Dynamique urbaine et problématique des équipements éducatifs dans la ville de Gagnoa (Côte d’Ivoire)
Jean Louis KOUAKOU KOUAME
Bêh YEO
N’Guessan Séraphin BOHOUSSOU
Résumé
Établie au Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire, Gagnoa, signifie en bété, les hommes du fromager; «go»: fromager,
«gnoa» les hommes. Cet article pose le problème de l’inadéquation entre la dynamique urbaine et la disponibilité des équipements socio-collectifs scolaires dans la ville. Cette préoccupation majeure fait appel à une méthode dont les données sont issues de l’exploitation des ouvrages, des documents statistiques existants et des enquêtes de terrain. Ainsi, nous avons enquêté 384 personnes ayant un lien avec le système éducatif à Gagnoa.
Les résultats se structurent sous deux angles : d’une part, les facteurs à l’origine de la dynamique urbaine de Gagnoa et d’autre part, un état des lieux des équipements socio-collectifs scolaires repartis dans la ville. Les disparités et l’inégale répartition des équipements et infrastructures constituent une entrave à l’épanouissement des conditions d’étude dans la ville. En dépit des efforts fournis par les autorités dans leur mission de doter la ville en équipements de qualité et en quantité, il n’en demeure pas moins que beaucoup reste à faire.
Mots clés : Dynamique-équipement-éducatif-inadéquation-ville
Abstract:
Established in mid-west region of Cote d’Ivoire, the city of Gagnoa means in Bété ethnic group »Men of cheesemaker », «Ga» refers to »Cheesemaker » and «Gnoa» is »Men ». This article addresses the mismatch between urban dynamics and the availability of community-based school facilities in that city. Such a concern calls for a method of data retrieval through literature, existing statistics documents and field survey. Thus, we investigated 384 people involved in the education system in Gagnoa. The results from the investigation are twofold: On the one hand, the contributing factors of urban dynamics and an assessment of community-based school infrastructure allocation within the city on the other. Geographical disparities and unequal infrastructure allocation is a threat to standards education practices in the city. Despite efforts put in by the authorities in their responsibility to provide the city with quality and sufficient facilities, there is still substantial work to do.
Keywords: Dynamics-facilities-educational-mismatch-city.
Introduction
En soixante années d’existence, l’urbanisation de la Côte d’Ivoire est passée d’un faible niveau à un niveau explosive et remarquable (Zanou et Yeo, 2001, 15). En effet, partie d’un taux d’urbanisation de 2,1% en 1921, de 12,5% en 1955 et de 42,5% en 1998, la Côte d’Ivoire a un taux d’urbanisation aujourd’hui estimé à 49,7% (INS, 2014). Dans le même temps, la population urbaine a également augmentée. Elle est passée progressivement de 2 146 293 habitants en 1975 à 4 220 000 habitants en 1988 et à 8 383 000 habitants en 1998 (Boutillier,1971 ; Zanou, 2010, 11). En 2014, la population urbaine était estimée à 11 408 413 habitants soit 50,3% de la population totale (INS, op. cit). Aussi, le taux de croissance urbaine est passé de 5% par an avant l’indépendance à 32% en 1975, à 39% en 1988 et 42,5% en 1998. Le taux de croissance des villes de l’intérieur pendant cette période était de l’ordre de 7,5% par an et à 10,5% pour la seule ville d’Abidjan. Ce taux de croissance urbaine tourne actuellement autour de 2,55% (INS, 2014 ; Bohoussou, 2014, 40).
