Logiques et stratégies des acteurs dans la production de l’habitat à Yamoussoukro

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1Kouakou Martin DIBY, 2Ahossi Bertrand BAKA

Résumé

La fonction et le poids culturels de la ville d’Abidjan ont été soutenus depuis l’indépendance par la mise en place d’infrastructures cinématographiques. En 1972, la capitale économique de la Côte d’Ivoire disposait d’environ 43% des salles de cinéma du pays. Ces salles de cinémas, implantées dans presque chaque quartier d’Abidjan, étaient tout aussi diversifiées et donnaient la possibilité aux Abidjanais de varier leurs loisirs. Cependant, suite à un défavorable concours de circonstances, ces salles ont été détournées de leur fonction originelle, si bien qu’aujourd’hui, trouver une salle de cinéma en fonction à Abidjan est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Cet article apporte un éclairage relatif à l’impact de cette mutation fonctionnelle des cinémas sur l’espace et le paysage de la capitale économique ivoirienne. Pour y parvenir, une recherche documentaire, une observation de terrain, un inventaire des salles de cinéma à Abidjan et des entretiens ont été menés. Les résultats montrent que la quasi-totalité des salles ne projettent plus de films. Elles sont soit fermées, soit transformées en lieux de culte ou en lieux de commerce. Ce changement ne se déroule pas sans conséquences nouvelles sur l’espace et le paysage urbain.

Mots clés : Abidjan, Espace, Impact, Mutation fonctionnelle, Salle de cinéma.

Abstract :

Logic and strategies of actors in the production of housing in Yamoussoukro

In Ivory Coast, the political and administrative authorities registered the regional capital cities in this logic of development and modernization of the framework of life of the inhabitants. In this process, the town of Yamoussoukro, become since 1983 the political and administrative capital of the Ivory Coast, is invested by a multitude of actors working in the fields economic, space, social, cultural and architectural to propose better living conditions, especially a better framework of life to the population through promotion and the modernization of the habitat. Each actor invests the ground according to his logics, his ambitions, even his policy and it develops strategies to achieve its goals. In fact, what are the logics and the strategies of the actors who contribute to the production of the habitat with Yamoussoukro? Who are these actors? This is why, we wished to analyze on the level of Yamoussoukro logics and strategies of actors for the production of the habitat. With this intention, various techniques and methodological steps such as the information retrieval, the data-gathering of statistics, the direct observation of the various zones accomodating the various real operations and of allotments, the interview by the means of the guide of maintenance coupled of the investigations of ground near the households through the questionnaire household were used to reach the various results. Thus, we studied the space organization of the city through the conditions and the processes of creation of the urban ground and the production of the habitat. We characterized the policies of allotments, of the discussions with the actors intervening in the chain of production of the habitat allowed to know the various strategies installation by the various categories of actors. Under discussion, we question in the light of these results the levels of dysfunction of the space organization of the city.

Keywords : Yamoussoukro; logics; strategies; actors; production of the habitat.

INTRODUCTION

Depuis 1893, date de la promulgation du territoire de la Côte d’Ivoire comme colonie française, les actes modificateurs de l’environnement économique, social et culturel dans un Etat ivoirien de droit moderne se déroulent. En effet, entre 1893 et 1960, la puissance coloniale a exécuté au profit de la France un projet colonial d’organisation et d’exploitation du territoire ivoirien. Des moyens ont été mis en oeuvre, ainsi que tout un processus et des éléments dont les liaisons visaient la création d’un ordre spatial, économique et politique conforme aux intérêts de la métropole. Tels étaient les enjeux de la structuration d’un espace de type colonial (A. T. Koby, 1995, p. 12). Après l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 1960, les objectifs, en matière d’organisation et de modifications de l’environnement économique, social et spatial changent. Désormais, il est plutôt question de promouvoir une politique d’aménagement spatial contribuant au bien-être des populations ivoiriennes, avec la ville d’Abidjan, capitale politique et économique de la Côte d’Ivoire comme moteur de ce changement. Les résultats de cette politique ne se sont pas fait attendre. On observe une éclosion de nouvelles villes secondaires qui ont bénéficié de l’appui de l’Etat ivoirien au plan organisation spatiale, organisation économique et organisation sociale. Ainsi, le village de Yamoussoukro connaît un réel développement avec les nouvelles autorités administratives (H. Diabaté et L. Kodjo, 1991, p. 226). Son essor spatial, démographique et économique a milité en sa faveur pour qu’il soit érigé en ville par l’administration ivoirienne.
Le 21 Mars 1983, l’Assemblée Nationale a voté la loi n°83-242, faisant de la ville de Yamoussoukro la capitale politique et administrative de la Côte d’Ivoire. Le décret n°97-177 du 19 mars 1997 d’application de la loi est pris par l’exécutif ivoirien.
La planification et la construction de la ville de Yamoussoukro constituent un élément important dans l’histoire de l’urbanisme de la Côte d’Ivoire. Le Président de la République a sollicité les services des architectes de renommées internationales comme Pierre FAKHOURY et Patrick d’HAUTHUILE pour la conception et la construction de la Basilique, d’une part et comme Olivier Clément CACOUB pour la conception et la construction de la Fondation Félix Houphouët-Boigny d’autre part (C. Pascal, 2017, p. 2). L’expérience de Yamoussoukro est remarquable par la grandeur du projet, mais aussi par la stratégie de développement ambitieux que Félix Houphouët-Boigny a voulu affirmer aux yeux du monde (C. Pascal, 2017, p. 2). Egalement, à Yamoussoukro, la Côte d’Ivoire affrontait un défi en matière d’habitat : loger les agents de l’Etat d’une part et proposer de meilleurs cadres de vie à la population d’autre part. ce défi a conduit à la mise en place d’une politique de logements modernes pour satisfaire les besoins de la population sans cesse croissante. Le patrimoine public proposé par l’Etat ne suffisant pas à satisfaire tous les besoins et les bénéficiaires de logements devenant de plus en plus nombreux, l’Etat fit appel au secteur privé et il en vint à bailler une partie de plus en plus considérable du parc de la SOGEFIHA et de la SICOGI (M. Prévost, 1985, p. 25). Cet appel sonne la ruée des opérateurs immobiliers privés vers la ville de Yamoussoukro dotés de diverses logiques et développant diverses stratégies pour participer à la construction de la ville. Cette étude interroge ces logiques et ces stratégies d’acteurs qui ont contribué à la construction de la ville de Yamoussoukro. En d’autres termes, quelles sont les logiques et stratégies d’acteurs qui contribué à produire l’habitat à Yamoussoukro ?
L’objectif poursuivi par ce travail de recherche est d’analyser les logiques et stratégies d’acteurs qui contribuent à la construction de la ville et à la production de l’habitat à Yamoussoukro.

