Concurrence infrastructurelle et amélioration des services portuaires à Owendo : une mise en lumière des investissements des entreprises Gabon Port Management (GPM) et Gabon Special Economic Zone (GSEZ)

Brice IBOUANGA1

brice.ibouanga@yahoo.fr

Léandre Edgard NDJAMBOU2

ndjambou_leandre@yahoo.fr

Aline Joëlle LEMBE épouse BEKALE3

alinejo@yahoo.fr

Résumé :

Le développement du transport maritime exige des infrastructures adaptées pour optimiser l’efficacité des activités portuaires. Il en découle de fait, une compétitivité entre les entreprises dans l’optique de fournir aux navires et aux marchandises des prestations de qualité, en termes de trafic et de prix concurrentiels. Dans ce contexte, la présente recherche s’intéresse aux modèles de gouvernance des services portuaires à Owendo et leurs effets sur la compétitivité portuaire. Elle permet d’analyser les politiques et les actions mises en œuvre pour améliorer l’utilisation des équipements et des services portuaires. L’article ambitionne donc de lire les éléments de la concurrence à travers le trafic des navires et des marchandises des entreprises GPM et GSEZ. Il permet par la même occasion de relever les progrès réalisés en termes de moyens logistiques mobilisés afin de parvenir à une meilleure gestion du trafic au port d’Owendo. Pour ce faire, la méthodologie retenue s’appuie sur une observation de terrain, une analyse des rapports officiels et d’entretiens semi-directifs réalisés auprès d’une cinquantaine d’acteurs, principalement, les agents et les responsables des sociétés concernées, le personnel des administrations publiques en charge de la gestion des équipements portuaires et les armateurs. Les résultats obtenus dévoilent que le complexe portuaire d’Owendo bénéficie actuellement d’équipements de pointe, mais reste toutefois marqué par de nombreuses faiblesses qui ternissent son rayonnement sous-régional voire régional.

Mots clés : Owendo, Infrastructures portuaires – Services portuaires – Concurrence – GPM – GSEZ

Infrastructure competition and improvement of port services in Owendo : a focus on investments by GPM and GSEZ

Abstract

The development of maritime transport requires quality infrastructure to optimise the efficiency of port activities. This results in competitiveness between companies in order to provide ships and goods with quality services, in terms of traffic and competitive prices. In this context, the present research focuses on the governance models of port services in Owendo and their effects on port competitiveness. It analyses the policies and actions implemented to improve the use of port facilities and services. The article therefore aims at reading the elements of competition through the traffic of ships and goods of the GPM and GSEZ companies. At the same time, it allows us to note the progress made in terms of the logistical means mobilised in order to achieve better traffic management at the port of Owendo. To do this, the methodology used is based on field observation, an analysis of official reports and semi-directive interviews with about fifty actors, mainly agents and managers of the companies concerned, staff of public administrations in charge of managing port facilities and shipowners. The results reveal that the Owendo port complex currently benefits from state-of-the-art equipment, but remains marked by numerous weaknesses that tarnish its sub-regional and even regional influence.

Keywords : Owendo – Port infrastructures – Port services – Competition – GPM – GSEZ

Introduction

Les Etats africains qui disposent d’une façade maritime ne participent que très faiblement au développement du commerce international malgré le potentiel économique de leur secteur portuaire et maritime4. Ce retard s’explique par une contribution qui s’est longtemps reposée sur l’exportation des matières premières (pétrole, bois, huile de palme, charbon…) et à l’importation des produits manufacturés. De plus, les ports africains ont été pendant longtemps sous le monopole public et ont été caractérisés par une faible productivité, une inadéquation des investissements et une mauvaise qualité des services fournis (B. Ibouanga, 2006, p.137). Au Gabon, le poids de la tutelle sur l’Autorité portuaire désignée, l’Office des Ports et Rades du Gabon (OPRAG), n’a pas permis un développement cohérent des infrastructures et équipements, occasionnant ainsi, une faible compétitivité des infrastructures portuaires de Libreville et Port-Gentil. Face à ces écueils, les institutions internationales (Banque Mondiale, Fond Monétaire International) recommandent fortement aux Etats, à partir des années 2000, d’initier des réformes institutionnelles, gage de modernisation et de performance des ports. C’est pourquoi, depuis 2003, le Gabon a amorcé le processus de réforme (modernisation, compétitivité) de son secteur portuaire car, le dynamisme d’un port dépend de sa taille et de ses équipements, qui influencent de fait, le volume des échanges et du trafic.

Dans le même élan, en 2009, les autorités du pays ont élaboré un Plan Stratégique Gabon Emergent (PGSE) qui visait particulièrement l’industrialisation et la diversification de l’économie. Un des instruments clés de cette stratégie est la création des Zones Economiques Spéciale (ZES) où sont transformés des produits destinés pour la majorité à l’exportation. Selon la Direction d’OLAM Gabon, durant l’année 2019, la ZES de Nkok a enregistré de bons résultats dans la transformation du bois, notamment la fabrication de placages, de contreplaqués, de meubles en bois, de charbon de bois et autres. Ces résultats se traduisent par l’exportation de 2400 m³ de contreplaqué et 1000 m3 de meubles en bois massifs haut de gamme pour le premier semestre de 2019. A côté des produits de la forêt, il y a le pétrole et les mines qui, durant la même année ont enregistré une hausse de 21% des exportations par rapport à l’année 20185.

Dans cette dynamique, l’article envisage d’analyser les politiques de développement portuaire à Owendo (carte 1), longtemps rétrogradé au second plan par la concurrence farouche des ports sous régionaux. Aussi, le présent travail ambitionne, d’élaborer des stratégies spécifiques pour le port d’Owendo afin qu’il offre de meilleurs services et s’impose sur le marché international. En effet, l’optimisation de l’utilisation des équipements portuaires est autant bénéfique pour l’économie que pour les consommateurs finaux dans la mesure où, dans un domaine de concurrence, les différents acteurs se forcent à offrir de meilleurs services. C’est dans ce cadre compétitif que les entreprises Gabon Port Management (GPM) et Gabon Special Economic Zone/Owendo Contenair Terminal (GSEZ/OCT) sont mises en avant pour lire les avantages concurrentiels à travers le trafic des navires et des marchandises et qui se répercutent directement sur le client final (le ménage).

4Selon la conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement de 2018, l’Afrique représente 2,7% du commerce mondial en valeur.

5 « Le commerce extérieur du Gabon au premier semestre 2019 » [En ligne] : www.tresor.economies.gouv.fr, consulté le 7 avril 2020.

