Gestion de l’environnement et santé de la population dans la ville de San Pédro (Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire)

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1912

KOKO AdjouaTchrehoua Natacha,  TUO Péga,  ANOH Kouassi Pau

Résumé

Les villes des pays en développement connaissent une difficile gestion de leur environnement. Pourtant, les difficultés de planification de la dynamique urbaine et de gestion du cadre de vie engendrent des effets néfastes sur la santé des populations en termes de propagation des maladies comme le paludisme, les Infections Respiratoires Aigües (IRA), la diarrhée, etc. Avec la dynamique démographique et spatiale depuis 1975, la ville de San Pédro fait face à des problèmes environnementaux qui constituent des risques sanitaires pour les populations. Cet article veut montrer l’impact de la gestion de l’environnement sur la santé de la population dans la ville de San Pédro. La recherche documentaire et l’enquête de terrain ont montré que la ville connait une difficile gestion de l’environnement du fait de la nature du site qui est marécageuse, de l’insuffisance des ouvrages d’assainissement et des équipements de gestion des ordures ménagères. Dans ces conditions, les eaux usées domestiques et pluviales stagnent à l’air libre, les ordures ménagères prolifèrent dans les rues et les maladies liées à l’environnement comme le paludisme, les IRA, la diarrhée sévissent dans la ville selon le niveau de dégradation de l’environnement de chaque quartier. À travers une classification des quartiers de la ville de San Pédro, une corrélation est donc établie entre l’état de l’environnement et la santé des populations.

Mots-clés : Côte d’Ivoire, San Pédro, gestion de l’environnement, dégradation, santé. 

Abstract :

Key words:

INTRODUCTION

Devenue indépendante, la Côte d’Ivoire décide à partir de 1968 de mettre en valeur la région du Sud-Ouest, avec pour principaux maillons l’ouverture d’un second port et la création d’une nouvelle ville, pôle de développement de la région (Ministère d’Etat, Ministère du plan et du développement, 2007, p. 101). La création de la ville de San Pédro découle d’une politique volontariste initiée par le gouvernement ivoirien via le projet d’Aménagement de la Région du Sud-Ouest (ARSO) selon A. D. F. V. Loba (2010, p. 1). Ce projet visait la réduction des disparités régionales en Côte d’Ivoire. Il reposait sur la construction d’un port en eau profonde basé à San Pédro. Les ports sont de puissants instruments de soutien et d’impulsion du développement économique national (N. H. J. Kablan, 2008, p. 100). L’initiative du port de San Pédro devait à partir de la ville relancer le développement de la région du Sud-Ouest. Le lancement des travaux de construction du port et de la ville, avait déjà entraîné une importante croissance démographique. Le taux de croissance de la population de la ville (25,8%) entre 1965 et 1975 était l’un les plus élevés du pays après celui de Yamoussoukro (A. T. Koby, 2008, p. 279). Les travailleurs temporaires venus pour la construction se sont transformés en résidents permanents. Cette croissance s’est poursuivie avec l’entrée en activité du port et des unités agro-industrielles. Avec l’opération de l’ARSO, il s’en est suivi un boom migratoire. De 2 207 habitants en 1968, la population de San-Pédro passe en 1975, soit 7 ans plus tard à 31 606 habitants dont 37% d’étrangers (Ministère d’Etat, Ministère du plan et du développement, 2007, p. 101). La croissance démographique se poursuit car la population de la ville est passée de 70 590 habitants en 1988 à 174 287 en 2014 habitants (INS-RGPH, 1988,2014) La ville de San Pédro a connu dans le même laps de temps une croissance spatiale rapide. De 335 ha en 1975, la superficie urbanisée est passée à 480 ha en 1980 pour atteindre 1850 ha en
2000. En 2014, la superficie de la ville était estimée à 2 340 ha. Dès le début du projet de construction de la ville en 1968, les urbanistes avaient conçu une ville de 1000 habitants (Ministère d’Etat, Ministère du plan et du développement, 2007, p. 102). Aujourd’hui, ce plan d’urbanisme est largement dépassé vu que la ville abrite 200 fois plus de population que prévu. L’insalubrité à San Pédro est apparue sous l’effet conjugué des insuffisances de planification de la dynamique urbaine et de gestion de l’environnement en termes de réalisation et d’entretien des ouvrages d’assainissement, de collecte et d’élimination des déchets dans les quartiers centraux et périphériques. Le rejet des eaux usées des ménages se fait dans les cours et les artères de la ville (K.H.Yro, 2009, p. 54). Les ordures sont abandonnées aux abords des habitations, des plans d’eau, des lieux publics. Les lacs intérieurs de la ville sont fortement pollués par les eaux usées hospitalières et domestiques non traitées qui y sont directement
reversées. Pourtant, selon le rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2006, p. 2), les quatre maladies qui sont les plus influencées par un environnement de mauvaise qualité sont la diarrhée, les infections des voies respiratoires inférieures, différentes formes de lésions involontaires et le paludisme. Les maladies liées à l’environnement dans le district sanitaire de San Pédro ont connu une évolution. En effet, les incidences du paludisme (5,61‰), de la diarrhée (16,64‰) et des IRA (25,76‰) en 2010 (ASS, 2010, p. 166, p. 175, p. 207) ont atteint respectivement 85,70‰, 23,91‰ et 58,34‰ en 2016 (RASS, 2016, p. 306, p. 325, p. 334). Le
problème qui fonde cette étude, est la propagation des maladies liées à l’environnement. Alors, quel est l’impact de la difficile gestion de l’environnement sur la santé des populations à San-Pédro. De façon spécifique, il s’agit d’analyser la gestion de l’environnement et d’établir une corrélation entre la répartition spatiale des maladies et l’état de l’environnement.

