Le transport routier dans le commerce des produits vivriers agricoles en Côte d’Ivoire : l’exemple du département de Daloa (côte d’ivoire)

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Le transport routier dans le commerce des produits vivriers agricoles en Côte d’Ivoire : l’exemple du département de Daloa (côte d’ivoire)

Félicien GOH BI GOH Doctorant : gohfélicien@gmail.com

N’Guessan Jérôme ALOKO

Directeur de Recherche Université FHB de Cocody-Abidjan

Résumé

La côte d’ivoire connait depuis les années 1980 une situation d’insuffisance de moyens de transport qui freine l’écoulement régulier des produits agricoles. Si de nombreuses études insistent sur les problèmes agricoles liés aux matériels de travail, rares sont celles qui s’intéressent aux coûts élevés du transport dans le commerce des produits agricoles en côte d’ivoire. Cet article vise donc à analyser le transport routier dans le commerce des produits agricoles. Il s’intéresse au département de Daloa une grande zone productrice de produits agricoles. Le caractère identitaire affiché par les populations vis-à-vis de cette zone, la possession plus ou moins grande de moyens de transport motorisé ou non et les impacts à l’échelle départementale et nationale sont entre autres les raisons de cette situation. La méthodologie utilisée repose sur une recherche documentaire sustentée d’enquêtes de terrain menées dans les six (06) Sous-préfectures du département de Daloa. L’analyse des résultats révèle que le département de Daloa est devenu le lieu où on assiste à des variations du coût de transport routier dans les localités de production agricole. De nombreux moyens de transport routier intermédiaire naissent de ce fait dans le commerce de produits agricoles chez les acteurs.

Mots clés : Département de Daloa, transport, commercialisation, produits agricoles.

Abstract

The Ivory Coast has known since the 1980s a situation of insufficient means of transport which slows down the regular flow of agricultural products. While relatively numerous studies insist on the agricultural problems associated with agricultural working equipment, few are interested in the high costs of transport in the trade of agricultural products in Ivory Coast. This article aims to analyze road transport in agricultural trade. He is interested in the department of Daloa, a large area producing agricultural products. The identity character displayed by the neighboring populations vis-à-vis this area, the varying possession of motorized or non-motorized means of transport and the impacts at the departmental and national level are among other reasons for this situation. The methodology used is based on a bibliographic research supported by field surveys carried out in the six (06) sub- prefectures of the department of Daloa. Analysis of the results reveals that the department of Daloa has become the place where there are variations in the cost of road transport in localities of agricultural production. Many means of intermediate road transport are born from this fact in the trade of agricultural products among the actors.

Keywords: Department of Daloa, transport, marketing, agricultural products.

Introduction

Les années 80 marquent en Afrique une réelle prise de conscience à l’échelle continentale de l’ampleur de la crise alimentaire (plan d’action de Lagos défini par l’OUA en 1980, programme indicatif d’action pour l’Afrique Sub-saharienne de la Banque Mondiale en 1981, position des gouvernements à la session spéciale de l’ONU consacrée à l’Afrique : Lagos, juin 1980), malgré la diversité des situations (plan d’action de Lagos pour le développement économique de l’Afrique : 1980-2000, 1980). Ainsi, le problème de la sécurité alimentaire occupe une place importante dans les politiques de développement envisagées au cours de cette dernière décennie en Afrique au sud du Sahara. Il est notamment recommandé pour sortir l’Afrique de cette situation, que les pays africains allouent une part accrue des ressources nationales à l’agriculture et en priorité aux cultures vivrières ; car pour les instances internationales, la reprise économique ne sera possible que si l’agriculture se développe de manière considérable (FA0, Rome, 1986).

En s’engageant également dans la politique de l’autosuffisance alimentaire, la Côte d’ivoire (pays d’Afrique Sub-saharienne), se préoccupait sans doute à cette époque de l’importance de l’hémorragie de devises que constituent les importations de produits alimentaires.

Pour la côte d’ivoire qui a fait de l’agriculture une priorité, les recommandations des instances internationales (développer puissamment l’agriculture pour faire repartir les économies africaines, consacrer 20 à 25% des investissements publics à l’agriculture, accorder la priorité aux cultures vivrières dans le développement de l’agriculture pour atteindre et améliorer la sécurité alimentaire ), confortent en fait les efforts considérables des pouvoirs publics en vue d’assurer la promotion de la production vivrière. Dans ce contexte général certains travaux du secteur des produits vivriers comme ceux d’Aka Echui (1993), Irène Kassi-Djodjo (2007) sont axés sur la dimension transport. Le transport est en effet considéré comme une condition permissive pour atteindre l’autosuffisance alimentaire présentée comme un objectif fondamental des politiques de développement recommandées à l’Afrique Sub-Sahara Aka Echui (1993). De fait, le transport routier de produits ne se comprend que par référence aux activités : de production, de distribution et de commercialisation. Le choix du département de Daloa comme terrain d’étude est dicté par deux raisons. D’une part, il est le premier département producteur de produits vivriers en Côte d’ivoire (OCDE, 2017) et d’autre part il s’est doté d’un réseau routier moderne de 1737 km jugé comme l’un des meilleurs en Côte d’ivoire permettant d’évacuer rapidement les produits vivriers des zones de production aux zones de consommation.

