Pénurie d’infrastructures de santé et réalités socio-communautaires face au coronavirus (COVID-19) en Afrique de l’Ouest

Résumé

Le développement urbain est très critiqué sur le continent africain. Les perspectives d’avenir des villes africaines mettent en exergues les enjeux de l’urbanisation et les priorités du développement économique et social dans les pays. Dans les années à venir, l’Afrique doit faire face à des grandes difficultés de développement, ce qui laisse à repenser l’urbanisation et à rattraper le retard du niveau d’investissement dans les infrastructures socio-économiques. L’urbanisme contribue au mécanisme de production de l’espace urbain, donnant ainsi au territoire les outils nécessaires à son développement et à sa gestion quotidienne. La crise sanitaire mondiale de coronavirus COVID-19 a ébranlé tous les domaines de vie économique, sociale et culturel. Elle met à l’épreuve dans les Etats, l’efficacité des politiques publiques dans les domaines des infrastructures et équipements à faire aux situations d’urgence pour contenir les conséquences de la maladie. Cet article traite des pénuries d’infrastructures de santé et aborde des aspects relatifs aux politiques publiques et aux infrastructures sanitaires, l’effet des restrictions liées aux déplacements et aux mesures de confinement, la pénurie d’infrastructures sanitaires. L’étude s’appuie sur une méthodologie qui met en lien l’analyse des politiques publiques, la couverture en infrastructures sanitaires et la perception des réalités du secteur de la santé.

Mots-clés: politique publique, infrastructure sanitaire, COVID-19, Afrique de l’Ouest.

Abstract

Vitellaria paradoxa: Areas of distribution, landscapes and ecosystem services in the Poro region, Côte d’Ivoire

Urban development is highly criticized on the African continent. The future prospects of African cities highlight the challenges of urbanization and the priorities of economic and social development in the countries. In the years to come, Africa must face great development difficulties, which leaves to rethink urbanization and to catch up with the level of investment in socio-economic infrastructures. Urban planning contributes to the mechanism of production of urban space, thus giving the territory the necessary tools for its development and daily management. The global health crisis of coronavirus COVID-19 has shaken all areas of economic, social and cultural life. It puts to the test in the States, the effectiveness of public policies in the fields of infrastructures and equipments to make to the emergency situations to contain the consequences of the disease. This article deals with the shortage of health infrastructure and addresses aspects related to public policies and health infrastructure, the effect of restrictions related to travel and containment measures, the shortage of health infrastructure. The study uses a methodology that links public policy analysis, health infrastructure coverage, and perceived health sector realities.

Keywords: public policy, health infrastructure, COVID-19, West Africa.

Introduction

Pour voir les problèmes de développement, « il faut regarder du côté de l’Afrique » (K. Nubukpo, 2019, p. 9). Pour les décennies à venir, les grands chantiers du développement sont en Afrique et se révèlent être l’amélioration du cadre de vie des populations. Le niveau de développement des infrastructures et des services fait partie des urgences pour garantir des conditions meilleures aux citoyens. Dans les années à venir, le continent africain doit faire face à de grands défis de développement, ce qui laisse à repenser l’urbanisation des pays et à rattraper le retard du niveau d’investissement dans les infrastructures socio-économiques.

Partant de l’analyse des politiques urbaines, cette réflexion se propose d’analyser la pénurie des infrastructures de santé et les réalités socio-communautaires face au coronavirus (COVID-19) en Afrique de l’Ouest. Le terme pénurie évoque ici la carence ou le manque d’infrastructures dans le domaine de la santé. Farvacque-Vitkovic et L. Godin (1997) abordent les perspectives d’avenir des villes africaines en mettant en exergues les enjeux et les priorités du développement urbain. Selon le Secrétaire Général de l’ONU Antonio Guterres (2020), « la pandémie de COVID-19 a bouleversé les existences et l’économie partout dans le monde, donnant lieu à des répercussions sociales et économiques qui sont en train d’anéantir les acquis du développement, de sorte que, pour la première fois depuis une trentaine d’années, on s’attend à une augmentation de la pauvreté globale ».