1. Outils et méthodes

1.1. Présentation de l’espace d’étude

Située dans le Sud-Ouest ivoirien précisément à l’Ouest du littoral ivoirien à 9°32 de latitude Nord et 6°29 de longitude Ouest, la ville de San Pédro (carte 1) se trouve au bord de l’océan atlantique, sur le golfe de Guinée, à 368 Km d’Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire. La ville de San Pédro est le chef-lieu de région et du district du Bas-Sassandra constitué des régions de la Nawa, du Gbôklé et de San Pédro. Les départements de San Pédro et de Tabou appartiennent à la région de San Pédro limitée à l’Est par la région du Gbôklé, à l’Ouest par le Libéria et au Nord par les régions de la Nawa et du Cavally. Elle fait partie des trois régions qui composent le district du Bas-Sassandra.

1.2. Techniques de collecte de données

L’étude s’est basée sur deux techniques de collecte de données à savoir la recherche documentaire et les enquêtes de terrain. La recherche documentaire a permis de faire une synthèse des travaux déjà menés sur la relation entre la gestion de l’environnement et les conséquences sur la santé des populations. Les données statistiques et cartographiques de l’Institut National de la Statistique (INS), du District Sanitaire de San Pédro et des rapports de la Mairie ont permis respectivement de caractériser la population de la ville, d’analyser l’évolution des prévalences et des incidences des maladies liées à l’environnement et d’apprécier les actions des autorités administratives et politiques. Pour les enquêtes de terrain, l’observation a permis d’appréhender l’état de l’environnement de la ville, à travers des faits d’insalubrité (le déversement des eaux usées domestiques dans les rues, la stagnation des eaux usées et pluviales, la prolifération des ordures ménagères). Les entretiens se sont faits auprès des responsables chargés des problèmes environnementaux et sanitaires notamment ceux du Service Technique de la Mairie, du district sanitaire de la ville, de l’antenne de la Société de Distribution d’Eau en Côte d’Ivoire (SODECI) et du service du Ministère de l’environnement et de la direction régionale de la construction et de l’urbanisme. Ces entretiens ont permis d’avoir des données concernant les problèmes environnementaux, les différentes actions menées par ces responsables en matière de gestion de l’environnement afin d’infléchir les problèmes de santé des populations de San Pédro. Pour l’enquête auprès des chefs de ménages, un échantillonnage a été fait. La taille de l’échantillon a été obtenue à partir de la formule de Fisher : n=t2*p (1-p) /e2. Avec un niveau de confiance de 95%, la taille minimale de ménages à enquêter est n = (1,96)2 x 0,25 / 0,052 =384. Pour pallier d’éventuels refus de certains enquêtés, on a procédé à un réajustement de la taille de l’échantillon de l’étude. Pour compenser la perte anticipée, il importe de multiplier la taille de l’échantillon par l’inverse des taux de réponse (H. Gumuchian et al., 2000 cités par M. Coulibaly, 2016, p. 68). Avec un taux de réponse estimé à 95%, la taille de l’échantillon de ménages corrigé est : n= (384) (100/95) = 404. Un quartier peut abriter une ou plusieurs Zone (s) de Dénombrement (ZD). Pour cette étude, nous avons établi la liste de toutes les ZD composant chaque quartier et procéder à un tirage aléatoire.En fonction du poids de ZD de chaque quartier, nous avons réparti la taille de l’échantillon. Selon l’Institut National de la Statistique (INS) de Côte d’Ivoire, le nombre idéal de ménages à enquêter dans une ZD doit être de 23 par ZD au maximum, 8 au minimum avec une moyenne de 13. Nous avons opté pour le maximum c’est-à-dire 23 ménages à enquêter par ZD, ce qui permet de ramener la taille des échantillons des quartiers inférieurs à 23 ménages. La taille de l’échantillon corrigée est consignée dans le tableau 1.

Pour les ZD comprenant au maximum 23 îlots, une division du nombre de ménages par le nombre d’îlots a été faite. Concernant les ZD de plus de 23 îlots, les numéros des îlots ont été inscrits et un tirage aléatoire a été effectué. Au cas où on a un ménage à enquêter dans un îlot de plusieurs logements, un choix des indices comme un point d’eau stagnante, ordures ménagères et le type d’habitat a été opéré pour choisir le ménage le plus proche de l’un ou de ces indices. Quand il s’agit de plusieurs ménages à interroger dans un seul îlot, on a procédé à un pas de 5 ou 10 selon l’importance des logements dans l’îlot. En somme, l’enquête a porté sur 472 chefs de ménages repartis sur l’ensemble des quartiers de la ville. Le questionnaire a été administré au chef de ménage ou à défaut à sa conjointe.