Carte 1. Vue d’ensemble du port d’Owendo et des quais GPM et GSEZ

Le port d’Owendo est situé à 15 km au Sud-est de Libreville, sur la rive droite de l’Estuaire du Komo. Sa localisation au fond de cet estuaire, avec une profondeur de 11 mètres, le met à l’abri des intempéries naturelles. Mais les faibles profondeurs du chenal ne permettent l’accostage de la flotte marchande uniquement qu’en marée haute.

Owendo qui est le principal port du pays, peine malgré tout, à être compétitif à cause des différentes contraintes qui freinent le flux des marchandises. En effet, les handicaps naturels (envasement, marée de faible amplitude…), les lourdeurs administratives, la vétusté des infrastructures portuaires, la congestion dans le port sont autant de facteurs qui ont poussés les autorités gabonaises à se lancer depuis quelques années dans la mise en œuvre d’une stratégie de développement des infrastructures portuaires. Ces efforts sont un moteur de modernisation des installations et de la concurrence portuaires. L’exigence de disposer des infrastructures de qualité qui permettent un meilleur rendement de diverses activités et l’aspect compétitif entre les entreprises aboutissent à la mise en place de bonnes prestations aux clients et des prix concurrentiels. C’est dans ce sens que nous nous interrogeons sur la qualité et les performances actuelles des infrastructures portuaires concédées à GPM et GSEZ. En d’autres termes, la politique de concession initiée par l’autorité portuaire répond-elle aux attentes escomptées ? Les équipements de GPM et GSEZ sont-ils capables de suivre le mouvement compétitif international ? Quelles sont les stratégies à mettre en œuvre pour parvenir à un meilleur dynamisme portuaire à Owendo ? De ces interrogations découlent deux hypothèses : la première stipule que GPM et GSEZ disposent des équipements de pointes marqués cependant par des faiblesses persistantes ; tandis que la deuxième hypothèse précise que le trafic et le dynamisme des activités portuaires imposent l’acquisition d’infrastructures spécifiques d’où, la nécessité d’envisager de meilleures perspectives.

1.    Méthodologie

Le présent article a été réalisé à partir d’une méthodologie basée sur la consultation de ressources documentaires existantes et le travail de terrain. En effet, des rapports et articles scientifiques ont été auscultés dans les bibliothèques en l’occurrence celles du Centre d’Etudes et de Recherche en Géosciences Politiques et Prospective (CERGEP) et de l’OPRAG ainsi que sur les sites internet spécialisés. Parmi les écrits consultés il y a notamment ceux d’Ocean Shiping Consultants (2008) qui montrent les efforts d’arrimage des ports africains à l’évolution du transport maritime ; les articles de B. Ibouanga (2006) ; B. Ibouanga et al. (2014) font état de la gouvernance portuaire au Gabon ; L.E. Ndjambou (2012, 2014) ; L.E. Ndjambou et al. (2019) évoquent les réalités des ports gabonais face à la concurrence sous régionale et ceux de

C.H. Fredouet et al. (2002) traitent des nouveaux enjeux de la gouvernance portuaire.

Outre le travail documentaire, l’analyse s’est appuyée sur les observations de terrain et les entretiens semi-directifs réalisés auprès d’une cinquantaine d’acteurs répartis en trois groupes. Le premier groupe (40) est constitué des concessionnaires-exploitants des deux plateformes portuaires (GPM, GSEZ, OCT). Les entretiens auprès des responsables et agents des services sécurité et environnement, mouvements navires, dockers (grutiers, caristes, lamaneurs) ont portés sur les trafics de navires et marchandises, les rendements portuaires, les investissements consentis pour assurer la performance des plateformes. Le second groupe implique les consignataires (5) représentant les armateurs de lignes régulières (Bolloré, MSC, MERSK, CMACGM, SOTRANSGAB). Les échanges ont porté sur la gestion de l’escale des navires et les critères de choix des quais d’accostage. Le troisième groupe d’acteurs (5) est représenté par l’Autorité portuaire à travers les services de la capitainerie du port d’Owendo. Les entretiens avec le Commandant du port, les responsables des services sécurité, mouvements navires, et pilotes de port étaient axés sur l’application du règlement d’exploitation portuaire en matière de priorité d’escale, sur la régulation des activités et le contrôle de la concession. Les observations faites dévoilent que les armateurs avaient une préférence pour la seconde plateforme d’Owendo concédée à GSEZ en 2017, offrant de meilleures profondeurs (13 m). Cependant, pour raccourcir le temps d’attente, l’Autorité portuaire en sa qualité de régulateur avait exigé aux navires porte-conteneurs en attente, d’accoster sur la plateforme de GPM qui, pourtant, dispose des profondeurs similaires (10 à 12 m) mais demeurait inoccupée. Au total, le choix des 50 individus mobilisés pour les entretiens a été établi de façon aléatoire et en fonction de l’importance et du degré d’implication des acteurs dans la gestion logistique des deux plateformes concurrentes d’Owendo.

L’architecture de cet article est construite autour non seulement de la gouvernance portuaire au Gabon et des enjeux économiques, mais aussi sur les perspectives de rayonnement du port d’Owendo.

2.    Résultats et discussion

2.1.  La gouvernance du port d’Owendo : du monopole Etatique à l’arrivée des opérateurs GPM et GSEZ

Au Gabon, la gestion des ports s’appuie sur la concession portuaire. En effet, l’Office des Ports et Rades du Gabon (OPRAG) qui est l’autorité portuaire confie une partie de ses attributions à des entités privées, en l’occurrence ici, les entreprises GPM et GSEZ. Ces entreprises sont chargées de moderniser le port d’Owendo car, l’amélioration des performances et l’ouverture des pratiques innovantes doivent être au cœur du processus de concession portuaire. Dans ce contexte, il est utile d’apporter des éclairages sur la reconfiguration du système portuaire ayant permis de repenser le mode de gestion des ports et la place de l’action publique dans le fonctionnement de ces infrastructures.

2.1.1.  Les faiblesses de la gestion étatique et l’inéluctable privatisation

L’organisation institutionnelle du secteur portuaire au Gabon résulte de l’ordonnance n°41/74/PR/MTPTAC du 30 mars 1974 portant création et statut de l’Office des Ports et Rades du Gabon (OPRAG) (B. Ibouanga, op.cit, p.141). Ce texte de loi traite des missions et du fonctionnement de l’OPRAG, autour duquel s’organise l’ensemble du secteur portuaire gabonais ainsi que des conditions d’agrément des entreprises auxiliaires du transport maritime exerçant leurs activités sur le domaine portuaire. Cependant, l’examen du contexte institutionnel et la pratique font apparaitre que le contenu des missions et le contour des zones géographiques d’intervention de l’OPRAG ainsi que des différents acteurs de la communauté portuaire, ne sont pas clairement définis.

