Modification du rythme des pluie et de la durée de l’harmattan sur le littoral de la Côte d’Ivoire (1971-2006)

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1Pauline A. DIBI KANGAH, 2Bathoh Zhodé Sylvain Gloayowi, 3Jean-Dominique H. Anoh

Résumé;

FrançaisEnglish


Cette étude analyse le rapport entre la variabilité des pluies et la durée de l’harmattan sur le Littoral ivoirien de 1971 à 2006. Basée sur une approche quantitative, cette étude détermine les périodes d’apparition de l’harmattan et utilise une analyse de statistique différentielle pour mesurer les corrélations entre les variations pluviométriques et la durée de l’harmattan. Les résultats révèlent que de 1971 à 2006, l’harmattan apparait en décembre, janvier et février sur les côtes ivoiriennes. En outre, l’examen statistique des rapports entre les fluctuations des pluies et le nombre de jours de l’harmattan indique qu’il existe une corrélation très faible mais négative.

Entrées d’index


Mots-clés : modification des pluies, harmattan, littoral, Côte d’Ivoire

Keywords: rainfall change/variability, harmattan, costal region, Côte d’Ivoire

Abstract :

FrançaisEnglish


The purpose of this study is to analyze the degree to which rainfall variability from 1971 to 2006 impacts the duration of the harmattan on the Ivorian coastal area. Grounded in a quantitative approach, this study aims to determine the periods of onset of the harmattan and use inferential statistics to measure the correlations between rainfall variations and the duration of the harmattan. The results show that from 1971 to 2006, the harmattan appears in December, January, and Februaryon the Ivorian coastal area. In addition, the statistical analysis shows that there is a small and negative correlation between fluctuations in rainfall and duration of the harmattan in the costal region of Côte d’Ivoire.

Entrées d’index


Mots-clés : modification des pluies, harmattan, littoral, Côte d’Ivoire

Keywords: rainfall change/variability, harmattan, costal region, Côte d’Ivoire

INTRODUCTION


  De nombreuses études sur la variation des pluies en Afrique de l’Ouest, et notamment en Côte d’Ivoire attestent d’une baisse substantielle des pluies au sein des séries chronologiques (Lubès-Niel et al., 1998; Paturel et al., 1998 ; Ouédraogo, 2001; Bigot et al.,2005 ; Dibi Kangah, 2010). Cette diminution des hauteurs pluviométriques se fait de plus en plus ressenties jusque dans les régions du Golfe de Guinée (Paturel et al., 1995 ; Servat et al., 1997 ; Dibi Kangahet al., 2015).Le littorale de la Côte d’Ivoire connait également ces mêmes variabilités qui se traduisent par une fluctuation décroissante des pluies annuelles et celles enregistrées pendant les saisons sèches où l’harmattan est l’un des facteurs dominants.
  Définit comme un vent sec, chaud et poussiéreux, l’harmattan ou l’alizé continental d’origine nord-est, est persistant sur le Littoral ivoirien depuis de récentes années (Dibi Kangah et al., 2015). Cependant, contrairement à l’intérêt porté aux relations entre les variabilités pluviométriques et les ressources en eau, l’agriculture et l’élevage (Ardoin, 2004),très peu d’études ont établi une corrélation entre les pluies et la durée de l’harmattan. L’objectif de cette étude est donc de déceler un rapport entre la variation des pluies et la durée de l’harmattan sur le Littoral ivoirien de 1971 à 2006. Pour ce faire, cinq stations (Adiaké, Abidjan, Sassandra, San-Pedro et Tabou) couvrant le littoral ivoirien ont été retenues (Figure 1).