La question de développement urbain est abordée ici sous l’angle de la planification urbaine d’un territoire et la fourniture des services urbains (F. P. Yatta, 2006) indispensables au développement économique, piliers de l’environnement construit et de la cohésion sociale. En matière de fourniture de services urbains, quand des problèmes de gestion urbaine se posent (A. Yapi-diahou, 1990), les collectivités locales et les municipalités (CGLU Afrique et Cities Alliance, 2018) déclinent parfois leurs responsabilités alors qu’elles ont un important rôle à jouer dans le développement des territoires.

L’urbanisme contribue au mécanisme de production de l’espace urbain, donnant ainsi aux territoires les outils nécessaires à son développement et à sa gestion quotidienne. La gestion urbaine est donc une application quotidienne de la planification et de la politique (J. Chenal, 2013). Dans le présent contexte, la réflexion s’intéresse par exemple aux théories de la planification (O. Yiftachel, 2006) qui s’applique à un territoire dans sa globalité (planification territoriale) et plus particulièrement à l’espace urbain (infrastructures, équipements et services urbains de base). La pandémie de COVID-19 est une opportunité pour les villes africaines de questionner leur modèle de développement économique et social afin de bâtir et surtout de consolider leur résilience face aux risques épidémiologiques (K. Akidjetan et al, 2020). Si le confinement peut être assimilé à un repli sur soi, les vagues de confinement ou les restrictions des déplacements des populations à l’intérieur des territoires suscitent aujourd’hui beaucoup d’intérêt pour réétudier les approches de planification (V. Watson, 2016) des territoires, ainsi que les liens entre les faiblesses techniques de l’urbanisation en Afrique, la programmation des infrastructures sanitaires et les impacts spatiaux et sociaux.

Quelle est la situation des infrastructures sanitaires en Afrique de l’Ouest ? Cet article, en s’appuyant sur une logique spatiale de la couverture des infrastructures sanitaires, traite de la pénurie d’infrastructures de santé et aborde des aspects comme les politiques publiques et stratégies de développement des infrastructures sanitaires.

1. Données et méthodes

1.1. Données et outils de travail

Le terrain d’études est l’Afrique de l’Ouest (carte 1) représentant l’espace du territoire de la Communauté Economiques des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Les données utilisées sont des informations d’acteurs institutionnels.

Carte 1 : Localisation de la zone d’études

Source : B. Danvidé, Juillet 2021

1.2 Approche méthodologique adoptée

La réflexion s’appuie sur une combinaison de données pour analyser les politiques publiques, les couvertures en infrastructures sanitaires. L’approche est essentiellement qualitative et met l’accent sur la répartition spatiale des types infrastructures sanitaires dans différents pays de la zone d’études. Les aspects liés à la pénurie des infrastructures sanitaires ont été étudiés par typologiques (centre de santé, hôpitaux, maternités) qui couvre le territoire de l’Afrique de l’Ouest. L’analyse se base sur des donnés du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO). La base de l’interprétation des données (Tableau 1) intègre à la fois une lecture cartographique de la couverture sanitaire et explore quatre tendances de couverture en infrastructures sanitaires.

Tableau 1 : Zones de tendances de couverture en infrastructures sanitaires

Tendances de couverture
1Zone 1 : zone de forte concentration des infrastructures sanitaires
2Zone 2 : zone de couverture moyenne en concentration des infrastructures sanitaires
3Zone 3 : zone de faible couverture en concentration des infrastructures sanitaires
4Zone 4 : zone critique de très faible en concentration des infrastructures sanitaires
Source : B. Danvidé, Avril 2021.

L’interprétation des zones font ressortir les questions d’écart de développement en infrastructures sanitaires et les distances d’accès aux différentes infrastructures. Les distances d’accès varient en fonction des réalités liées à l’urbanisation des états (milieux urbains et milieux ruraux).