1.3. Traitement des données et démarche statistique

Le traitement manuel a consisté au dépouillement manuel des différents supports utilisés pendant l’enquête. Ce sont les questionnaires, fiches d’enquêtes, cartes, guide d’entretien, carnet de notes. Le but de ce traitement est d’organiser les idées maîtresses, d’en dégager les principaux axes d’analyse et sur ce, générer des tableaux, des graphiques et des cartes d’illustrations.
Pour le traitement quantitatif, le logiciel Sphinx V5 a permis de réaliser le masque sur lequel les données ont été saisies et analysées. Les données ont été transférées sous formes de tableaux sur le logiciel Excel qui a servi à la réalisation des graphiques. Les logiciels Adobe Illustrator CS 6 et Arc View10.6 ont permis de réaliser les cartes d’illustration qui ont aidé à localiser la zone d’étude, d’établir le niveau de dégradation de l’environnement et la répartition des malades par quartier. Le modèle de spatialisation du niveau de salubrité utilisé est celui de B. Koné (2007, p. 44) et M. Coulibaly (2016, p. 143). Le processus de classification adopté prend en compte pour chaque type d’objet géographique le nombre et la superficie. Les superficies des dépôts sauvages d’ordures appelées Indice de Spatialisation du Niveau d’Insalubrité (ISNI) et des rejets d’eaux usées et vannes nommés Indice de Spatialisation du Niveau de Stagnation des eaux usées(ISNA) ont été mesurées selon la méthode des pas étalonnés. En fonction de chaque superficie calculée, une cote allant de 4 à 14 pour les déchets solides et 3 à 13 pour les déchets liquides a été attribuée.
Pour l’analyse économétrique, le modèle logit ordonné ou le modèle « Ologit » est une variante des modèles logit. Sa particularité réside dans l’estimation de la relation entre une variable dépendante ordinale et plusieurs variables indépendantes. La condition suffisante exigée pour le recours au logit ordinal est que les modalités de la variable dépendante (à expliquer) doivent avoir une relation d’ordre entre elles, être classées suivant un ordre donné. En dehors du caractère ordinal, une autre condition doit être remplie pour que le logit ordonné soit appliqué : le nombre de modalités doit être supérieur à deux. Les variables indépendantes,
quant à elles, peuvent être de n’importe quelle nature : catégorique ou quantitative. Comme notre variable dépendante est déduite à partir du nombre de maladies, pour répondre aux exigences du modèle, nous avons ainsi classé ses modalités selon une échelle numérique. Les modèles de probabilités et notamment les modèles logit multi-nominal peuvent être de grande utilité dans la détermination de la probabilité qu’un ménage soit localisé dans une strate donnée, selon leurs caractéristiques spécifiques. Nous présentons ici théoriquement, de façon brève, la construction de ces modèles. En considérant la variable Yi=1,…,4  qui désigne la modalité maladies environnementales, on a pris la valeur 1 pour le paludisme, 2 pour les IRA, 3 pour les maladies diarrhéiques et 4 pour la fièvre typhoïde. Il existe une variable latente Yi* qui se décompose en éléments déterministes et aléatoires. Nous notons Xi le vecteur des variables indépendantes (ou explicatives) qui résument les caractéristiques des maladies environnementales et ßi le vecteur des paramètres associés (ou perturbations). L’ Analyse Factorielle des Correspondances Multiples (AFCM) a servi à faire des corrélations entre les pathologies et les conditions et cadre de vie des populations. Cette technique a l’avantage d’examiner l’ensemble des interrelations entre les variables dépendantes et indépendantes.

2. Résultats et discussions

2.1. Un cadre de vie difficile à assainir

L’étude du cadre de vie porte sur les caractéristiques du site de la ville de San Pédro dans son contexte d’aménagement.

2.1.1. Un site disséqué par des zones marécageuses

Le site de la ville de San Pédro est dans l’ensemble heurté et difficile. En effet, le relief est morcelé avec de nombreuses zones marécageuses (Ministère d’Etat, Ministère du plan et du développement, 2007, p. 100). Ce site est divisé en six compartiments séparés par un système lagunaire plus ou moins remblayé comprenant la lagune Digboué, les zones marécageuses de l’aéroport centrées sur le fleuve San Pédro situé à l’Est de la ville (carte 2).

Le premier inclut la lagune Digboué entouré de marécages et de colline. Il est parcouru par de nombreux affluents, longs et sinueux formant par endroits de véritables labyrinthes. Il constitue un site difficilement urbanisable à cause de la présence de petites collines d’altitudes variées séparées les unes des autres par de multiples talwegs et bas-fonds. La création de terrains constructibles dans ces zones marécageuses nécessite des apports de remblais considérables. Le deuxième compartiment englobe les quartiers Poro, Nitoro, Mohikakro, Rade, Corniche et Balmer et le quai à bois. Il est constitué de zones basses et de collines dont les plus hautes sont localisées sur la moitié est du compartiment où elles culminent à 80 mètres d’altitude avec des
pentes abruptes. Les parties basses constituent le centre-ville avec des altitudes variant entre 4 et 10 mètres. La morphologie accidentée du terrain présente avant tout une des contraintes dominantes à l’urbanisation. Les collines donnent peu de possibilités de créer des terrains urbanisables sans risque d’érosion par le ruissellement des eaux pluviales. Compris entre le deuxième compartiment et le quartier Bardot d’une part, la lagune Digboué et le fleuve San Pédro d’autre part, le troisième compartiment comprend les quartiers de la zone industrielle, Séwéké, Sonouko et l’aéroport. La plus grande partie du terrain est marécageuse.
Quelques lacs occupent les points bas de la ville. Il n’existe pas de relief significatif dans cette zone à part quelques îlots collinaires. On note peu de terrains constructibles. Le quatrième compartiment est situé sur le plateau continental du quartier Bardot qui se trouve dans la partie Nord-Ouest de la ville. Bordé par le fleuve San Pédro, il est traversé par la route de Tabou qui dessert une succession de terrain urbanisable. Le relief est divisé en 2 parties.Au Nord, une partie finement découpée par de nombreux bassins versants ouvre sur le fleuve San Pédro tandis qu’au Sud, une série de bassins versants parallèles débouche dans les zones basses et marécageuses. Les plates-formes qu’il délimite sont les seules surfaces propices à la construction. Concernant le cinquième compartiment, il occupe la partie Nord de la ville. Il est limité à l’Ouest par des terrains marécageux qui entourent le lit du fleuve San Pédro et à l’Est par la route qui mène à Soubré. Cette zone est peu peuplée et les activités sont liées aux cultures vivrières. Le relief de cet espace est caractérisé par : une zone de collines formant une sorte de barrière aux marécages qui entoure le San Pédro dont l’altitude varie entre 10 et 20 mètres ; une zone plate, d’une superficie importante qui pourrait se transformer en terrains urbanisables. Ce compartiment est une zone de relief accidenté avec de fortes pentes d’altitudes variables, atteignant parfois plus de 30 mètres. Le sixième compartiment est localisé à l’Est entre le fleuve San Pédro et le fleuve Brimée. Limité à l’Ouest par la route de Soubré, il offre de grandes possibilités d’extension. Avec une altitude moyenne de 5 à 20 mètres, il constitue en partie le domaine portuaire et est actuellement très peu occupé. Les zones urbanisables se retrouvent au Nord, au Nord-Ouest et à l’Est de la ville actuelle. Il s’agit des compartiments 4,5 et 6. Selon A. D. F. V.Loba (2010, p. 6), les caractéristiques du site n’ont pas rendu facile la tâche aux urbanistes et l’implantation des populations d’où le remblaiement des zones basses marécageuses.Ainsi, les contraintes naturelles du site conjuguées à l’étalement issu de l’urbanisation incontrôlée vers les zones dangereuses et difficilement aménageables, constituent les facteurs essentiels de la forte vulnérabilité des populations de la ville de San Pédro comme M. K. Traoré (2016, p. 304) l’a aussi relevé.

