La pêche et le besoin de conservation de la mangrove de l’île Boulay en lagune Ebrié (Côte d’Ivoire – Afrique de l’ouest) 1AKA

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Koffi Sosthène, 2SANKARE Yacouba, 3N’CHO Amalatchy Jacqueline

Le renforcement des capacités de gestion des ressources halieutiques en Côte d’Ivoire est une thématique primordiale dans la résolution du problème de sécurité alimentaire en protéine animale. Les ressources halieutiques, éléments de prédation, de pression et la mangrove perçue comme une niche écologique et un espace de frai de celles-ci connaissent des agressions tous azimuts à l’île Boulay. Comment peut-on préserver cette entité végétale de l’île et redynamiser la pêche sur le long terme ?
Cette tâche a pour objectifs de:
– montrer l’importance de la végétation mangrove,
– établir une relation entre la pêche et la mangrove dans le développement des ressources halieutiques,
– cartographier l’occupation spatiale de la mangrove et les espaces de pêche intensive,
– valoriser la mangrove autour de l’île Boulay pour une pêche durable par des suggestions concrètes.
Cette analyse de la relation espace aquatique et mangrove est appréhendée par la revue bibliographique, appuyée surtout d’une enquête de terrain.
Les populations de l’île Boulay tirent de la pêche l’essentiel de leur existence. C’est l’activité dominante ayant pour principal catalyseur la végétation mangrove, qui s’amenuise malheureusement au vu des nombreuses agressions anthropiques. Cet aspect se ressent dans les différentes captures de pêche venant de la faune aquatique de proximité pour la plupart. La conservation de la mangrove et le développement des ressources halieutiques peuvent constituer un tandem utile pour une pêche durable. La volonté politique demeure toutefois la principale clef de cette entreprise.
– Show the importance of the mangrove vegetation,
– Establish a relationship between fishing and mangrove in the development of fishery resources,
– Map the spatial occupation of mangrove and intensive fishing areas,
– Valuing mangroves around the island Boulay for sustainable fishing through concrete suggestions.
This analysis of the relationship aquatic area and mangrove is apprehended by the literature review, supported mainly by a field survey.
The populations of the island Boulay derive from the main fishing for their existence. It is the dominant activity the main catalyst mangrove vegetation, which unfortunately dwindling given the many human aggression. This aspect is reflected in the various fishing catch from the aquatic fauna proximity to most. The mangrove conservation and development of fisheries resources can be a useful tandem for sustainable fishing. Political will, however, remains the main key to this business.

Entrées d’index


Mots-clés : Côte d’Ivoire – Ile Boulay- conservation-mangrove-ressources halieutiques

Strengthening fisheries management capacity in Ivory Coast is a key theme in solving the problem of food security in animal protein. Fishery resources, predation elements, pressure and mangrove seen as an ecological niche and a spawning area of these experiencing all-out assault on the island Boulay. How can we preserve this plant entity of the island and revitalize the fisheries over the long term? This task has the following objectives:

This analysis of the relationship aquatic area and mangrove is apprehended by the literature review, supported mainly by a field survey.
The populations of the island Boulay derive from the main fishing for their existence. It is the dominant activity the main catalyst mangrove vegetation, which unfortunately dwindling given the many human aggression. This aspect is reflected in the various fishing catch from the aquatic fauna proximity to most. The mangrove conservation and development of fisheries resources can be a useful tandem for sustainable fishing. Political will, however, remains the main key to this business.

