Pratique durable de la pisciculture dans la commune d’Aboisso

Pratique durable de la pisciculture dans la commune d’Aboisso

Résumé

L’aquaculture qui est une activité relativement récente en Côte d’Ivoire, n’y est cependant pas une activité nouvelle. Au fil des années, cette activité va commencer à être de plus en plus envisagée comme une alternative aux importations de poissons et comme un outil de développement rural, lequel intègre, depuis 1992, des principes de durabilité. Cette recherche s’inscrit dans le cadre des problématiques du développement de la pisciculture dans la commune d’Aboisso. L’objectif est de montrer que les potentialités contribuent au développement piscicole dans la commune d’Aboisso. Pour atteindre ce but, l’étude ayant pour objet les potentialités de développement de la pisciculture, s’appuie sur une recherche documentaire et une enquête de terrain menée sur l’ensemble des fermes d’élevage de poissons identifiées dans la zone d’étude. Aujourd’hui, la pisciculture n’a pas encore atteint une dimension économique viable en Afrique subsaharienne, que ce soit en termes de volume ou en termes de sa place dans les systèmes de production. Nous mettrons en exergue les potentialités de développement de la pisciculture en présence dans la commune d’Aboisso.

Mots clés : Côte d’Ivoire, Aboisso, pisciculture, potentialités naturelles, infrastructure piscicole.

Abstract

Aquaculture is a relatively recent activity in Côte d’Ivoire, but it is not new. Over the years, this activity has been increasingly considered as an alternative to fish imports and as a tool for rural development, which has incorporated sustainability principles since 1992. This research is part of the development of fish farming in the commune of Aboisso. The objective is to show that the potentialities contribute to the development of fish farming in the commune of Aboisso. In order to achieve this goal, the study on the development potential of fish farming is based on documentary research and a field survey conducted on all the fish farms identified in the study area. Today, fish farming has not yet reached a viable economic dimension in sub-Saharan Africa, either in terms of volume or in terms of its place in production systems. We will highlight the potential for the development of fish farming in the commune of Aboisso.

Key words: Ivory Coast, Aboisso, fish farming, natural potentialities, fish farming infrastructure.

Introduction

L’aquaculture mondiale est non seulement en pleine expansion, mais aussi en forte diversification. La FAO donnait en 1950 un tableau descriptif de 72 espèces en production, alors qu’en 2006, elle en a dénombré environ 350 en élevage (MFAP, 2008, p. 2). La production aquatique mondiale a atteint 141 millions de tonnes en 2005 contre 117 en 1995 (MFAP, 2008, p.11). Cet état de fait s’explique par la recherche de l’autosuffisance alimentaire et de la sécurité alimentaire, face à la consommation en augmentation, tant dans les pays développés que dans les pays en émergence (N. KASSEDO, 2009, p.1).

Aujourd’hui, avec les entretiens effectués avec les acteurs du secteur piscicole et la littérature effectuée pendant nos enquêtes, la pisciculture n’a pas encore atteint une dimension économique viable en Afrique subsaharienne, que ce soit en termes de volume ou en termes de place de cette activité dans les systèmes de production. Le tonnage produit (environ 10.000 t/an), soit seulement un pour mille de la production mondiale peut paraître faible au regard de l’assistance consentie par l’aide internationale dans ce secteur, et notamment depuis 20 ans (J. LAZARD, et al., 1991, p.27). L’activité piscicole est une activité dont l’impact sur le développement est parfois mal apprécié par les autorités.

Dans le cadre cette recherche, sur le secteur piscicole dans la commune d’Aboisso, d’importantes informations sur les activités de la pisciculture au niveau mondial, national, régional, et local ont été présentées. Mais, ces études existantes sont en majorité des résultats d’activités de structures non gouvernementales, des projets pilotés par des institutions internationales et structures privées.

Ainsi donc, les raisons du choix de notre étude tiennent du fait que la pisciculture est une activité importante tant au niveau scientifique, économique, que nutritionnel. Mais cette activité fait très peu l’objet d’étude géographique notamment en Côte d’Ivoire, et dans la commune d’Aboisso en particulier. Ainsi, la question qui conduit l’étude est la suivante : quelle est la répartition spatiale des activités piscicoles dans la commune d’Aboisso ? Il s’agit pour nous, de montrer le potentiel de développement piscicole dans la commune d’Aboisso.