2. Résultats et analyses

2.1. Politique publique et infrastructures sanitaires

La lecture que l’on fait des politiques publiques renvoie généralement à la manière de voir les interventions d’une autorité investie de puissance et de pouvoir politique sur la société ou le territoire. Face au COVID-19, le monopole occidental sur la puissance a disparu, mais les occidentaux ont, depuis, continué à se penser au centre du monde (P. Boniface, 2020, p.27). L’analyse des politiques publiques et des politiques de santé connaît une évolution que révèle la situation de crise sanitaire mondiale. Selon M. Maillefert et N. Screnci (2009), une politique publique peut être analysée sous deux principaux angles : politique publique sectorielle ou hiérarchique (exemple : politique publique décentralisée ou déconcentrée) pour rattacher l’analyse à un territoire de référence. Dans cette réflexion, la combinaison du global ou local dans l’articulation des interventions à l’échelle d’une démarche de programmation urbanistique de la ville est prise en compte. Dans les pays développés, les politiques publiques de santé comme sources de modèles semblent aujourd’hui perdre de leurs crédibilités parce qu’elles sont remises en cause par leurs citoyens. Le modèle occidental de politique publique en matière de santé semble montrer des limites face à la crise de COVID-19. Pour contribuer à nourrir le débat sur une politique publique, les actions de la puissance publique sont recentrées ici sur les réflexions des sciences sociales de la ville. Cette approche permet de faire le lien avec des questions d’infrastructures dans la compréhension des fonctions de développement de la ville.

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Les sciences sociales ont mis en évidence le fait que la division en espace publics et espaces privés est un élément essentiel dans la structuration des villes (J.-B. Auby, 2016). Les villes et leurs transformations font l’objet depuis un demi-siècle, d’un incessant travail de recherche (C. Chaline, 2007). L’urbanisme contribue au mécanisme de production de l’espace urbain, donnant ainsi à la ville les outils nécessaires à son développement et à sa gestion quotidienne. Si la gestion urbaine peut être considérée comme un outil de développement, la gestion urbaine est une opportunité pour le développement des villes ; elle ne sert à rien si l’appareil de mise en œuvre n’est pas prévu. La gestion urbaine est donc une application quotidienne de la planification et de la politique (J. Chenal, 2013).

La planification comme un champ de politique publique s’applique à un territoire dans sa globalité (planification territoriale) et plus particulièrement à l’espace urbain. Si la planification est liée au territoire, la planification d’une ville a pour rôle de définir physiquement l’organisation spatiale de la ville à aménager. Elle permet de donner à la ville une image globale qui serve d’identité, fixe les règles de localisation, d’implantation des équipements et des infrastructures. Elle contribue aux mécanismes de production de l’espace urbain (T.B. Danvidé, 2015, p. 38), y compris celles du développement du secteur de la santé. La planification urbaine gère les éléments structurants et les éléments aléatoires ainsi que le jeu complexe des références de l’articulation de la politique publique en cohérence avec les besoins des populations. Cependant, les règles d’usage de la planification urbaine se résument à travers les normes d’équipement applicables dans les opérations d’aménagement urbain, et vise à définir les normes, à proposer la traduction en données quantitatives et qualitatives des différentes formes des règles d’usage de la planification des équipements et leurs structuration ou répartition spatiale.

Dans la plupart des Etats, les processus de mise en œuvre des outils de l’urbanisme prévisionnel ainsi que de l’urbanisme opérationnel connaissent fondamentalement des difficultés liées soit au financement du développement urbain à travers les éléments de programmation, soit aux problèmes de gestion foncière qui affectent considérablement l’exécution des projets publiques. Cependant, le décalage entre les référentiels de grille d’équipements (programmations des outils de planification) et les réalités de terrain est souvent très important au regard du niveau de développement infrastructurel.

L’importante question est de savoir comment planifier les fournitures des services urbains ? D’abord, la planification est une notion dont la définition varie selon des disciplines, les contextes, l’idéologie à laquelle l’on se réfère (T. B. Danvidé, 2015, p. 24). En réalité, la planification est un processus d’aide à la décision qui vise, par concertation des acteurs concernés, à prévoir des ressources et des services requis pour atteindre des objectifs déterminés, selon un ordre de priorité établi, permettant ainsi le choix d’une solution préférable parmi plusieurs alternatives. Selon J. Chenal (2009), une planification ne peut être déconnectée du territoire de la ville et des dynamiques des acteurs, car cela rend la planification peu efficace. La planification est basée sur l’individu dans ses dynamiques urbaines et son environnement. La planification projette dans le temps des objectifs à réaliser dans un domaine donné (J. E. Gnelé, 2010, p. 20). Elle spécifie les échéances de la réalisation, les moyens ainsi que les outils d’évaluation.