Entrées d’index


Keywords: Côte d’Ivoire – Ile Boulay- conservation-mangrove-fishing resources

INTRODUCTION


40 L’île Boulay est située à l’ouest de l’espace portuaire ivoirien. Dans le découpage administratif, elle appartient au district d’Abidjan créé par la loi n°2001-478 du 9 août. Au vu de l’extension du port d’Abidjan, une partie de cette entité terrestre bénéficiera d’un aménagement. La seconde moitié, comprise entre 5°00 et 4°10 longitude ouest, 5°10 et 5°20 latitude nord, est l’espace d’étude qui allie l’activité de pêche au besoin de conservation de la mangrove. L’importance de cette île réside dans le fait qu’elle est entièrement bordée par la lagune Ebrié, la plus étendue des lagunes ivoiriennes avec 150 km de long pour une superficie de 566 km² (Dufour et al., 1985). Elle dispose d’une forêt de palétuviers sur ses berges car les autres îles de la région ont été transformées en quartier par remblaiement. En effet, le complexe lagunaire Ebrié a été divisé en 6 secteurs géographiques en fonction des paramètres physiques et chimiques et particulièrement la salinité (Briet et al., 1975). Le secteur lagunaire 3 dont appartient l’île est caractérisé directement par l’influence maritime comparativement aux autres lagunes dont certaines dépendent beaucoup des eaux continentales comme les secteurs 1, 2, 4, 5 et 6.
La consommation en ressources halieutiques s’annonce importante en Côte d’Ivoire et se situe à 13,92 kg/hab/an avec une production de 50 294 tonnes. La part artisanale maritime et lagunaire se chiffre à 29 754 tonnes environ (DAP, 2012). La demande reste également forte et soutenue. La politique ivoirienne en ressources halieutiques est à revoir au vu des nombreuses importations annuelles, aujourd’hui de l’ordre de 260.880 tonnes/an (DAP, 2012). La Côte d’Ivoire a rapidement pris conscience de ses insuffisances. Aussi, des programmes de renforcement de capacités d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources halieutiques sous toutes ses formes sont-ils en vigueur. Toutefois, la pêche est un objet géographique complexe dont la nature et la dynamique dépendent de l’interaction de plusieurs facteurs d’ordre naturel et humain (Corlay, 2012). Il faut donc prendre des précautions par rapport aux aléas naturels et aux différentes formes d’agissements de l’homme. Il convient de mettre en rapport la pêche et l’écosystème mangrove pour le bien-être de l’homme. Il s’agit d’une forme d’aménagement d’un territoire ou d’un espace donné, qui correspond aux actions menées par les acteurs publics ou privés pour agir sur le paysage et le façonner. Le maintien de l’équilibre est évoqué lorsqu’il est question d’un écosystème. La mangrove est un écosystème de marais incluant un groupement de végétaux ligneux spécifiques, ne se développant que dans des zones de balancement des marées appelées estran, des côtes basses des régions tropicales. Elle couvre une superficie africaine de plus de 3,2 millions d’hectares, soit 19% de la superficie totale au niveau mondial (Locht, 2012).
L’écosystème mangrove de 41 l’île Boulay connaît une dégradation du fait des nombreuses injonctions de l’homme. Cette végétation présente certainement une importance capitale, surtout qu’elle fait partie des espèces protégées du monde et se localise généralement à l’interface terre-eau (mer, eau saumâtre, estuaires des fleuves). Des études sont entreprises sur cette plante pour sa réhabilitation entre les lagunes de Fresco et de Grand-Lahou (Egnankou, 2009). Pour lui, les mangroves sont très mal connues en Côte d’Ivoire et ne reçoivent pas la protection qu’elles méritent. Elles se dégradent donc irréversiblement sous la pression conjuguée et constante d’une exploitation anarchique de bois et des ressources halieutiques. Des projets de gestion et de conservation de la mangrove ont pris forme au Sénégal depuis des décennies compte tenue de son amenuisement progressif (Diedhiou, 2012). La menace de disparition des mangroves suscite des inquiétudes tant de la part des communautés locales que du monde scientifique. Par contre, la problématique de la gestion durable des ressources halieutiques et de la préservation de l’écosystème mangrove de l’île Boulay a jusqu’alors, fait l’objet de peu de préoccupation en dépit de la forte pression dont elle est victime. Ainsi, comment les activités de pêche de l’île Boulay peuvent-elles faire l’objet d’une exploitation permanente tout en améliorant les conditions d’existence de la ressource ? Autrement dit, comment allier pêche et préservation de l’écosystème mangrove de l’île Boulay ? De plus, étudier l’incidence des activités et pratiques halieutiques sur la mangrove est un souci essentiel.
De manière spécifique, il est question de montrer l’importance de la végétation mangrove ; d’établir une relation entre la pêche et la mangrove dans le développement des ressources halieutiques ; de cartographier l’occupation spatiale des mangroves et les espaces de pêche intensive. Valoriser la mangrove autour de l’île Boulay pour une pêche durable par des suggestions concrètes est également un objectif révélé.
La méthode utilisée fait appel à la collecte des données par la recherche documentaire et l’enquête de terrain. Les documents relatifs à la pêche et à la gestion de l’écosystème mangrove pour une pêche durable ont été explorés. Cependant, la structuration de l’espace géographique en présence à travers tout le système halieutique est largement abordée par Corlay (2012). Le second volet est celui du schéma traditionnel des enquêtes en sciences sociales. Dans ce cadre précis, au vu de la restriction de l’espace d’étude, une enquête exhaustive est menée auprès des pêcheurs et des gestionnaires de l’eau (administrateurs et chefs coutumiers) de l’ensemble des villages de l’île qui bordent la lagune. Cela est en relation avec les activités socio-économiques dont la pêche et le mode de gestion de la mangrove. L’on a également eu des interviews avec les responsables des espaces de loisirs et