Gestionnaire des organismes maritimes, à l’exception des ports pétroliers, les responsabilités de l’autorité portuaire couvrent théoriquement les fonctions dans les faits, les missions de l’OPRAG sont limitées puisque l’exploitation est pratiquement prise en charge par le secteur privé. Son intervention est surtout perceptible dans l’aménagement et la gestion du domaine portuaire. De ce fait, les statuts portant création de l’Office des Ports et Rades du Gabon se caractérisent par le manque d’autonomie réelle accordée à l’Autorité portuaire sur le plan du fonctionnement. Cette incongruité s’est manifestée par des insuffisances dans l’exercice des fonctions opérationnelles qui lui étaient confiées (notamment l’entretien et la maintenance du patrimoine, la sécurité de la navigation…). De même, la non clarification de l’exercice de la tutelle a entraîné de graves dysfonctionnements. Ainsi, par son immixtion quasi permanente, dans l’exercice des fonctions opérationnelles et commerciales qu’il a traitées d’une manière trop administrative et bureaucratique, l’Etat a favorisé des sureffectifs affectant les performances des plateformes portuaires (B. Ibouanga, 2006, p.143).

Pour consolider le cadre portuaire et améliorer son efficacité afin de l’adapter aux mutations socio-économiques, le législateur a adopté la loi n°022/2011 qui définit désormais le nouveau cadre de cohérence et de développement des activités maritimes et portuaires en République Gabonaise. Ce cadre clarifie désormais les régimes d’administration et juridique des ports dans le contexte de libéralisation du secteur. Tout en précisant les missions de l’Autorité portuaire, la loi met l’accent sur le mode de gestion et d’exploitation des infrastructures. Selon le cas, le régime indique les activités soumises à l’autorisation ou à la concession. Par ces dispositions, le nouveau cadre juridique met fin à la confusion qui y régnait et contraint l’OPRAG à assumer ses responsabilités de contrôle et de régulation de la concession des ouvrages et des activités portuaires. Ce recentrage du niveau public et l’introduction plus accrue de l’action privée traduisent le modèle de gestion6 dit « port propriétaire ». Considéré comme le cadre institutionnel le plus adapté, cette norme portuaire sort du champ de l’action publique les activités d’exploitation en particulier des terminaux (J. Debrie et C. Ruby, 2009, p.7).

Ainsi, depuis plus d’une décennie, les autorités gabonaises ambitionnent d’industrialiser et de diversifier l’économie grâce à la politique de création des Zones Economiques Spéciales (ZES) et particulièrement celle de Nkok où, sont transformés des produits destinés majoritairement à l’exportation. En 2019 par exemple, la ZES de Nkok a enregistré un accroissement dans la transformation du bois, notamment pour la fabrication de placages, de contreplaqués, de meubles en bois et de charbon de bois. Ces résultats se sont traduits par l’exportation de 2400

6 Les modèles de gestion portuaire communément adoptés sont au nombre de trois : (i) le modèle concession de la gestion, dans lequel le secteur public confie l’entière gestion du port au secteur privé ; (ii) le modèle port de service public, où l’autorité portuaire assure elle-même la gestion, la manutention du fret et les autres fonctions de première ligne au moyen d’une administration centralisée, la participation du secteur privée demeurant circonscrite au service secondaire ; (iii) le modèle port propriétaire, selon lequel le secteur public se retire des opérations de première ligne de gestion du fret, concédant ces dernières au secteur privé tandis que l’autorité portuaire, fonctionnant comme une corporation autonome, se concentre sur la gestion du foncier, de contrôle de la navigation, de la planification.

m³ de contreplaqué et 1000 m3 de meubles en bois massifs haut de gamme7. En plus du bois, les exportations de pétrole et de produits miniers ont connu une hausse de 21% pour la même année par rapport à l’année 2018.8 Malgré ce regain économique, le port d’Owendo, principale porte d’entrée et de sortie de marchandises au Gabon, peine à s’arrimer aux exigences de modernisation portuaire, vu la hausse des flux des marchandises au fil des ans. L’infrastructure portuaire est ainsi soumise aux handicaps naturel, administrative et infrastructurel.

Sur le plan naturel, l’emplacement du port d’Owendo, complexifie la fluidité du trafic. En effet, ce dernier, construit sur l’estuaire du Komo, est régulièrement confronté au phénomène de sédimentation qui de fait, réduit les profondeurs le long des quais et complexifie davantage les manœuvres des navires de grandes tailles, qui nécessitent un bon tirant d’eau. Pour pallier cette situation, des campagnes de dragage sont régulièrement menées. En moyenne on dénombre 6 campagnes de dragage par an, pour une durée estimée à 4 jours par campagne, et pendant lesquels le port reste fermé à l’accostage. A l’année, c’est donc entre 21 et 30 jours que le port reste indisponible (B. Ibouanga et al., 2014, p.10). Ce temps de fermeture du port qui désorganise les activités portuaires constitue un manque à gagner pour l’économie.

Concernant les lourdeurs administratives, elles font référence au traitement du fret et aux procédures douanières. Le traitement du fret est confronté à des lenteurs notamment dans les opérations de débarquement, d’embarquement et de transfère à quai des marchandises. Bien que ces dernières années, les terminaux à quai ont été équipés des portiques les plus modernes qui réalisent environ 30 mouvements par heure, la cadence opérationnelle reste encore faible dans la mesure où, le trafic est en perpétuelle augmentation (L.J. Mipoubi Igoumou, 2020, p.30). Aussi, si on s’en tient au temps d’attente estimé à 4 jours par navire, additionné aux défaillances mécaniques du grutier9 qui, lors des grandes averses marque un temps d’arrêt de plusieurs minutes voire de plusieurs heures pour mauvaise visibilité, les opérations de manutention connaissent un véritable ralentissement. Cette situation impacte négativement la productivité et la durée de séjour à quai des navires.

Les lourdeurs administratives s’observent également dans les procédures douanières. Ces dernières sont jugées complexes du fait de la multiplicité et de la diversification des professions portuaires à effectuer pour assurer le passage du navire et de la cargaison. Or, si le port d’Owendo souhaite s’arrimer aux standards internationaux qui prévoient un délai de 7 jours pour réaliser toutes les opérations relatives aux navires et aux marchandises, l’option d’un

« Guichet Unique » est envisageable. Cette initiative faciliterait le traitement des dossiers en un temps record et de fait, réduirait la durée de séjour des navires.