Le développement des infrastructures sanitaires est un grand chalenge pour les Etats africains. La faible capacité à faire face aux exigences de programmation et d’application de grilles d’équipements sanitaire met en lien le ratio entre population / infrastructures et équipements a facilité l’émergence de l’apparition du secteur privé dans un secteur régalien. Cette situation soulève le problème de financement dans le secteur de la santé et plus particulièrement la construction des infrastructures et des équipements. En Afrique de l’Ouest, la situation des infrastructures sanitaires est plus préoccupante que dans les autres régions du continent contrairement à l’Afrique du Nord dans le Maghreb et l’Afrique du Sud. En plus des problèmes économiques dans le pays de l’UEMOA, N. Fall (2017, p. 47) affirme que :

il s’y ajoute aussi l’instabilité de la zone avec crises politiques économiques et sociales (rebellions, conflits ethniques, guerres, banditisme, terrorismes) qui agissent sur l’espérance de vie. D’ailleurs le pays le plus avancé de l’UEMOA (Côte-d’Ivoire) à l’espérance de vie le plus faible. A noter également que la variable croissance retardée a un effet significatif et positif sur la croissance ».

De l’analyse globale dans le secteur des infrastructures sanitaires, l’étude montre que le niveau de développement des infrastructures sanitaires semble être en déphasage avec les promesses politiques de développement et les besoins des populations. Cette analyse peut se faire sur deux aspects essentiels : (i) l’effectivité d’une répartition raisonnable des infrastructures sanitaires à l’échelle des territoires ; (ii) la capacité d’accueil et la qualité du plateau techniques des équipements sanitaires. Ces deux éléments contribuent à nourrir le regard de plus en plus inquiétant des populations vis-à-vis des politiques de développement des infrastructures sanitaires qu’offrent les Etats à leurs concitoyens. La pandémie de COVID-19 a poussé les Etats partout dans le monde, à se protéger en adoptant un ensemble de mesures et de restriction pour mieux gérer la crise sanitaire.

2.2. Mesures de confinement lié à la COVID-19 : entre déplacement et répressions

D’un pays à l’autre, plusieurs vagues de confinement (fermetures des frontières, restrictions des déplacements, consignes sanitaires – gestes barrières, etc.) ont été décidés pour réduire les conséquences de la pandémie et limiter ainsi l’impact sur les populations et l’économie. Cependant, la gestion du COVID-19 faite par différentes régions du monde montre une multiplicité d’option dans les approches de confinement. Du confinement général par Etat, par région, par ville ou par quartier, la pandémie qui a débuté en Chine en décembre 2019 a créé une situation sanitaire qui dépasse la capacité du pouvoir institutionnelle des Etats.

Selon A. Mengin et al (2020, p. 45), le confinement est une situation qui a fortement participé à la réduction des contacts sociaux et aux potentiels symptômes psychotiques. Les résultats de l’étude montre que les effets des restrictions de liés au confinement ont agi sur la stabilité émotionnelle et psychologique des personnes. A titre illustratif, de l’avis des personnes interrogés à Lomé, à Cotonou et à Ouagadougou, il s’agit entre autres de : l’ennui, la réduction des contacts sociaux entre les communautés (de travail ou de vies), les troubles psychologiques, de sommeil, les troubles anxieux. Certains spécialistes pensent d’ailleurs que la pandémie et le confinement, peuvent être pourvoyeurs de troubles de stress post-traumatique mais sans être analysés dans des études. Le fait d’être confiner sans être préparer psychologiquement, est un élément potentiel de traumatisme chez certaines catégories de personnes. Le risque de dépression immédiat ou différé chez les populations vulnérables aux chocs émotionnels est aussi bien un facteur de troubles quand l’on sait que certains hôpitaux sont très peu ou mal équipés pour prendre en charge les patients.

Les choix de faire le confinement était au départ un arbitrage difficile à faire au regard des rôles parfois non assumés des Institutions fédératrices des peuples comme l’Union africaine, la CEDEAO, l’UEMOA, la CEMAC, etc. Si tous les regards sont tournés vers les informations de l’OMS sur les statistiques consolidées des Etats, chaque pays analyse la situation de l’évolution de la pandémie en y intégrant des logiques et dispositions nationales. C’est pourquoi, chaque pays a, à l’interne de son territoire, mis en place des mécanismes pour suivre l’évolution sanitaire endossés avec un ensemble des conditions liées à la gestion de la pandémie. Les statistiques et les informations nationales poussent parfois des spécialistes à s’interroger que la véracité des données au regard des différents niveaux de ressources dont disposent les Etats. Pour ne pas rompre la confiance avec les populations, les autorités au cas par cas ont dû prendre des mesures pour essayer de contenir la pandémie et éviter la propagation de la maladie.