42 de l’hôtellerie, ainsi que les agriculteurs. Toute cette tâche a été coordonnée lors d’une pré-enquête. Ce travail a connu une durée de 2 semaines lors d’un projet de conservation de la mangrove initié par le Ministère de l’Environnement, de la Salubrité Urbaine et Développement Durable (15mai 2015 au 29 mai 2015 à justifier). Les données recueillies des différentes enquêtes ont été traitées manuellement et numériquement. Cette activité qui prend appui en lagune Ebrié comme l’indique la figure 1, aide à la localisation de l’espace d’étude.

Ainsi les informations issues des enquêtes de terrain vont concourir à son aménagement pour une meilleure perception de leurs évolutions spatiales. Les résultats obtenus permettent de structurer cette tâche en trois grandes parties de façon à faire ressortir d’abord l’utilité de la mangrove, en tant que végétation à protéger et une pêche compromise par leur destruction ensuite. Emettre des suggestions de valorisation de cette végétation pour une pêche durable est enfin un aspect exprimé.
I-LA MANGROVE, UNE VÉGÉTATION À PROTÉGER.

L’île Boulay autrefois couverte d’une végétation luxuriante dont l’écosystème mangrove, a subi des modifications profondes dues aux facteurs anthropiques, surtout après l’ouverture du canal de Vridi en 1951. Aujourd’hui, elle abrite des villages de plusieurs décennies d’existence de populations allogènes et allochtones qui développent plusieurs activités. Celles-ci participent à la destruction de la mangrove.
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1. L’occupation spatiale et la dégradation de la mangrove de l’île Boulay

Les résultats des travaux antérieurs indiquent une différence entre le nombre d’espèces de mangroves des systèmes lagunaires. La lagune Ebrié en compte 27 alors que celle de Fresco en compte 9 (Sankaré et al., 1998). L’intrusion d’eau de mer dans la lagune s’annone favorable à son développement. L’exemple de la réouverture de l’embouchure du Comoé en 1954 et en 1987 a fait de la mangrove la seule formation végétale des berges lagunaires grâce aux apports d’eau de mer. Les modifications hydrologiques (salinité), sédimentaires et écologiques sont importantes (Bard et al., 1991). Le nombre d’espèces enregistrées à l’île Boulay demeure très faible, à peine 3. La petite taille de l’île (2 000 ha environ) et l’influence directe marine accentuée serait à l’origine. A l’île Boulay, les observations directes montrent des différentes zones de mangroves. Celles-ci évoluent toujours sur les berges dans les eaux de faible profondeur et sur le continent jouxtant celles-ci. Le peuplement de mangroves est dominé par les palétuviers (Rhizophora racemosa) ou mangroves rouges à cause de la couleur du bois et s’est installé sur les alluvions récentes. Ce groupe de mangroves est mono-spécifique et imprime une particularité au paysage de l’île. La seconde espèce est une fougère géante aquatique (Acrostechum aureum), qui comble surtout les espaces libres laissés après la coupe du Rhizophora racemosa. L’on note en arrière plan des mangroves de bambou de Chine (Bambura vulgaris) plantées et entretenues par les hommes. Elles présentent une évolution timide pour différents usages. La partie nord de l’île subit une dégradation de cette végétation tandis que l’on en trouve sur toute la berge sud avec une largeur variable de 15 à 20m pour une longueur de plus de 5 kilomètres. En réalité, cette végétation de mangroves recouvrait toute l’île. Le besoin de l’homme de s’en servir a provoqué sa dégradation de façon continue. De ce constat, la mangrove est agressée comme l’indique la figure 2.
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2. La mangrove, une végétation à valeur économique et utile