2.1.2. L’impact du site sur l’aménagement de la ville

Au-delà de son empreinte sur la morphologie de la ville, l’impact du site est encore plus déterminant sur la viabilité du système d’assainissement. Née d’un port, la ville de San Pédro a connu une croissance spatiale rapide (Ministère d’Etat, Ministère du plan et du développement, 2007, p. 102). Le site choisi convient au port, mais en revanche on ne peut en dire autant pour la ville. Les marécages et les fortes pentes sont des obstacles à l’urbanisation. Ainsi, il n’y a pas de mètre carré de terrain qui n’ait pas fait l’objet de travaux de terrassement. Les zones industrielles qui étaient implantées loin des habitations se trouvent aujourd’hui en pleine ville, car le manque de logements a occasionné la construction du quartier Séwéké dans le prolongement de l’espace réservé aux unités industrielles. On assiste à une propension de l’habitat spontané avec une dégradation inquiétante du cadre de vie, mettant plus de 70 % de la population urbaine dans une précarité environnementale. L’habitat précaire occupe le quart de la superficie urbaine (Ministère d’Etat, Ministère du plan et du développement, 2007, p. 102). Les espaces naturels et non constructibles sont plus étendus que les espaces constructibles (tableau 2).

2.1.3. Un sol d’un niveau d’imperméabilité élevé

Le site de la ville de San Pédro renferme un sol pour l’essentiel imperméable. Les travaux de M. K. Traoré (2016, p. 117) indiquent que « l’indice d’imperméabilité s’élève à 4 018 mailles sur les 6 120, soit 65,65% du territoire urbain. Aussi21,48% du sol urbain est-il d’une imperméabilité moyenne, contre seulement 12,85% pour les espaces les moins imperméables ». Cette importante imperméabilité est le fait de sols essentiellement alluvionnaires formés de tourbes vaseuses et gorgés d’eau. Cette saturation en eau empêche le ruissellement vertical des eaux pluviales au profit d’un ruissellement horizontal par gravité. Ce dernier se trouve
éventuellement entravé si la pente est faible. Ainsi, la conjugaison de la présence des marais à la faiblesse des pentes contribue à la stagnation des eaux en cas de pluies exceptionnelles. L’urbanisation vient aussi exacerbée l’imperméabilité des sols. Elle contribue à artificialiser les sols (bétonnage, bitume) et augmenter son imperméabilité.

2.1.4. L’impact du site sur l’assainissement

La ville de San Pédro dispose d’un réseau de drainage constitué de caniveaux à ciel ouvert ou enterrés le long de certaines de voies de communication, mis en place lors de sa création dans les quartiers légaux comme la zone industrielle au Sud. Ce système draine les eaux vers les plans d’eau (la lagune Digboué et les lacs artificiels). La présence de nombreux thalwegs facilite le drainage des eaux vers la lagune Digboué pour les quartiers situés au Sud de la route de Grand-Béréby et vers le fleuve San Pédro pour les quartiers du Nord. Le problème majeur concernant le réseau de drainage est son manque d’entretien. De ce fait, le système de drainage est défectueux et contribue à la dégradation de la voirie. Aussi, l’obstruction des caniveaux à ciel ouvert entraine le ruissellement des eaux sur les voies de communication, rendant ainsi difficile la circulation urbaine comme le montre la photo 1.

2.2. Une mauvaise gestion des ordures ménagères

Le graphique 1 présente les modes de gestion des ordures ménagères dans les ménages.