1- Méthodes de travail

Selon P. N’DA (2006, p.17), la recherche scientifique se définit comme un processus systématique de collecte de données observables et vérifiables à partir du monde empirique. Elle se distingue donc d’un tâtonnement ou de l’essai circonstanciel du praticien : elle suit une démarche rigoureuse pour prouver des réponses à des questions qui nécessitent des investigations dans le réel. Cette approche systémique a pour objectif de permettre une appréhension holistique de l’aquaculture en montrant les actions dialectiques complexes entre les éléments en présence, et ce, afin de faciliter l’analyse du fonctionnement de toute forme d’activité aquacole (A. KAUDJHIS, 2005, p.31). Il s’agira à ce stade de présenter la démarche à suivre. La pisciculture peut se définir comme l’élevage de poissons, elle peut se pratiquer dans les eaux douce, saumâtre ou dans des eaux de mer.

Pour P. CORLAY (1993, p.17), : « en géographie aquacole, le concept central est celui d’espace halieutique, notion qui recouvre la structure spatiale induite d’un système halieutique. Le géographe étudie l’organisation de cet espace et sa dynamique, à toutes les échelles d’espace et de temps. Ensuite, il en analyse les facteurs de situation et les interactions avec les systèmes halieutiques et socio-économiques périphériques. » Mieux encore, il en trace les contours.

Pour répondre aux questionnements, il nous appartient de faire une confrontation de ce qui existe dans la littérature et répondre aux problèmes. La recherche documentaire a consisté à effectuer des visites des bibliothèques et centres de documentation dans des institutions spécialisées dans le domaine. Au nombre d’entre elles, nous pouvons citer le Centre de Documentation et d’Information de l’Institut de Géographie Tropicale (IGT), le Centre de Recherches Océanologiques (CRO), et l’Institut de Recherche et de Développement (IRD).

Les investigations ont été étendues sur toute la commune d’Aboisso et à certaines structures économiques ayant un lien étroit avec la pêche et l’aquaculture l’ANADER, les Coopératives piscicoles au sein de la commune.

Aussi, l’utilisation de la géomatique s’avère important pour la réalisation et la localisation des sites piscicoles. Elle a permis d’établir des cartes, comme celles des sites enquêtés (figue 1).

Figure 1 : Les sites piscicoles enquêtés dans la commune d’Aboisso

Nous avons pu enquêter 22 sites piscicoles dont un (1) en construction, représentant la totalité des sites piscicoles en présence dans la commune d’Aboisso. Ces enquêtes ont permis d’apprécier le potentiel naturel du développement piscicole. Ces atouts offrent la possibilité aux pisciculteurs de s’installer en construisant des étangs.

2-Resultats

2.1- Aboisso, une région favorable à la pratique de la pisciculture

2.1.1- La rétrospective piscicole dans la commune d’Aboisso

L’aquaculture est une activité relativement récente en Côte d’Ivoire, elle n’y est cependant pas une activité nouvelle. La Côte d’Ivoire se situe au septième rang des seize pays de l’Afrique de l’ouest pour la production des pêches. Les produits sont essentiellement issus des pêches et marginalement de l’aquaculture (FAO, 2003, p.34). L’aquaculture va au fil des années commencer à être de plus en plus envisagée comme une alternative aux importations de poissons et comme un outil de développement rural, lequel intègre, depuis 1992, des principes de durabilité.

Ainsi, cette activité piscicole s’intègre ainsi à un environnement socio-économique où elle va participer à la production de richesses donc au développement à différents niveaux. Il est important de rappeler que la pisciculture est pratiquée depuis des siècles en Extrême-Orient, notamment en Chine (473 avant JC.). Elle était encore totalement inconnue sur le continent africain il y a cinquante ans. On n’y trouvait aucun groupe réellement motivé pour l’adopter (J. LAZARD, et al, 1991, p.25). Aussi, la pratique de la pisciculture dans les différentes localités devait être considérée comme un élément constitutif du développement en ce qu’elle contribuait à assurer des moyens de subsistance durable aux couches sociales défavorisées. Elle favorisait le développement humain et augmentait le bien-être social. Les politiques et les réglementations en matière d’aquaculture devraient promouvoir des méthodes d’élevage et de gestion viable d’un point de vue pratique et économique. Pour atteindre ces objectifs, la Côte d’Ivoire a mis en place un certain nombre de structures pour encadrer l’activité aquacole dans plusieurs localités, notamment dans la commune d’Aboisso.

