Principaux défis de la croissance urbaine de Ouagadougou

Mains challenges of Urban Growth in Ouagadougou

Vincent ZOMA

vincentzoma3@gmail.com

Abdoulaye KIEMDE

kimsey1820@gmail.com

Yassiya SAWADOGO

ysawadogobf@yahoo.com Université Joseph KI-ZERBO

Résumé :

À l’instar des grandes villes de l’Afrique de l’Ouest, Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, connaît un processus d’urbanisation très important qui entraine de multiples défis de développement. La présente étude, basée sur une recherche documentaire, des observations sur le terrain, une enquête et des entretiens semi-directifs, vise à identifier les principaux problèmes liés à la croissance de la ville de Ouagadougou. La recherche montre que la croissance de cette métropole s’accompagne entre autres, de la pauvreté et du chômage, des difficultés d’accès au logement décent, d’une accessibilité insuffisante en source d’énergie, des problèmes d’eau et d’assainissement, des infrastructures sanitaires et éducatives encore insuffisantes et d’une voirie défaillante avec des problèmes de mobilité urbaine.

Mots clés : Burkina Faso, Ouagadougou, croissance urbaine, problèmes urbains, développement.

Mains challenges of Urban Growth in Ouagadougou

Abstract

Like the major cities of West Africa, Ouagadougou, the capital of Burkina Faso, is undergoing a very significant urbanization process that is leading to multiple development challenges. This study, based on documentary research, field observations, a survey and semi-structured interviews, aims to identify the main problems related to the growth of the city of Ouagadougou. The research shows that the growth of this megalopolis is accompanied by, among other things, poverty and unemployment, difficulties in accessing decent housing, insufficient accessibility to energy sources, water and sanitation problems, health and educational infrastructures that are still insufficient, and a failing road system with urban mobility problems.

Key words: Burkina Faso, Ouagadougou, urban growth, urban problems, development.

Introduction

Selon la Banque mondiale (2022)1, « aujourd’hui, 55 % de la population mondiale, soit 4,2 milliards d’habitants, vivent en ville. Cette tendance devrait se poursuivre: d’ici 2050, le nombre actuel de citadins devrait doubler, et pratiquement 7 personnes sur 10 dans le monde vivront en milieu urbain ». En outre, de nos jours, J. Damon (2020)2 souligne que « la dynamique d’urbanisation, bien différente dans les pays en développement et dans les pays riches, se caractérise à la fois par la métropolisation (la concentration des richesses et des talents) et la « bidonvilisation » (la concentration des problèmes sociaux) ».

Selon toujours l’auteur, « en Afrique, la population urbaine triplerait, passant de 400 millions à 1,2 milliard. D’ici 2050, 95 % de la croissance urbaine mondiale (en termes de population)

1 https://www.banquemondiale.org/fr/topic/urbandevelopment/overview, consulté le 21/08/2022.

2 https://www.revueconflits.com/urbanisation-phenomene-planetaire-julien-damon/, consulté le 15/07/2022.

serait à absorber dans les villes en développement » (J. Damon, op.cit.)3. En plus, les villes d’Afrique sont déjà submergées par les taudis et les bidonvilles; et un triplement de la population urbaine pourrait bien être catastrophique, à moins que des mesures urgentes ne soient prises dès maintenant (H. K. Mutombo, 2014).

Pour l’Afrique Subsaharienne, en 1990, on estimait que 40 à 50% de la croissance récente des mégalopoles, relevaient des formes irrégulières de production d’habitat. Cela s’est traduit par une occupation du sol sans titre de jouissance et par le non-respect des normes de construction et d’équipement (M. Rochefort, 2000). Ouagadougou par exemple, avec une population de 60 000 habitants en 1960, a vu sa population passer à 172 661 habitants en 1975 (INSD, 2006a). Elle comptait un peu plus d’un million d’habitants en 2006, soit environ 45 % de la population citadine du pays (F. Fournet et al., 2008) et a « une population de 2 453 496 habitants en 2019 » (INSD, 2020, p.25). Ainsi, de 1960 à 2019, sa population a été multipliée par 40,89. Cette croissance de sa population s’accompagne de multiples défis de développement (V. Zoma, 2022). Ainsi, la présente recherche vise à identifier les principaux problèmes liés à la croissance urbaine de Ouagadougou.

1.    Démarche méthodologique

L’étude de terrain s’est réalisée en 2017 à Ouagadougou au Burkina Faso (latitude 12º 21′ 58′′ N et la longitude 1º 31′ 05′′ W). Elle est la plus grande ville du pays (carte 1).