L’analyse du graphique 1 montre que l’élimination des ordures ménagères dans les rues, basfonds, terrains vagues ou nature, à l’aide de pré-collecteurs, constituent les principaux modes d’évacuation des déchets ménagers des chefs de ménages enquêtés. En effet, sur les 472 chefs de ménages enquêtés, 225 chefs, soit 43,6% de l’ensemble des enquêtés ont recours aux dépôts sauvages (dans les rues, les caniveaux à ciel ouvert, les parcelles inhabitées…) pour l’évacuation des déchets solides comme à Daloa (40,2%) selon P. Tuoet al. (2016, p. 206). La collecte par charrette est le mode le plus dominant dans les quartiers à habitats résidentiels et
économiques respectivement 55,4% et 35,2% à San Pédro. Les rues, les terrains vagues, les bas-fonds sont les modes d’élimination des ordures ménagères les plus répandus dans les quartiers à habitats précaires et évolutifs à 58,6%. Pour M. Barry et al.(2009, p. 52), le taux d’enlèvement des déchets consécutif à des dysfonctionnements au niveau de la filière de gestion des déchets solides conjugué avec l’incivisme des citoyens, contribue à donner aux villes une véritable image de «villes-poubelles». L’omniprésence des tas d’immondices dans la ville de San Pédro montre que la gestion des ordures ménagères demeure problématique malgré la présence de collecteurs. Les dégradations les plus particulièrement visibles sont les déchets non collectés qui pullulent aux abords des rues et restent stockés sur les lieux de déversement (photo 2). Or, G. M. Niamké(2016, p. 81) a montré que la production des déchets devrait s’accompagner d’une collecte efficace, afin d’éviter les amoncellements des détritus qui visiblement créent des dommages environnementaux sur l’espace et la conséquence de cette situation est traduite par la dégradation du cadre de vie. Ces édifices, zones de prédilections des insectes et autres vecteurs nuisibles, rendent vulnérables au plan sanitaire les populations vivant à proximité. La prolifération des décharges dans les rues et places publiques favorise la multiplication des rongeurs, des mouches, des moustiques, des cafards, etc. Ces insectes nuisibles sont des vecteurs de maladies liées à l’environnement comme P. Tuo et al. (2016, p. 207) et G.M. Niamké (2016, p. 96) l’ont aussi relevé.

2.3. Une défaillance du réseau d’assainissement des eaux usées et pluviales

Le graphique 2 met en évidence les principaux modes d’évacuation des eaux usées.

La ville de San Pédro dispose, dans les zones d’habitat loties, d’un réseau de drainage bétonné à ciel ouvert ou enterré, mis en place lors de la création de la ville. L’analyse du graphique 2 montre que les réseaux d’égout constituent à 78,5% les principaux lieux d’évacuation des eaux usées des résidents des quartiers résidentiels. Quant aux habitants des quartiers à habitats économiques, ils rejettent les eaux usées à 27,5% dans les fosses septiques. Concernant les quartiers précaires et évolutifs, les rues ou cours (photo3) constituent à 50,8% les lieux d’évacuation des eaux usées comme à Brazzaville (P. Vennetier, 1988, p. 21).Chaque ménage
de San Pédro gère ses déchets liquides selon ses propres moyens comme à Williamsville (P. Tuo, 2015, p. 21).Pourtant,K. Dongo et al.(2008, p. 51)ont montré que « les eaux de mauvaise qualité, l’assainissement précaire et la mauvaise hygiène contribuent pour une grande partie dans la détérioration de la santé des populations ».C’est pourquoi, E. A. Z. Sy (2005, p. 69) a souligné que« la collecte, le traitement et l’évacuation des eaux sont un préalable pour un minimum de confort et de sécurité sanitaire ».

Source : Tuo, 2015

L’insuffisance du réseau de drainage dans la ville de San Pédro, s’exprime par la stagnation des eaux usées dans les quartiers. Ces eaux se concentrent dans des dépressions pour devenir un lieu de prédilection des moustiques.

2.4. Insuffisance des actions des pouvoirs publics pour une meilleure gestion de l’environnement

La ville dispose de deux camions bennes, de quatre tricycles, d’une chargeuse et d’un bulldozer pour la collecte de déchets solides. Il n’existe pas de centre de groupage pour la collecte des ordures. La collecte se fait de porte à porte. La décharge municipale est située à 20 km de la ville. Elle est surchargée et incontrôlable. Tous les matins, les différentes équipes sont chargées de collecter des déchets produits par les ménages et de les acheminer à la décharge. Mais on constate que les actions des collectivités territoriales sont quasi-inexistantes dans la ville. Il n’existe pas de bacs à ordures dans les quartiers. Les camions de ramassage des ordures ne circulent que sur les voies principales et ne sont pas réguliers. La fréquence de ramassage des ordures par les services en charge est un élément pour apprécier la cohabitation des populations avec les ordures non collectées. Le graphique 3 présente la fréquence de ramassage des ordures ménagères.

L’analyse du graphique 3 montre que, 30 % des chefs de ménages enquêtés estiment que les services de la Mairie chargés de la collecte passent une fois dans la semaine devant leur concession tandis que 27,3% ont affirmé, qu’ils sont réguliers chaque jour. Les faibles interventions dans la collecte des ordures ont été aussi soulignées par P. Tuo et al. (2016, p. 206) à Daloa et à Aboisso (G. M. Niamké, 2016, p. 131). Les services de collecte municipaux indiquent des points de groupage où les ordures doivent être collectées. Cependant, leur localisation géographique constitue un obstacle à leur utilisation dans les villes ou quartiers. Le ramassage mobile initié avec les camions ou tricycles constituent une innovation dans la collecte des ordures. Mais l’irrégularité de passe, la dégradation du réseau routier existant et l’inaccessibilité de certaines zones ne permettent pas une meilleure gestion des déchets solides. La fréquence de ramassage joue un rôle hygiénique fondamental. En effet, quand les ordures ne sont pas enlevées, elles se décomposent au lieu de stockage et peuvent non seulement occasionner des odeurs nauséabondes mais aussi être des zones de refuge pour les mouches, les souris, les cafards, nuisibles à la santé. Le réseau d’assainissement ne couvre pas tous les quartiers et est mal entretenu. Il est saturé et démodé occasionnant la stagnation des eaux usées par endroit dans la ville. L’insuffisance et le manque d’entretien du réseau de drainage des eaux pluviales, rendent impraticables les voies de circulation de la ville. Le manque de contrôle de la réalisation des fosses septiques dans les ménages pour l’évacuation des eaux usées domestiques entraine leur écoulement régulier dans les rues, caniveaux à ciel ouvert, marécages, etc. La déficience du système d’assainissement est fréquente dans les villes des pays en développement comme Abidjan en Côte d’Ivoire (P. Tuo, 2015, p. 42), Rufisque au Sénégal (I. Sy, 2006, p.90).