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Figure 1 : Localisation de la zone d’étude


La zone étudiée se définit par un climat subéquatorial à tropical humide avec un régime bimodal à quatre saisons : deux saisons sèches (décembre à début mars et juillet à septembre) et deux pluvieuses (mi-mars à juin et octobre à novembre). La pluviométrie annuelle varie entre 1400 (Abidjan) et 2500 mm à Tabou, dans l’extrême ouest du Littoral (Brou, 2005 ; Dibi Kangah, 2010). Les jours moyens de pluies sont compris entre 130 et 150 jours (Eldin, 1971). Les pluies sont régies par l’alternance de deux masses d’air tropicales. La première est l’alizé continental chaud et sec ou harmattan, avec une origine nord-est et issue de l’anticyclone des Açores (30°N). La deuxième est l’alizé maritime chaud et humide ou mousson avec une origine sud-ouest et issue de l’anticyclone de Sainte-Hélène (30°S).

2. Données et méthodes

2.1. Données

Les relevés utilisés portent sur les cumuls mensuels de pluie et de température ainsi que les nombres de jours de pluie et de brume sèche. Ces informations proviennent de la Direction de la Météorologie Nationale (DMN) de Côte d’Ivoire. Ces données s’étendent de 1971 à 2006 pour les stations d’Adiaké, Abidjan, Sassandra et Tabou, et de 1976 à 2006 pour celle de San-Pedro, ouverte cinq ans plus tard. En général, l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) suggère une normale d’au moins 30 ans; par conséquent, la période d’étude est suffisamment représentative pour conduire une telle analyse (OMM, 2011 ; IPCC, 2014). En outre, la répartition géographique et le caractère synoptique des stations sélectionnées permettent une meilleure couverture et une généralisation des résultats à l’ensemble du Littoral ivoirien.

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2.2. Méthodes

2.2.1. Variabilité pluviométrique

La variation des pluies est appréciée à partir des indices pluviométriques calculés sur les cumuls annuels de pluies (Servat et al., 1997 ; Nicholson, 2000). Ces indices permettent de déceler les excédents, déficits et normales et sont calculés selon l’équation suivante :

Avec :Ip= indice pluviométrique, Xi = hauteur des pluies de l’année, = hauteur de la pluviométrie moyenne sur la période étudiée et ? = écart-type des pluies sur la période d’étudie.
En outre, pour mieux observer les variations pluviométriques interannuelles, le filtre non-récursif passe-bas de Hanning d’ordre 2 ou moyenne mobile pondérée est appliquée (Paturel et al, 1998; Assani, 1999). Il permet d’éliminer les fluctuations ponctuelles des variations saisonnières dans une série chronologique. De 1971 à 2006, les moyennes mobiles pondérées centrées et réduites ont été calculées en estimant chaque total pluviométrique pondéré avec la formule suivante :

Avec x(t)= total pluviométrique pondéré à l’annéet, x(t-2) et x(t-1) = totaux pluviométriques observés des deux années qui précèdent immédiatement l’annéet, x(t+1) et x(t+2) = totaux pluviométriques observés de deux années qui suivent immédiatement l’année.
   L’analyse de la variabilité du nombre de jours d’harmattan est également appréciée à partir des indices centrés réduits. Ils sont calculés sur les valeurs moyennes d’observation de la brume sèche lissée au moyen de la méthode des moyennes mobiles.

2.2.2. Périodes d’apparition de l’harmattan

La détermination des périodes d’apparition de l’harmattan est basée sur une étude comparative des probabilités d’apparition de la brume sèche et de la pluie au cours des mois secs. Ces périodes sont calculées comme suit :
Avec Prob.(BS) =probabilité d’apparition de la brume sèche, Prob. (P) =probabilité d’apparition de la pluie, Ni(BS) = nombre de cas favorables d’apparition de la brume sèche, Ni(P) = nombre de cas favorables d’apparition de la pluie et N= nombre d’années. 
  En outre, pour déterminer le degré d’aridité de la région et comprendre la poussée de l’harmattan dans le littoral, l’indice d’aridité mensuel de De Martonne(1926) a été calculé. Cet indice tient compte de la température et de la pluviométrie selon l’expression mathématique suivante :

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Avec I= indice d’aridité, 12 = nombre de mois dans une année, p = moyenne mensuelle des précipitations en millimètre (mm) et t = moyenne mensuelle des températures en degrés Celsius (°C).Selon cette méthode un mois est caractérisé comme sec si : I <= 20 et humide si I >= 20. Par ailleurs, les probabilités d’occurrence de la brume sèche et de la pluie seront comparées au cours des différents mois secs qui sont des mois potentiels d’harmattan.