Aux difficultés évoquées précédemment, viennent se greffer les faiblesses infrastructurelles. En effet, le port d’Owendo est confronté à l’étroitesse du linéaire de quai et à l’insuffisance des aires de stockage de marchandises. Cette situation est à l’origine de l’encombrement des quais vu que l’infrastructure ne compte que 3 postes d’accostage (pouvant recevoir simultanément 3 navires de dimension moyenne), 9 hectares de terre-plein et un parc à conteneurs de 15000 m². Cet espace, obtenu en partie en supprimant plusieurs hangars d’entreposages bord à quai, permet aujourd’hui de fluidifier le transfert des conteneurs entre le quai principal et le parc à conteneur (B. Ibouanga et al. 2014, p.8). Cependant, la présence d’une zone sous douane couvrant une superficie estimée à 2500 m², complique les opérations de placement des navires ainsi que l’organisation et la circulation des engins de manutention pour le transfert des marchandises vers les lieux de stockage (d’entreposage) très éloignés du quai. Au regard des freins de la dynamique portuaire, les autorités gabonaises se sont engagées à développer les

7  https://gabonactu.com/la-zone-economique-speciale-de-nkok-fait-son-bilan-dactivites-de-2019/

8 Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance, 2019, « Le commerce extérieur du Gabon au premier semestre 2019 » [En ligne] : www.tresor.economies.gouv.fr

9 Le grutier est un appareil de levage et de manutention associé aux lourdes charges.

ports par le biais d’une politique de concession10. Ainsi, la première mise en concession des ports gabonais qui date de 2003 avec la Société d’Investissement et de Gestion des Ports et Rades du Gabon (SIGEPRAG), visait à redynamiser les activités portuaires, à offrir aux usagers un panel de services, d’élargir les sources de financement et d’accroître l’efficacité de gestion. Cette convention, d’une durée de 25 ans confiait à SIGEPRAG une exploitation partielle du port d’Owendo, c’est-à-dire 70% de gestion des activités commerciales. Concrètement, il s’agissait de la remise en état, de la maintenance et de l’extension des ouvrages portuaires appartenant aux périmètres concédés des ports d’Owendo et de Port-Gentil. Cependant, moins de 5 ans après la signature de ce contrat, peu d’investissements ont été réalisés. L’Etat gabonais s’est donc tourné vers d’autres partenaires particulièrement GPM, GSEZ et le groupe Bolloré pour marquer un réel changement dans le paysage portuaire gabonais, mieux, de le moderniser.

Depuis 2007, le groupe singapourien Portek, qui exploite le port de Singapour poursuit le processus de réhabilitation des différents sites portuaires. Ce groupe est spécialisé dans l’industrie portuaire et maritime et contribue à la modification, la modernisation, l’entretien, la vente des équipements portuaires et à la distribution des pièces détachées. C’est par le biais de GPM que le groupe Portek et l’Autorité Portuaire ont officialisé leur partenariat. L’ambition de GPM est de faire des ports de Libreville et Port-Gentil des pôles de référence dans la sous- région. GPM est donc en charge de l’accueil, du remorquage, du pilotage, du lamanage, de l’assistance et de la fourniture en eau des navires. Outre ces prestations liées aux navires, GPM est responsable de l’entretien, de l’investissement et de la modernisation des infrastructures et superstructures des ports gabonais.

Dans le même élan, Bolloré Transport & Logistics et le groupe Olam à travers leurs filiales respectives, Société des Terminaux des Conteneurs du Gabon (STCG)11 et Gabon Special Economic Zone (GSEZ) ont décidé de s’associer, sous l’impulsion de l’Etat gabonais pour le développement et l’exploitation du terminal d’Owendo. Ce dernier est destiné à accueillir le trafic des navires porte-conteneurs ainsi que les marchandises conventionnelles. STCG, titulaire depuis 2007 de la concession du terminal à conteneurs existant, est opérateur de l’activité du nouveau port d’Owendo et travaille pour améliorer les systèmes de manutention et moderniser les méthodes de traitement du fret. Ainsi, afin d’améliorer les cadences de manutention, 2 grues mobiles de dernière génération ont été mises à la disposition de la STCG en 2011 et une troisième grue est venue compléter le dispositif en 2013. En ce qui concerne GSEZ Port, il assure le service de manutention des marchandises conventionnelles, de vrac solide et liquide. Ainsi, le 14 octobre 2017, a été inauguré le New Owendo International Port.

2.1.2.  L’impact de la nouvelle gouvernance consécutive à la mise en concession : le poids de chaque opérateur

Les ports sont essentiellement des pourvoyeurs de services, notamment pour les navires et les marchandises. Le rendement du port d’Owendo est conditionné par le temps de service, ce qui implique la qualité de la manutention. Si le service est accéléré, le temps d’attente ainsi que le temps d’occupation des quais est considérablement réduit. On le voit, les équipements de manutention sont au centre de l’activité portuaire. C’est pourquoi, la qualité de la manutention dans un port fait sa renommée (B. Ibouanga et al., 2014, p.14).

Pour évaluer les performances des terminaux portuaires d’Owendo dont la gestion a été concédée par l’OPRAG à GPM et à GSEZ Port, devenu depuis 2020, Arise Port & Logistic (Arise P&L), nous nous fondons sur deux mesures que sont le temps de séjour des navires au

10Une concession est un contrat par lequel l’Autorité portuaire autorise une personne privée, moyennant une redevance, à réaliser un ouvrage public ou à occuper de manière privative le domaine public.

11 STCG est une filiale du groupe Bolloré

port et la qualité de la manutention des marchandises. Trois phases distinctes caractérisent la performance du traitement de fret au port d’Owendo.

La première phase couvre la période 1974-2011 dont les bornes représentent respectivement la mise en service du port d’Owendo et l’acquisition des grues mobiles sur la plateforme concédée à l’opérateur GPM. Pendant près 47 ans, faute d’équipements de levage, la manutention s’est faite au moyen des apparaux de bord des navires, ce qui limitait considérablement leur productivité. Ainsi, la performance sur le quai initial oscillait entre 6 et 8 mouvements par heure pour les conteneurs et en moyenne 117 tonnes par heure pour les marchandises conventionnelles. Cette situation s’est traduite, d’une part, par la durée des opérations allongeant le séjour à quai des navires de 4 à 5 jours, et, d’autre part, par le temps d’attente des navires en rade qui pouvaient atteindre 5 à 7 jours.