La mangrove est un paysage forestier important à tous égards. Malheureusement, toutes les mangroves d’Abidjan ont été pratiquement détruites au profit de l’extension de la ville. Comme toutes les plantes vertes de façon générale, les mangroves sont primordiales dans la régulation de la photosynthèse (absorbe le CO2 et enrichissent l’O2 durant le jour). De par sa localisation, la mangrove de l’île constitue un réceptacle de piégeage de certains polluants des industries du port, des sédiments fins en provenance du canal de Vridi. Elle peut avoir d’autres fonctions, dont son utilité à la faune aquatique. Ainsi, Diedhiou (2012) affirme que leur disparition a un impact écologique, environnemental et socio-économique considérable sur la biodiversité et sur la population insulaire qui en dépendent. A l’île Boulay, cette richesse se résume aux microflores, Microphytobenthos, Zooplanctons meroplanctons, aux macrofaunes benthiques, aux microfaunes, à l’ichtyofaune, aux oiseaux et à des mammifères aquatiques (Durand, 1994).
Les crabes, les crevettes, les poissons et les mollusques se rencontrent dans la mangrove de l’île Boulay. Ces animaux s’y reproduisent, y trouvent leur nourriture et surtout un habitat particulier constitué de racines de troncs d’arbres, de tiges, de vase et d’eau lagunaire. C’est donc un environnement propice au développement des espèces précitées. La plupart des espèces communes aux mangroves et aux autres milieux effectuent des migrations trophiques dans cet espace aquatique particulier. Les mangroves représentent donc un écosystème où les ressources 45 alimentaires sont diversifiées et abondantes pour les poissons. C’est une zone de nurserie. Cette situation est pareille à celle du Delta de Saloum au Sénégal. où plus de 115 espèces différentes viennent se reproduire et croître dans la mangrove (Locht, 2012). La pêche et la collecte de mollusques fournissent des revenus importants aux populations. Les pêcheurs de l’île Boulay tirent profit de l’activité en fonction des saisons de pêche qui dépendent du degré de salinité de l’eau (Durand et Chantraine, 1982). La plus grande mangrove africaine au Nigéria dans le Delta du Niger par exemple produit plus de 60% des poissons capturés entre le Golfe de Guinée et l’Angola (Carréré, 2009). Celle-ci est bien gérée par plusieurs générations de communautés qui y ont vécues de manière durable. Bien que connaissant l’utilité de la mangrove, les pêcheurs participent à sa destruction pour des activités diverses. La pose de long filet à crabes et à crevettes dans cet espace aquatique est nuisible à cette faune. Cependant, Ils exploitent ses bienfaits et savent les périodes les mieux indiquées pour une exploitation accrues. Aussi, la proximité de la mer est-elle un facteur essentiel quant à l’exploitation des espèces trophiques. C’est la zone des plus importantes captures, tantôt source de légers conflits dans la pose des engins. La mangrove est également qualifiée de « super marché du pauvre ». Un hectare de palétuviers aux Philippines génère chaque année environ 400 kg de poissons, crevettes, crabes et mollusques (Dupont, 2013). Cette végétation est importante pour les populations de l’île et des environs. Sa véritable valeur économique réside dans l’approvisionnement de la lagune en ressources halieutiques. De cet espace, se propagent les animaux aquatiques considérés comme le nœud de la pêche.
II. UNE PÊCHE DURABLE COMPROMISE PAR LA DESTRUCTION DES MANGROVES

La pêche est la principale activité des populations de l’île. Plusieurs techniques de pêche sont déployées. La pose des engins de capture concorde avec l’occupation spatiale des acteurs en activité.
1-Les aires de pêche à l’île Boulay