2.1.2- Généralité sur la commune d’Aboisso

Le découpage administratif de la Côte d’Ivoire a évolué au fil de son histoire pour passer d’une centralisation forte pendant la colonisation à une décentralisation avancée avec l’instauration par le gouvernement français de 19 circonscriptions primaires appelées cercles, administrées par un commandant de cercle et de 48 circonscriptions secondaires dirigées par un conseil des notables. Le nombre de départements va ainsi passer au fur et à mesure des réformes territoriales engagées de 4 en 1959 à 55 en 1996, avec un total de 187 sous-préfectures. En août 2009, on dénombre 19 régions, 2 Districts Autonomes, 81 départements, 390 sous-préfectures, plus de 8 000 villages et environ 1 000 communes (PEMED-CI, 2018). La localité d’Aboisso a été créée le 9 Janvier 1978 et est la plus ancienne et la plus importante des 3 communes du département d’Aboisso (Adiaké, Ayamé et Aboisso). Elle regroupe 19 quartiers, avec un total de 8 villages et 5 campements qui sont rattachés à la commune ; comme village nous avons : Adaou, Adjouan, Ayamé, Bianouan, Kouakro, Maféré, Yaou ; à côté de ces villages, nous avons les campements tels qu’Ebokoffi, Eholie, Koffie-Kororekro, Maubert, Ningué (figure 2).

Figure 2 : Présentation de la commune d’Aboisso

En 2014, la population communale est estimée à 63 332 habitants dont 45 688 habitants pour la population urbaine et 17 644 habitants se répartissent dans les villages. Ce qui traduit une inégale répartition de la population dans l’espace communale d’Aboisso. Ainsi, on peut dire que la ville d’Aboisso bénéficie d’une importante main d’œuvre pour les pratiques piscicoles.

2.1.3- Contexte géographique de la commune d’Aboisso

Le relief de la commune d’Aboisso est très accidenté. Elle comporte plusieurs vallées. La partie Nord de la commune est dominée par des vallées étroites bordées de collines abruptes et des soubassements volcano-sédimentaires, incluant de nombreux niveaux de roches basiques.

La zone forestière de l’est de la commune d’Aboisso est une zone densément boisée où l’on retrouve certaines espèces d’arbres et de lianes ligneuses caractéristiques des grandes forêts. Cette zone constitue l’une des dernières reliques de la forêt guinéenne. La végétation naturelle de la région, qui était à l’origine du type forêt dense, est aujourd’hui représentée par des îlots de forêts dominées par des plantations industrielles paysannes. Les cultures de type arboricole, au comportement presque similaire à celui de la végétation forestière, n’a toutefois pas fondamentalement influencé la conservation des sols.

Ces forêts sont pour la plupart dans un état de dégradation avancée du fait essentiellement de la pression anthropique importante, ainsi que du développement incontrôlé des cultures de café et de cacao, et, plus récemment, de l’émergence de l’hévéaculture. Les statistiques montrent qu’actuellement plus de 30 % de la superficie de ces forêts sont occupées par des plantations de café et de cacao. Aussi le relief de la commune d’Aboisso enregistre de très larges basfonds, qui sont pour la plupart occupé par des fermiers piscicoles. Nous pouvons le constater sur la photo 1 de la page ci-dessous.

Photo 1 : Ferme piscicole entourée d’une végétation dense à Assouba dans la commune d’Aboisso

Source : DOBO Topo, 2019

La photo 1 nous montre une ferme piscicole entourée d’une végétation dense à Assouba, une petite localité proche de la ville d’Aboisso. Cette ferme est située dans un bas-fond, expliquant ainsi la présence permanente d’eau à cet endroit. Le niveau de l’eau dans ces bas-fond est lié aux différentes saisons pluvieuses.