La période 2011-2016 correspondant à la deuxième phase, est caractérisée par l’effort de développement des infrastructures matérielles et par les réformes institutionnelles. Ainsi, les grues de bord ont fait désormais place aux grues mobiles sur pneumatiques entrainant ainsi le triplement des cadences de manutention de l’ordre de 25 à 30 mouvements par heure (tableau1). Les rendements sont considérablement améliorés. La dernière phase amorcée à partir de 2017, est marquée par l’arrivée d’un nouvel opérateur Arise P&L, concessionnaire du New Owendo International Port (NOIP). Cette infrastructure pourtant équipée des portiques les plus modernes enregistre des performances presque identiques au terminal GPM (tableau 1), alors qu’on aurait pu penser que le NOIP afficherait des gains considérables de productivité.

Tableau 1. Comparaison des cadences de manutention entre les terminaux GPM et Arise P&L.

PériodeEquipementsCadences/heureDurée            des opérationsSéjour en rade
 GPMArise P&LGPMArise P&LGPMArise P&LGPMArise P&L
1974-2011Grues de bord……… …….6 à 8………. .4 à 5 jrs……… .5 à 7jrs…………. .
2012-20163     grues mobiles…………… .25     à 30………. .1jr 5h……… .2 à 3jrs…………. ..
2017-20202     grues mobiles-3 grues mobiles -2 portiques de quai -4 portiques de parc    25     à 30    30 à 33    1jr 5h    21h2 à 3jrs    0 jr

Source : Capitainerie d’Owendo, 2019

Le tableau 1 montre que la performance des deux terminaux (GPM et Arise P&L) dont la manutention est assurée par l’opérateur Owendo Conteneur Terminal (OCT), filiale du Groupe Bolloré12, oscille entre 25 et 33 mouvements par heure à partir de 2017. Plusieurs facteurs expliquent cette situation. L’acquisition de l’outillage moderne de manutention ne garantit pas de facto des rendements exceptionnels. Il faut l’intégrer dans un système conçu pour obtenir les meilleurs résultats et l’accompagner d’une bonne formation du personnel notamment les grutiers (Ocean Shipping Consultants, 2008, p.7). De même qu’il importe aussi de miser sur la qualité et la régularité de la maintenance.

12 Le Groupe Bolloré détient l’exclusivité de l’aménagement et de l’exploitation des terminaux à conteneurs au Gabon.

Il faut dire que l’exploitation des deux terminaux présente des situations variées. Pour GPM, les moyens rendements observés sont essentiellement dus à la question de la maintenance des trois grues acquises en 2011 (planche 1). Tandis que deux grues sont opérationnelles, la troisième est à l’arrêt et sert de pièce de rechange aux deux autres. En effet, en application du code des marchés publics en République Gabonaise, toute acquisition à partir d’un seuil de 10. 000.000 francs CFA doit faire l’objet d’un appel d’offre. Compte tenu de la lourdeur des procédures et des délais et vu l’urgence souvent signalée dans un secteur portuaire très exigent et à forte productivité, GPM s’est résolu à sacrifier une grue pour faire face aux besoins de la maintenance curative des deux grues en activité. Ainsi, à défaut d’une maintenance préventive, l’opérateur GPM applique ce que l’on pourrait appeler « la mécanique d’adaptation ».

Planche 1. Aperçu du quai de GPM

Photo a : Poste dédiéPhoto b : Bois débitéPhoto c : Grues de
aux hydrocarburesen attente de chargementmanutention

Prise de vue : Mipoubi Igoumou, 2019

Grâce à GPM, le port d’Owendo a pu acquérir 3 grues mobiles (Gottwald 6407), un parc à conteneurs de 10 ha, un parc automobile de 1,2 ha, un hangar de 4000 m², 2 remorqueurs, 2 pilotines et 2 vedettes de lamanage. A Port-Gentil, le domaine portuaire a pu se doter d’un hangar de 7200 m², d’un remorqueur (2000 cv), d’une vedette de lamanage et d’un Terre-plein de 6 ha. Le constat sur le terminal Arise P&L montre des équipements modernes de manutention (photo 1).

Photo 1. Vue d’ensemble du New Owendo International Port (GSEZ)

Source : Capitainerie d’Owendo, 2017

Cette nouvelle infrastructure possède un tirant d’eau de -13 m et permet d’accueillir des navires de type Panamax13. Trois bateaux peuvent y accoster en même temps, cela permet de réduire le temps d’attente des navires entrants et d’optimiser la compétitivité et les services du port. Cependant, quelques défaillances s’observent notamment le peu d’expérience des grutiers et la faible connaissance du plan de chargement des navires qui expliquent les performances mitigées des deux terminaux.

13 Panamax est la taille maximale des navires pouvant traverser le canal de Panamá

Malgré ces faiblesses, on note une amélioration du temps de séjour des navires à quai et en rade. La congestion en rade a été en grande partie réduite à défaut d’une action similaire sur les plateformes de réception des marchandises du fait de l’insuffisance encore marquée des aires de stockage, c’est pourquoi, il est indispensable de désengorger le port d’Owendo.

2.2.         La prééminence de l’encrage portuaire de GSEZ par la maîtrise des réseaux intérieurs : l’exemple de la plate-forme multimodale de Nkok

Le port d’Owendo a enregistré un développement spatial, dans le temps, sans pour autant que n’y soient améliorées les formalités administratives au bénéfice des importateurs et exportateurs. Le guichet unique portuaire, devenu opérationnel au sein de la Zone Economique à Régime Privilégié de Nkok, atteste alors de l’intérêt de la nouvelle plate-forme multimodale, implantée dans la banlieue Sud-Est de Libreville, la capitale gabonaise.

En fait, consécutivement à la mesure d’interdiction des exportations des bois en grumes de 2010, les Autorités gabonaises décident, dès 201114, d’aménager une Zone Economique à Régime Privilégié (ZERP) à proximité de la capitale administrative du pays. La ZERP apparaît alors comme l’« avant-port » d’Owendo, dans l’accueil des matières premières, convoyées de l’arrière-pays, pour y être transformées et accomplir leurs formalités d’exportation, c’est-à-dire un réceptacle des grumes de bois qui aboutissaient jadis au port d’Owendo. Empruntant au choix les voies fluviale, ferroviaire et routière, les cargaisons qui arrivent dans la Zone Economique Spéciale (ZES) bénéficient d’un certain nombre de commodités, principalement le port sec, le parc à bois, les grands espaces à usages divers pourvus de connexion aux TIC… Conçue pour devenir une importante zone industrielle en même temps qu’un site d’exportation national, la ZES de Nkok doit déjà son dynamisme actuel aux usines qui y transforment aujourd’hui le bois, le fer et l’aluminium et fabriquent les médicaments génériques, les batteries…