Gagnoa, ville du centre-ouest de la Côte d’Ivoire et chef-lieu de région du Gôh est confrontée aux mêmes réalités. En effet le taux d’urbanisation de la ville est estimé à 42% proche de la moyenne nationale, avec un taux de croissance urbaine de 3,51% par an supérieur à la moyenne nationale (INS, op. cit). De plus, la ville de Gagnoa compte une population estimée à 160 465 habitants contre 45 000 habitants en 1975. Cette dynamique spatiale et démographique doit s’accompagner d’équipements socio-collectifs et d’infrastructures de qualité pour parfaire cet essor urbain afin, d’améliorer le quotidien des populations de la ville (Gagnoa). C’est dans ce cadre d’action que plusieurs équipements ont été mis en place depuis les indépendances jusqu’à nos jours à savoir : le Centre Hospitalier Régional, l’Hôpital Général, le Dispensaire Urbain et le stade Biaka-Boda, etc. Malgré, toutes ces réalisations, la ville de Gagnoa est aujourd’hui confrontée à des difficultés d’équipements collectifs scolaires. Ainsi donc, le problème de l’inadéquation entre la dynamique urbaine et la disponibilité des équipements scolaires se pose avec insistance. Pourquoi en dépit des efforts consentis, la mise en place des équipements collectifs scolaires n’accompagne pas le développement de la ville de Gagnoa ? Cette préoccupation majeure nous permets à travers cette communication, d’analyser les facteurs à l’origine de la dynamique urbaine de Gagnoa puis de faire l’état des lieux des équipements socio-collectifs scolaires dans la ville.
Carte 1 : Localisation de la ville de Gagnoa
1- Donnée et Méthodologie
Les données utilisées pour la rédaction de cet article sont issues de l’exploitation des ouvrages, des données statistiques existantes, des observations des écoles primaires scolaires sur le terrain, des entretiens avec le personnel scolaire en l’occurrence la DRENET, l’inspecteur, les directeurs d’écoles primaires. Cet entretien nous a permis de comprendre que le système éducatif de Gagnoa est composé de deux statuts. Il s’agit du public et du privé y compris les écoles confessionnelles. Quant à l’enquête auprès des chefs de ménages elle révèle les raisons de la scolarisation des enfants dans la ville. Ainsi, sur 23 quartiers que compte la ville de Gagnoa, nous avons enquêté 189 chefs de ménage répartis dans six quartiers de la ville de Gagnoa. Pour le choix des quartiers, nous nous sommes appuyés sur certains critères à savoir : La taille de la population, la superficie des quartiers et la typologie des quartiers.
Après avoir calculé le pourcentage de ménages enquêtés dans chaque quartier, nous avons calculés le nombre de ménages enquêtés dans chaque quartier. La taille de l’échantillon minimum représentatif a été déterminée à partir de la formule suivante :
n= Taille de l’échantillon
z= coefficient de marge (déterminé à partir du seuil de confiance) e= La marge d’erreur
P= Proportion de ménages supposée ne pas avoir accès aux équipements
Ainsi, le tableau ci-après donne la proportion de personne enquêtée dans chaque quartier.
Tableau 1 : La proportion de ménages enquêtés par quartier
Quartiers | % de Ménages enquêtés par quartier | Ménages à enquêter par quartier | Chefs de ménages retenus pour l’enquête |
Dar Es Salam | 32 | 123 | 61 |
Sokouradjan | 26 | 100 | 50 |
Baoulebougou | 18 | 69 | 34 |
commerce | 4 | 15 | 7 |
Soleil | 11 | 42 | 21 |
Zapata | 9 | 35 | 16 |
Total | 100 | 384 | 189 |
Source : Kouakou, 2019
Le tableau nous présente les ménages enquêtés par quartier. En réalité, pour le compte de cet article nous n’avons pas pu enquêter tous ces ménages comme l’indique la formule. Cependant, la moitié de ces ménages ont fait l’objet de de nos enquêtes.
Ainsi, 189 ménages au total sont enquêtés répartis dans les six quartiers. À savoir : Sokouradjan, Dar Es Salam, Baoulébougou, Commerce, Soleil et Zapata.
Pour le traitement des données recueillies sur le terrain, nous avons eu recours aux logiciels Word 2010, Excel 2010 et SPSS pour la réalisation des tableaux et la confection des diagrammes. Quant au logiciel Qgis, il nous a permis de réaliser les cartes.
C’est l’ensemble de ces données qui nous ont permis d’obtenir les résultats contenus dans cet article.
2- Résultats
2.1-Les facteurs à l’origine de la dynamique urbaine de Gagnoa
La ville de Gagnoa est la capitale régionale de la région du Gôh. Cette ville cosmopolite dispose de nombreuses potentialités économiques et socio-culturelles. Ce fait lui confère la ville la plus convoitée par la population de la région et même celle des régions voisines. Dès-lors, ce phénomène engendre une nouvelle structuration et organisation de l’espace urbain. Ainsi, il est nécessaire pour nous, de montrer dans cette partie les différentes formes d’occupation qui ont contribué à cette dynamique urbaine afin de mieux les appréhender.