1. Présentation de la zone d’étude

Yamoussoukro est la capitale politique et administrative de la Côte d’Ivoire. La ville est située au centre dans la région administrative le Bélier. Mais, administrativement la région de Yamoussoukro a été érigée en district autonome depuis 2001. Le district autonome de Yamoussoukro est limité au nord par le département de Tiébissou, à l’est par celui d’Attiégouakro, au sud par le département de Toumodi et à l’ouest par le département de Bouaflé (Carte 1). Le développement de Yamoussoukro s’est fait suivant plusieurs étapes. En 1952, le village occupait environ 80 hectares et se composait de trois quartiers : N’Gokro- N’Zuessy – Dioulakro. Les deux premiers quartiers étant des noyaux villageois, à cette même période, un nouveau lotissement voit le jour, c’est le quartier Habitat qui entièrement bâti accueille les déguerpis de N’Gokro. Dioulakro situé au départ à l’ouest est déplacé et occupe le plateau sud de la ville. De 1962 à 1986, la superficie passe à 1 750 hectares environ avec la construction de nouveaux quartiers, N’Gokro disparaît et fait place à l’extension de la Résidence du Président Félix Houphouët-Boigny.
Pour parfaire le développement urbain de cette nouvelle capitale, le Président Félix Houphouët-Boigny fait doter Yamoussoukro en 1986 d’un plan d’urbanisme directeur qui oriente le cadre général et normatif de l’aménagement et du développement de l’agglomération avec une superficie urbanisée de 2 720 hectares pendant que la commune occupait une superficie de 40 900 hectares en 1990. Cet outil de planification urbaine fut amélioré en 1996 sous l’autorité de son successeur Henri Konan Bédié, qui a donné un statut particulier de District Autonome à la ville de Yamoussoukro par le décret n° 96-135 du 26 janvier 1996 avec à sa tête un Ministre Résident.
Dans la même perspective, le 30 octobre 2002, le Président de la République, son Excellence Laurent GBAGBO, a donné un coup d’accélérateur au transfert effectif de la Capitale à Yamoussoukro, en signant le décret n° 2002-483, mettant ainsi en place la structure dénommée Programme Spécial de Transfert de la Capitale à Yamoussoukro (PSTCY). Le rôle assigné à cette

Figure1 : Présentation de la zone d’étude : Yamoussoukro

structure est de coordonner l’ensemble des activités liées au transfert des Institutions d’Abidjan à Yamoussoukro. Depuis 2002, ces dispositions ont été renforcées et la ville de Yamoussoukro est, désormais, érigée en District Autonome à l’image de celui d’Abidjan. La ville de Yamoussoukro est en pleine construction. Elle se dote de nouvelles infrastructures, nécessaires pour jouer son rôle de capitale nationale d’une part et régionale d’autre part.

2. Méthodologie de la recherche

La méthodologie de cette recherche a été élaborée autour de la recherche documentaire, l’identification des cibles d’enquête, la détermination de la taille de l’échantillon, l’enquête de terrain et la méthode de traitement des données.

2.1. La recherche documentaire

La recherche documentaire de cette étude sur « Les logiques et stratégies des acteurs dans la production de l’habitat à Yamoussoukro » fait référence aux ouvrages généraux, spécifiques, aux articles tirés des revues scientifiques, des textes juridico-administratifs, aux documents statistiques et cartographiques.
Les données démographiques sont issues des données statistiques de l’Institut National de la Statistique (INS) obtenues à partir des différents grands Recensements Généraux de la Population et de l’Habitation de 1975, 1988, 1998 et de 2014. Ces chiffres donnent des informations sur la taille et les caractéristiques sociodémographiques de la population de Yamoussoukro à ces différentes opérations de la population en Côte d’Ivoire entre les différentes dates ci-dessus citées.
Les informations et les données sur le foncier, l’habitat et la politique urbaine ont été recueillies auprès de la Direction Régionale de la Construction et de l’Urbanisme (DRCU), du Service du Guichet Unique du Foncier et de l’Habitat (SGUFH) de Yamoussoukro, de la Mairie de Yamoussoukro, du cadastre et de l’antenne locale de l’Agence de Gestion Foncière (AGEF).
Les différentes cartes ont permis d’étudier la dynamique spatiale de la ville de Yamoussoukro.
Quant aux plans de lotissements, ils ont été utile parce qu’ils ont permis de vérifier la conformité des opérations de lotissements sur le terrain et les plans en question et d’identifier les différents niveaux de dysfonctionnement des politiques d’organisation spatiale de la ville de Yamoussoukro.