Carte 1 : Carte de situation géographique de la commune de Ouagadougou

La commune urbaine de Ouagadougou est limitée au nord par les communes rurales de Pabré et de Loumbila, à l’est par celle de Saaba, au sud par celles de Koubri et de Komsilga et enfin à l’Ouest par la commune rurale de Tanghin-Dassouri avec une superficie de 51 800 ha. Elle

« occupe une superficie de 52 000 hectares dont 21 750 urbanisés » (ONU-Habitat, 2007, p.6) avec « une population de 2 453 496 habitants en 2019 » (INSD, 2020, p.25). Le choix de ce site tient à plusieurs raisons. D’abord, Ouagadougou est la capitale du Burkina Faso. Ensuite, elle fait partie des métropoles peuplées de l’Afrique de l’Ouest et connaît une croissance démographique et spatiale importante. Elle « concentre 46,4% de la population nationale » (V. Zoma,2022, p.45). Enfin, Ouagadougou joue un rôle capital dans le développement urbain et économique du Burkina Faso au regard de son poids démographique et de l’importance des activités qu’elle abrite. Ainsi, une enquête a été réalisée dans les arrondissements de Bogodogo et de Boulmiougou. Le choix de ces arrondissements s’explique par le fait qu’ils sont situés à la périphérie, faiblement équipés par rapport au centre-ville en infrastructures et services urbains de base. Ils regroupaient (selon l’INSD, 2006a), presque 60% des populations de Ouagadougou dont Bogodogo (29%) et Boulmiougou (30,5%). Ils connaissent aussi une croissance rapide de leur population. Le taux de croissance est passé de 7,10% entre 1985 et 1996 à 7,80% entre 1996 et 2006 à Bogodogo. À Boulmiougou, ce taux est passé de 8,25% entre 1985 et 1996 et 10,20% entre 1996 et 2006 (INSD, 2006a). Par ailleurs, ils concentrent aussi bien des zones loties que des zones non loties. Ce qui justifie que ces espaces continuent de s’étendre, et explique en partie les limites des politiques de l’habitat à Ouagadougou.

3 https://www.revueconflits.com/urbanisation-phenomene-planetaire-julien-damon/, consulté le 15/07/2022.

Les travaux de terrain ont concerné des enquêtes, des interviews et des observations directes. Le questionnaire a été adressé aux chefs de ménage et prend en compte leurs identifications, leurs caractéristiques socio-économiques, les caractéristiques des logements, les équipements dans les concessions, etc. L’échantillonnage s’est basé sur un choix raisonné. En effet, l’échantillon de l’étude est de 250 chefs de ménages enquêtés dont 200 ménages dans les zones loties et 50 dans les non loties. La répartition a été effectuée selon les données de l’INSD (INSD, 2006b). Ainsi, l’enquête a concerné 125 ménages dans chacun des deux arrondissements car en rappel, leurs proportions démographiques sont sensiblement les mêmes (29% à Bogodogo et 30,5% à Boulmiougou). Des entretiens ont été réalisés avec les responsables de certaines structures comme la direction générale de l’urbanisme et du territoire, de la société nationale d’aménagement des terrains urbains, les mairies de Ouagadougou, des arrondissements de Bogodogo et de Boulmiougou, les directions de l’Office National de l’Eau et de l’Assainissement (ONEA), de la Société nationale burkinabè d’électricité (SONABEL), de la société de transport en commun de Ouagadougou, les centres de santé et scolaire des arrondissements concernés par les enquêtes à Ouagadougou. Le traitement des données recueillies a été effectué à partir d’un dépouillement manuel et à l’ordinateur à l’aide des logiciels notamment Excel et Arc GIS 10 pour la réalisation des cartes.

2.    Résultats et discussion

La croissance urbaine de Ouagadougou s’accompagne de plusieurs défis de développement. Il s’agit entre autres, de la pauvreté et du chômage urbain, des difficultés d’accès au logement décent, d’une accessibilité insuffisante en source d’énergie, des problèmes d’eau et d’assainissement, des infrastructures sanitaires et éducatives insuffisantes, d’une voirie urbaine défaillante et des problèmes de mobilité urbaine.

2.1. La pauvreté et le chômage dans la ville

Selon l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD, 2017, p.1), « l’extrême pauvreté qui touche 11% de la population burkinabè est beaucoup plus un phénomène rural qu’urbain (13.4% contre 2.8%) ». Par ailleurs, la plupart de la population enquêtée se concentre dans la fonction libérale. Pour la présente étude, 64% des chefs de ménages exercent dans ce

secteur avec une forte dominance de commerçants (60,62%). Le secteur privé notamment le commerce constitue alors la première source d’emplois des ménages. La figure 1 permet d’appréhender les revenus mensuels des chefs de ménage.

Source : Travaux de terrain (juillet 2017)

Figure 1 : Revenus mensuels des chefs de ménage en FCFA

Seulement 35,6% des chefs de ménages ont un revenu supérieur à 80 000 FCFA par mois4. Ils sont des fonctionnaires, des artisans modernes et des commerçants. Les intervalles retenus permettent d’avoir la situation des revenus moyens mensuels des personnes enquêtées. Ces revenus servent à assurer leurs dépenses quotidiennes. Par ailleurs, le rapport revenu et la taille des ménages enquêtés révèle des conditions de vie difficiles pour la plupart des ménages. La taille moyenne des ménages est de cinq personnes (tableau 1).

Tableau 1: Taille des ménages

Source : Travaux de terrain (juillet 2017)

Les ménages ont en général très peu d’enfants. Mais, si l’on ajoute l’ensemble des personnes proches ou lointaines, arrivées en ville par le biais des relations parentales, les ménages se retrouvent avec des effectifs pléthoriques dont il faut à la fois les loger, les nourrir, les éduquer et les soigner dans une situation de précarité économique. En 2015, le nombre d’emplois formels était estimé à seulement 685 625 dans le pays dont 22,6% d’agents de l’État (Burkina Faso, 2016/PNDES, 2016-2020).