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2.2.3. Coefficient de corrélation

  La liaison ou dépendance linéaire entre les fluctuations de la pluviométrie et les durées de l’harmattan est estimée par le coefficient de corrélation linéaire définit par la formule qui suit:

où Rx,y = coefficient de corrélation et  produit des écarts-types de x,y. Si R est proche de 0, pas de relation entre durées d’harmattan et indices pluviométriques ; si R est proche de -1, forte relation négative et si R est proche de 1, forte relation positive. La significativité du coefficient de correlation est testée à l’aide du test de Student pour un risque d’erreur  = 0,05 et n?2 degré de liberté. La valeur de Student t calculé selon la formule suivante est comparée à celle de t lu (Dagnelie, 1984) dans la table de Student (n= taille de l’échantillon).

3. Résultats et discussion

3.1. Périodes d’apparition de l’harmattan

3.1.1. Indice d’aridité de De Martonne et saisons sèches et humides

 Les indices d’aridité mensuels mettent en évidence quatre saisons à savoir, une grande et petite saison sèche et une grande et petite saison humide (Figure 2). La grande saison sèche dure trois mois (décembre, janvier et février) à Adiaké et à  Abidjan, (Janvier, février et mars) à Sassandra et Tabou puis quatre mois (décembre, janvier, février et mars) à San-Pedro.
La petite saison sèche s’observe au mois d’août à Adiaké et à Abidjan puis en septembre à Sassandra et San-Pedro à l’exception de Tabou. Quant à la grande saison des pluies, elle s’étend de mars à juillet (cinq mois) à Adiaké, Abidjan et à Sassandra et dure quatre mois (avril à juillet) à San-Pedro et Tabou. Enfin, la petite saison de pluies a une durée de deux mois à San-Pedro, trois à Adiaké, Abidjan et Sassandra, et quatre mois à Tabou.

Figure 2 : Indice d’aridité de De Martonne et détermination de saison sur le littoral Ivoirien

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 Le tableau 1 présente les probabilités d’apparition de la pluie et de la brume sèche au cours des différents mois de l’année. Il s’avère que décembre, janvier, février et mars sont les mois propices de brume sèche et partant pour l’apparition de l’harmattan. 
 En décembre, les probabilités d’apparition de la brume sèche et de la pluviométrie sont respectivement de 61% contre 20% (Adiaké), 85% contre 22,5% (Abidjan), 47% contre 19,8% (Sassandra), 76% contre 22,5% (San-Pedro) et enfin 53% contre 36,2% (Tabou). En janvier, la probabilité d’apparition de la brume sèche comparée à celle de la pluie est de 61%contre 8,8% (Adiaké), 71% contre 6,2% (Abidjan), 53% contre 7,6% (Sassandra), 85% contre 8% (San-Pedro) et 59% contre 16% (Tabou).En février, la probabilité d’apparition de la brume sèche est de 41% (Adiaké et Abidjan), 22% (Sassandra), 53% (San-Pedro) et 35% (Tabou) contre celle de la pluviométrie qui est de 20,9% (Adiaké), 15,2% (Abidjan), 9,6%(Sassandra et San-Pedro) et 9,6% (Tabou).

Tableau 1 : Probabilités d’apparition de la brume sèche (%) et des pluies (%) sur le Littoral ivoirien


En mars, seules les stations de San-Pedro et Tabou sont concernées avec une probabilité d’apparition de la brume sèche supérieure à celle de la pluie avec respectivement 33% (San-Pedro) et 16% (Tabou) contre 22% (San-Pedro et Tabou). Ces résultats montrent que les périodes d’apparition de l’harmattan sont les mois de décembre, janvier et février. Le mois de mars s’y ajoute pour San-Pedro et Tabou. La grande saison sèche (décembre, janvier, février et mars) constitue la période d’apparition de l’harmattan. Dibi Kangah et al. (2015) ont abouti à la même conclusion. En outre, Eldin (1971) et Berron (1978) ont également déterminé la période d’apparition de l’harmattan sur le littoral ivoirien entre décembre, janvier et février.