Les pêcheries se regroupent en plusieurs catégories dont les plus importantes sont celles des poissons (filets maillants, éperviers, sennes), celles des crustacés (balances, filets fixes à pieux, nasses) et celles des mollusques (arches et escargot de lagune). Au niveau des poissons, les aires de pêche englobent toute la colonne d’eau lagunaire de 0 à 5 m de profondeur. En conséquence, les éperviers s’emploient dans les eaux dont la profondeur 46 varie entre 2 et 4 m de profondeur, tandis que les sennes sont utilisées dans tous les espaces lagunaires. Quant aux filets maillants, ils sont posés dans tous les espaces de la lagune et dans les mangroves. Au niveau des pêcheries de crustacés, les filets fixes à pieux déployés pour la capture des crevettes sont implantés dans les chenaux centraux. Ils capturent également des poissons et des crabes nageurs. Ce sont des engins plurispécifiques qui piègent tous les animaux aquatiques qui migrent. Les balances sont adoptées spécifiquement pour la pêche des crabes nageurs et sont utilisées dans les eaux dont la profondeur varie entre 1 et 3 m. Les crevettes roses, les crevettes grises, les crabes nageurs et certains poissons comme les “poissons chats? sont capturés à la nasse appâtée dans les mangroves. Enfin, les pêcheries de mollusques qui consistent à leur collecte ou à leur ramassage, se déroulent dans les eaux de moins de 1,5 m de profondeur. Les espèces de ressources capturées en fonction des espaces de pêche sont exprimées par la figure 3.

2. Une diversité d’espèces capturées

Selon les études antérieures, 153 espèces appartenant à 71 familles ont été enregistrées dans toute la lagune Ebrié. Les Caragidae composés de 11 espèces sont la famille la plus représentée (Durand, 1994). La diversité de ses ressources provient de son contact permanent avec la mer et des apports d’eau douce de 3 fleuves (Comoé, Agneby, Mé) auxquels s’ajoutent ceux des petites rivières de moindre importance(Boubo) sur la rive occidentale. Elle appartient à un système lagunaire. Le transit est donc assuré d’une lagune à une autre, facilité par les différents canaux de liaison. Ainsi, l’on y retrouve des espèces d’origines 47 marines, continentales et estuariennes. La typologie des captures est marquée par la grande présence de l’ethmalose (Ethmalosa fimbriata), des sardinelles (Sardinella sp), des machoirons (Chrysichthys sp), les carpes (Pomadasys jubelini). Les acteurs confirment aussi la présence de certaines espèces marines à différentes époques de l’année que sont les mérous (Épinephelus sp) et la sole (Cynoglossus canariensis). Quant à Aka, (2006), l’éthonalose (Ethmalosa fimbriala) est de loin le poisson le plus abondant avec 69,59% des captures suivi des carpes (Pomadasys jubelini) 13,16% de taux, les machoîrons (Chrysichthys) 6,52%, les mulets (mugil sp) 6,24% ; viennent enfin les capitaines (Galéoide décadactylus) 2,03% et les brochets (Sphyraena piscatorum) 1,18%. Toutefois, d’autres espèces vivent en milieu lagunaire dont le mérou (Epinephelus sp), la sole (Cynoglossus canariensis) et la raie (Rhinobatos sp) avec un très faible taux (1,3%). Quelques unes sont indiquées par la photo 1.

En dehors des poissons, les principales espèces qui composent la faune amphidromique et qui font l’objet de captures sont les crabes nageurs (Callinectes amnicola) perçus sur la photo 2, les crabes marcheurs (Cardiosioma armatum), les crevettes roses (P.notialis) et les écrevisses (Macrobrachium vollenhovenii ). Les crevettes roses se retrouvent en lagune dans la zone de l’île Boulay au stade juvénile pour la croissance et retournent en mer pour la maturité et la reproductivité. Les huîtres se développent dans la partie sud de l’île et font aussi l’objet de captures.
3. Une pêche durable compromise par les facteurs anthropiques