Des revenus consistants et permanents sont indispensables aux chefs de ménages pour faire face à toutes les charges sociales. Alors que seulement 35,6% des chefs de ménages ont un revenu supérieur à 80 000 FCFA par mois et le reste (64,4% des ménages) a un revenu mensuel inférieur à 80 000 FCFA. Ces derniers évoluent pour la plupart dans l’informel. Certains ménages s’orientent alors vers la débrouillardise qui ne rapporte que de maigres revenus. À titre d’exemple, 10,8% des ménages ont un revenu mensuel inférieur à 20 000 FCFA tandis que 28,4% ont un revenu qui n’atteint pas 45 000 FCFA par mois.5 En plus, 19,6% des chefs de ménage sont sans emploi. Ainsi, de nombreuses familles sont réduites à la débrouillardise et n’arrivent pas à satisfaire les besoins primordiaux notamment l’accès à un logement décent.

4 Actuellement, le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) est de 30 684 FCFA au Burkina Faso.

5 En rappel le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) est de 30 684 FCFA au Burkina Faso.

2.2.  Les difficultés d’accès au logement décent

« À l’échelle de l’ensemble de la ville, (…) même si Ouagadougou ne mérite plus son surnom de « Bancoville » (F. Boyer, D. Delaunay, 2009, p.38) le banco continue d’être utilisé comme matériau de construction par la population. Selon les résultats de la présente enquête, 14,37% des ménages logent dans les habitations de type traditionnel. Ces maisons sont construites uniquement en banco et sont localisées généralement dans les zones non loties. Pour ces ménages, l’utilisation unique du banco comme matériau de construction est due à la modicité de leurs revenus et à l’état provisoire des constructions à réaliser dans ces zones. Le banco étant d’une faible résistance, certaines maisons s’écroulent en cas de fortes pluies prolongées. Pour rendre les constructions en banco résistantes, certains ménages à revenus moyens enduisent leurs habitations avec du ciment. Ce type de construction, qualifié de semi dur ou semi-moderne reste moins résistant que les maisons en dur. Ces ménages représentent 20,62% de la population enquêtée dont 7,5% retrouvés dans les zones loties. Quant à la construction moderne, 65% des ménages y disposent contre 42,2% en milieu urbain à l’échelle nationale (INSD, 2006b). Ils sont tous localisées en zone loties dont 8,12% en pierres latéritiques et 56,87% en ciment uniquement.

Dans les espaces non lotis, la maison est généralement d’une seule pièce et tout au plus deux et construite en banco. Les chambres-salon et les deux chambres-salon qui constituent la forme de logement caractéristique de l’habitat de cour, sont nettement plus répandues dans la partie lotie de la ville. Les logements de plus grande taille, tels que les villas, occupent une place relativement marginale dans la ville. En effet, 39,12% des ménages habitent dans les maisons à une chambre-salon. Ce sont en majorité des ménages de tailles moyennes. Les ménages de grandes tailles logent dans les maisons deux chambres- salon et représentent 24,5% de la population enquêtée. Les ménages qui logent dans les maisons à une pièce communément appelé « entrée-couché » occupent une faible proportion (seulement 7,12% et sont en général des célibataires). Les ménages aisés avec une proportion de 19,7% habitent dans des villas, dans des duplex et dans des immeubles. En analysant la taille des logements et leur densité d’occupation, on constate que le nombre moyen d’occupant est de 5. Ce taux d’occupation est élevé au regard de la taille des logements.

Les chefs de ménages, propriétaires de leurs parcelles représentent 29,6% de la population enquêtée. Les locataires représentent 67,4%. Seulement 3,2% ont un statut d’hébergés. Les coûts des loyers ont été soulignés comme une préoccupation majeure au regard des montants jugés élevés par ces ménages. La chambre-salon coûte entre 15 000 et 30 000 FCFA, les deux chambres-salon entre 40 000 et 90 000 FCFA. Ces coûts peuvent augmenter selon le quartier et le standing de la maison.

Ainsi, l’étude révèle que l’accès au logement décent demeure une préoccupation à Ouagadougou et cette situation est davantage peu reluisante au regard d’une accessibilité insuffisante en source d’énergie.

2.3.  Une accessibilité insuffisante en source d’énergie

L’accès à l’énergie (électricité et hydrocarbures, énergies renouvelables) demeure problématique pour des ménages et des entreprises au Burkina Faso. En effet, « avec un prix de 75 FCFA le Kilowattheure en 2015, pour les hautes tensions, le coût de l’électricité au Burkina Faso est particulièrement élevé. En 2015, le taux d’électrification était de 59,88% en milieu urbain, 3,06% en milieu rural et 18,83% en moyenne nationale » (Burkina Faso, 2016/PNDES, 2016-2020, p.14). D’après notre entretien avec la Direction générale de la SONABEL du Kadiogo, dans la ville de Ouagadougou, le nombre d’abonnés à la SONABEL est passé de 508 499 en 2014 à 585 634 en 2016. Le taux d’électrification connaît une augmentation moyenne de 4% à Ouagadougou. Le taux de couverture, quant à lui, augmente en moyenne de 1% à Ouagadougou.

