 hectares. Enfin les occupations illicites sont au nombre de 6 soit ; 7,69%. Il s’agit d’une occupation illégale d’un lot. Elles opposent très souvent ceux qui ont acquis des terrains, mais pour des raisons financières peinent à les mettre aussitôt en valeur.

  • L’enrichissements des autorités coutumières

Le foncier, objet de convoitise dans la ville, participe à l’amélioration des conditions de vie de certaines catégories d’acteurs notamment des autorités coutumières, des revendeurs et des intermédiaires (démarcheurs). Selon nos enquêtes de terrain en 2016, De nombreux propriétaires terriens optent pour la vente de grandes parcelles (superficies supérieures 1 ha), où ils perçoivent rapidement leurs dus. Dans ces conditions, le prix par mètre carré se négocie entre 3 000 FCFA et 5 000 FCFA. Ils amassent ainsi, d’importantes sommes d’argent, lorsque l’acquéreur respecte les termes du contrat. A titre illustratif, lors de nos enquêtes, nous avons pu rencontrer deux de ces propriétaires terriens du village de Kami enrichis par la vente de grandes parcelles (plus d’un hectare). Pour raison de confidentialité, nous décidons de ne pas relever leurs identités. Le premier nous a confié avoir reçu 600 000 000 FCFA de la vente d’une grande parcelle. Pendant que le second empochait une coquette somme de 300 000 000 FCFA. Du coup, devenus des « nouveaux riches », ils se sont permis d’avoir un parc auto bien impressionnant constitué de véhicules de luxe tels que des BMW X5 et INIFINITI. D’autres par contre, après avoir réalisé le lotissement vendent des lots progressivement lorsque des besoins financiers se font sentir. Le coût relativement élevé des lots leur permettent de s’enrichir. A titre d’exemple, selon nos enquêtes en 2016, dans les quartiers économiques le prix d’un lot de 600 m² varie entre 3 et 6 millions de francs CFA alors que dans les quartiers résidentiels pour la même superficie, les lots se négocient entre 10 millions et plus. Ces autorités coutumières pour maximiser leurs gains en procédant par la spéculation. La spéculation est pratiquée par des individus qui ont eu l’idée et les moyens d’acquérir des surfaces importantes de terrain ou plusieurs terrains auprès des propriétaires fonciers coutumiers ou l’administration (A.J. Djah, 2014, p. 230). Ces autorités coutumières travaillent en collaboration avec des démarcheurs qui gagnent des commissions sur chaque vente (environ 5 à 10% auprès du propriétaire initial). En somme, au niveau socio-économique, les pratiques des autorités coutumières ont conduit au développement des litiges fonciers et à l’enrichissement des propriétaires terriens.

2.3.1- Les implications spatiales

Les résultats de nos analyses révèlent deux types d’implication au niveau spatial. Il s’agit du développement des lotissements non viabilisés et non mis en valeur ainsi que la multiplication des lotissements anarchiques.

  • Le développement des lotissements non viabilisés et non mis en valeur

Les pratiques des autorités coutumières conduisent aujourd’hui au développement des lotissements non viabilisés (Figure 4).

La concession d’aménagement foncier régie par la loi n°97-524 du 4 septembre 1997 portant création d’une concession d’aménagement foncier exige la viabilisation des terrains urbains. La viabilisation des terrains est une opération permettant de les rendre facilement constructibles, accessibles par une voirie et desservis par des réseaux d’assainissement, d’adduction d’eau potable, d’électricité, de téléphone et de gaz (E. C. Ouompie, 2012, p. 115). Toutefois, dans la ville de Yamoussoukro, les aménageurs privés sollicités par les autorités coutumières ne produisent que des terrains non viabilisés.

Figure 4 : Diagramme de répartition des lotissements selon le niveau de viabilisation en 2014

Sources : DRCU, 2015 et nos enquêtes de terrain, 2016

A partir de nos enquêtes de terrain en 2016, sur un total de 42 lotissements réalisés dans la ville de Yamoussoukro, 22 sont non viabilisés ; soit 52, 38% contre 20 entièrement viabilisés ; soit 47,62%. Par ailleurs, le niveau de viabilisation des lotissements dépend des initiateurs (Figure 5).

Figure 5: Diagramme de répartition selon l’origine et le niveau de viabilisation 2014

Il ressort de cette analyse que sur 42 lotissements réalisés dans la ville, 22 sont le fait des propriétaires terriens et aucun d’eux n’est viabilisé. Pendant que les 20 autres réalisés par l’administration (la construction, la Marie, etc.) le sont soit partiellement ou entièrement. L’absence de viabilisation dans les nouveaux lotissements réalisés par les propriétaires terriens est à l’origine du faible taux de mise en valeur des lots observé dans les lotissements villageois. Selon la direction régionale, en 2015 sur un total de 31 680 lots que compte la ville, seulement 8 899 lots ; soit 28,09% sont mis en valeur contre 22 781 lots (71,91%) non mis en valeur. L’enquête de terrain réalisée en décembre 2018 a montré un taux de mise en valeur de 0% dans plusieurs lotissements villageois. C’est l’exemple de M’lock, Guiglo 2 extension, Abombo et Cité notre dame.