2.5. Une dégradation variable de l’environnement au sein de la ville

La carte 3 est l’expression spatiale du niveau de dégradation de l’environnement de la ville.

Dans l’ensemble, la moyenne du niveau de dégradation de l’environnement est de 7,6 et se situe dans l’intervalle de 6,1 à 9. Par conséquent, San Pédro est considéré comme une ville insalubre comme Daloa (M. Coulibaly 2016, p. 145). La carte 3 met en relief quatre groupes de quartiers dans la ville de San Pédro selon le niveau de dégradation de l’environnement. Les quartiers salubres avec un niveau de dégradation compris entre 0 et 3 comprennent les quartiers à habitats résidentiels(Zone portuaire et Nitoro).Les quartiers peu salubres, avec un niveau de dégradation se situant entre 3,1 et 6 sont composés des quartiers à habitats économiques(Lac ou Sonouko et Cité Poro). Avec un niveau de dégradation compris entre 6,1 et 9, les quartiers insalubres comprennent Zone Industrielle, Soleil, Scaf, Bardot Dioula, Digboué, Sotref, Victor Ballet et Château d’Eau appelés aussi quartiers précaires et évolutifs. Les quartiers très insalubres ont un niveau de dégradation entre 9,1 et 16. Ce sont les quartiers à habitats précaires et évolutifs tels que Bardot, CMA ou Thanry, Colas, Zimbabwé et Séwéké l’un des quartiers à habitats économiques.

2.6. Relation entre dégradation de l’environnement et santé de la population

Pour montrer le lien entre l’environnement et la santé des populations, l’Analyse Factorielle des Correspondances Multiples (AFCM) et l’analyse économétrique sont utilisées.

2.6.1. Répartition spatiale du volume des consultations et du type de pathologies par quartier

La carte 4 présente la répartition des maladies liées à l’état de l’environnement dans la ville.

L’analyse de la carte 4 montre que les prévalences les plus fortes s’observent dans les quartiers très insalubres et insalubres. Sur un effectif de 11 266 consultations, 8 896 malades proviennent des quartiers très insalubres et insalubres, soit environ 78,9% du volume. Les 2 181 autres patients résident dans des quartiers peu salubres, soit 19,4% de l’ensemble. Les quartiers salubres enregistrent 189 patients, soit 1,7%. Ces résultats confirment ceux de M. Coulibaly (2016, p. 243), qui a aussi montré qu’à Daloa, les quartiers qui ont les plus grands niveaux de dégradation environnementale enregistrent un volume important de maladies
environnementales. Les pathologies diagnostiquées sont nombreuses et diverses. Mais trois d’entre elles se distinguent par leur volume. Il s’agit du paludisme, des maladies respiratoires et de la diarrhée. Mais le paludisme constitue la première cause de consultation et d’hospitalisation des populations (50%) comme à l’échelle de la Côte d’Ivoire (43%) selon le PNLP (2015). Le total
des cas de paludisme enregistré est de 7 218 cas pour un effectif total de 11 266 cas de pathologies. Tous les quartiers sont exposés aux maladies environnementales quel que soit le type de quartiers. Cependant, les facteurs d’exposition ne sont pas partout les mêmes. E. A. Z. Sy(2005, p.100) énonce que « leur présence dans un milieu, même à un nombre réduit indique une insalubrité et un environnement à risque ». Le paludisme est permanent toute l’année avec une recrudescence en saison pluvieuse du fait de la prolifération de gîtes larvaires favorables à la reproduction et à la multiplication des moustiques. Il représente la première cause de consultation de la population indépendamment du type de quartier. Cependant, il domine dans les quartiers précaires, évolutifs et économiques car ils sont ceinturés de bas-fonds utilisés à des fins agricoles. La dynamique spatiale du bâti se fait en direction des bas-fonds qui sont des biotopes favoris des moustiques vecteurs du paludisme. Elle peut s’expliquer aussi par le fait que ces quartiers sont relativement peuplés. La croissance démographique n’est pas suivie par la mise en place des infrastructures de base. Par ailleurs, l’absence de réseau d’égout et de drainage des eaux usées domestiques et pluviales entraine la prolifération des sites de reproduction des moustiques dans ces quartiers. Il en est de même pour les quartiers à habitats économiques qui enregistrent de nombreux sites de stagnation d’eaux dans les marais et entre les habitations. Or, pour Schultz cité par E. A. Z. Sy (2005, pp.100-101), « l’offensive épidémique du paludisme s’explique par la détérioration des conditions sanitaires marquées par une multiplication des gîtes larvaires naturels et artificiels due à l’insuffisance de l’assainissement ou de la desserte en eau (fûts et bassines) ». En ce qui concerne les quartiers à habitats résidentiels, le respect de la trame parcellaire rend spacieux les habitations. On peut aisément rencontrer une ou deux parcelles occupées au milieu d’une dizaine d’autres vides ou non mises en valeur. Pourtant, K. A. Adou (2015, p. 72) a montré que la distribution spatiale et la composition de la faune anophélienne, étaient influencées par l’occupation du sol dans les quartiers Dar-Es-Salam (quartier populaire) et Kennedy (quartier résidentiel) à Bouaké. En effet, le risque de contracter le paludisme était plus élevé à Kennedy qui présentait un environnement plus embroussaillé par rapport à Dar-Es- Salam où celui-ci était très insalubre.