2.2.1.    De la volonté politique à la dynamique d’un avant-port aux portes d’Owendo

La création de la ZERP découle du souci des Responsables du Gabon d’entamer une transformation nationale de certaines ressources naturelles du pays. En effet, le constat a été fait que l’économie gabonaise était encore largement dépendante des matières premières minières et surtout pétrolières qui ont longtemps représenté jusqu’à 85 % du budget de l’Etat15. Pour y remédier, les Autorités nationales ont donc décidé d’axer leur stratégie d’industrialisation prioritairement sur la transformation des grumes de bois en produits semi-finis et finis16, en sollicitant au préalable les capitaux, les investisseurs et les entreprises privées extérieures, notamment le groupe singapourien Olam International17 dont les intérêts sont représentés au

14 La mise en place de la ZERP est consacrée par le Décret 0931/PR portant promulgation de la loi n°010/2011 du

18 juillet 2011 portant réglementation des Zones Économiques à Régime Privilégié (ZERP) en République Gabonaise ainsi que par le Décret n°0461/PR/MPITPTHTAT du 10 octobre 2012 portant création et organisation de la Zone Économique à Régime Privilégiée de Nkok.

15 D’après les données publiées par la Banque mondiale, au cours de la période 2014-2019, le secteur pétrolier équivalait à 60% des recettes budgétaires de l’Etat gabonais (le 5ème producteur africain), 45% du Produit Intérieur Brut (PIB) et environ 80% des exportations du pays. In https://afrique.latribune.fr « Gabon industrie bois Nkok ».

16https://www.memoireonline.com/01/16/9374/Projet-d-amenagement-de-la-zone-conomique-speciale-de-N-Kok–

bilan-partiel-et-perspectives.html

17 Le Géant Olam est « un des leaders mondiaux qui intervient dans la chaîne d’approvisionnement des produits agricoles et agroalimentaires. Olam opère d’une façon intégrée. Elle commercialise plus de 20 produits dans 65 pays et emploie 18 000 personnes…». In https://www.agenceecofin.com « Gabon : la zone de Nkok, un PPP avec Olam ».

Gabon par GSEZ SA18. La plate-forme multimodale de Nkok est un exemple de Partenariat Public Privé (PPP) abouti. En effet, la ZERP voit le jour en 2010, consécutivement à un PPP réunissant la République Gabonaise (38,50 % des parts du capital), Olam International (40,50

%) et Africa Finance Corporation (21 %)19. La joint-venture de 140 millions d’euros qui en découle, Gabon Special Economic Zone (GSEZ) SA, est chargée d’assurer les aménagements nécessaires sur le site à partir de 2010. Jusqu’en 2018, les investissements consentis par GSEZ s’élevaient à 740 millions de dollars US… A ceux-ci s’ajoutent les 580 millions de dollars US apportés par les opérateurs pour construire et équiper les usines de bois notamment. Globalement on évalue à environ 700 milliards de francs CFA les investissements directs d’origines diverses (Tableau de Bord de l’Economie, 2019).

Créée à 27 kilomètres, dans la périphérie Est de Libreville, la ZERP est frontalière à l’Ouest, à l’Est, au Sud et au Nord, respectivement par les localités de Bikélé, Nkoltang, Owendo et Essassa et Nkok. Située à 15 kilomètres de Ntoum, commune dont elle est intégrée administrativement au 2ème arrondissement, elle appartient au Département du Komo-Mondah (Province de l’Estuaire)20.

La ZES couvre un domaine de 1 126 hectares organisé en deux phases. Alors que la deuxième phase (506 hectares) est toujours en phase d’aménagement, la première, couvrant près de 620 hectares, est opérationnelle à ce jour, selon la configuration suivante :

  • la zone commerciale, représentant 15,4 hectares, est dédiée à l’exposition et à la commercialisation des produits « Made in Gabon » ;
  • la zone résidentielle, de 44 hectares, est réservée à l’aménagement de logements de différents standings ;
  • la zone industrielle, couvrant 560 hectares, est déjà occupée à 90 % par des entreprises exerçant dans divers domaines (L.E. Ndjambou, 2021, p.168).

Nkok est d’abord un site diversement connecté au port d’Owendo. L’accessibilité de la ZERP est facilitée par la possible connexion à plusieurs axes de transport qui permettent tant l’approvisionnement en matières premières, provenant notamment de l’hinterland, que l’évacuation des produits transformés vers le port d’Owendo. A terme, le site de Nkok sera connecté Grosso modo à quatre modes d’acheminement :

  • d’abord un hélicopode destiné à faciliter les atterrissages d’hélicoptères ;
    • ensuite la voie d’eau, favorisée par la navigabilité de l’Ikoï-Komo21 et l’aménagement, en cours de réalisation, d’un quai pour rallier la ZES;
    • puis le tronçon ferroviaire qui franchit la ZES et permet d’atteindre la gare d’Owendo, située à 14 kilomètres. La voie ferrée est surtout usitée pour le transport des grumes de bois provenant de la Zone d’Attraction du Chemin de Fer (ZAC) et des régions environnantes ;
    • enfin la Route Nationale qui est connectée à 700 mètres du réseau routier interne au site. Le transport par route apparaît désormais comme le plus prometteur au départ ou à destination de la ZERP. En effet, les Autorités gabonaises se sont engagées récemment à aménager une Rocade au Sud de l’Agglomération du « Grand Libreville ». Dénommée « Owendo Bypass », le nouvel axe routier permettra de connecter la plate-forme portuaire de la capitale gabonaise à

18 GSEZ SA est devenue Arise, en référence à Arise holding qui est une composante du groupe Olam, constituée de trois pôles principaux : Arise Port and Logistics, dit Arise P&L ; Arise Integrated Industrial Platforms, pour AIIP ; Arise Infrastructure services, en abrégé AIS. In www.focusgroupemedia.com « Gabon : redynamisation de la zone économique spéciale du Gabon (GSEZ) ».

19 Données fournies par l’Administration de la ZES, Août 2021.

20 http://aazerp.ga « AAZERP – Autorité Administrative Zone Economique Spéciale de Nkok ».

21 Le site d’implantation de la plate-forme industrielle de Nkok correspond au bassin versant de la Mbé, qui est l’une des rivières les plus importantes du Gabon, pourvu d’une surface de 1 800 kilomètres carrés. In https://www.memoireonline.com/01/16/9374/Projet-d-amenagement-de-la-zone-economique-speciale-de-N-Kok– bilan-partiel-et-perspectives.html

la ZES de Nkok22. Si le financement de la voie sera assuré par la Société d’Aménagement du Grand Libreville (SAGL), pour l’heure, le projet qui est encore au stade des études, présente de nombreux avantages dont principalement le contournement de la capitale Libreville. Pour de nombreux experts, ce tronçon routier à venir concentrera les flux de cargaisons croissants, générés par l’évolution de l’industrialisation et la conteneurisation au sein de la ZERP.