Les résultats de la présente enquête révèlent que 36,25% des ménages ne sont pas raccordés au réseau de la SONABEL à Ouagadougou. Le coût de raccordement au réseau varie entre 25 000 et 200 000 FCFA selon que vous êtes dans le centre-ville ou dans les secteurs périphériques et selon la puissance demandée (ampérage) et enfin selon la présence d’un poteau installé devant la cour. Le mode de construction horizontale à Ouagadougou contribue fortement à son étalement et augmente considérablement le nombre de mètres de câble ainsi que le nombre de poteaux à implanter.

Selon l’enquête, 63,75% des chefs de ménages possèdent un raccordement électrique de la SONABEL, 20,62% utilisent des lampes (tempêtes, à piles, à gaz ou électrique) pour s’éclairer et 15,62% disposent de plaques solaires pour l’éclairage. Les ménages ne disposant pas d’électricité trouvent les frais de branchement trop exorbitants et ceux qui en disposent trouvent les factures trop élevées. En outre, 79,36% des ménages ne disposant pas de branchement électrique résident dans les quartiers non-lotis et les 20,63% dans les zones loties. Les ménages se plaignent de la qualité du service de la SONABEL. Plus de la moitié des ménages qui disposent d’électricité (80%) se plaignent des factures exorbitantes et des délestages fréquents qui occasionnent très souvent de nombreux dégâts matériels.

En ce qui concerne les sources d’énergie utilisées dans la cuisine, il s’agit principalement du bois et du charbon. Ils sont exclusivement utilisés par 31,87% des ménages. Selon toujours la présente recherche, 17,5% des ménages les associent au gaz butane, tandis que 21,25% utilisent à la fois le charbon et le gaz. 47% des ménages utilisent uniquement le gaz. Ce sont pour la plupart des célibataires ou des ménages ayant peu d’enfants. La prépondérance du choix porté sur le bois et le charbon résulte de l’insuffisance de revenus. Selon G. Compaoré et I. Kaboré (1998, p.91), « la consommation en bois par habitant et par jour était de l’ordre de 1,18 kg en 1990 soit une consommation journalière de 454 000 kg ». Actuellement, ce volume doit être multiplié par deux, voire davantage. La couverture de ces besoins entraîne la destruction annuelle de milliers d’hectares de terrain surexploités et laissés à l’érosion autour de Ouagadougou. On aboutit à un déséquilibre écologique marqué par une intense érosion suite au déboisement intensif et à, la disparition progressive de certaines espèces animales et végétales (G. Compaoré, I. Kaboré, op.cit.). Hormis, les conséquences environnementales, l’utilisation du bois par les ménages comme combustible peut affecter négativement leur santé à travers la fumée qu’il dégage.

En plus de l’accessibilité insuffisante en source d’énergie ci-dessus évoquée, il convient d’ajouter les problèmes d’eau et d’assainissement dans la ville de Ouagadougou dans le cadre de la présente étude.

2.4.  Les problèmes d’accès à l’eau potable et d’assainissement dans la ville

Il y a une rareté et une insuffisance d’eau potable à Ouagadougou. En effet, 53,76% des chefs de ménages sont branchés au réseau d’adduction d’eau potable de l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA) et 20% des ménages se ravitaillent au niveau des bornes fontaines. D’après nos entretiens avec les agents de l’ONEA, l’absence de réseau d’adduction d’eau potable dans certaines zones loties est justifiée par les coûts d’investissement élevés pour l’installation des conduites. Le nombre d’abonnés à Ouagadougou est passé de 184 913 abonnés en 2014 à 201 251 en 2015. Quant aux bornes fontaines, leur nombre est passé de 1 073 à 1 092 dans la même période. Dans les aires sous-équipées de la ville, un marché parallèle de revente d’eau s’est développé. Ainsi, 18,12% des ménages enquêtés se contentent des revendeurs pour s’approvisionner en eau potable avec une contrepartie financière qui varie en fonction du rapport distance-prix. Seulement, 5% des ménages utilisent les forages et 3,12% se contentent de l’eau de puits (figure 2).

Source : Travaux de terrain (juillet 2017)

Figure 2 : Mode d’approvisionnement en eau dans la ville

Les disparités de l’offre, ajoutées au faible débit des robinets, aux pénuries et aux pannes, entraînent souvent des longues files d’attente, occasionnant à la fois des pertes de temps et des tensions entre les populations. Plus de la majorité des ménages (78%) souligne que l’approvisionnement en eau potable pose problème dans la ville surtout en saison sèche tant du point de vue de la distance des points d’eau à parcourir que du temps passé aux interminables queues où alternent revendeurs et ménagères.

Par ailleurs, le mode de gestion des déchets solides à Ouagadougou laisse percevoir un espace urbain à des endroits jonchés d’ordures. En 2011, la ville de Ouagadougou totalisait 35 centres de collectes d’ordures dont 09 à Bogodogo et 08 à Boulmiougou. Les frais d’enlèvement vont de 500 à 2000 FCFA par mois en fonction de la quantité et de la fréquence d’enlèvement de ces déchets. En 2008, 71% des déchets de la ville ont été collectés et 76% en 2009 (DP/CO, 2011). Selon la présente étude, 26,87% des ménages se débarrassent de leurs ordures ménagères dans les dépotoirs sauvages dont 17,6% dans la rue et 9,37% dans les espaces vides. Des lieux publics abritent des tas d’immondices qui contribuent au caractère insalubre de la ville. Mais, les ménages justifient ces pratiques par le manque d’infrastructures de collecte et l’insuffisance de service de ramassage d’ordures (photo 1).