2.2. Identification des cibles d’enquête et détermination de la taille de l’échantillon

2.2.1. Identification des cibles d’enquête

Les cibles d’enquête durant nos investigations à Yamoussoukro sont les chefs de ménage, les chefs de quartier, les chefs de communauté, les sociétés civiles immobilières, les structures étatiques d’aménagement du territoire, les structures privées d’aménagement foncier et les autorités municipales et administratives.

2.2.2. Détermination de la taille de l’échantillon

Pour mener à bien l’étude sur le terrain, nous avons déterminé un échantillon le plus représentatif possible en utilisant les données démographiques issues du dernier recensement de la population de l’Institut National de la Statistique (INS) effectué en 2014. A Yamoussoukro, il a été dénombré, au cours de cette opération une population totale de 219 000 habitants regroupés au sein de 32 000 ménages. L’échantillonnage systématique au 1/200e des chefs de ménage a été déterminé. Les critères d’âge, de sexe, de statut socio-professionnel, la typologie de l’habitat ont guidé cette détermination. Avec cette méthode, nous pensons que chaque chef de ménage a une chance égale au taux de sondage d’être tiré. L’enquête sur le terrain a porté sur un échantillon de 160 chefs de ménages.

2.3. L’enquête de terrain

Cette étape a été menée afin de recueillir des informations, des données complémentaires nécessaires à la compréhension et au traitement du sujet. Elle a permis également de relever les différents niveaux de dysfonctionnement dans la planification, la programmation et l’exécution des opérations de construction et de développement urbain à Yamoussoukro.

2.3.1. Observation sur le terrain

La méthode de l’observation directe s’adresse aux variables habitat et équipements d’aménagement foncier. Elle a permis d’apprécier l’organisation générale de l’espace urbain. Cette méthode a permis non seulement d’évaluer le niveau d’aménagement de la ville de Yamoussoukro mais aussi d’identifier les terrains lotis viabilisés et les lotissements simples en non viabilisés.

2.3.2. La méthode de l’entretien

L’entretien constitue pour cette étape un complément important à celle relative à la recherche documentaire. La plupart des documents. Elle a été réalisée à l’aide d’un guide d’entretien. Cette technique a permis d’avoir un contact direct avec les enquêtés. Elle a également permis d’identifier les problèmes et les différentes approches utilisées par les acteurs urbains pour résoudre les différentes difficultés.
Après les entretiens, les chefs de ménage ont été approchés afin de recueillir quelques données nécessaires pour résoudre la question de recherche. Ainsi, l’enquête auprès des chefs de ménage a été réalisée par l’intermédiaire d’un questionnaire ménage adressé aux différents chefs de ménage de la zone d’étude. Cette a permis de mettre en relief les niveaux d’implication des ménages dans la construction populaire de la ville de Yamoussoukro.

2.4. Méthodes et techniques de traitement des données

Le traitement des informations recueillies pendant les investigations sur le terrain ont permis d’élaborer des tableaux statistiques, des graphiques, concevoir et réaliser des cartes qui ont servi d’illustrations dans cette étude. Les cartes ont été élaborées avec les logiciels QGIS version 2.8 et ARCGIS version 10.2. Toutes les étapes de la réalisation ont été respectées avant d’exporter les résultats sous le format PNG.

3. Résultats et discussion

Dans cette étude, le concept habitat ne se limite pas au seul concept de logement. Mais, il prend en compte tout bâtiment avec son cadre intérieur et son environnement extérieur immédiat (l’îlot et le lot) et lointain (le secteur et le quartier). Pour ce faire, il s’avère nécessaire d’étudier tous les différents types de lotissements et d’aménagement pour mieux cerner la production de l’habitat dans la ville de Yamoussoukro.

3.1. Les différents acteurs intervenant dans la production de l’habitat à Yamoussoukro

Au niveau des acteurs étatiques de la production de l’habitat à Yamoussoukro, l’État ivoirien par
le biais de ses différentes structures étatiques demeure le plus grand acteur. Depuis les premiers travaux de lotissement entrepris dans les années 1950, l’État ivoirien a produit toute sorte de type d’habitat destiné à la population de Yamoussoukro. Les cités administratives que compte la ville à ce jour sont toujours sous la gestion de la SOGEPIE.
Au niveau des collectivités territoriales, selon la loi n°2003-208 du 7 juillet 2003 portant transfert et répartition de compétences de l’État aux collectivités territoriales, le District a l’initiative des projets de lotissement, la gestion des terrains urbains et la gestion du patrimoine foncier du District. C’est ainsi que dans le cadre de la gestion des terrains urbains dans la commune, le Gouverneur est membre du CIRPUD-DAY créée par le Conseil des Ministres du mercredi 16 mai 2012. En somme, le District est une structure consultative intervenant dans la gestion foncière. De même, les compétences de la Mairie en matière d’Urbanisme et d’habitat sont définies par le décret n°86-451 du 25 juin 1986 déterminant la répartition des compétences en matière d’urbanisme et de construction entre l’État et les communes.
Ainsi, la Mairie de Yamoussoukro à l’instar de toutes les communes ivoiriennes, dispose en matière d’Urbanisme et de l’Habitat de nombreuses compétences exercées par les divers organes et services.
Au niveau des acteurs privés, on en dénombre 8 branches que sont: les notaires ; les démarcheurs ; les aménageurs privés ; les acquéreurs ; les propriétaires terriens coutumiers ; les banques ; les particuliers et collectifs ; les promoteurs immobiliers. Tous ces acteurs sont regroupés sous le vocable de « Privé » dans le tableau 1

Tableau 1 : Les différentes catégories d’acteurs de l’habitat

CatégorieType d’acteur
1Étatiques
2Les collectivités territoriales
3Privé

Source : DRCAU, 2015

3.2. Une multiplicité d’acteurs pour une pluralité de logiques et stratégies contradictoires

3.2.1. Les grandes opérations de développement de l’espace urbain entreprises par l’Etat comme stratégies de maîtrise foncière