3.2. Evolution des anomalies pluviométriques et de la durée de l’harmattan

La figure 3 met en évidence une alternance de périodes déficitaires et excédentaires des hauteurs de pluie ainsi que du nombre de jours d’harmattan dans chacune des cinq stations. Adiaké et Abidjan (Littoral Sud-est) présentent presque les mêmes configurations. Les périodes humides, avec des indices positifs, s’étendent sur 13 années (0,58 à 2,1 de 1971 à1983) à Adiaké et 16 ans (0 à 3,16 de 1971 à 1986) à Abidjan ; mais avec l’année 1971 qui est déficitaire (-0,42). Les périodes sèches (indices négatifs) observées dans ces deux stations durent de1984 à 2006 à Adiaké (-3,5 à-0,2)et de 1987 à 2006à Abidjan (-1,8 à -0,62). Toutefois, au cours de cette période, des années excédentaires comme 1996, 1997 et 2003 s’y intercalent.

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Quant à l’évolution des durées de l’harmattan estimée avec des indices calculés à partir du nombre de jours de brume sèche, elle se manifeste par des fluctuations aussi bien déficitaires qu’excédentaires. Ainsi à Adiaké, l’indice de la durée de l’harmattan décroît de 0 à -1,8. Par contre, de 1982 à 1990, les variabilités du nombre de jours d’harmattan sont croissantes de 0,3à +1,8. Cette durée de l’harmattan est suivie d’une seconde phase de déficit de 1992 à 1997 avec des indices négatifs de -1,1 à -0,15. Enfin, la période 1998-2006 se caractérise par une augmentation des durées de l’harmattan (0,31 à 1,25), à l’exception de la baisse observée en 2006 (-1,7).