2.6.2. Le lien entre les facteurs de dégradation de l’environnement et la survenue des maladies environnementales

L’expression des effets marginaux ne permet pas d’interpréter directement les paramètres du modèle. Ainsi, un paramètre estimé de signe positif, indique qu’une augmentation de la variable explicative associée se traduit par une réduction de l’évènement et par une augmentation de la probabilité d’être localisé dans le dernier quartile. Pour les catégories intermédiaires, le signe
des paramètres n’apporte pas d’informations qualitatives suffisantes pour l’interprétation. Les variables retenues pour montrer le seuil de significativité de chaque variable ont permis d’obtenir les résultats consignés dans le tableau 3.

Toutes ces variables explicatives interviennent dans la survenue des maladies dites environnementales, mais seule une variable est significative au seuil de 5%. Il s’agit de la variable stagnation des eaux. La variable dépendante dans la survenue de ces maladies est liée aux problèmes d’évacuation des eaux dans plusieurs secteurs de la ville. Le coefficient associé à cette variable est significatif au seuil de 5%. Cette variable augmente la probabilité de 52% des chefs de ménages proches des retenues d’eau d’être exposés aux maladies environnementales. Le tableau 4 permet de voir les effets marginaux de chaque variable dans l’apparition des maladies environnementales.

L’interprétation porte sur deux séries d’éléments : la validité et la vraisemblance du modèle d’une part, et les influences respectives des variables explicatives sur la variable expliquée d’autre part. La vraisemblance du modèle s’apprécie à l’aide de la signification de la statistique de Khi-deux y rattachée. Cette significativité renseigne sur la corrélation entre la ou les variables explicatives et la variable dépendante. Ici les variables explicatives sont les facteurs de la dégradation de l’environnement (lieu d’aisance, accès à l’eau, retenues d’eau) et les variables dépendantes sont les maladies (paludisme, IRA, diarrhée). Le seuil de significativité retenu dans ce travail s’étend de 1% à 10%. Le degré d’adéquation du modèle est donné par le coefficient de détermination appelé aussi le pseudoR2. Celui-ci permet d’apprécier le pouvoir prédictif du modèle en donnant la contribution dans l’explication de la variable dépendante. Le R2 = 0,0286 a un niveau de significativité de 5%, c’est-à-dire qu’il existe une corrélation entre les facteurs de la dégradation et l’apparition des maladies environnementales. L’analyse des effets marginaux du tableau 4 montre que, toutes les variables sont de signe positif et une variable (stagnation des eaux) est statistiquement significative au seuil de 5% dans l’apparition des maladies environnementales telles que les IRA et les diarrhées et le paludisme. Le lieu d’aisance aune probabilité de 4,6%, 1,2% et 2,4% respectivement dans la survenue du paludisme, des IRA et des diarrhées à San-Pedro. En effet les ménages qui disposent de latrines à l’intérieur des habitations et autour pourraient faire le paludisme, les maladies diarrhéiques et contractés les IRA. L’odeur pestilentielle des lieux d’aisance qui ne sont pas aménagés, attirent les rongeurs ; le conditionnement à plus de trois jours des ordures dans les logements et autour de ceux-ci dégage des odeurs nauséabondes. Concernant la variable approvisionnement en eau, elle a une probabilité de 4,3% pour un chef de ménage de faire la diarrhée. Toutes ces variables favorisent la survenue des maladies environnementales mais le signe négatif des variables telles que l’approvisionnement en eau, le nombre de jour de conditionnement des ordures, le problème de ramassage des ordures diminuent la probabilité des ménages proches de ces variables de contracter le paludisme.

2.6.3. L’interrelation entre les pathologies et les conditions du cadre de vie des populations

L’Analyse Factorielle des Correspondances Multiples (AFCM) a l’avantage d’examiner l’ensemble des interrelations entre les variables dépendantes et indépendantes. Pour notre étude, nous retenons le premier plan factoriel. La proportion des deux premiers axes dans l’inertie totale expliquée par l’ensemble des axes est de 16,87%. Les modalités contribuant fortement à la définition de chaque axe sont celles dont les contributions (CTR) relatives sont supérieures à la contribution moyenne (CTR>=17).
Les variables prises en compte dans l’AFCM sont les variables :v001 (quartier), v003 (niveau d’instruction), v004 (type d’habitat), v005 (matériaux du mur), v006 (lieu d’aisance), v007 (approvisionnement en eau potable), v008 (moyens de conservation) v009 (nombre de jour de conservation d’eau), v010 (principal mode d’évacuation des eaux), v011 (mode de vidange des latrines), v012 (principal mode de cuisson), v013 (mode de conditionnement des ordures), v014 (nombre de jours de conditionnement ), v015 (principal mode d’évacuation des ordures), v016 (problème de ramassage des ordures), v017 (problème d’évacuation des eaux usées), v018 (état de stagnation des eaux dans le quartier), v019 (maladies), v020 (taille du ménage).Toutes ces variables ont permis de spatialiser les pathologies en fonction des conditions et cadre de vie des populations (graphique 4). L’ensemble de ces facteurs contribuent à eux seuls pour 77,6% de l’inertie de l’axe 1 : Analyse des correspondances multiples.