Ainsi, nous notons deux (2) saisons de pluies centrées respectivement sur les mois de juin et octobre avec des précipitations annuelles oscillant autour de 2 000 mm se caractérisant par une forte humidité atmosphérique (A. KOUA, ; 2006 cité par N. KASSEDO, 2009, p.39). Le milieu de vie du poisson est fonction de la composition chimique.

La composition chimique de l’eau dépend essentiellement des caractères chimiques des sols et de la végétation. En général, les eaux de savane sont plus riches et moins acides que celles de la forêt. Mais, les risques de pollution par les sédiments sont plus grands (N. ABOYA, 2010, p. 67). Plus les sols sont riches en sels minéraux, plus l’eau qui en sort est dotée d’une forte productivité naturelle, grâce à la prolifération du phytoplancton et de certains végétaux supérieurs.

2.1.4-Réseau hydrographique de la commune d’Aboisso

Nos investigations dans les centres de documentation permettent de dire que la Côte d’Ivoire est largement drainée par un ensemble de cours d’eau subdivisé en onze principaux bassins versants. La commune d’Aboisso est drainée par la Bia qui la traverse du nord au sud en provenance d’Ayamé pour se jeter dans la lagune Aby. Cette lagune, constitue avec les lagunes Ehi, Tendo et Assinie, un vaste plan d’eau de plus de 40 000 ha, séparé de la mer par un étroit cordon de sable, et favorable au développement de la pêche et des activités piscicoles.

En plus, elle est arrosée par de nombreuses rivières que sont les affluents de la Bia et la Tanoé ; on rencontre sur la rive droite de la Bia : la rivière Sogan au nord de la sous-préfecture de Bianouan, les rivières Temin, Abroussué et Soumié dans la sous-préfecture d’Aboisso. Sur la rive gauche de la Bia, les affluents sont plus nombreux : Ambroran, Koun, Alouba dans la sous-préfecture d’Ayamé et N’djoma dans la sous-préfecture d’Aboisso (Ministère de la construction et de l’urbanisation, 1995, p. 25).

La Bia et ses affluents drainent la partie nord et le centre du département d’Aboisso. Son cours généralement orienté nord-sud comporte de nombreux rapides et est fréquemment dévié dans la direction nord-est, sud-ouest conformément à la structure géologique. Au sud, on retrouve les formations lagunaires caractérisées par leurs vastes zones basses mal drainées, bordées de collines sablonneuses. La figure 3 de la page suivante présente le réseau hydrographique de la commune d’Aboisso.

Figure 3 : Carte du réseau hydrographique de la commune d’Aboisso

Nous remarquons sur la figure 3 que tout le territoire de la commune d’Aboisso est drainé par les eaux de surface et des eaux souterraines. Nous pouvons dire ainsi que la commune d’Aboisso a un réseau hydrographique dense qui offre une disponibilité en ressource en eau considérable.

2.1.5- Les infrastructures piscicoles dans la commune d’Aboisso

Les infrastructures piscicoles sont de plusieurs types. Il s’agit de la pisciculture en enclos, récif artificiel dans lequel on utilise des amas organisés de branchages immergés en zone peu profonde, les étangs creusés dans la terre, les bassins construits en béton et en cages flottantes. La pisciculture en enclos pratiquée est une technologie qui s’adapte parfaitement aux conditions locales ; nécessitant de faibles investissements (piquets de bois, bambou, filet, etc.). Sa construction est facile à réaliser (N. ABOYA, 2010, p.137). La mise en place des piquets et des filets se fait aisément. La durée de vie d’un enclos dépend de celle des filets. Elle est estimée à 6 ans avec un changement éventuel des filets tous les trois ans.