La présente étude est donc consacrée à l’analyse de l’importance du transport routier dans la production vivrière et son écoulement dans le département de Daloa.

Le département de Daloa est localisé au centre-ouest de la Côte d’Ivoire. Il a une superficie de 3802 Km² et est limité à l’est par le département de Bouaflé, au sud les départements d’Issia et de Sinfra, à l’ouest les départements de Vavoua et de Zougougbeu (Cartec1).

Le département de Daloa bénéficie des conditions physiques et humaines favorables au développement des cultures vivrières. Au niveau des conditions physiques, on a un climat subéquatorial humide et chaud. Les quantités pluviométriques sont supérieures à 1000 mm d’eau par an sur l’ensemble du département. Ce type de climat favorise le développement de l’agriculture. Le relief est composé de plateau et de plaine, et est dans son ensemble très peu accidenté. Cela constitue un avantage pour la pratique de l’agriculture. Les sols sont de type ferralitique moyennement désaturés, permettent une bonne pratique agricole. Le département de Daloa a une composition démographique très diversifiée, marquée par la présence d’ethnies autochtones (Gouro et Bété), et d’une forte colonie de population allochtone (Baoulé) et allogène notamment de la CEDEAO. Cette population constitue une main-d’œuvre importante pour l’agriculture et la commercialisation.

Localisation du site d’étude

Carte 1 : Localisation du site d’étude

1.  Méthodologie

Deux techniques de collecte de données ont été utilisées dans ce travail. Il s’agit de la recherche documentaire et de l’enquête de terrain.

La recherche documentaire s’est appuyée sur une bibliographie constituée majoritairement de thèses et d’articles scientifiques. L’exploitation de ces documents tourne autour des aspects comme les coûts de transport, les moyens de transport des produits agricoles, l’état des routes, l’impact des coûts de transport, l’espace de commercialisation des produits agricoles et le potentiel des moyens intermédiaires.

L’enquête de terrain a consisté à se rendre dans les localités pour collecter des données auprès des acteurs du transport et des commerçants du département. L’espace d’étude étant relativement vaste, nous avons choisi des zones d’enquêtes à partir de critères bien définis. Cette sélection a porté essentiellement sur les localités érigées en Sous-préfectures et les villages ayant au moins mille (1000) habitants. A cet effet, ont été retenues les six (06) Sous- préfectures du département et deux (02) villages connus en matière de production vivrière. Cette phase a consisté  à faire des entretiens libres avec  les agents des services agricoles tels

qu’Agence National de Développement Rural (ANADER) et l’Office d’aide à la Commercialisation des Produits Vivriers (OCPV). Les échanges ont permis de recueillir des informations sur leurs contributions au transport dans la commercialisation des produits agricoles dans le département de Daloa.

2.  Résultats

2.1.  Les couts de transport et leurs impacts sur le de département de Daloa.

2.1.1. Les coûts de transport

En général, il est admis que les coûts d’exploitation des véhicules sont plus élevés sur les routes non revêtues que sur les routes revêtues. À Daloa, il existe de grandes différences de tarifs passagers selon la distance et la qualité des routes. Ainsi, le trajet de Daloa à Gonaté sur routes revêtues long de 15km coûte 500F CFA par passager. Celui de Daloa à Zakoua long de 5 km sur de bonnes routes coûte 200FCFA, et le trajet Daloa à Zaibo de 21km (sur des mauvaises routes) coûte 1000F CFA par passager.

L’étude menée sur le transport rural dans le département de Daloa en 2017 par l’OCPV a démontré que les sous-préfectures de Bédiala et de Gadouan ont des coûts de transport 2 à 2,5 fois élevés que celles de Daloa et de Gonaté, sur des trajets n’excédant pas 50km. Les moyens de transport considérés sont les tricycles, les camionnettes à usage agricoles et camions. Elle montre également que les coûts de transport de marchandises sont plus élevés dans presque tout le département de Daloa. Dans la période allant de 2010 à 2012, les tarifs sur les longues distances dans le département étaient 5 fois plus élevés que ceux d’Abidjan. Ces coûts du transport sur de longues distances sont identiques à ceux pratiqués à Bouaké, San-Pedro et Divo. Dans le dernier trimestre de 2019, les tarifs de transport sur longues distances ont été trois fois plus élevés dans la sous-préfecture de Gadouan que celle de Gonaté. (OCPV, 2019). Cependant, les charges et les tarifs des véhicules conventionnels ne sont pas uniformes. Non seulement, il existe de grandes différences de coûts entre les différentes Sous-préfectures pour le même type de transport, mais aussi entre le transport de courtes distances en utilisant les mêmes de transport. Cela s’explique par l’état des routes, le type de produit, la distance et également par la saison.