Ces stratégies Étatiques sont nées à partir du projet de création, de construction et de développement de l’espace urbain à Yamoussoukro. En effet, la ville naissante de Yamoussoukro connaît un réel développement à partir de 1950. A cette époque, la ville s’étendait sur 80 hectares formée par trois secteurs repartis de part et d’autre de deux bas-fonds. Il s’agit de N’Gokro, le village de Kouassi N’Go et deux quartiers, Dioulakro situé entre les deux bas-fonds et N’Zuessi. Le contrôle de l’espace urbain par l’Etat à cette époque consistait à déplacer les quartiers jugés très insalubres sur d’autres sites jugés très salubres et favorables à l’extension desdits quartiers. C’est l’exemple du quartier Dioulakro qui a été transporté du bas-fond sur le plateau Sud-ouest et à sa place, fut édifié en 1956 le quartier de l’Habitat où les habitants de N’Gokro ont été réinstallés en 1962 après que le village eut été rasé pour devenir un jardin autour de la résidence du président de la République (H. Diabaté et L. Kodjo, 1991, p. 226). L’État édifie non seulement plus de 100 logements au quartier Habitat, mais aussi amorce les grands équipements de la ville. Il construit également les équipements de proximité, des services et quelques commerces. La trame orthogonale très caractéristique des cités coloniales s’accentue au fur et à mesure de l’extension du noyau urbain vers les espaces périurbains. L’aménagement d’un lac artificiel rattaché au domaine présidentiel donne une nouvelle allure à la ville à la veille de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Une telle stratégie adoptée par l’Etat reloge les riverains déguerpis dans les zones périphériques immédiates après avoir versé des indemnités dérisoires aux propriétaires terriens.
En 1961, les tracés et le schéma d’urbanisme ont permis à Yamoussoukro d’inscrire 175 hectares de terres agricoles dans son assiette urbaine et devient une Sous-préfecture, prête à exercer son pouvoir politique, administratif et urbain. En 1962, le président de la République s’inscrit dans une logique de faire de son village natal (Yamoussoukro) un modèle de développement urbain pour tout le pays. L’État adopte de nouvelles stratégies pour affirmer le caractère urbain de Yamoussoukro à travers les grands travaux engagés à partir de 1962. Les anciens quartiers sont remodelés. De nouveaux surgissent. En 1970, la ville change une fois encore d’échelle. Elle s’étend sur 1750 hectares. Les aménagements urbains entrepris à Yamoussoukro de 1970 à 1980 montrent que les autorités administratives ont opté pour une logique d’équilibre des métropoles, si on compare les investissements consacrés à Yamoussoukro à ceux affectés au reste du pays entre 1971 et 1982 (H. Diabaté et L. Kodjo, 1991, p. 229). L’augmentation du budget d’investissement a profité à la ville de Yamoussoukro. A partir de 1979, les investissements dans cette ville connaissent un net accroissement. Par exemple, sur la période 1979-1982, Yamoussoukro a reçu plus que l’ensemble des autres villes de l’intérieur, soit 85,2 milliards contre 80, 6 milliards de francs CFA (Tableau 2).

Tableau 2 : Évolution des investissements réalisés dans les villes (1971-1982) en milliards de F. CFA 1980

AnnéesAbidjanYamoussoukroAutres villes
1971183,917,2
197227,72,819,4
197341,42,25,7
197435,52,89,4
197551,76,633,4
Période 1971-1975174,318,385,1
197636,51418
197782,91416
1978114,72,725,9
197981,615,515,4
198049,228,729
Période 1976-1980364,774,9104,4
198124,716,4
198216,319,8
Période 1971-1982134,2225,7

Source : D’après Rapport D. SCET IVOIRE, extrait de Notre Abidjan, 1991, p. 230.

La logique de transfert de la capitale politique et administrative d’Abidjan à Yamoussoukro accentue les différentes stratégies des acteurs pour participer à la construction de la ville. Ainsi, voté par l’Assemblée Nationale, formalisé en 1983 et rendu applicable en 1997 sous la présidence de Henri Konan Bédié, le transfert de la capitale ivoirienne faisait partie des dossiers prioritaires de l’ancien président Laurent Gbagbo (F. Grah Mel, 2003). Durant la décennie (2000-2010) de gouvernance du président Gbagbo, seule la construction de la zone administrative et politique (ZAP), l’hôtel des parlementaires ont été concrétisés. Le parlement est resté inachevé. Paradoxalement, sous la présidence d’Alassane Ouattara, les travaux sont interrompus pour une durée indéterminée. Il a dissous la structure « le programme spécial de transfert de la capitale à Yamoussoukro (PSTCY) par décret en janvier 2012 (F. Grah Mel, 2003).
Le retrait partiel de l’État encourage les opérateurs privés à investir les zones périphériques de la ville à la recherche de terrains villageois à transformer en terrains urbains. Ces acteurs cherchent à participer à la construction de la ville avec une logique d’accumulation des capitaux tirés de la rente foncière à travers les opérations de lotissements et de vente des lots urbains.

3.2.2. Les opérations de lotissements, diverses stratégies d’acteurs pour le contrôle du foncier villageois

On ne pourrait parler d’habitat sans d’abord parler des étapes fondamentales de la création de ce cadre de vie. En effet, l’étape du lotissement ne peut être exclue. Dans la ville de Yamoussoukro, différents types de lotissements ont été réalisés.
Document d’urbanisme opérationnel d’excellence, le lotissement peut être défini comme l’opération ou le résultat de l’opération ayant pour objet ou pour effet la division volontaire en lots d’une ou de plusieurs propriétés foncières.
Les investigations ont permis d’identifier plusieurs types de lotissements réalisés à Yamoussoukro sous les aspects suivants : lotissements administratifs, lotissements villageois; lotissements privés (Figure 2).