2.1-1-Le lotissement villageois, un instrument indispensable dans l’expansion urbaine de Gagnoa
Le lotissement villageois constitue un outil déterminant dans la création du sol urbain. Au niveau de la ville de Gagnoa, le lotissement villageois est le premier instrument de production de terrains urbains. Son apport est considérable dans la croissance spatiale de la ville. En effet, selon nos investigations, la Marie n’initie plus d’opérations de lotissements car elle ne dispose plus de réserves foncières. Elle laisse donc la latitude aux propriétaires terriens et aux chefs de terre d’entreprendre des lotissements s’ils le souhaitent.
Cependant, avant toutes opérations de lotissement, les chefs de terre doivent faire une demande adressée à la Mairie et à la Direction de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme (DCLAU). À la suite de la demande formulée, des agents vont faire des analyses de la parcelle à lotir à travers des enquêtes de commodos et d’incommodo Une fois les enquêtes terminées, un titre de propriété villageois est délivré par le chef du village au propriétaire terrien. Mais, s’il y a des oppositions ou des contestations sur la parcelle à morcelée, l’opération de lotissement est temporellement arrêtée et une nouvelle enquête de 35 à 45 jours est ouverte afin de régler le litige sur la parcelle. Une fois que les conflits et les problèmes sont résolus, il revient donc à la DCLAU de délivrer un Arrêté de Concession Définitif (ACD) aux acquéreurs ou détenteurs de terrains. En Juillet 2019, cette structure avait déjà délivré 128 ACD (DCLAU, Juillet 2019).
Hormis les lotissements villageois qui prédominent, nous notons également la présence de lotissement privé qui sont en nombre plus restreint. Nous en avons dénombré 05 au total. Par exemple, une tierce personne qui dispose d’une parcelle peut décider de faire morceler son terrain et de les mettre soit en vente ou en location dans le but de tirer profit. Outre, les lotissements individuels, il y a des lotissements administratifs. Ce genre de lotissement est réservé aux autorités étatiques ou locales. Dans le cadre d’un projet communautaire, ils peuvent décider de faire des morcellements. Par exemple des lotissements ont été initiés au quartier soleil dans le cadre de la construction de logements sociaux. Ces opérations de lotissements favorisent l’étalement spatial de l’espace urbain de Gagnoa.
2.1-2- Gagnoa, Un espace urbain en croissance
L’expansion urbaine est l’un des facteurs de la dynamique urbaine. Il contribue à l’essor de celui-ci. Au fur à mesure que la ville se développe, elle se trouve dans l’obligation d’empiéter ou d’englober d’autre territoire. De ce fait, la superficie de cet espace va connaitre une évolution. Ainsi, en ce qui concerne la ville de Gagnoa, sa superficie connaît une évolution depuis quelques années. Cette croissance spatiale est illustrée à travers la figure ci-dessous
Source, DCLAU, 2018 ; Nos enquêtes, 2018
Figure 1 : Evolution de la superficie de la ville de Gagnoa de 1975 à 2018
L’analyse de cette figure fait ressortir la dynamique spatiale de la ville de Gagnoa de 1975 à 2018. La superficie de la ville est passée de 712 ha en 1975 à plus de 1231 ha en 1998 soit une augmentation de près de 519 ha. Le pourcentage nous donne une augmentation de plus de 79,89%. De 1998 à 2018 la superficie de la ville est passée de 1 231 ha à près de 4 216 ha soit une hausse de 2 985 ha environ 242,48%. Au total, entre 1975 à 2018, la superficie de la ville de Gagnoa a connu un bon de 3 504 ha, soit 492,13%. Ce dynamisme urbain s’explique par la forte croissance démographique de Gagnoa. Aussi, l’essor des activités socio-économiques de la ville fait d’elle, l’espace le plus convoiter de la région. Tous ces facteurs sont donc à l’origine de cette évolution spatiale de la ville. Par ailleurs, l’évolution de la ville est illustrée à travers la carte ci-dessous.