Les restrictions de déplacements pendant les premières vagues de la pandémie montrent selon les récits par le monde que la mobilité des personnes a été réduire de 65% à 70% en fonction des régions. La question de déplacement, traitée ici sous l’angle de la quête au quotidien des populations, est liée aux besoins des services urbains de base. En matière de fourniture de services urbains, les collectivités locales et les municipalités déclinent parfois leurs responsabilités quand des problèmes de gestion urbaine se posent depuis des décennies. Nous entendons par services urbains, l’ensemble des services publics et privés s’adressant à la collectivité urbaine quel que soit leur mode de gestion : eau potable, énergie, assainissement, télécommunications, internet, voirie tertiaire, transport, etc. Ces services en milieu urbain sont généralement en relation avec les déplacements quotidiens. Les restrictions des populations posent de sérieux problèmes du faible niveau fourniture de services urbains de base comme l’eau et l’accès aux équipements mais aussi la gestion quotidienne des approvisionnements alimentaires.

La fourniture des services urbains est la mise à la disposition des populations par une facilitation de l’accès des services urbains. Elle devra être planifiée pour être en cohérence avec les objectifs. Cependant, la pandémie du COVID semble faire apparaître des défis nouveaux dans l’architecture organisationnelle des services médicaux dans les urgences que l’organisation générale dans les unités prises en charges. Les professionnels des métiers du bâtiment (programmation des espaces fonctionnels, intégration des équipements et de la chaîne logistique) sont à cet effet interpellés pour revisiter les cadres de fonctionnalités qui se sont fait observés ces dernières années dans la gestion de la pandémie.

2.3. Pénurie d’infrastructures sanitaires : entre typologie et répartition

L’état des infrastructures sanitaires en Afrique de l’Ouest suscite des appréciations mitigées et cela, par la qualité des infrastructures, des services et du niveau des équipements matériels. En d’autres termes, la qualité du bâti et les équipements utilisés pour les soins de santé connaissent des appréciations diverses auprès de la population. Même si l’on peut admettre que des ouvrages répondent aux normes architecturales et de la construction dans certains cas, la question de l’exploitation, la maintenance et l’entretien des infrastructures sanitaires met en jeux les responsabilités des exploitants et le paquet budgétaire accordé par le politique au secteur de la santé. La typologie des infrastructures sanitaires (Carte 2) peut se regrouper en trois catégories : centre de santé, hôpitaux et maternités.

Carte 2 : Couverture en infrastructures sanitaires en Afrique de l’Ouest

La carte montre une répartition spatiale des infrastructures qui met en exergue l’expression de la couverture. Cette répartition donne quatre tendances de couverture : des zones de forte concentration des infrastructures, des zones de couverture moyenne, des zones de faible concentration en couverture, des zones critiques de très faible concentration. Selon les données de CSAO/OCDE (2019), le Nigéria concentre 80% des infrastructures de santé de la région et représente la zone de forte de concentration. Dans les zones de couverture moyenne en infrastructures, des pays comme le Libéria et la Sierra Leone se révèlent parce qu’ils ont massivement investi dans le secteur de la santé à la suite de la crise d’Ebola. La carte montre également que les zones de faibles concentration en infrastructures de santé regroupent : la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Bénin, le Togo, le Burkina Faso. Les zones critiques en concentration en infrastructures regroupent : le Niger et le Mali. Ces deux pays ont des niveaux de concentration relativement moyenne dans les centres urbains comme Niamey, Bamako et des espaces critiques dans les parties Nord. Cependant, les villes (zones urbaines) concentrent l’essentiel des infrastructures sanitaires. L’écart de développement en infrastructures sanitaires pose un problème de distance à parcourir par les populations surtout dans les zones rurales pour se rendre dans un établissement de santé.