Figure 2 : Les types différents types de lotissements à Yamoussoukro

Avec l’arrivée des lotissements réalisés par le secteur privé, on constate une forte croissance des lotissements simples. Le problème des lotissements simples est qu’ils ralentissent la croissance de la création de l’habitat car ils ne bénéficient pas de commodités telles que l’adduction en eau potable, l’électrification, le bitumage de la voirie…). Ce manque de commodités fait que les populations rencontrent d’énormes difficultés à s’installer. Aussi, cela favorise la création d’habitat anarchique et conduit à de nombreuses dérives qui entachent le Plan d’Urbanisme Directeur de la ville. Aussi, force est de constater les nombreuses violations de procédure de lotissement du fait d’une corruption à un niveau élevé de la hiérarchie des instances en charge du Ministère de tutelle.
Le lotissement d’Anouanzè (Photo 1) est un exemple. Ce lotissement réalisé à la fin de l’année 2017 a été approuvé mais il ne possède pas de certificat de conformité. Cependant, les parcelles sont vendues en toute légalité. Pourtant malgré des supposés ouvertures de voies réalisées par l’opérateur immobilier moins d’un an plus tard reste inaccessible et c’est le cas de l’ensemble des lotissements simples à travers la ville où s’ils ne sont pas transformés en broussaille, sont en générale impraticable et difficile d’accès.
Les derniers lotissements viabilisés au sein de la ville de Yamoussoukro datent de la période des années 1980-1986. Après cela, la ville a vu petit à petit les lotissements viabilisés remplacés par une nouvelle forme de lotissement que sont les lotissements simples. Aussi, il faut préciser que l’ensemble de ces différents lotissements simples sont des lotissements de type villageois.

Photo 1: Ouverture de voie sur le lotissement de 300 Ha à Anouanzè

Source : DIBY K. Martin Septembre 2018

Le retrait de l’État ivoirien dans le domaine de la réalisation des lotissements à Yamoussoukro favorise une très grande éphorie des villageois qui deviennent maîtres incontestés de la réalisation des lotissements (Graphiques 1 et 2). Ces derniers, face au manque de moyens afin de réaliser les lotissements, délèguent cette partie du travail à un opérateur qui est en charge de le faire.
En règle générale, l’opérateur qui réalise le découpage (ou lotis) du terrain, perçoit 4 lots sur 10 lots produits. Ce dernier octroie 0,5 lots à l’hectare aux propriétaires des machines servant à la création des ouvertures de voies quand ce dernier ne dispose pas des engins de terrassement.
Toutefois, dans certains cas, l’opérateur en fonction de la demande des initiateurs de projet de lotissements, peut voir le nombre de ses lots augmentés.

Figure 3 et 4: Part des lotissements des acteurs de la communauté villageoise et des opérateurs privés de 1962 à 2014

3.3. Les dispositions réglementaires en vigueur pour une meilleure production de l’habitat à Yamoussoukro

Ces dispositions réglementaires constituent la boussole d’orientation des politiques de production de l’habitat auxquelles les différents acteurs qui essaiment l’espace urbain de Yamoussoukro doivent se conformer pour une meilleure organisation de la ville.

3.3.1. Les zones d’habitat ou de logements

Ces zones sont réservées principalement à la construction de bâtiments à usage d’habitation. Y sont interdites les constructions ou installations qui, par leur nature, leur importance, leur volume ou leurs aspects seraient incompatibles avec l’hygiène, la sécurité, la commodité ou la bonne tenue des quartiers d’habitation. Les commerces et autres constructions destinées à abriter les activités qui sont le complément naturel de l’habitation peuvent être maintenus, développés ou crées. Ces secteurs sont affectés principalement à l’habitat sur de grandes parcelles à caractère
résidentiel. Dans ce cas, il ne pourra pas être édifié plus d’un logement principal par parcelle.
Sont admis également les petits immeubles d’habitation collective à condition qu’ils s’établissent sur des parcelles dont la surface soit supérieure à 3000 m², dans la limite d’un logement pour 400 m² de terrain.
Pour les secteurs de l’habitat ou logement collectif, ces secteurs sont affectés principalement aux opérations d’ensemble qu’il s’agisse de logement en bande ou d’immeubles à plusieurs étages. Le promoteur d’une opération d’ensemble doit soumettre à l’approbation du Ministère chargé de la Construction et de l’Urbanisme et du District Autonome de Yamoussoukro un plan de masse, qui indique les conditions générales d’implantation, de volume et de desserte des constructions envisagées. Le pourcentage de surface construite ne doit pas excéder 60 % de la surface du terrain. Une opération d’ensemble n’est approuvée que si elle comporte la prévision matérielle et financière des commerces et des prolongements sociaux indispensables (Figure 5).

Figure 5 : Les zones d’habitat construites par l’Etat

En ce qui concerne les secteurs de l’habitat évolutif, ces secteurs sont affectés principalement à la construction privée sur parcelles individuelles. Les concessions d’habitation ont une superficie d’au moins 400 m². Aucune saillie sur l’alignement n’est admise à l’exception des débords de toiture qui ne peuvent pas excéder 30 m. Lorsque les habitations sont construites en ordre discontinu, elles doivent être édifiées à 4 m minimum de la limite séparative. Nonobstant l’application des règles générales de hauteur relative, la distance entre deux constructions édifiées sur la même parcelle ne peut être inférieure à 4 m. Tous les lots sont obligatoirement clos. Les clôtures sont constituées par les haies vives, ou par un mur d’une hauteur de 60 cm au maximum surmonté d’une partie ajourée, l’ensemble ne dépassant pas 2,00 m hors sol. Les murs pleins sont autorisés en mitoyen.