Les étangs en terre sont les plus utilisés en pisciculture tropicale. Ils sont probablement aussi les plus anciens types d’enclos piscicoles. Un bon étang offrira une facilité de remplissage et surtout de vidange grâce à une pente sensible (0,5%) du point d’alimentation vers le point de vidange. Aussi, l’alimentation en eau et le point de vidange sont à des points opposés, pour favoriser l’évacuation des eaux les plus anciennes de l’étang. L’étang doit avoir une bonne imperméabilité avec des digues solides. Ce système est le plus pratiqué par les pisciculteurs de la commune d’Aboisso, car il est moins couteux et demande peu d’employés. Nous pouvons voir dans le tableau 1 ci-dessous les avantages de ce type d’infrastructures

Tableau 1 : Avantages de l’utilisation des infrastructures des étangs creusés en terre

avantage du choix de l’utilisation des fermes à étangPourcentage (%)
Moins couteux17,50%
Rentable20,20%
Peu d’employés62,30%
Total100,00%
Source : DOBO Topo, 2019

Source : DOBO Topo, 2019

La réalisation de ferme piscicole à partir d’étang piscicole, montre les avantages dont bénéficie la commune d’Aboisso à une base de production piscicole pour la Côte d’Ivoire. Les bassins en béton sont utilisés en pisciculture intensive. Le bétonnage des berges ou digues permet d’éviter l’érosion. Ces bassins sont en effet plus coûteux et doivent être rentabilisés par une production plus importante par unité de volume (N. KASSEDO, 2009, p.10). Ils ne sont généralement pas aussi grands que les bassins en terre et ne devraient pas excéder 1000 m. Il faut que les murs construits en blocs, en pierre ou en béton, reposent sur une assise stable avec des fondations solides. Cependant, très peu de pisciculteurs utilisent cette technique dans la commune d’Aboisso.

2.2- Unités de mise en place d’activités piscicoles

2.2.1- Choix du site : conditions favorables au développement d’activités piscicoles

Pour toute activité piscicole, il faut être sûr qu’on peut faire la pisciculture à l’endroit où l’on veut s’installer, pour cela il faut faire attention pour ne pas dépenser beaucoup d’énergies et d’argent et occasionner des pertes. Quand on fait la prospection des sites piscicoles, il faut envisager les points suivants : disponibilité d’eau, un terrain en pente douce et un sol imperméable, savoir si l’on peut construire plusieurs fermes et à moindre coût. Tous ces facteurs concourent à une meilleure pratique de la pisciculture. La commune d’Aboisso bénéficie d’un climat pluvieux et d’un relief en pente, favorables à la pratique d’activités piscicoles (cf. photo 2).

Photo 2 : Un site favorable à l’activité piscicole dans la commune d’Aboisso

Source : Cliché DOBO Topo, 2019

La photo 2 montre un espace piscicole sur lequel ont été construits plusieurs bassins pour des activités piscicoles. On peut donc savoir qu’il y a disponibilité en eau avec une pente douce et un sol imperméable. Face à ces informations, la zone d’Aboisso avec tous ses privilèges, crée les conditions de réalisation de fermes piscicoles, et incitent les populations à se tourner vers les activités piscicoles. Les opportunités de mise en valeur de la pisciculture ne font pas défaut dans la commune d’Aboisso. Les travaux de N. KASSEDO, (2009, p.77) soutiennent en effet que la commune d’Aboisso dispose de données favorables à une production piscicole à grande échelle. Dans cette partie, nous proposons une évaluation de ces ressources territoriales propices à la pisciculture.

2.2.2- Disponibilité de l’eau pour une ferme piscicole

La pratique de la pisciculture nécessite de l’expérience. Ainsi pour en tirer le maximum de profit, les bassins piscicoles doivent être en production toute l’année. Les pisciculteurs doivent disposer d’une quantité d’eau suffisante pour remplir les bassins (étang, cage), et pour maintenir l’eau à un niveau ; les pertes d’eau par évaporation et par infiltration doivent être compensées, car c’est pendant les saisons sèches que les pertes en eau sont considérables. Une pisciculture d’un hectare a besoin de 2 à 5 litres d’eau par seconde pour être maintenue sous eau pendant les saisons sèches. Aussi, il faut éviter de construire les étangs dans les zones inondables au risque de perdre les poissons et d’endommager les digues.