Figure 3 : Evolution de la pluie et de la durée de d’harmattan sur le littoral

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 En outre, à Abidjan, les durées de l’harmattan enregistrent quatre phases : de 1971 à 1980, les nombres de jours d’harmattan est globalement décroissant avec des indices négatifs compris entre -1,7 et -0,08, sauf en 1971 (0,72), 1975 (0,52) et 1976 (0,12).De 1981 à 1994, cette durée augmente avec des indices oscillant entre 0,12 et 0,92. Cette période est suivie d’une baisse du nombre de jours d’harmattan de 1995 à 2006 avec des indices de -1,28 à -0,28. Cependant, les années 2004 et 2005 enregistrent une légère hausse de la durée de l’harmattan avant la décroissance de 2006 (-2,18).
 Les stations de Sassandra, San-Pedro et Tabou (Littoral Sud-ouest) enregistrent une alternance de périodes humides, normales et sèches. A Sassandra, la période excédentaire va de 1971 à 1980 et se caractérise par des indices positifs (+0,6à +1,9). La période déficitaire s’étend de1981 à 2000 avec deux années (1993 et 1994) anormalement humides. Cependant,2001-2006 est une brève période humide avec des indices positifs (0,24 à 1,82) qui marquent une reprise de la pluviométrie. L’évolution de l’harmattan connait également quatre phases. La période 1971-1981 se caractérise par une baisse des durées de l’harmattan avec des indices négatifs (-2,18 à-0,1). Par contre, de 1982 à 1991, le nombre de jour d’harmattan est plutôt à la hausse avec des indices majoritairement positifs et oscillant entre +0,9 et +1,26. Cette phase est suivie d’une réduction des durées de l’harmattan de 1992 à 2001 avec des indices estimés de -0,45 à -0,11. Enfin, la période 2002-2006 marque une augmentation (+0,5 à +1,9) du nombre de jour d’harmattan ; mais avec une baisse en 2006 (-2,2).
 La station de San-Pedro connaît de 1976 à 1984 une alternance d’années sèches [1976 (-1,7), 1977 (-1,3),1978 (-0,3), 1983 (-1,2)] et humides [1980 (0,1), 1981 (0,6), 1982 (1,36), 1984 (0,3)] avec des indices tantôt négatifs et tantôt positifs. Cette phase d’alternance est suivie d’un déficit pluviométrique de 1985 à 1998 avec des indices compris entre -2,44 et -0,25. Par contre, de 1999 à 2006, la période est plutôt humide avec des indices de +0,3 à+2,18. Par ailleurs, San-Pedro n’enregistre pas de tendance particulière quant à la durée de l’harmattan au cours de ces périodes sèches et humides. Le nombre de jours d’harmattan oscille d’une année à l’autre. Les plus longues durées de l’harmattan se situent en 1983 (+2,83), 1998 (+1,6) et 2004 (1,17), et les plus courtes durées sont enregistrées en 1999 (-4,7) et 2003 (-4,8).
 A Tabou, la tendance des pluies se caractérise par une période sèche (1971-1976) avec des indices de -1,8 à -0,25. Cependant, 1971 (+1) et 1972 (+0,6)sont humides avec des indices positifs. La véritable phase excédentaire s’étend de 1977 à 1992 avec des indices positifs (+0,4 à +1, 8). Mais quatre année s(1981 (-0,25), 1982 (-0,3), 1985 (-0, 3), 1986(-0,25))sèches avec des indices négatifs s’y intercalent. La seconde phase déficitaire s’observe de 1993-2002 avec des indices négatifs (-2,4 à -0,13). Enfin, une brève tendance à la hausse des pluies s’installe de 2003à 2006 (+0,5 à+0,84).
 Les fluctuations des durées de l’harmattan à Tabou révèlent de 1971 à 1981,une baisse du nombre de jours d’harmattan avec des indices négatifs compris entre -1,5 et -0,19. Par contre, de 1982 à 1992, le nombre de jours d’harmattan augmente avec des indices qui varient entre 0,07 et 2,35. Cette période est suivie d’une baisse du nombre de jours d’harmattan de 1993 à 1998 avec des indices de -0,46 à -0,05. Enfin, la période 2002-2005 note une légère hausse de la durée de l’harmattan avant de diminuer en 2006 (-1,5).
 Caractérisée également par une très forte fluctuation interannuelle, la pluviométrie d’Adiaké, Abidjan, Sassandra, San-Pedro et Tabou confirme une tendance globale à la baisse surtout en1980 et 1999/2000 avant de connaitre une reprise des pluies à Sassandra, San-Pedro et Tabou. Ces conclusions de variabilité pluviométrique dans la région du Littoral ivoirien 