Source : Google Earth, 2018 ; Jean Saint-Vil, 1975 p380 Conception YEO et Réalisation Kouakou, 2019
Carte 2 : Carte du dynamisme spatial de la ville de Gagnoa de 1975 à 2018
couleur jaune concentrée dans la partie centrale représente l’état de la ville en 1975. Quant à la couleur marron densifiée dans les parties périphériques de la ville, elle fait ressortir l’évolution spatiale de la ville en 2018. Ce dynamisme constaté est dû en partie à une population en constante évolution.
2.1-3-Une population en constante évolution
La population urbaine de Gagnoa connait une véritable croissance. En effet, de 1965, date du premier recensement de la population à nos jours, la population citadine de Gagnoa n’a cessé d’augmenter (figure 2).
Source : INS, 2014
Figure 2 : Évolution de la population urbaine de Gagnoa de 1965 à 2018
Ainsi, la population est passée progressivement de 21000 habitants en 1965 à 42285 habitants en 1975.Dans la même veine, nous sommes passés de 85563 habitants en 1988 à 107124 habitants en 2014 et plus de 213918 habitants en 2018. Cette dynamique démographique s’explique par un taux d’accroissement élevé. En effet, entre 1975 et 1988, le taux d’accroissement était estimé à près de 5,6% par an. Aujourd’hui, ce taux est estimé à 3,51% (INS, 2014). Nous observons donc une légère baisse de 2,09% du taux d’accroissement. Mais en ce qui concerne la croissance démographique, elle reste toujours en hausse au fil des années. Diverses raisons expliquent ce dynamisme démographique. En effet, chaque année, la ville reçoit en moyenne 20% de sa population venant d’origines diverses Ces populations migrent pour chercher de l’emploi. À ce phénomène s’ajoute la migration scolaire. C’est le cas des élèves orientés en classe de sixième et de seconde. Aussi, du fait de ces nombreux atouts socio- économiques, la ville de Gagnoa est considérée comme un eldorado pour les populations de la région et même des régions voisines. Ce dynamisme observé au niveau de la population constitue un maillon essentiel dans l’évolution spatiale de la ville de Gagnoa. Également, cette population est en majeure partie dominée par les jeunes.
2.1-4-Une population majoritairement jeune
La population de la ville de Gagnoa est regroupée par différents groupes d’âges. Ce sont les jeunes, les adultes et vieillards. La figure ci-après montre bien la répartition par tranche d’âge des hommes et des femmes de la ville de Gagnoa selon le Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) en 2014.
Source : INS, 2014
Figure 3 : répartition de la population de Gagnoa par groupe d’âges
52,38% de l’effectif totale de la population. Cette tranche d’âge regroupe donc la moitié de la population de Gagnoa. La population adulte dont l’âge est compris entre 19 et 45 ans occupe la deuxième place avec un effectif de 60 529 personnes soit 37,72% de la population totale. Quant aux autres tranches d’âges, elles occupent une faible proportion dans la répartition démographique de Gagnoa. En effet, la population dont le groupe d’âge se situe entre 46 et 69 ans est estimée à 11 282 soit 7,03% de la population. On dénombre 3 027 personnes soit 1,88% de l’effectif de population dons l’âge varie entre 61 et 70 ans. En ce qui concerne, la population de plus de 70 ans, elle concentre 1 562 personnes soit 0,97% de la population totale. Il est important de préciser que la population masculine est supérieure au niveau de toutes les classes d’âges. La figure 3 ci-dessous illustre bien nos propos.
1-5-La répartition spatiale et densité de la population de la ville de Gagnoa
La ville de Gagnoa dénombre une population de 160 465 habitants (INS, 2014) distribuée dans les différents quartiers de la ville. Ainsi, le quartier Dar Es Salam est le plus peuplé de la ville. Il concentre près de 21 708 habitants soit 13,52% de la population totale. Il est suivi par les quartiers Dioulabougou et Sokouradjan qui regroupe respectivement 18286 habitants soit 11,39% et 17 383 habitants soit 10,83% de la population totale. Ces quartiers sont suivis de loin par ceux de Sokoura et Baoulébougou qui totalise 10 141 habitants soit 6,31% et 12 259 soit 7,63% de l’effectif total de la population urbaine. En ce qui concerne les autres quartiers de la ville, ils renferment moins de 10 000 habitants. Nous notons aussi que les quartiers les plus densifiés sont les lieux où dominent les habitats évolutifs. Ce contraste s’explique par le fait que le coût des logements sont très abordables dans ces quartiers par rapport aux autres quartiers de la ville d’où le surpeuplement de ces espaces. La carte 3 illustre clairement la répartition de la population de la ville de Gagnoa.