En termes d’évolution du projet, on peut relever d’ores et déjà la signature, le 1er septembre 2021, du contrat de pré-concession23 conclu entre le Fonds Gabonais d’Investissements Stratégiques (FGIS) et sa filiale Régional Investment Supranational Entity (RISE). Gérée conjointement, depuis 2020, par le FGIS et la Banque Islamique de Développement (BID), RISE est vouée à restructurer et à développer les projets d’infrastructures par le truchement des Partenariats Publics-Privés (PPP).

2.2.2.    L’industrialisation du site de Nkok, un moyen d’accroissement et de développement des activités du port commercial d’Owendo

Classée huitième entreprise gabonaise aujourd’hui, la ZES de Nkok enregistre un chiffre d’affaires en constante évolution. En effet, celui-ci est passé de 141 milliards de francs CFA en 2017 pour avoisiner les 900 milliards en 2020, du fait singulièrement du dynamisme des investissements directs étrangers24 qui sont la résultante des conditions très attrayantes d’implantation offertes par les responsables gabonais aux sociétés qui s’engagent à consacrer au moins 75 % de leur production à l’exportation. La ZERP apparaît comme un investissement amplement au service des sociétés exportatrices. Sa réussite extraordinaire est sous-tendue par deux textes essentiels : le Décret 0931/PR portant promulgation de la loi n°010/2011 portant réglementation des Zones Economiques à Régime Privilégié (ZERP) en République Gabonaise ; et le Décret n°0461/PR/MPITPTHTAT du 10 octobre 2012 portant création et organisation de la Zone Economique à Régime Privilégiée de Nkok.

Alors que le second texte prévoit, en article 59, que :

Par application des dispositions de la loi n°010/2011 du 18 juin 2011 susvisée, les produits fabriqués et/ou les services fournis par les entreprises admises au régime de la Zone Economique à Régime Privilégiée de Nkok sont destinés, pour au moins 75% à l’exportation…. Le non-respect de cette limite entraîne l’application de pénalités mentionnées au présent décret.

Le Décret 0931/PR apporte, en son article 24, la précision selon laquelle « l’admission au régime de la Zone Economique à Régime Privilégiée est ouverte à toute personne, physique ou morale, gabonaise ou étrangère créant une entreprise dans ladite zone et devant exporter hors

22 Dans l’attente de la confirmation et des précisions apportées par les études en cours de réalisation, le nouvel axe routier projeté, dont les estimations sont de l’ordre de 60 milliards de francs CFA, devrait comporter un péage et deux tronçons. Le premier axe est une double voie de près de 12,5 kilomètres, à construire entre la Route Nationale 1, à partir du kilomètre 15 (de Libreville), jusqu’au niveau du carrefour de La Poste à Owendo. Le deuxième tronçon, de 2×1 voie, long de 5 kilomètres, connectera la nouvelle route en projet à la ZERP de Nkok. In https://gabonmailinfos.com « Gabon : la route reliant le port d’Owendo à la zone de Nkok sous peu dans la phase d’études ».

23 En signant le contrat de pré-concession, les partenaires s’engageaient à entamer les discussions liées à la conception, au développement, au financement, à la réalisation et à l’exploitation de la voie projetée. Ainsi la Société d’Aménagement du Grand Libreville (SAGL), entité mise en place par RISE pour la construction de cette route, s’est attaché les services du bureau d’études SCET Tunisie. Exerçant dans l’ingénierie, en Afrique, depuis plus de 50 ans, l’organe tunisien est désormais chargé, dans le cadre du projet routier Owendo Bypass, de réaliser les études de conception, d’impact environnemental et social et d’une mission Système Sécurité Incendie (SSI). En somme, les résultats que présentera SCET Tunisie valideront ou non la faisabilité économique, financière, juridique, environnementale, sociale et technique de l’infrastructure. In https://gabonmailinfos.com « Gabon : la route reliant le port d’Owendo à la zone de Nkok sous peu dans la phase d’études ». L’Union. « Route Owendo Bypass : ça se précise ». N°13 873 du vendredi 11 mars 2022. 44ème année, pp.5.

24 http://forestafricanews.com « la Zone économique de Nkok veut atteindre un chiffre d’affaires de 900 milliards de francs cfa en 2020 ».

du Gabon au moins 75 % de sa production ». D’après les enquêtes de terrain réalisées en août 2021, bien que divers avantages fiscalo-douaniers, prévus aux articles 44, 46, 47, 48, 49 et 51 dudit texte, soient réservés aux entreprises installées sur le site, Nkok a surtout l’avantage d’abriter un Guichet Unique de 23 organes administratifs25, placés sous la gestion de l’Autorité Administrative. Il en résulte ainsi la célérité des formalités administratives, la réduction des délais de production des documents et des services administratifs aux opérateurs économiques de la zone.

De toutes les activités exercées à Nkok, la transformation du bois occupe une place de choix, parce qu’elle s’appuie sur l’immensité de la forêt gabonaise qui est évaluée à 85% de la superficie du territoire national, représentant ainsi 22,8 millions d’hectares dont 12,5 sont exploités actuellement. Selon les experts, sur les 400 essences recensées, seules 80 sont déjà exploitées. Au total la branche d’activités « forêt-bois » est estimée à 5% du PIB national, soit 60 % des exportations hors pétrole26. L’importance de cette industrie est telle que les sociétés transformatrices, non productrices de la ressource, peuvent l’acquérir sur place, grâce au partenariat conclu entre Gabon Special Economique Zone et la Société de Mise en Valeur du Bois (SOMIVAB)27. En effet, la société forestière Rougier, via un parc à bois aménagé au sein de la ZERP, y livre chaque année 110 000 mètres cubes d’okoumé aux industriels28.

Les retombées socio-économiques sont, à ce jour, déjà intéressantes. En date du 22 octobre 2021, la plate-forme de Nkok comprenait 144 investisseurs de 18 nationalités et 96 entreprises exerçant principalement dans quatre branches d’activités : le bois (séchage, sciage/rabotage, déroulage/placage, fabrication de meubles) ; la sidérurgie (fabrication de fer à béton, billettes d’acier ; fabrication de lingots de cuivre, lingots de plombs ; lingots d’aluminium) ; la chimie (mise en bouteille d’oxygène et d’acétylène ; fabrication de médicaments génériques ; fabrication de batterie automobile) et l’agro-industrie (poulet de chair, eau de source)29.