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sont en accord avec les travaux antérieurs sur la variabilité des pluies en Afrique de l’Ouest et en Côte d’Ivoire(Ardoin, 2004 ;Bigot et al., 2005 ; Brou, 2005 ; Dibi Kangah,2010 ; Dibi Kangah et al., 2015).Ces baisses pluviométriques s’expliquent par plusieurs facteurs de la circulation atmosphérique comme le balancement des anticyclones subtropicaux (Açores et Sainte-Hélène), la modification des caractères du Jet d’Est Tropical (JET) et du Jet d’Est Africain (JEA). L’accélération ou le ralentissement de ces vents rapides d’altitude ont des effets sur l’abondance ou la faiblesse des pluies (Courel. et al., 1984 ;Janicot, 1991 ; Servatet al., 1997). Par ailleurs, la variabilité pluviométrique est également liée aux modifications de la composition de l’atmosphère avec une augmentation de la concentration des gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), le chlorofluorocarbure (CFC) et les aérosols (les déserts sont les principaux pourvoyeurs) depuis l’ère industrielle (IPCC, 2014). Cela provoque une dés-ozonisation de plus en plus accrue de l’atmosphère qui se manifeste en Afrique de l’Ouest par une hausse des températures et une baisse significative des pluies (Servat et al., 1997 ; Dibi Kangah, 2010).
 Par ailleurs, l’évolution de la durée de l’harmattan (nombre de jours affectés par la brume sèche) durant la saison sèche montre une alternance de baisse et de hausse de la durée de l’harmattan. Dans la zone étudiée, le nombre de jours d’harmattan a augmenté partout et surtout au début des années 1980.A cet effet, Nouaceur (1999) et Ozer(2001) ont obtenus des résultats similaires pour leurs analyses sur les fluctuations pluviométriques et le nombre de jours affectés par la brume sèche dans huit stations sahéliennes du Sénégal, Mali, Niger et de la Mauritanie, de 1951 à 1994. Ces auteurs ont noté que les jours de litho-météores qui ont été relativement faibles dans les années 1950 et début 1960, ont subitement augmenté à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Par ailleurs, une stabilité (Nouakchott, Agadez, Zinder, Kayes) ou augmentation bien marquée (Tombouctou, Gao, Boutilimit, Niamey)ont été observées au début des années 1980.En outre, Courel et Chamard (1987) ont montré que dès le début des années 1980, le nombre de jours affectés par des visibilités réduites par des particules terrigènes dans les stations malienne ont connu un net accroissement.
 L’analyse des pluies et durées de l’harmattan sur le Littoral ivoirien fait ressortir des phases d’évolution ou tendance des durées de l’harmattan calée sur les périodes excédentaires et déficitaires de la pluviométrie. De ce fait, à quel degré les fluctuations du nombre de jour de l’harmattan peuvent-elles être expliquées par la variabilité des pluies ?

3.3. Corrélation entre les anomalies pluviométriques et la durée de l’harmattan

Le tableau 2 récapitule les résultats de la corrélation (R) entre la variabilité des pluies et la durée de l’harmattan. Il révèle des coefficients négatifs allant de faibles pour San-Pedro (-0,05), Abidjan (-0,10), à moyennement forts pour Sassandra (-0,33) et Adiaké (-0,53). Ceci signifie que plus la pluviosité est excédentaire plus la durée de jour de l’harmattan se réduit. Seule Tabou (+0,14) a un coefficient faiblement positif ; ceci indique que le caractère excédentaire des pluies ne réduit pas la durée de l’harmattan dans cette région. Les coefficients de détermination (R²) dévoilent des variations pluviométriques de 28% (Adiaké), 1,1% (Abidjan), 11% (Sassandra), 0,28% (San-Pedro) et 4,5% (Tabou) à l’origine des valeurs annuelles croissantes/décroissantes de la durée de l’harmattan et inversement. Ces résultats montrent donc que la variabilité des pluies influence faiblement à moyennement la manifestation récente de l’harmattan sur le Littoral ivoirien.

Tableau 2 : Coefficients de corrélation entre les indices de pluies et de brume sèche

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CONCLUSION

  Il convient de retenir que les périodes d’apparition de l’harmattan sur le littoral de la Côte d’Ivoire s’observent au cours des mois secs que sont décembre, janvier et février. En outre, les probabilités mensuelles d’apparition de la brume sèche sont supérieures à celles de la pluie au cours de ces différents mois à Adiaké, Abidjan, Sassandra, San-Pedro et Tabou. De même, la méthodologie utilisée a mis en évidence la variabilité pluviométrique et la fluctuation des durées de l’harmattan ainsi que leurs interrelations de 1971 à 2006. Il apparait que les dépendances ne sont pas significatives à Abidjan, Sassandra, San-Pedro et Tabou. Par contre à Adiaké, la relation est moyennement significative.

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Notes


Table d’illustrations


Auteur(s)


1Pauline A. DIBI KANGAH, 2Bathoh Zhodé Sylvain Gloayowi, 3Jean-Dominique H. Anoh
1Maître-assistante (line237@yahoo.com)
2Doctorant (glclimatologue@gmail.com)Institut de Géographie Tropicale, Université Felix Houphouët Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire
3Docteur(janoh@lesley.edu) Peronne-Sizer Institute, University of Massachusetts, Boston MA (USA)

Droits d’auteur


Université Felix Houphouët Boigny de Cocody, Abidjan, Côte d’Ivoire

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