3.3.2. Zone commerciale

Ces zones sont affectées en priorité aux activités commerciales et d’affaires. L’habitation pourra y être autorisée à partir du premier étage des bâtiments. Tous les établissements à caractère industriel y sont interdits, ainsi que les entrepôts ou dépôts de matériaux. La construction de logements au rez-de-chaussée est formellement interdite dans cette zone à l’exception des dépendances et des délivrances d’autorisation spéciales (cinémas, supermarchés, etc…). Les plans d’urbanisme de détail fixent des coefficients minima et maxima d’occupation du sol. Pour contraindre au respect des normes, les textes interdisent d’accorder des titres fonciers aux parcelles dont la surface est inférieure à 1000 m². Les constructions en mitoyen sont autorisées. Dans certains cas précisés par les plans d’urbanisme de détail ou le plan de masse d’îlots, un alignement ou un reculement pourrait être imposé. Les plans d’urbanisme de détail déterminent les secteurs où seront imposées des galeries publiques ouvertes à la circulation des piétons. Ils fixent dans ce cas la largeur et la hauteur de ces galeries. Les constructions peuvent occuper sur trois niveaux au maximum, la totalité du terrain, à condition que des mesures soient prises pour assurer le stationnement des véhicules à l’intérieur de la parcelle. A partir du quatrième niveau, les constructions ne pourront pas occuper plus de 60 % de la surface du terrain. Les auvents et marquises peuvent être autorisés sur les façades devant lesquelles existe un rottoir d’une largeur d’au moins 3 m.

3.3.3. Les zones gouvernementales abritant les services administratifs, politiques et culturels

Ces zones sont affectées en priorité à l’installation des services gouvernementaux, administratifs et politiques, et à l’implantation d’équipements culturels. Y sont interdites les installations à caractère industriel et les entrepôts ou dépôts de matériaux. L’importance des surfaces commerciales est précisée par les plans d’urbanisme de détail. Les constructions à usage d’habitation sont autorisées, dans la limite des coefficients maxima d’occupation du sol, qui sont fixés par les plans d’urbanisme de détail. En l’absence de plans de masse de ces zones, les règles des zones « commerciales et des affaires » sont applicables. En ce qui concerne les centres de quartier, ces zones sont affectées en priorité aux activités commerciales et d’affaires, et au regroupement des services publics au niveau du quartier.
L’habitation collective y est autorisée, seulement à partir du premier étage, et sous réserve du respect par les bureaux et commerces des coefficients minima d’occupation du sol, fixés par les plans d’urbanisme de détail. Pour la dimension des lots, les titres fonciers qui peuvent être créés par suite de morcellement ne pourront avoir une surface inférieure à 400 m². Les constructions peuvent occuper sur deux niveaux au maximum ou la totalité du terrain à condition que des mesures soient prises pour assurer le stationnement des véhicules sur la parcelle. À partir du 3ème niveau, les constructions ne peuvent pas occuper plus de 60 % de la surface du terrain. Dans le cas contraire, les constructions doivent être implantées à l’alignement.
Les auvents et les marquises pourront être autorisés en saillie sur l’alignement à condition que le trottoir ait une largeur d’au moins 3 m.
Les plans d’urbanisme de détail imposent des galeries publiques ouvertes à la circulation des piétons. Dans ce cas, ils fixent la largeur et la hauteur de ces galeries.

3.3.4. Les zones industrielles

Dans ces zones peuvent être maintenus, développés ou créés les groupements d’établissements industriels et de dépôts d’installations publiques ou privées. Les plans d’urbanisme de détail précisent les secteurs où les établissements dangereux, incommodes ou insalubres des différentes classes peuvent être implantés. Les commerces peuvent être maintenus, développés ou créés dans des secteurs qui sont définis par les plans d’urbanisme de détail ou les plans de lotissement. Les constructions à usages d’habitation sont interdites à l’exception de celles destinées au logement
des personnes dont la présence permanente est nécessaire pour assurer la direction, le fonctionnement et la surveillance des entreprises installées dans le secteur avec un maximum de 2 logements pour les terrains de moins de 5000 m² et de 3 pour les autres.
En cas de nécessité absolue, dans le but d’assurer la sécurité ou le bon fonctionnement des établissements, des dérogations à cette règle pourront être accordées.
En l’absence des prescriptions particulières définies par les plans d’urbanisme de détail ou les projets de lotissements, toutes les constructions doivent être édifiées à 5 m au moins en arrière de l’alignement et des limites séparatives. Une libre circulation doit être assurée autour des bâtiments de production qui ne peuvent en aucun cas être construits en mitoyen. La dimension minimale exigée d’une parcelle est de 1 400 m².
Les constructions n’occupent pas plus de 75% de la surface du terrain. La hauteur des ouvrages tels que : cheminées, silos, condenseurs, château d’eau peut être supérieure à la hauteur réglementaire déterminée par le règlement général d’urbanisme, sous réserve qu’il n’en résulte aucune cause d’insalubrité pour les constructions voisines. Les clôtures en bordure des voies sont obligatoirement composées d’un mur bahut dont la hauteur n’excède pas 60 cm surmonté d’une
clôture à claire voie. Les murs pleins sont autorisés sur les mitoyens. L’évacuation des eaux résiduaires industrielles vers le réseau public d’assainissement doit obligatoirement faire l’objet d’une autorisation des services compétents qui définiront les traitements à effectuer et les normes
à atteindre préalablement à tout rejet.
Les fosses septiques sont interdites. Les émanations de fumées et de gaz doivent être traitées de façon à minimiser la pollution de l’atmosphère.
Dans le cadre de la réglementation qui leur est applicable, les établissements classés dangereux, incommodes ou insalubres doivent se conformer aux prescriptions imposées en matière de protection de l’atmosphère.