Photo 1 : Dépotoir public à la zone 1 à proximité des zones résidentielles

Prise de vue : A. Kiemdé (Septembre, 2017)

Cette situation présentée dans la photo 1 montre un véritable lieu de nuisance pour les populations riveraines. Dans ce contexte, 68,12% des ménages enquêtés sont abonnés aux sociétés ou aux associations de ramassage d’ordures. Ces associations de pré collecte déversent les ordures ramassées dans des bacs publics dont certains sont proches des habitations causant ainsi d’énormes nuisances à la population riveraine. Le transport des déchets solides se fait avec des camions lève-conteneurs et des camions-bennes à partir des centres de collecte pour être acheminé au centre de traitement et de valorisation des déchets. Cependant, ce transport des déchets connait un certain nombre de problèmes tels que le nombre insuffisant de bacs à ordures, l’enlèvement non régulier des déchets et la vétusté du parc automobile.

Certains ménages (4,27%) ont avoué que leurs ordures durent un mois dans les récipients de stockage avant d’être débarrassées. La figure 3 présente le mode d’évacuation des ordures ménagères.

Source : Travaux de terrain (juillet 2017)

Figure 3 : Mode d’évacuation des ordures ménagères

Les données de la figure 3 ont été arrondies. Il existe dans la ville, des ménages qui brûlent souvent leurs ordures dans la cour (3,91% du total de la population enquêtée). Ces ménages affirment que ces ordures ménagères solides stockées sont souvent brulées lorsque la quantité devient importante. Mais, ces pratiques contribuent à la pollution de l’air qui n’est pas sans conséquences sur l’environnement.

La présence de latrines est aussi un indicateur de l’état d’assainissement d’une zone d’habitation. À Ouagadougou, 71,25% des ménages enquêtés disposent de latrines améliorées et de latrines simples. Certains ménages disposent de fosses septiques, ils représentent 25,8% de la population enquêtée. En plus, 24,37% disposent de latrines internes et 4,37% des ménages déclarent utiliser des latrines publiques ou celles du voisinage en cas de besoin. Les

latrines lorsqu’elles sont remplies, sont vidées par des services d’hygiènes pour la majorité des ménages (66,25% des populations enquêtées). En plus, 14,37% des ménages vident manuellement les contenus de leurs latrines qu’ils reversent dans la rue. Ces pratiques de vidange polluent malheureusement l’environnement. Cela compromet dangereusement la santé des populations. En outre, 19,37% des ménages transportent par contre ces contenus dans leurs champs.

Enfin, le réseau de drainage des eaux pluviales et d’évacuation des eaux usées produites par les ménages est également très important pour maintenir un cadre de vie sain en milieu urbain. Malheureusement, dans cette ville, les ouvrages d’assainissement (canaux et caniveaux) font gravement défaut. D’après l’entretien réalisé à la Direction générale de l’urbanisme et des travaux fonciers :

Ouagadougou dispose de quatre grands canaux de drainage des eaux mais qui sont bouchés pour faute d’entretiens. Le curage des canaux et des caniveaux n’est pas régulièrement assuré par la mairie et les comportements inciviques des populations, tels que le déversement des déchets dans ces ouvrages d’assainissement, aggravent davantage la situation entrainant un retour des eaux avec comme conséquence, les fréquentes inondations dans les quartiers.

En 2009, seulement 258,650 km de caniveaux ont été curés avec un volume de produits curés qui s’élevait à 55060 m3 contre 128,304 km en 2006 avec 27 313 m3 de produits curés (DP/CO, op.cit.). Les nuisances liées à l’inexistence de ces ouvrages dans les différents secteurs de la ville sont nombreuses. Les eaux usées issues des travaux ménagers sont déversées dans les rues et dans les concessions.

Ils sont seulement 23,75% des ménages qui disposent de caniveaux aux abords des concessions. Plus de la majorité (56,25%) des ménages habitant dans les quartiers lotis ne disposent pas de caniveaux aux abords des concessions. Ainsi, 40,23% des ménages jettent les eaux usées dans la rue (figure 4) contre 40,2% au niveau national selon les agents des services techniques de la Commune de Ouagadougou.

Source : Travaux de terrain (juillet 2017)

Figure 4 : Lieux d’évacuation des eaux usées

D’après l’étude, 18,12% des ménages jettent leurs eaux usées dans la cour et respectivement 5% et 36,65% jettent les eaux usées dans les caniveaux et dans les anciens puits.

En plus, la quasi insuffisance des canaux d’évacuation des eaux pluviales est encore durement ressentie par la population pendant la saison pluvieuse. À cette période, certaines parties des secteurs de la ville situées dans les zones basses sont inondées. Les eaux pluviales coulent entre les concessions et de nombreuses rigoles se forment aux abords des habitations. Une partie des eaux stagne dans les endroits creux pendant des jours et constitue des zones

favorables au développement de nombreux microbes occasionnant ainsi des maladies tel que le paludisme.

Hormis, les problèmes d’accès à l’eau potable et d’assainissement, les populations de cette ville font face à des infrastructures sanitaires et éducatives encore insuffisantes.