La mangrove de l’île Boulay subit une exploitation abusive. Cet état de fait lui permet de demeurer par endroits au stade d’arbustes. Il s’agit d’un prélèvement impropre de cette ressource naturelle. Cette pratique est comparable à celle de Tanoé-Ehy 48 (Côte d’Ivoire) évoquée par Zadou et al., (2011). Pour eux, cette végétation présente une situation plus alarmante dans le domaine rural où certaines forêts de propriété commune restent assujetties à un libre accès pour une exploitation anarchique par une population croissante. Elles sont donc vouées à une disparition totale. La véritable menace de la mangrove de l’île est le libre accès. Sur les rives nord, centre et orientale de cette entité insulaire, les mangroves de Rhizophora recemosa évaluées à 3 hectares environ ont été détruites par des individus pour diverses raisons comme l’attestent les photos 3 et 4.

Elles sont employées dans la construction des abris des pêcheurs, dans la fabrique des accessoires de pêche. Le bois de la mangrove est utilisé pour la confection des supports de filets fixes à pieux, avec une longue durée de vie dans les milieux aquatiques. Elles servent également de bois de chauffe pour le fumage des poissons et des objets ménagers. Ce bois est prisé parce qu’il brûle très lentement sans dégager de fumée. Cette végétation de mangrove est pareillement détruite par les pêcheurs pour avoir une belle vue sur la lagune et obtenir des espaces d’accostage des pirogues. Les essences de mangrove se commercialisent en dehors de l’île à d’autres femmes qui mènent le métier de transformation des poissons, des crustacés, subissant un transit. Il existe des spécialistes du domaine qui en font un travail quotidien et lucratif. Elle est détruite pour différents usages, mais ses véritables agresseurs sont les populations de l’île elles-mêmes au vu des activités pratiquées (fumage du poisson, abri…). Aujourd’hui, aucun contrôle n’est fait et les chefs des différents villages, malgré leur bonne volonté rencontrent des obstacles parce qu’ils n’ont pas un mandat des autorités politiques pour poser des actes positifs et concrets. A ces facteurs, s’ajoute celui de la vente des berges aux opérateurs économiques pour étendre les espaces de loisirs reconnus favorables au développement des mangroves. Les hommes retardent ou anéantissent l’évolution 49 des mangroves. La forte reproduction et le développement des ressources aquatiques sont mis en périls par la destruction de leur habitat favorable. L’absence de cette végétation est synonyme d’une réduction des captures. Celles-ci connaissent une baisse considérable ces dernières années. Plusieurs acteurs sont contraints de s’orienter vers la mer pour pratiquer l’activité de pêche de façon conséquente aux fins de compenser le manque à gagner en lagune.
III – SUGGESTION A UNE VALORISATION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES ET DE LA MANGROVE

Certains aspects de la mangrove n’ont pas été abordés. Cependant des suggestions sont faites pour sa valorisation qui rime avec la conservation durable de la faune aquatique, lagunaire et de ses environs.
1. La durabilité de la faune aquatique des plans d’eau de l’île Boulay
Les méthodes et les engins de pêche ont besoin d’être révisés. Pour ce faire, il faudrait retirer tous les piquets dans le chenal central de la rive nord de l’île Boulay en vue de favoriser la migration, le développement des animaux aquatiques. Faciliter la navigation dans cet espace lagunaire Ebrié est une préoccupation majeure. Les filets de petites mailles sont également employés pour capturer toutes les dimensions de ressources halieutiques. Plusieurs espèces n’ayant as atteints la taille de maturité sexuelle méritent d’être préservées.
Les activités d’extraction de sable du fond lagunaire des mangroves dans l’environnement de l’île doivent être interdites, car c’est l’habitat des mollusques, des crevettes roses et le lieu de reproduction des autres ressources halieutiques. Aussi, conviendrait-il de sensibiliser et d’interdire la pêche par empoisonnement dans la mangrove, les dégâts étant énormes.
Réinstaller les arches dans l’espace sud de l’île serait envisageable en impliquant les populations riveraines. Les acteurs, à tous les niveaux, évoquent le repos biologique de 5 mois qui correspond à la période de ponte et de développement des alevins. Ils ont d’ailleurs cette double vision faite d’une amélioration de la faune aquatique lagunaire d’une part et d’une valorisation de la mangrove d’autre part.
2. Valorisation de la mangrove pour une pêche durable