3.3.5. Les zones artisanales

Ces zones sont réservées aux activités artisanales non polluantes. Y sont interdites les constructions à usage d’habitation n’ayant aucun rapport avec les activités installées dans ces zones. Sont autorisés les logements d’habitation des propriétaires et du personnel des industries
artisanales. Les constructions peuvent être élevées en mitoyenneté, à condition que les normes de sécurité, notamment en matière de protection contre les incendies soient respectées. Dans le cas où les constructions ne sont pas élevées en limites séparatives, la distance à respecter doit être conforme aux règles générales de hauteur relative, mais ne peut en aucune cas être inférieure à 4 m. La dimension des parcelles est de 600 m² par parcelle. Les constructions ne peuvent pas occuper plus de 60% de la surface du terrain.

3.3.6. Les Zones mixtes

Dans ces zones sont autorisées l’installation d’établissements industriels (à l’exception des établissements dangereux, incommodes ou insalubres) et les constructions à usages d’habitation.
A ce niveau, les règles de mise en valeur des terrains sont contenues dans les dispositions du chapitre III paragraphe 5 du règlement qui s’appliquent aux établissements industriels. Quant aux dispositions du chapitre III paragraphe 1, elles s’appliquent aux constructions à usage d’habitation.

3.3.7. Les Zones d’entrepôt

Les zones d’entrepôt sont destinées aux activités d’entrepôt sous toutes formes et aux industries et activités qui en dépendent. Les secteurs aménagés pour l’implantation des activités industrielles privées sont soumis aux règles applicables aux zones industrielles.

3.3.8. Les zones de tourisme et loisirs

La zone de tourisme et de loisirs est constituée par deux secteurs A et B. Le secteur A comprend les abords des lacs, est réservé définitivement aux activités touristiques et de loisirs. Quant au secteur B, il est constitué par l’hôtel Président, le terrain du Golf, la Fondation Houphouët Boigny pour la recherche de la Paix, la Maison du PDCI. Ce secteur est définitivement affecté au tourisme et aux loisirs. Les plans d’aménagement sont soumis à l’avis préalable du District Autonome de Yamoussoukro et de la Commune, ainsi que des Ministères chargés du Logement, du Cadre de Vie, de l’Environnement et du Tourisme. Des contraintes strictes d’intégration dans le site sont imposées aux constructions.

3.3.9. Les zones réserves

Les secteurs d’espaces verts sont destinés à la création de parcs, de jardins publics et de terrains de jeux ou de sports. Y sont interdites toutes constructions nouvelles, à l’exception des constructions à caractère sportif, socio culturel ou de loisir, et des bâtiments nécessaires à l’entretien et au gardiennage desdites installations. Dans tous les cas, la densité de surface couverte ne doit pas excéder 10% de la surface du terrain. Aussi, pour les secteurs d’équipements généraux, ces emplacements sont réservés à l’implantation des équipements socio culturels, sanitaires, scolaires, sportifs et administratifs, nécessaires à la vie de la cité. Sont interdites toutes constructions autres que celles correspondant aux équipements définis ci-dessus. Les conditions d’utilisation du sol dans ces secteurs restent soumises aux impératifs du chapitre II du règlement général d’urbanisme à Yamoussoukro.