Dans la zone d’études, le système sanitaire et le retard d’investissement des infrastructures liés à la faible capacité de financement des Etats et semble être acceptés de l’ensemble des acteurs de la santé (acteurs institutionnels, le corps médical et paramédical). Sur le plan de l’accès aux infrastructures, le système sanitaire en général, ne semble pas répondre aux attentes de la population.

3. Discussion

L’analyse contextuelle des politiques publiques et des faiblesses techniques de l’urbanisation révèle un ensemble de particularités lié aux stratégies de développement des infrastructures sanitaires, de la perception du citoyen vis-à-vis du niveau de développement et de la capacité infrastructurelle à faire aux besoins de vie. Dans les stratégies des politiques publiques en matière de santé, les difficultés liées au processus d’urbanisation constituent un facteur explicatif d’accès à une meilleure qualité de service de base et des infrastructures sanitaires. Les modèles de politiques publiques et les stratégies pour le développement des infrastructures sanitaire remettent cependant au cœur des réflexions, l’importance de la l’analyse des processus d’urbanisation et ses conséquences sur le développement économique et social. Dans certains contexte, l’anormal érigé en norme devient une pathologie secrète qui ruine la société (E. Goffman, 1963, p. 65) dans un laisser-aller.

Sa lassitude met la population dans une inquiétude mais aussi l’amène à s’interroger incessamment sur les causes de la précarité des bâtis sanitaires. Ne s’inscrit-elle pas dans le schéma d’étiquetage tel que décrit par E. Goffman (1963, pp. 63-65) dans son ouvrage intitulé « Stigmates » ? En bien ou en mal, tout acte posé dans la société dans une perspective donnée suscite des réactions des uns et des autres. L’essentiel, selon cet auteur, est de les prendre en compte, car affirme-t-il les infiniment petits pèsent dans l’appréciation de la valeur d’un fait social. En réalité, la philosophie de chaque communauté détermine ses actes, encore que l’homme, selon l’entendement de E. Kant (1994, pp. 71-74), demeure un être rationnel insatisfait, engagé dans une quête perpétuelle de bonheur.

La déficience ou la faible capacité des Etats à faire face aux besoins des populations exige dorénavant l’approfondissement divers éléments essentiels : les faiblesses techniques de l’urbanisation en Afrique de l’ouest et le coronavirus (COVID-19) face aux réalités sociocommunautaires. D’abord, la réflexion sur les faiblesses techniques de l’urbanisation semble conduire, repréciser quelques éléments sur les politiques publiques et les stratégies de développement des villes. Le développement urbain interroge le développement des équipements et infrastructures, et renvoie ainsi à la question de l’urbanisme et au financement des infrastructures. Généralement, les projets urbains sont élaborés par : l’approche de planification urbaine classique ou la gestion de l’urgence par l’approche de planification urbaine stratégique (l’urbanisme par projet).

Avec la crise de COVID-19, les villes et leurs économies ont été impactées avec des dégâts structurels, sociaux et économiques. A l’échelle mondiale, les zones urbaines abritent déjà 55% de la population, un taux qui devrait atteindre 68 % d’ici 2050 selon l’ONU-Habitat (2020). Selon la même source, « il est impératif, devant une telle urbanisation rapide, de riposter efficacement à cette pandémie et de se préparer à de futures épidémies de maladies infectieuses ». Les politiques publiques et stratégies de développement sont analysées en urbanisme en mettant l’accent sur les aspects conceptuels des projets urbains. F. Ascher (2008) aborde la question de l’urbanisme intégrant la contemporanéité des logiques de projets, la conception et la réalisation et explore l’intervention d’une multiplicité des acteurs aux logiques différentes et de la combinaison de leurs logiques. Cette critique discute l’articulation des processus d’élaboration des politiques urbaine. Pour S. Rode (2017, p. 145), « les projets d’aménagement urbain actuels se caractériseraient ainsi par de nouvelles manières de faire, à travers les négociations et les interactions qui s’établissent entre les différents acteurs qui portent ces projets et contribuent à leur conception ». L’auteur montre que la conception urbaine est appréhendée comme un processus de définition collective des choix d’aménagement qui vont dessiner les contours et donner corps à des projets d’aménagement urbain.