Ainsi, pour une bonne construction d’un bassin piscicole, il faut s’assurer de la position de la digue au bon endroit. La pente à l’intérieur du bassin, qui sera sous eau doit avoir une pente de 50% ou une pente de 1.2, c’est-à-dire que pour une hauteur d’un mètre, la base sera deux mètres. La pente à l’extérieur du bassin peut être plus raide, mais jamais plus que 100%, c’est-à-dire que pour une hauteur d’un mètre la base sera aussi un mètre. Pour cela, il faut s’informer auprès de populations riveraines. Nous pouvons voir sur la photo 3 de la page suivante, la construction d’un étang en fonction des conditions que propose le terrain.

Photo 3 : Construction d’étang piscicole dans le quartier Koliahiwa

Source : Prise de vue DOBO Topo, 2019

Sur la photo 3, nous pouvons voir des manœuvres sur un sol argilo-sableux regorgeant de l’eau pour la réalisation d’étang piscicole. C’est un sol qui a une bonne capacité de rétention d’eau.

2.2.3- Un terrain en pente douce pour une pisciculture durable

La condition de la mise en place d’une bonne pratique de pisciculture est le terrain utilisé. Ceci-étant, une pente douce de 2 à 3% convient le mieux. On aura moins de terre à enlever pendant la construction et on pourra facilement mettre l’étang à sec. S’il n’y a pas de pente, on aura des difficultés pour remplir ou pour vidanger l’étang. La figure 3 présente les types d’étang que nous pouvons avoir en fonction de la quantité d’eau qu’on y trouve.

Figure 3 : Schématisation d’étang piscicole

La figure 3 montre comment les étangs doivent être construits pour éviter les risques d’inondation, pour ne pas que les digues cèdent et qu’on assiste à une perte de poissons. Dans la commune d’Aboisso, la plupart des fermes ont des bassins (56%) bien aménagés avec des digues solides pour faciliter leur remplissage.

2.2.4- Un sol imperméable pour une bonne pratique piscicole

Le sol doit bien maintenir l’eau. Pour cela, l’utilisation d’un sol argilo-sablonneux est convenable. Mais, il faut qu’il contienne suffisamment d’argile. Pour tester rapidement l’imperméabilité du sol, il faut savoir quelle quantité d’eau, elle peut contenir et connaître sa convenance pour la pratique de la pisciculture. On prend une poignée de terre et on la pétrit en boule. Si en la manipulant quelques temps on s’aperçoit qu’elle reste bien en boule c’est que le sol convient, il est donc imperméable. Aussi l’utilisation d’une méthode très sûre pour vérifier la qualité du sol en creusant un trou de 60 à 70 cm. Le matin, on remplit un trou qu’on creuse sous forme de bassin piscicole d’eau, puis le soir une partie de l’eau sera infiltrée dans le sol. On remplit par la suite le trou de nouveau. Si le lendemain matin, une bonne quantité d’eau est encore dans le trou, on peut être sûr que le sol retient bien l’eau. La figure 4 ci-dessous montre une zone piscicole.

Figure 4 : Schématisation d’une zone piscicole

Une zone piscicole est un espace présentant toutes les caractéristiques pour la pratique de la pisciculture. Dans la commune d’Aboisso, 93,80% des sites à potentialité piscicoles présentent les mêmes caractéristiques, la figure 18 nous montre comment se présentent les sites piscicoles dans la commune d’Aboisso.

2.2.5- Un terrain d’accès facile

La documentation parcourue durant notre revue de la littérature et les observations de terrain permet de dire que les études scientifiques révèlent que pour une bonne pratique de la pisciculture, un bon pisciculteur doit toujours contrôler son étang. Il doit donner au moins une fois par jour à manger à ses poissons. Chaque semaine, il doit recharger le compost et désherber les digues.

Notre entretien avec un responsable d’une ferme dans le quartier Koliahiwa révèle que les espaces piscicoles doivent être exposés au soleil, car certaines espèces comme le tilapia aiment les eaux chaudes. Ils grossissent et se reproduisent mieux à une température de 22 à 23°C.

Notre entretien avec les responsables du ministère des ressources halieutiques dans la commune d’Aboisso et le responsable des pisciculteurs a révélé les informations suivantes : à 15°C, la reproduction s’arrête et le grossissement ralentit. Aussi, il ne faut pas que la température de l’eau dépasse 30°C. Quand l’étang a une profondeur d’eau minimale de 50 cm, il n’y a absolument pas de crainte à avoir.