Carte 3 : Distribution spatiale et densité de population de la ville de Gagnoa
L’analyse de cette carte nous fait ressortir la distribution spatiale de la population dans la ville de Gagnoa. Ainsi, nous observons que les fortes concentrations de population sont localisées dans les quartiers centraux, Nord et Ouest de la ville. Ces quartiers regroupent plus de la moitié de la population urbaine de Gagnoa. Mais aussi, des espaces ou domine l’habitat évolutif. Quant aux quartiers Est et Sud, on note une faible densité de population. En ce qui concerne les densités de population, nous observons que les densités les plus faibles se trouvent au niveau des quartiers périphériques. En effet, les quartiers Résidentiel, Barouhio et Résidentiel 3 content moins de 1 000 hbts/ha. Quant aux quartiers péricentraux, les densités sont comprises entre 1000 et 10 000 hbts/ha. Les densités les plus élevées se situent au niveau des quartiers centraux tels que St George, Baoulébougou et Dioulabougou dont les densités dépassent les 10 000 hbts/ha. Cette densification de la population dans ces espaces peut se justifier par leur ancienneté. Mais également, le coût abordable des logements dans ces quartiers. À travers cette carte, nous retenons que la population est inégalement répartie dans la ville de Gagnoa. Aussi, les densités les plus faibles se localisent dans certains quartiers périphériques. Les quartiers dont les densités sont élevées se trouvent au centre de la ville de Gagnoa. Au total, tous ces facteurs sont à l’origine de la dynamique urbaine de Gagnoa. Ce qui ne va pas sans poser d’énormes problèmes au niveau de la distribution spatiale des infrastructures, notamment scolaires (Kobenan, 2019 : 369).
2.2-Etat des lieux des équipements scolaires dans la ville de Gagnoa
Les équipements éducatifs permettent d’avoir la connaissance intellectuelle. Ils contribuent énormément à la réduction du taux d’analphabète dans un espace donné. Les équipements éducatifs sont regroupés par différente catégorie. À savoir les équipements préscolaires, primaires, secondaires et supérieurs.
2.2-1-Les établissements éducatifs publiques inégalement répartis dans la ville de Gagnoa
La ville de Gagnoa compte une Direction de l’Education Nationale et de l’Enseignement Technique (DRENET) et une Inspection de l’Enseignement Primaire (IEP) qui coordonnent et assurent le bon fonctionnement des établissements scolaires de la ville mais également de la région. Ainsi, la ville concentre au totale 41 établissements publics répartis selon les différents cycles. Les établissements primaires sont les plus dominants dans la ville de Gagnoa, avec 21 écoles soit 53,84% de l’ensemble des établissements. Le cycle préscolaire dénombre 14 écoles soit 35,89%. Enfin le cycle secondaire regroupe 5 établissements soit 10,25%. Aussi, on note la présence d’un Centre d’Animation et de Formation Professionnel (CAFOP) qui représente 1% des écoles de la ville. La carte 4 illustre la répartition des établissements publics de la ville de Gagnoa.
Source : DRENET de Gagnoa, 2018 ; Nos enquêtes, 2019 Réalisation : Kouakou, 2019
Carte 4 : Distribution spatiale des écoles publiques de la ville de Gagnoa en 2019
A travers l’analyse de cette carte, nous apercevons la répartition des établissements éducatifs publics de la ville de Gagnoa. Ainsi, nous observons une concentration des écoles dans les quartiers Centraux, Nord et péricentraux. Cependant, nous notons que quatre quartiers Centraux à savoir : Baoulèbougou, Nairez-ville, Coco-ville et St George ne disposent d’aucun établissement. À cela, s’ajoute également cinq quartiers périphériques à savoir Zapata, SOGEFIHA, Résidentiel 3, Odiennekourani Nord et Sud sont dépourvus d’écoles préscolaires, primaires et secondaires. Au regard de cette carte, il ressort que les équipements éducatifs sont inégalement répartis dans l’espace urbain de Gagnoa. En effet, cette inégale répartition est due à la stratégie de planification des élus locaux d’une part et d’autre part par le manque de moyens financiers (Mairie de Gagnoa, 2019).