3.4. Les dysfonctionnements du développement urbain de la ville de Yamoussoukro

Les différents acteurs du secteur de l’habitat à Yamoussoukro connaissent l’existence des règles d’urbanisme qui régulent les différentes modalités de l’occupation de l’espace urbain et de sa mise en valeur. Cependant, si certains les respectent, d’autres par contre ignorent leur existence.
Par exemple, l’ensemble des lotissements simples de la ville de Yamoussoukro ont connu des modifications. Les plans actuels ne sont pas conformes aux plans d’origine approuvés par les services du Ministère de la Construction. À la base, cela ne représente rien de bien grave vu qu’ils sont, certes des lotissements simples et bénéficient d’une approbation et d’un certificat de conformité émanant du ministère de tutelle. Mais, le problème se pose au niveau la forme. En
fait, quel est le problème de fond? Dans un premier temps, l’opérateur effectue un lotissement simple dans le respect de la réglementation, une fois le lotissement réalisé, l’opérateur soumet auprès de la direction des services du Ministère de la Construction et de l’Urbanisme un dossier en vue d’obtenir un arrêté modificatif. En complicité avec la représentation du ministère, l’opérateur grignote peu à peu des espaces sur les réserves administratives prévues pour les projets municipaux et à l’administration pour constituer d’autres lots afin de les revendre aux particuliers et accroitre sa marge bénéficiaire. Cette opération est possible car les arrêtés modificatifs sur un lotissement ne bénéficient pas des mêmes rigueurs procédurales que celles en vigueur pour l’obtention d’une approbation de lotissement. Cette opération est possible à cause de la corruption qui gangrène les services administratifs.
L’opérateur, dans le souci d’obtenir une meilleure plus-value de la rente foncière, réduit la largeur de certaines voies de déserte, la superficie des lots, et morcelle les différentes phases de lotissements afin de ne pas se soumettre au respect de création de certaines réserves qui se créent en fonction du nombre de lots réalisés. Bon nombre des lotissements simples de la ville de Yamoussoukro sont constamment repris à cause du décalage entre les coordonnées reçues au Ministère et les coordonnées sur le terrain. Le bornage est fait en ignorant les règles élémentaires du lotissement. Ces agissements engendrent des désagréments sur tous les plans. Après la reprise, on constate une augmentation du nombre de lots et la réduction des emprises de certaines voiries de désertes c’est le cas du lotissement de (Mlock ambassade première tranche, Kpoussoussou extension, Nkloihidjo extension 2). Notons que le lotissement Nkloihidjo extension 2 est en réfection afin d’obtenir un arrêté d’approbation.
Du coté des propriétaires terriens, c’est la course à la réalisation des lotissements afin que leurs terres ne soient intégrées dans une zone administrative différée. Ce comportement des propriétaires terriens résulte du fait que ces derniers ne sont pas satisfaits du montant perçu représentant les droits des purges versés par l’Etat car ils les jugent très dérisoires par rapport au bénéfice qu’ils pourraient se faire en vendant les parcelles aux particuliers et à des opérateurs immobiliers privés. L’Etat et les acteurs populaires sont engagés dans un jeu de ruse, de cachecache (K. M. Diby, 1999, p. 65).
Ces types de lotissements engendrent d’énormes difficultés, surtout da s l’acquisition des équipements et services urbains nécessaires pour l’amélioration du cadre de vie et pour la promotion de la qualité du cadre de vie des populations résidentes.
La ville de Yamoussoukro possède un réseau viaire de 470 km construit dans les années 1975 dont 220 km de rues bitumées. Ce vaste réseau viaire présente quelques difficultés. L’entretien régulier de plus de 320 km de bitume n’a pas suivi la densification progressive du trafic. Les rues et les artères de la ville sont dans un piteux état. Elles sont fortement dégradées à l’image de presque toutes les villes de l’intérieur de la Côte d’Ivoire, voire les communes de la ville d’Abidjan (BNETD, 1997, p. 65; K. M. Diby, 2009, p. 369; K. M. Diby et K. F. Gbogbo, 2017, p. 343). Elles sont fortement dégradées. L’état actuel des rues crée d’énormes désagréments aux populations et aux usagers.
Les raisons de cette dégradation du réseau viaire de Yamoussoukro sont à rechercher à travers l’incivisme d’une frange de la population qui installe des canalisations depuis leurs toilettes pour évacuer les eaux usées, les eaux vannes domestiques sur les voies. Le ruissellement ou la stagnation de ces eaux sur une longue période finit par fissurer le bitume et le rendre impraticable à divers endroits. A l’incivisme de la population, s’ajoute l’absence d’un plan d’assainissement de la ville de Yamoussoukro. Ce qui provoque, à chaque saison des pluies, des inondations de certaines rues pendant des jours. Les eaux de ruissellement créent des érosions qui dégradent les rues non bitumées et qui menacent le cadre de vie de la population (K. M. Diby, 2017; 2018, p.
158). Ces problèmes sont aussi dus à la négligence des autorités administratives des ministères techniques qui interviennent dans les procédures d’aménagement foncier (H. K. Nzinoussi, 2014, p. 211) en évoquant la gestion de l’environnement urbain à Brazzaville. Pour C-R. Nguimalet (2007, p. 14), la mauvaise planification du développement urbain est la cause principale du désordre qu’on observe au niveau des villes africaines. Depuis la mort du président Houphouët, la ville de Yamoussoukro est un vaste chantier d’opérations de lotissements simples non viabilisés, des lotissements dépourvus du minimum d’équipements d’aménagement urbain.

Conclusion

Cette étude révèle que le développement spatial et économique de la ville de Yamoussoukro a été possible grâce à la volonté de l’État de Côte d’Ivoire à travers les actions dirigistes du président Félix Houphouët Boigny qui a construit la ville en adoptant diverses stratégies d’organisation spatiale en faisant élaborer un schéma directeur d’urbanisme, des plans directeurs d’urbanisme, des plans programmes, des plans architecturaux pour rendre effectif le transfert de la capitale politique et administrative d’Abidjan à Yamoussoukro. La multiplicité des acteurs donne à observer une multiplicité de stratégies d’acteurs qui concourt à la construction et à l’organisation de la ville, surtout à la production de l’habitat pour le bien-être de la population. A Yamoussoukro, les lotissements viabilisés posent moins de problèmes, moins de dysfonctionnements urbains que les lotissements simples et non viabilisés initiés par les acteurs populaires, les acteurs coutumiers et les opérateurs privés. Ces lotissements ne sont pas accompagnés d’un aménagement urbain. Ce ne sont que de simples opérations d’aménagement foncier qui consistent à faire des parcellaires avec des ouvertures de voies. Ces types d’opérations créent d’énormes désagréments à la population résidente dans la mesure où ils demandent d’énormes investissements financiers pour mieux assainir le cadre de vie de la population. Ils constituent un nouvel enjeu pour les autorités municipales et administratives. Elles doivent arriver à corriger les nombreux dysfonctionnements au niveau des lotissements non viabilisés en interdisant, désormais ces types d’opérations dans les capitales régionales si elles ne veulent pas que la capitale de la Côte d’Ivoire ait un aspect de ville inachevé dépourvue des équipements de base pour son propre fonctionnement et pour le bien-être de la population résidente.

Références bibliographiques

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  • DIBY Kouakou Martin, 1999, Logiques et stratégies d’intégration des villages Ebrié dans la métropole d’Abidjan : étude du cas des villages de la commune de Yopougon, Mémoire de maîtrise, Université de Cocody (Abidjan), 228 p.
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  • TRIBILLON Jean François, 1995, « La question foncière urbaine en Afrique francophone : principes et concepts fondateurs », dossier courrier n° 149 janvier-février, pp. 66-67.

Auteur(s)


1Maître-Assistant, Institut de Géographie Tropicale, Université Félix Houphouët Boigny , dibi_martin@yahoo.fr

2Masterisand, Institut de Géographie Tropicale, Université Félix Houphouët Boigny, ahossibaka@gmail.com

Droit d’auteur


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