La valorisation de la mangrove consiste à réunir tous les moyens nécessaires à son développement aux fins de lui permettre de jouer au mieux ses différents rôles (niche écologique, zone de frai, de nourriture..). Un éventail de possibilités existe, mais sa mise en pratique et son aboutissement souhaité relèvent de la volonté politique et des riverains. 50 La population de l’île étant éparse le long des berges, il serait important de les regrouper sur des sites précis à l’intérieur afin de disposer d’un grand espace pour l’évolution de la forêt mangrove.
L’usage de la sensibilisation aux bienfaits dans chaque village de l’île est souhaité. Elle doit se faire à travers des ateliers, des panneaux de signalisation. La formation, l’éducation des populations et la vulgarisation des connaissances sur le rôle de cet écosystème dans les pêcheries côtières sont des éléments utiles (N’dongo et al.,2003). A cet effet, il faut impliquer les communautés dans la conservation de la mangrove.
Il conviendrait d’associer à ces entreprises les chefs de villages de l’île Boulay et les mandater. L’idéal serait d’appliquer le système de cogestion qui implique les pouvoirs publics, les utilisateurs de l’eau et de la mangrove pour ses ressources. Cet aspect est abordé par Zadou et al., (2011) dans le cadre de la conservation des forêts marais Tanoé-Ehy en Côte d’ivoire. Ils souhaitent la participation active des communautés et associations villageoises à tous les stades du processus, notamment la délimitation participative, l’élaboration des règles de gestion. Ils mentionnent nonobstant, la mise en place d’une organisation pour la gestion de la forêt avec l’appui des chercheurs, des ONG de conservation et de l’administration. Cette réflexion convient bien à notre espace de travail. De plus, l’on doit faire de cette végétation une réserve en associant à sa gestion les agents des eaux et forêts, section O.I.P.R ( Office Ivoirienne des Parcs et Réserves) chargés d’appliquer les lois et les règlement arrêtés pour une surveillance et une gestion durable.
La mangrove étant de petite taille et endommagée, il faudra veiller à sa régénération naturelle ou encore introduire l’agro foresterie par un plan d’aménagement.
Il faut prendre un décret pour préserver les mangroves de l’île Boulay compte tenu de leur utilité biologique et écologique. Leur contribution au fonctionnement approprié de l’écosystème lagunaire est essentielle.
CONCLUSION

Les mangroves de l’île Boulay (Lagune Ebrié-Côte d’Ivoire), constituent un écosystème particulier à usages multiples et multiformes. Ces applications englobent le fonctionnement du complexe lagunaire Ebrié y compris les différents services tirés de sa diversité biologique (habitats, refuge, zone de reproduction, etc.). Les mangroves n’ont pas connu une évolution réelle à cause de leur exploitation abusive, imputable aux facteurs anthropiques. Il faut donc mettre en place des stratégies viables pour les améliorer et les pérenniser aux fins d’un développement durable des ressources halieutiques. Aussi, faudrait-il que 51 les autorités politiques et coutumières, les usagers de cet espace s’en approprient pour les rendre effectives.
Bibliographie

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15. Sankaré Y, Avril J. B. L. F, Egnankou W. M. et Saenger P., 1998. Étude floristique des mangroves des milieux margino-littoraux de Côte d’Ivoire. Bull. Jard. Bot Nat. Belg. 67, pp. 335-360.

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Notes


Table d’illustrations


Auteur(s)


1AKA Koffi Sosthène, 2SANKARE Yacouba, 3N’CHO Amalatchy Jacqueline
1Docteur en géographie, Attaché de recherche au Centre de Recherches Océanologiques (C.R.O), Abidjan-Côte d’Ivoire. Email : sosaka2013@yahoo.fr
2 , Docteur en hydrobiologie benthos, chargé de recherche au Centre de Recherches Océanologiques (C.R.O), Abidjan-Côte d’Ivoire. Email : sankare811@yahoo.fr
3Docteur en géographie, Attaché de recherche au Centre de Recherches Océanologiques (C.R.O), Abidjan-Côte d’Ivoire.Email : amalachyyayo@yahoo.fr

Droits d’auteur


Institut de Géographie Tropicale
Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire

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