2.2-2-Les établissements privés, comme moyen pour combler l’insuffisance des équipements éducatifs publics
Les établissements privés permettent d’absorber une masse importante d’élèves. Ils constituent un atout supplémentaire pour les établissements publics. Au niveau de la ville de Gagnoa, les établissements privés occupent une part non négligeable dans la prise en charge des élèves. Ces équipements privés sont au nombre de 43 répartis par différents cycle dans l’espace urbain de Gagnoa. Ainsi, nous distinguons 9 établissements préscolaires soit 20,93% de l’ensemble
des écoles privées de la ville. Quant au cycle primaire, on dénombre également 9 écoles soit 20,93% des écoles privées. C’est au niveau du secondaire qu’on remarque le poids important des établissements privés. En effet sur 30 établissements secondaires que compte la ville de Gagnoa, le privé concentre 24 écoles soit 80% de l’ensemble des établissements secondaires de la ville de Gagnoa. En plus des établissements éducatifs, la ville de Gagnoa dispose d’une université privée. En somme, nous retenons que les établissements privés constituent un grenier important pour combler l’insuffisance d’équipements éducatifs publics.
Ainsi, nous observons qu’environs 82% des écoles privées sont concentrées au Sud de la ville. Quant aux quartiers Nord, ils regroupent 18% des écoles privées. Aussi, nous remarquons que les quartiers Nord de la ville ne dispose d’aucune école préscolaire ni primaire. Tous ces établissements sont localisés dans les quartiers Sud de la ville de Gagnoa. Cette disparité dans l’implantation des écoles privées est liée à des logiques économiques. En effet, les quartiers Sud de la ville sont des espaces où dominent les habitats économiques et résidentiels. Pour ce fait la plupart des habitants sont des fonctionnaires et des hauts cadres de l’administration, ils disposent des ressources financières conséquentes. C’est ce qui pousse les fondateurs d’écoles privées à créer des établissements dans ces quartiers. Nous retenons que les établissements privés sont inégalement distribués dans l’espace urbain de Gagnoa malgré leur poids important.
3- DISCUTION
La dynamique urbaine de Gagnoa est remarquable. En effet, la croissance spatiale de la ville est passée de 712 ha en 1975 à plus de 4216 ha en 2018 (DCLAU, 2018). Dans le même temps, la croissance démographique est aussi passée de 21000 habitants en 1965 à 160465 habitants en 2018 et à 213918 habitants en 2018 (INS, 2014, 2018). Ce dynamisme observé doit être accompagné des équipements socio-collectifs adéquats. Seul alternatif à l’épanouissement et à l’amélioration des conditions et cadres de vie des populations de la ville de Gagnoa. C’est dans cette logique que les résultats du CERTU (2003) ont démontré que les équipements socio- collectifs symbolisent les politiques du moment dans ces différentes représentations citoyennes. Ainsi que des références de la qualité des services qu’ils ont su rendre au cours des temps aux populations (éducation, santé, justice, sécurité, gouvernance…). Aussi, les équipements donnent une nouvelle forme d’organisation de l’espace et impulse l’urbanisation. Ils jouent un rôle structurant pour le développement urbain à travers l’implantation de commerces, et d’activité de services (Caubel, 2007, 107).