2.5.  Des infrastructures sanitaires et éducatives encore insuffisantes

Ouagadougou dispose de quatre districts sanitaires. Il s’agit du secteur 30 de Kossodo, de Pissy et celui de Paul VI. Du point de vue géographique, ces centres occupent une position centrale au sein du district à l’exception de celui de Kossodo, plus proche des quartiers non lotis. Aux districts s’ajoutent le centre hospitalier universitaire de Yalgado Ouédraogo, le centre hospitalier pédiatrique Charles de Gaulle, le centre hospitalier universitaire de Tengandogo et l’hôpital de Bogodogo.

Mais, l’offre publique de soins ignore les zones non-loties. Quelques structures privées ont investi dans ces zones irrégulières, à la recherche de nouvelles clientèles en attente d’une offre de soins de proximité (F. Fournet et al., op.cit.). Par ailleurs, l’insuffisance de personnel et de matériel de qualité, de même que le transfert des malades sans référence et hors de l’aire sanitaire des districts sont autant de difficultés que rencontrent les structures sanitaires publiques comme celui du district de Bogodogo. Dans ce centre, d’après nos entretiens, les urgences sont assurées par un service médical adulte, pédiatrique et obstétrical qui fonctionnent 24/24h. Les cas compliqués sont évacués à l’hôpital Yalgado. Selon l’enquête, 18,6% des ménages ont souvent recours aux structures sanitaires privées pour les soins aux coûts difficilement supportables pour bon nombre d’habitants pour des raisons de distance ou de services mal rendus par les structures publiques. En effet, 29,38% des chefs de ménages trouvent qu’il y a un mauvais accueil dans les formations sanitaires publiques. Ils soulignent également le manque et la vétusté des équipements existants qui ne permettent pas une bonne prise en charge des patients. À ces problèmes, s’ajoute la pauvreté des ménages qui repousse certains patients à fréquenter les centres de santé. Plus de la moitié des ménages enquêtés (52,02%) trouvent les soins dans les formations sanitaires trop chers. Ils sont 20,62% qui font souvent recours à l’automédication et 13,12% se confient aux tradipraticiens en cas de maladies dans des périodes difficiles.

Dans le secteur de l’éducation, on distingue l’enseignement préscolaire, primaire, secondaire et supérieur. L’essentiel des infrastructures scolaires primaires est concentré dans les secteurs périphériques, tandis que les établissements secondaires se concentrent dans les secteurs centraux. En 2009, la commune totalisait, 578 écoles primaires avec 229 écoles publiques et 349 écoles privées. Les effectifs moyens par classe étaient de 75 élèves dans le public et 46 élèves dans le privé. Dans la même année, l’arrondissement de Boulmiougou comptait 154 écoles primaires dont 57 écoles publiques avec 7 886 habitants par école publique et 97 écoles privées. Quant à l’arrondissement de Bogodogo, il totalisait la même année 163 écoles primaires dont 55 publiques avec 7 749 habitants par école et 108 écoles privées. Les effectifs moyens par classe étaient de 76 élèves/classe dans le public à Boulmiougou contre 46 élèves/classe dans le privé et 87 élèves/classe dans le public à Bogodogo contre 51 élèves/classe dans le privé (DPEBA/Kadiogo/2007-2008-2009). Ces effectifs témoignent une insuffisance criarde des écoles publiques dans la ville dont dépendent beaucoup des enfants des pauvres. Il y a aussi une dégradation de la qualité de l’enseignement eu égard à ces

effectifs pléthoriques dans les classes. Au niveau du secondaire, la situation est encore pire. En 2005, on dénombrait 149 établissements secondaires avec un taux de scolarisation de 42,90%. Ce taux de scolarisation est passé à 46,2% à la rentrée scolaire 2006– 2007 pour 174 établissements secondaires. On note un déséquilibre dans la répartition spatiale des établissements secondaires. Les établissements publics représentent 12,82% de l’ensemble des établissements secondaires dont l’essentiel est concentré dans l’arrondissement de Baskuy avec 55 écoles secondaires dont 09 publiques (06 générales et 03 techniques) en 2010. Les arrondissements de Bogodogo et de Boulmiougou comptaient en 2010, respectivement 66 écoles secondaires dont 03 publiques (02 générales et 01 technique) et Boulmiougou 56