C’est pourquoi, l’aménagement a depuis longtemps, selon les professionnels de la ville, désigné « les fonctions par lesquelles l’organisme responsable définit la configuration du projet et en confie la réalisation à des opérateurs » (J. Frébault, 2005, p. 143). La planification urbaine a prospéré sous l’angle de la planification de l’urbanisme par projet se joue entre la rentabilité et l’oublie du social qui s’explique par l’intervention active dans le secteur. C’est ce que défend J.-L. Poidevin (2012) dans son analyse de l’approche de rentabilité du projet urbain. Pour lui, l’urbanisme se désagrège de son sens social pour le citoyen sous l’influence du rôle de plus en plus important du secteur privé (par le truchement du partenariat public-privé) dans le développement des politiques publiques en matière de projet urbain. Les faiblesses techniques de l’urbanisation et la répartition des centres de santé qui sont observées en Afrique de l’Ouest sont le fait des politiques publiques. Les réalités de terrains sont les résultats des conditions dans lesquelles sont négociées et élaborées les politiques publiques en matière de planification urbaine et d’aménagement des infrastructures et les équipements sanitaires.

La perception de l’état des infrastructures sanitaires met en débat les appréciations mitigées sur le niveau de sécurité qu’offre les infrastructures et équipements sanitaires. C’est pourquoi, E. Goffman (1963, p. 63) défend la thèse selon laquelle ; il faut transformer l’image de désespoirs brûlant qu’offrent les infrastructures sanitaires pour faire face à la stigmatisation et l’étiquetage pourvu qu’on parvienne à des améliorations profitables à toutes et à tous (A.P. Gnakou, 2005, p. 93). Cette amélioration devra conduire à une sensibilité qui conduit l’homme vers des sentiers de sérénité (M. D. Castillo, 1997, p. 73), car elle nourrit de convictions (M. Lequan (2002, p. 24). Ainsi, au-delà des divergences d’opinions, que l’on aboutisse à une rationalité dans la résolution des besoins en infrastructures qui permet d’encourager et de mieux faire (M. Weber, 1996, p. 41) lorsqu’on est soucieux de garantir aux générations futures la capacité ou la possibilité de jouissance des ressources sanitaires.

Conclusion

La production de l’espace urbain donne aux territoires les moyens et outils nécessaires au développement des équipements et des infrastructures. Le travail suggère que la pénurie des infrastructures sanitaires est une question plus qu’importante et réquisitionne la planification et la programmation des infrastructures pour répondre aux besoins des communautés. Le retard d’investissement dans les infrastructures et l’écart dans la couverture (entre le milieu urbain  et  le  milieu  rural)  doit  être  pris  en  compte  dans  les  politiques  publiques  et  le développement des infrastructures de santé en Afrique de l’Ouest. Cependant, les politiques publiques sectorielles méritent d’être réajuster pour prendre en compte les évolutions et leur ancrage spatial pour le bénéfice des populations. Le développement des infrastructures sanitaires est plus que jamais un grand chalenge pour les Etats.

S’agissant de la perception du citoyen vis-à-vis des infrastructures sanitaires et de la gestion de la pandémie de COVID-19, les mesures de confinement semblent entretenir les populations dans un environnement de restriction des déplacements sans que les réalités socio-économiques ne soient suffisamment intégrées dans les cadres logiques de décisions. Les mesures font apparaître fondamentalement l’inégale répartition de la fourniture des services urbains de base, les réalités liées à l’approvisionnement quotidien en biens alimentaires par les ménages et le désir du mieux-vivre des citoyens. C’est pourquoi, la pandémie de COVID-19 est plus que jamais une opportunité pour les villes africaines, de questionner leur modèle de développement urbain, économique et social, afin de bâtir et de consolider leur résilience face aux risques épidémiologiques.

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Auteur(s)


Taméon Benoît DANVIDE

Email : benoit.danvide@eamau.org

Ecole Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme (EAMAU, Lomé, Togo)

Komi Albert KUSSITO

Email : albertinopapson@yahoo.fr

Ecole Nationale de Formation Sociale (ENFS, Lomé, Togo)

MAHAMAT HEMCHI Hassane

Email : mahamat_hemchi@eamau.org

Ecole Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme (EAMAU, Lomé, Togo)

Droit d’auteur


EDUCI

Regardsuds; Deuxième numero, Septembre 2021 ISSN-2414-4150

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