Les groupes obtenus après l’utilisation de l’Analyse Factorielle des Correspondances Multiples (AFCM) se présentent comme suit :
Les quartiers qualifiés d’insalubres et de très insalubres c’est-à-dire fortement dégradés sont en situation très défavorable. Il s’agit des quartiers Zimbabwé, Séwéké, Colas, Bardot, CMA, Sotref, Bardot Dioula, Victor Ballet et Château. Le type d’habitation est précaire ou évolutif avec une taille de ménages qui s’élève à plus de 10 habitants. Ils ont recours à des latrines traditionnelles sommaires. La vidange n’est pas faite. Les eaux des toilettes coulent entre les habitations. Ce sont des quartiers où l’accès à l’eau potable reste un grand problème. Ils ont recours aux puits, à l’achat d’eau chez des revendeurs avec une conservation dans des matériels peu recommandables et dont la durée de conservation excède 3 jours. Le bois est utilisé pour la cuisson des aliments. Ces quartiers sont marqués par la prolifération de dépôts sauvages d’ordures. Les ordures ménagères sont conservées à plus de 3 jours ou évacuées dans la nature ou utilisées pour remblayer les zones inondables. Les eaux domestiques sont rejetées dans les rues et à proximité des cours. On note la présence de nombreux marais dans ces quartiers. La menace de la santé est importante dans cet espace. Les principales maladies environnementales auxquelles les populations sont exposées sont le paludisme, la diarrhée, les IRA et la fièvre typhoïde.E. A. Z. Sy (2005, p. 91 et p. 93) écrit que « l’absence du réseau d’égouts dans les quartiers, le rejet des eaux ménagères dans la cour et dans la rue, amplifient le risque sanitaire. Il révèle que la présence des puits peut être perçue comme une source de menace ». Les quartiers qualifiés de peu salubres sont moyennement dégradés. Ils sont composés des quartiers Lac ou Sonouko, Cité ou Poro. Ce sont des quartiers où la fosse septique est largement prisée. Les caniveaux sont utilisés comme des poubelles avec des branchements illicites pour évacuer les eaux domestiques. Ils sont saturés. La collecte des ordures pose problème. On note la présence de latrine améliorée et modernes. La taille du ménage varie entre 5 et 10 personnes. Ce sont des quartiers qui ont subis des remblaiements pour en faire des terrains constructibles avec la présence de marais dans les quartiers. Le risque de maladie est moyen avec une prédominance du paludisme. Les quartiers salubres ou faiblement dégradés dont la zone portuaire (Balmer, Rade, Nitoro) ont des réseaux d’égouts pour l’évacuation des eaux usées. Les ordures ménagères sont régulièrement vidées grâce aux services offerts par les pré-collecteurs informels. Or, E. A. Z. Sy (2005, pp. 90-91) a souligné que « le risque est faible à cause de la présence du réseau d’égouts et la collecte des ordures ». Ils disposent de commodités sanitaires modernes et de citerne pour la conservation d’eau destinée aux travaux ménagers. L’habitat est aéré avec une taille de ménage comprise entre 1 et 5 habitants. Le risque d’une forte morbidité est amoindri. Cette étude révèle l’existence d’une corrélation de forte intensité entre la dégradation de l’environnement et les maladies dont souffrent les populations de San Pédro. Au fur et à mesure que le niveau de dégradation évolue, les maladies liées à l’environnement augmentent également. Ainsi, des disparités de niveau de santé des populations liées à l’environnement apparaissent dans la ville. Avec une gestion rationnelle et durable de l’environnement urbain et des comportements hygiéniques individuels et/collectifs, on pourrait réduire les maladies liées à l’insalubrité du cadre de vie de 89,9% à San Pedro, de 70,16% à Daloa (P. Tuo et al. 2016, p. 211), de 88,85% à Anyama (D. Traoré, 2017, p. 201) et de 49,67% les incidences des maladies diarrhéiques infanto-juvénile à Adjamé (K. Konan, 2013, p. 466).

Conclusion

La ville de San Pédro connaît des problèmes environnementaux. En effet, le caractère marécageux du site pour l’aménagement, les mauvaises pratiques de gestion des ordures et des eaux des populations, l’embroussaillement et les insuffisances de gestion municipale sont autant de facteurs majeurs occasionnant les problèmes environnementaux. Au-delà de la dégradation de la voirie, les dépôts sauvages d’ordures, les stagnations des eaux usées et pluviales influencent négativement la santé des populations de la ville à travers la propagation des maladies comme le paludisme, les IRA, la diarrhée, etc. Cependant, une corrélation existe dans la ville entre le niveau de dégradation de l’environnement et la prévalence des maladies liées à l’environnement. Une meilleure gestion de l’environnement en milieu urbain est donc indispensable pour le bien-être de la population.

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Auteur(s)


1KOKO AdjouaTchrehoua Natacha : Doctorante; e-mail : koko.nash@yahoo.fr- Institut de Géographie Tropicale(IGT), Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire (Côte d’Ivoire)

2 TUO Péga : Maître-Assistant; e-mail: pega12007@yahoo.fr – Institut de Géographie Tropicale(IGT), Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire (Côte d’Ivoire)

2 ANOH Kouassi Paul : Professeur Titulaire; e-mail: anohpaul@yahoo.fr – Institut de Géographie Tropicale(IGT), Université Félix Houphouët-Boigny, Abidjan, Côte d’Ivoire (Côte d’Ivoire)

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