dont aussi 03 publiques (02 générales et 01 technique) (DEP/MESSRS, 2009-2010). Le nombre moyen d’élèves par classe au secondaire à Ouagadougou en 2007 était de 68 dans le public contre 53 pour le privé. Mais, les effectifs par classe, souvent très importants, peuvent atteindre une centaine d’élèves surtout au premier cycle. Par exemple, au lycée municipal de Bogodogo, la moyenne d’élèves par classe était de 94,5 pour l’année scolaire 2016-2017. Selon les entretiens avec les services techniques de cette commune, à l’insuffisance des infrastructures (salles, clôtures et adduction d’eau potable) s’ajoute le manque du personnel. Le lycée souffre d’un manque d’enseignants notamment en mathématiques et en physique- chimie. De façon globale, on note une tendance marquée par le déficit prononcé en infrastructures d’enseignements secondaire, technique et professionnel à Ouagadougou avec des conséquences lamentables pour les parents et pour les élèves. En effet, 78,8% des chefs de ménages enquêtés déplorent l’insuffisance des écoles publiques dans la ville et la prépondérance des établissements privés aux coûts très élevés pour les parents défavorisés. Selon certains chefs de ménage enquêtés, pour faute de moyens financiers pour inscrire leurs enfants dans les établissements privés, ils sont contraints de faire recours aux cours du soir moins couteux (12 500 à 35 000 FCFA de la sixième à la terminale) où la qualité de l’enseignement reste souvent douteuse. En plus de ce problème d’insuffisance d’établissements, la ville est confrontée à une vétusté de ces établissements publics. À Sig- Noghin en 2011, A. Ibrahim (2011) signalait que 70% des établissements publics ne disposaient ni du raccordement en eau potable, ni d’électrification, ni de clôture. Les élèves étaient fréquemment déconcentrés par les passants (motocyclistes, voitures, fous, mendiants, etc.) qui traversent la cour des écoles du fait de l’absence de clôture.

Aux problèmes des infrastructures sanitaires et éducatives encore insuffisantes, liés à la croissance urbaine de Ouagadougou s’ajoutent également, une voirie défaillante et des problèmes de mobilité.

2.6.  Une voirie urbaine défaillante et des problèmes de mobilité urbaine

Il y a des problèmes de voiries et de mobilité à Ouagadougou. La voirie de la ville s’organise autour d’une structure radiale reliant les quartiers périphériques au centre et un boulevard circulaire desservant aussi bien les quartiers centraux que les quartiers périphériques. Les quartiers eux-mêmes se caractérisent par une trame viaire orthogonale. Elle est constituée dans son ensemble par des rues bitumées, des rues en terre en bon état ou dégradées, et des rues non aménagées. On distingue trois types de voiries. Une voirie principale ou primaire qui regroupe l’ensemble des prolongements des routes nationales à l’intérieur de la ville et est relativement satisfaisante. Les rues qui la composent sont en effet majoritairement bitumées et sont donc

carrossables. La voirie secondaire raccordée au réseau primaire, relie les différents quartiers de la ville. Elle est moins satisfaisante puisque les rues qui la composent sont en majorité non bitumées et connaissent par endroit un état de dégradation avancé. La voirie tertiaire est formée par l’ensemble des rues qui desservent l’intérieur des quartiers. Elle est seulement de bonne qualité dans le centre de la ville et dans certains quartiers comme Zone du Bois et Ouaga 2000. Elle est de très mauvaise qualité dans le reste de la ville, particulièrement dans les quartiers périphériques.

La longueur totale de voirie dans l’ensemble de la ville est d’environ 726, 402 Km (DGSTM/SONATUR, 2010). En 2020, « dans cette ville, seulement 20% de la voirie urbaine est bitumée » (V. Zoma, op.cit., p.43). Ces voies même bitumées connaissent une dégradation avancée à cause de la mauvaise qualité des matériaux de construction, de l’absence des ouvrages d’assainissement et les comportements inciviques des populations qui consistent à bruler les objets sur les voies lors des grèves. Le reste du réseau constitué de rues en terre souvent dégradées ont une praticabilité qui reste limitée et varie en fonction des saisons. Si pendant la saison sèche, ces rues sont relativement carrossables, en saison des pluies, elles connaissent souvent un état de dégradation poussé et souvent peu praticables (photo 2).

Photo 2 : Rue bitumée en état de dégradation avancée à Kossodo

Prise de vue : A. Kiemdé (Septembre, 2017)

Des portions et même des quartiers entiers se trouvent ainsi isolés du reste de la ville. Ces portions sont inaccessibles pour certaines interventions. « Outre l’insuffisance de voies carrossables ou praticables en toute saison, les voies sont étroites. L’emprise des rues varie de 10 à 25 m par endroits et la plupart d’entre elles sont à double sens de circulation » (Y. Kafando,2006, p.38). En plus, seules quelques grandes artères disposent de bandes ou des pistes cyclables tout le long de ces voies. Par ailleurs, en saison sèche, les rues non bitumées lorsqu’elles sont empruntées par des moyens de transport sont très souvent source de pollution de l’air à Ouagadougou à cause de la poussière. En d’autres termes, « l’effet du vent et très souvent l’importance de la vitesse favorisent le soulèvement de la poussière sur les rues non bitumées pendant la saison sèche à Ouagadougou » (V. Zoma, op.cit., p.43).

Il ressort de l’enquête réalisée dans le cadre de cette étude que, 43% des enquêtés trouvent la voirie de la ville très mauvaise, 34,63% la trouvent mauvaise, 17% passable et seulement 5,37% la trouvent en bon état.

À propos des problèmes de mobilités urbaines, les transports urbains sont un élément indispensable à la croissance et au développement économique dans les villes. Principaux vecteurs d’intégration socioéconomique, ils sont un préalable à la facilitation des échanges et à la circulation des biens et des personnes. Si la ville de Ouagadougou est qualifiée de « capitale des deux roues » en Afrique de l’Ouest à cause de la prépondérance des véhicules à deux roues dans la circulation, il n’en demeure pas moins que les populations se déplacent aussi à l’aide d’autres moyens de transport (figure 5).