  • La multiplication des lotissements  anarchiques

Dans la ville de Yamoussoukro, des espaces déclarés non aedificandi sont lotis et bâtis. En effet, certains lotissements actuels n’épargnent pas les zones inondables, notamment les bas- fonds ou certaines berges des lacs de la ville dont les lits sont en cours d’assèchement (Photo1). Ce phénomène est visible dans tous les nouveaux lotissements villageois. Même dans les anciens quartiers comme N’zuessy, Résidentiel, Kokrenou, Dioulakro, etc, les zones non constructibles laissées par les lotisseurs avant 2002 pour fait de la présence des lacs sont aujourd’hui prises d’assaut par les propriétaires fonciers coutumiers en complicité avec des promoteurs, aménageurs privés et certains agents de l’administration.

D’autres lotissements sont pratiqués à l’intérieur de la délimitation de la décharge (Photo 2). C’est l’exemple du lotissement Kokrenou Mairie Extension effectué sur le site de la décharge. En effet, des propriétaires terriens coutumiers du village d’Akpessekro ont fait reculer les ordures à l’aide d’un grader et ont loti une partie de la décharge. Le lotissement s’est effectué sans aucune étude d’impact environnemental alors qu’en pareilles circonstances, elle est exigée lorsqu’on estime que le terrain à lotir présente des risques sanitaires et environnementaux sur les futurs habitants (E. C. Ouompie, 2012, p. 75). En d’autres termes, lorsqu’on réalise que le site choisi est susceptible de pollution ou qu’il n’existe aucune proposition de solutions pour atténuer la pollution, le lotissement est interdit. Malgré, la non approbation de ce lotissement, le site connaît un taux de mise en valeur de 72% (nos enquêtes, 2018). Pour ce faire, le quartier a bénéficié d’un programme d’électrification du gouvernement depuis le premier trimestre de l’année 2018.

Au total, sur le plan spatial, les pratiques des autorités coutumières ont conduit à la multiplication des lotissements non viabilisés ainsi qu’à la naissance des lotissements anarchiques.

3. Discussion

Les résultats de cette étude ont montré que les pratiques des propriétaires terriens ont eu de nombreuses implications sur le développement de la ville de Yamoussoukro. En effet, au niveau socio-économique, ces pratiques ont fait développer des litiges fonciers qui sont passés de 13 en 2012 à 46 en 2014. Par ailleurs, on assiste au renchérissement du coût des lots et surtout au développement des lotissements clandestins et non viabilisés.

Ces résultats rejoignent ceux des travaux de B. E. Koffi (2010, p. 61) lorsque dans son introduction, il affirme que « les responsables des lotissements irréguliers en Côte d’Ivoire sont en grande partie les propriétaires coutumiers qui contournent les règles officielles ». Ce point de vue est partagé par A.J. Djah et al. (2017, p. 157). En effet, ces auteurs soutiennent que depuis l’évolution de la loi sur le foncier en 2000 et la crise sociopolitique qu’a connue le pays, les propriétaires terriens de Divo morcellent de nombreux basfonds et les mettent en vente dans la ville au mépris des risques liés à l’occupation de ces sites. Par ailleurs, K. P. Yao (2011, p. 22) fait relever qu’au niveau de la ville de Yamoussoukro, les pratiques des propriétaires terriens conduisent au « au non-respect du plan d’urbanisme directeur, marqué par la prolifération hors procédures de plusieurs aménagements clandestins, anarchiques et non viabilisés ». Ces propriétaires terriens bénéficient de la complicité des promoteurs et aménageurs privés. C’est dans cette optique que selon le Ministère de la construction (2016, p.4), le Ministre de la construction accusait en ces termes que : « les premiers responsables de ce désordre sont des promoteurs et aménageurs privés non qualifiés et conditionnés par la concession d’aménagement foncier ». Le même constat est fait par le Ministère de la construction (2016, p.4), qui confirme que « le syndrome des lotisseurs informels fait rage dans la ville de Yamoussoukro ». Il ajoute que « Ces lotisseurs (aménageurs) informels en collaboration avec les détenteurs de droits coutumiers ont semé la pagaille dans la ville de Yamoussoukro. Ils ont morcelé et vendu les réserves foncières de l’Etat ». A.J. Djah et al. (2017, p. 157) dans leurs travaux sont arrivés à cette même conclusion en soutenant qu’«au gré de la demande et au mépris des normes techniques, les autorités coutumières initient des lotissements en complicité avec les géomètres privés ». Toutefois, A.J. Djah et al. (2017, p.163) au terme de leurs travaux pensent que « l’Etat a une grande part de responsabilité dans ce désordre car des textes existent et l’Etat a le devoir de les faire respecter».

Conclusion

Au terme de notre étude, il ressort que la croissance démographique de la ville de Yamoussoukro est à l’origine du déficit de logement. Pour y faire face, les autorités coutumières ont réalisé des lotissements à usage d’habitation avec l’aide des aménageurs privés. Toutefois, les pratiques contraires aux normes telles que la réalisation des lotissements sans l’aval de l’administration centrale, l’annexion des réserves et la course effrénée aux lotissements par les propriétaires terriens impactent le développement de la ville de Yamoussoukro au niveau socio-économique et spatial. Cette étude pourrait contribuer à orienter les autorités compétentes dans leur prise de décision en vue d’une amélioration de la qualité des lotissements villageois dans la ville Yamoussoukro.

Références bibliographiques

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Auteur(s)


1Doctorant, Département de Géographie, Université Alassane Ouattara/LaboVST (Côte d’Ivoire), atsecalvinyapi@gmail.com

2Maître Assistant, Département de Géographie, Université Alassane Ouattara/LaboVST (Côte d’Ivoire), aj_djah@outlook.fr

2Professeur Titulaire, Département de Géographie, Université Alassane Ouattara/LaboVST (Côte d’Ivoire), koffi_brou@yahoo.fr

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