Dans le domaine de l’éducation, nous avons observé une insuffisance et une inégale répartition des équipements éducatifs malgré les efforts consentis par les gouvernants. En effet, certains quartiers de la ville de Gagnoa tels que Baoulébougou, Saint George, Odinnékourani Nord et Sud, Coco-Ville, etc., ne disposent pas d’établissement préscolaire et primaire. Alors que ces quartiers concentrent une masse importante de population. Et pourtant, depuis 2016, l’État de Côte d’Ivoire a instauré la gratuité de l’école pour tous les enfants dont l’âge est compris entre 6 et 16 ans (MENET, 2016). Dans ces conditions, il est très pénible pour les parents de scolariser les enfants en âges d’aller à l’école dans ces quartiers. Parfois ils sont obligés de se tourner vers les écoles privées dont les frais de scolarité sont coûteux. À cela, l’on dénombre des déficits en tables bancs, des matériels pédagogiques et des effectifs pléthoriques dans les salles de classes. Les ratios élèves-salles de classes des établissements enquêtés sont largement au-dessus des
normes établies. Par exemple, au groupe scolaire Sokouradjan, le ratio donne 71,87 élèves par classe contre 40 élèves par classe selon les normes au niveau du primaire. Au GS Dioulabougou et Gagnoa Marché le ratio donne respectivement 62,45 et 57,87 élèves par classe. Au lycée moderne 1 de Gagnoa, le ratio est de 73,59 élèves par classe contre 55 élèves par classe selon les normes au niveau secondaire. Face aux surcharges des effectifs dans les classes, il est difficile pour les apprenants et le personnel d’encadrement de travailler dans de bonne condition et avoir les résultats escomptés.
L’extension rapide et l’inégale répartition des établissements éducatifs ne se sont pas faites sans conséquences sur les conditions de vie des populations scolaires. Le regroupement des 2/3 des équipements éducatifs dans le noyau central de la ville pose le problème de leur accessibilité. En effet, ils restent difficilement accessibles en raison de leur éloignement des quartiers périphériques (les nouveaux quartiers, Résidentiel 1 et 3, Odiennekouranie Nord et sud) et des villages intégrés à l’espace urbain (Kobenan, 2019 : 372).
Conclusion
Cette étude a mis en évidence l’inadéquation entre la dynamique urbaine et la disponibilité des équipements socio-collectifs scolaires dans la ville de Gagnoa. Les disparités et l’inégale répartition des équipements et infrastructures constituent une entrave à l’épanouissement et à l’amélioration des conditions et cadres de vie des populations. Même-ci des efforts ont été fournis par les autorités dans leur mission de doter la ville en équipements de qualité et en quantité, il n’en demeure pas moindre que beaucoup reste à faire. Jusqu’à présent nombreux sont les quartiers qui ne disposent pas d’équipements socio-collectifs et infrastructure de base. La prise en considération des doléances des populations dans le domaine de l’éducation, la santé, la culture, le sport, l’eau, l’électricité, la sécurité, la route et l’assainissement peut leur permettre de satisfaire leurs besoins fondamentaux été de participer durablement au développement économique et social de la ville de Gagnoa.
Références bibliographiques
- ANTONI J P., 2013, « L’étalement urbain ». In : Wackermann (dir), La France en ville, Ellipse pp 164-176
- BOHOUSSOU N S., 2014, Le district d’Abidjan et équipement des espaces à la périphérie de la ville, Thèse Unique de Doctorat, Université Felix Houphouët-Boigny, Abidjan, 379 p.
- KOFFI B. E., 2002, Urbanisation et aménagement d’une commune : le cas de la commune d’Adjamé. Thèse de doctorat de géographie (Nouveau régime), Université de Cocody Institut de Géographie Tropicale, 339 p.
- KONAN K. P., 2011, Développement urbain en Côte d’Ivoire : Cas de la ville de Dimbokro,
- Thèse unique de doctorat de Géographie Université de Cocody-Abidjan, 336 p.
- Ministère d’État, Ministère du Plan et du Développement, Union Européenne, 2006, Pré-bilan aménagement du territoire, 91 p.
- SAINT-VIL J., 1975, « L’immigration scolaire et ses conséquences sur la démographie urbaine en Afrique Noire : l’exemple de Gagnoa (Côte d’Ivoire) », Revue de Géographie de Bordeaux, les Cahiers d’Outre-Mer 28-12, pp 377-387
- YEO B. et BOHOUSSOU N.S., 2017, « Les impacts de la décentralisation sur l’espace rural de la commune de Bouake », Revue Ivoirienne de Géographie des Savanes, 23 p.
- YEO Bêh., 2019, « Décentralisation et développement local dans la commune de Bouaké », Thèse de doctorat, Université Alassane Ouattara, 420 p.
Auteur(s)
Jean Louis KOUAKOU KOUAME
Bêh YEO
N’Guessan Séraphin BOHOUSSOU
Université Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire)
Droit d’auteur
EDUCI