Source : Travaux de terrain (juillet 2017)

Figure 5 : Le mode de déplacement des ménages

Selon la présente investigation, 91,4% des ménages se déplacent à deux roues dans la ville, suivent les voitures personnelles, les transports collectifs et la marche à pied très marginalisée. La répartition des modes de transport à Ouagadougou selon l’enquête, confirme que cette capitale est « une ville des deux roues ».

Les usagers trouvent les deux roues motorisés très praticables, maniables et très rapides par rapport à la marche à pied. Leur utilisation est facilitée par l’existence et l’importance des pistes dans la ville. À cela s’ajoutent d’autres facteurs qui conduisent à ce fort taux de motorisation dans la ville telles que l’inexistence de contraintes réglementaires pour les 50 cm3 et leur inapplication pour les plus de 50 cm3 (assurance, permis de conduire), la déficience du réseau de voirie dans les zones d’habitats spontanés et dans les zones périphériques et la défaillance des transports collectifs dans la ville.

L’enquête révèle que 91,4% possèdent des moyens de déplacement à deux roues. Parmi, ces ménages, 79,4% ont des deux roues motorisés et 12% pour les bicyclettes. Les conséquences de la forte présence des deux roues motorisés sont la fréquence des accidents dans la ville, liés à l’inexpérience des conducteurs et au développement de l’incivisme (non-respect des règles de conduite).

Seulement 1,2% des ménages se déplacent à pied. Les difficultés majeures de la marche à pied à Ouagadougou résident dans l’absence quasi-totale de trottoirs dans la ville, l’invasion des rues par des petits commerces et la non prise en compte des piétons dans le traitement des intersections et des traversées en sections courantes. Les piétons marchent le plus souvent sur la chaussée, côtoyant ainsi les autres modes de transport notamment motorisés au risque d’être victimes d’accident. En plus, la marche à pied n’est pas confortable en temps de chaleur ou de pluie à Ouagadougou.

La voiture est encore considérée pour beaucoup de ménages comme un bien de luxe même si on note une forte présence des véhicules ces dernières années à Ouagadougou. Seulement 4,3% des chefs de ménage enquêtés en possèdent. C’est le mode de transport des personnes aisées. Mais, ces dernières années son usage a commencé à se développer grâce au renouvellement du parc automobile dans les pays d’Europe, mais aussi à la valorisation sociale qu’elle confère à celui qui la possède au Burkina Faso notamment à Ouagadougou.

Les transports collectifs urbains ne sont empruntés que par 3,1% des ménages enquêtés. Ils restent donc toujours embryonnaires. À Ouagadougou, l’offre de transports collectifs est assurée par deux réseaux: un réseau structuré (organisé) exploité par la Société de transport en commun de Ouagadougou (SOTRACO) et un réseau informel occupé par les taxis à exploitation artisanale. Le parc de taxi « estimé à un millier dans les années 1990, leur nombre dépasserait 5000 en 2020 » (O. Sigué et A. Nikiéma,2022)6. Au 31 décembre 2016, la SOTRACO, totalisait 62 bus dont 14 exploités, 36 en panne et 12 immobilisés. Elle transporte en général 69% d’élèves et étudiants, 15% de travailleurs et autres 14%. La société ne couvre que 28% du territoire communal avec un taux de remplissage d’environ 42% actuellement. Le délai d’attente trop long des clients, le faible niveau du parc, l’absence du cadre institutionnel et d’une autorité organisatrice des transports, l’inexistence d’un marché de pièces de rechange et le faible accompagnement de l’État sont autant de difficultés qu’éprouve la SOTRACO d’après l’entretien avec les responsables de cette société. Dans ce même sens, ceux qui empruntent les transports collectifs à Ouagadougou se plaignent du non-respect des horaires par les bus, de la limite des voies de dessertes très éloignées des domiciles et des coûts élevés des prix de taxis (300 FCFA au minimum).

Conclusion

La croissance urbaine en Afrique se particularise aujourd’hui par l’émergence de très grandes villes au plan démographique et spatial. Mais, la rapide croissance de ces villes n’est pas sans difficultés pour les autorités. Elle engendre des problèmes infrastructurels, de logements, de transport, de chômage, d’insécurité d’autant plus que les communes sont pauvres, et que le désengagement financier de l’État devient de plus en plus une réalité mettant ainsi les conditions de vie des populations à rude épreuve.

Les politiques urbaines mises en place pour freiner le gigantisme de ces villes et pour résoudre les problèmes urbains qui en découlent n’ont guère eu de succès. À Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, la poussée démographique a eu pour conséquence l’extension spatiale rapide et incontrôlée de la ville en déphasage avec le développement des infrastructures et des équipements urbains. Les populations vivent des problèmes d’accès à l’eau potable, à l’énergie, de voirie, de transport, d’insalubrité, d’emploi et de pauvreté. Les besoins pressants exprimés par les chefs de ménage enquêtés au niveau des infrastructures et des équipements urbains interpellent les autorités à repenser les politiques urbaines dans le pays en vue de l’amélioration des conditions de vie des citadins.

6https://www.revues.scienceafrique.org/gari/texte/sigue_et_nikiema2022/#:~:text=Depuis%201996%2C%20les%20v%C3%A9hicules%20font,a%20donc%20cess%C3%A9%20d%27augmenter, consulté le 26/08/2022.

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