Figure 1 : Répartition des entreprises par secteur d’activités en2018

Source : données issues du Tableau de Bord de l’Economie 2019-2020

25 Il s’agit de : Direction Générale des Impôts ; Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects ; Agence Nationale de la Promotion des Investissements ; Conseil Gabonais des Chargeurs ; Direction Générale de la Concurrence et de la Consommation ; Direction Générale des Forêts ; Direction Générale des Industries, du Commerce du bois et de la Valorisation des Produits Forestiers ; Direction Générale de l’Industrie et de la Compétitivité ; Direction Générale du Commerce ; Direction Générale de l’Environnement et de la Protection de la Nature ; Centre National Anti-pollution ; Office National de l’Emploi ; Caisse Nationale de Sécurité Sociale ; Direction Générale du Travail, de la Main d’œuvre et de l’Emploi ; Direction Générale de la Documentation et de l’Immigration ; Agence Nationale de l’Urbanisme, des Travaux Topographiques et du Cadastre ; Agence Gabonaise de Sécurité Alimentaire ; Caisse Nationale d’Assurance Maladie et de Garantie Sociale ; Ministère des Affaires Etrangères ; Agence Gabonaise de Normalisation ; Direction Générale de la Statistique ; Inspection du Travail ; Trésor Public.

26 https://www.investingabon.ga « Rapport économique Gabon 2019-2020 ».

27 https://fr.infosgabon.com « Gabon : Les bonnes affaires de la ZERP de Nkok ».

28 https://africtelegraph.com « Gabon : Rougier fournira des grumes aux unités de transformation présentes dans la ZES de Nkok ».

29 Données fournies par l’Administration de la ZES, Août 2021.

La prééminence de la transformation du bois, au sein de la ZERP, évaluée à 84%, est traduite à travers la figure 1 qui estime les autres secteurs d’activités à 16% à peine.

Source : données issues du Tableau de Bord de l’Economie 2019-2020

Figure 2 : Répartition des entreprises du secteur bois en 2018

La figure 2 montre qu’au sein de l’industrie de la transformation, le déroulage qui représente 54% de l’activité et la menuiserie (27%) sont d’existence récente, car jusqu’en 2017 celles-ci n’y étaient pas encore exercées.

L’importance prise, au sein de la ZES, par l’industrie de transformation du bois, a amené les responsables de GSEZ à rechercher, dès fin 2018, une traçabilité de la ressource par le biais de l’Agence indépendante (Tracer)30. Le système mis en place permet désormais d’établir une certification et une traçabilité des grumes, à Nkok, à partir du 24 septembre 2021. Ce sésame est une opportunité d’accès au marché de l’Union européenne pour les « Bois du Gabon » transformé à Nkok et ceux du « Bassin du Congo ». Les produits concernés pourront dorénavant être commandés plus aisément par les importateurs européens et d’ailleurs. La démarche retenue qui prouvera qu’un contrôle préliminaire a été réalisé sur les approvisionnements de ces grumes évitera que la ressource ne soit mélangée avec des bois non contrôlés31. La fluctuation des exportations de « bois débités » à Owendo est le fait principalement de la dynamique impulsée par les unités de transformation de Nkok (figure 3).

Source : données issues des Tableaux de bord de l’économie gabonaise 2014, 2017, 2018 et 2020

Figure 3 : Exportations des bois débités au port d’Owendo entre 2012 et 2019 (en tonnes)

Les responsables de la ZERP estiment qu’environ 40% de bois transformés, exporté du Gabon, provient de cette plate-forme. Plus généralement, Nkok fournit mensuellement 1 200 conteneurs, en moyenne, chargés de divers produits d’exportation. Ceci représente près de 40% des exportations mensuelles des produits conteneurisés exportés par le Gabon.

30 https://afrique.latribune.fr « Gabon industrie bois Nkok ».

31 https://www.agenceecofin.com « Gabon : le système de certification et de traçabilité du bois à Nkok, désormais reconnu par l’Union européenne ».

Conclusion

Le mouvement de privatisation des infrastructures portuaires, impulsé sur la Côte Occidentale d’Afrique au début des années 2000, a eu pour effet de créer des situations monopolistiques au niveau des opérateurs exploitants les terminaux portuaires de la région, dans un premier temps. Néanmoins progressivement, les fortunes diverses connues dans chaque pays, ont amené les gouvernants à rechercher parfois l’efficacité de leurs plates-formes à travers l’ouverture à la concurrence des services offerts, dans un second temps. Il en est ainsi du Gabon où, parallèlement aux intérêts combinés des groupes Portek et Bolloré, un opérateur inhabituel (le singapourien OLAM) s’est installé en déployant une stratégie industrielle d’abord et, logistique et portuaire ensuite. En effet, contrairement à la démarche mise en place, depuis plusieurs décennies, par certains de ses devanciers, pour GSEZ, entité du groupe OLAM, le maillon portuaire est apparu réellement pour l’entreprise comme l’exutoire de ses productions industrielles de l’arrière-pays et des produits finis transformés au sein de la Zone Economique Spéciale de Nkok.

Ainsi, donnant corps à la réalisation de Nkok, GSEZ est surtout devenu l’un des principaux opérateurs de la chaîne logistique globale du Gabon, en même temps que ses projets agro- industriels pourraient à l’avenir en faire le principal opérateur industriel hors secteur pétrolier. Avant-port d’Owendo pour les marchandises conteneurisées, Nkok qui présente l’avantage d’être un site accessible par diverses voies de communication, a fait le choix d’attirer et d’offrir des conditions avantageuses, surtout aux entreprises dont les activités sont prioritairement tournées vers l’exportation. C’est par exemple le cas des sociétés opérant dans le secteur du bois, car la transformation locale de cette ressource, y compris par des sociétés non détentrices de permis forestiers, mais approvisionnées par des compagnies forestières plus anciennes, est allée croissante depuis l’effectivité de la mesure gouvernementale, de 2010, interdisant l’exportation de bois en grumes. Manifestement tout en devenant le principal site de transformation de cette matière première, en produits finis ou semi-finis, Nkok concentre désormais d’autres unités industrielles qui concourent toutes à asseoir le rayonnement tant national qu’international de cette Zone Economique à Régime Privilégiée connectée au port de la capitale politique, Libreville.

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NDJAMBOU Léandre Edgard 2021, « La Zone Economique à Régime Privilégié (ZERP) de Nkok et le port commercial d’Owendo : une complémentarité dans le traitement du fret à l’exportation ? » In N’GUESSAN Alexis, CORDEL Denis et COULIBALY Karim, Les ports secs : outil d’accélération socio-économique en Afrique Atlantique, Ed. ems Management et Société, pp. 161-188.

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Webographie

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