Il est très important de laisser les étangs au soleil, car c’est sous l’action des rayons solaires que le phytoplancton ou le plancton végétal se développe. Ce plancton forme l’alimentation naturelle des poissons, et c’est le plancton qui colore l’eau de l’étang en vert (photo 5).

Photo 5 : Bassin piscicole présentant une eau avec présence de plancton végétal

Source : DOBO Topo, 2018

Si l’eau de l’étang est bien verte, c’est qu’il y a beaucoup de plancton. Ce plancton est l’alimentation de base des poissons. Pour ces raisons, on évitera donc de laisser des arbres qui font de l’ombre sur l’étang et on enlèvera toute végétation flottante de l’étang (comme les nénuphars).

2.2.6- Disponibilité d’aliments et proximité de l’activité piscicole

A ce point, les informations sur le terrain deviennent très importantes quand on veut faire la pisciculture intensive. On va apporter au poisson toute la nourriture dont il a besoin pour obtenir une croissance maximale. Aussi, si on veut faire l’élevage associé avec des poulets, canards ou cochons à qu’il faut apporter une alimentation complète. Dans ce cas, il faut d’abord faire une étude de marché pour voir quels sous-produits agricoles sont disponibles, à quel moment de l’année, quelle quantité et à quel prix.

Lorsque la production halieutique est intensive, on aura un surplus de poissons les jours de la vidange. Ainsi, une partie du poisson devra être vendue, dans ce cas il est commode d’avoir le marché tout près, et il faut pouvoir l’écouler le plus vite possible à moindre frais. Nous avons 72,70 % des pisciculteurs de la commune d’Aboisso qui sont à moins de 50m de leur ferme piscicole, ce qui facilite la surveillance et le déplacement des pisciculteurs pour l’entretien de la ferme. Nous pouvons voir dans le tableau 2 ci-dessous.

Tableau 2 : Proximité des pisciculteurs du lieu d’habitation vis-à-vis des fermes piscicoles dans la commune d’Aboisso

Distance entre la ferme-lieu habitationPourcentage (%)
– de 50 m72,70%
De 50 m à 1 km9,20%
De 1 à 5 km4,50%
+ 5 km13,60%
Total100,00%

Source : Dobo Topo, 2019

On relève que 13,60 % des pisciculteurs qui sont à plus de 5 km de leur ferme piscicole. Ces pisciculteurs sont souvent des propriétaires qui laissent la gestion de leur ferme à des gestionnaires.

Conclusion

La commune d’Aboisso, situé à 116 km d’Abidjan dans la région du Sud-Comoé est le chef-lieu de département de cette partie de la Côte d’Ivoire. C’est une commune située sur le cours inférieur du fleuve Bia. Peuplé traditionnellement par 3 groupes ethniques autochtones, les Agni sont les populations autochtones majoritaire. La végétation de la commune d’Aboisso, liée au type de climat, au relief et à la nature des sols, elle est dominée par la forêt claire. Elle se caractérise par la richesse de ses ressources en eau.

Aussi, nous assistons à un développement des systèmes de production piscicole avec une pluviométrie et hydrographie importante avec un relief accidenté où les cours sont encaissés, la commune d’Aboisso offre des éléments favorables de pratique piscicole.

Ainsi, la pratique de la pisciculture dans la commune devait être considérée comme un élément constitutif du développement en ce qu’elle contribue à assurer des moyens de subsistances durables aux couches sociales. Elle favorise le développement économique et augmente le bien-être social. Les politiques et les réglementations en matière d’aquaculture devraient promouvoir des méthodes d’élevage et de gestion viables d’un point de vue pratique et économique, respectueuses de l’environnement et socialement acceptables.

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  • MIPARH, 2007, Annuaire des statistiques agricoles, Edition d’Avril 2008, 107p.



Auteur(s)

Topo Aimé DOBO

topoaime@gmail.com

Kouassi Paul ANOH

anohpaul@yahoo.fr

Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY


Droit d’auteur

EDUCI

Regardsuds; Deuxième numero, Septembre 2021 ISSN-2414-4150

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