2.1.2. L’impact des coûts de transport sur le département

Analyser l’impact du coût de transport routier à l’échelle d’un département revient à parler des manifestations de ce coût de transport au niveau national et de ses répercussions sur l’ensemble des départements en interconnexion dynamique avec le département de Daloa. L’impact du coût de transport reste tout de même difficilement analysable à l’échelle du département de Daloa en raison de l’existence de multiples coûts. Nonobstant cette situation, les émeutes du coût de transport routier ont été une manifestation contre le Ministère du transport et contre les systèmes de régulations du commerce départemental. Les manifestations des acteurs (producteurs, commerçants et consommateurs) contre la cherté du transport routier dans les départements ivoiriens viennent mettre à nu le fonctionnement de ces systèmes. Si la dégradation des routes et le manque de véhicules ont des répercussions sur les activités des producteurs et commerçants à travers l’augmentation drastique du coût de transport des produits vivriers, ils agissent aussi sur le développement humain. Il s’agit notamment de la scolarisation des enfants et sur le panier de la ménagère. Ce qui est frappant à l’échelle du département de Daloa, c’est le manque permanent de transport motorisé dans les zones de production. En effet, en 2017 selon l’OCPV, les productions perdues dans la sous- préfecture de Bédiala varient entre 8 et 40% (produits d’exportation) et de 13 à 92 % (produits vivriers). Ces pertes sont dues à l’état des routes et bien d’autres problèmes qui handicapent l’approvisionnement des centres urbains.

Au niveau national, selon le représentant du président de SYNACTTCI (syndicat national des chauffeurs des transports terrestres de Côte d’ivoire, 2019) de Daloa, les tracasseries routières et le racket ont pris une ampleur à telle enseigne qu’un camion chargé de marchandises, qui en temps normal relie Daloa à Abidjan en quatre ou cinq heures, est contraint de parcourir la même distance en dix heures. Ces pratiques causent d’énormes préjudices aux transporteurs (perte de temps, extorsion d’argent), à l’Etat qui perd chaque année près de vingt milliards de F CFA et aux consommateurs qui payent les produits à des coûts exorbitants. A titre d’exemple, un régime de banane plantain bord champ vendu par le producteur à 3OO F CFA revient à Daloa ville à 700 F CFA et à Abidjan entre 1500 à 2000 F CFA selon la période. Le coût de la banane plantain a augmenté parce que le produit bord champ nécessite des frais supplémentaires entre le village et les villes.

2.2  les circuits de commercialisation des produits vivriers

L’analyse des circuits de la commercialisation du produit vivrier met en relief le circuit général du commerce et identifie les circuits formels selon les normes de l’OCPV. On peut cependant distinguer deux grands circuits de l’écoulement de la production vivrière. Ce sont les circuits privés et les circuits publics ou modernes.

2.2.1 Les circuits privés de commercialisation

Selon AKA.E(1993), deux grands circuits privés de l’écoulement de la production vivrière sont à identifier : Les circuits privés directs et les circuits privés indirects.

2.2.1.1 Les circuits privés directs

Ce sont des circuits dans lesquels les producteurs assurent eux-mêmes la vente des produits auprès des consommateurs. Ils se caractérisent donc par l’absence d’intermédiaire. Il n’existe pas réellement de données suffisantes et fiables permettant de quantifier le volume de produits au niveau de ces différents circuits. Mais il semble que les circuits directs soient moins importants et peu fréquents du point de vue de leurs fonctions, de la faible taille des échanges et de leur rayon de mise en œuvre.

2.2.1.2 Les circuits privés indirects

Les circuits privés indirects sont des circuits qui comportent des intermédiaires commerciaux dans le transfert des produits du producteur au consommateur. A ce niveau, deux types de circuits privés indirects peuvent être énumérés. Les circuits privés indirects courts caractérisés par la présence d’un producteur et d’un seul intermédiaire représenté par un ensemble de détaillants (figure1) et les circuits privés indirects longs (figure 2) comportant un intermédiaire supplémentaire (grossiste) entre le producteur et le détaillant et enfin le consommateur.

Figure 1 : Circuit privé indirect court
Figure 2 : Circuit privé indirect long

2.2.2 Les circuits publics ou modernes

Le terme circuit public est employé pour deux raisons. Il se caractérise par l’intervention de l’Etat dans la fixation du prix des vivriers. C‘est le cas du riz paddy dont la commercialisation est sous le contrôle étatique. En effet, ici, les producteurs assurent eux-mêmes la collecte primaire et vendent généralement bord champ à des collecteurs, à des grossistes ou aux usines. Cependant ceux qui sont plus proches d’une usine ou d’un centre de collecte vendent rendu- usine (figure 3). La deuxième raison est que ce circuit est dominé par un organisme public, la CDCI (Compagnie de distribution de Côte d’Ivoire). Il est qualifié aussi de moderne parce qu’il se déroule dans le secteur moderne avec des usines et la CDCI dispose d’importants moyens humains, financiers et d’équipements. En outre, le circuit public qui approvisionne le marché officiel de riz blanc à Daloa est alimenté par la production locale des rizeries industrielles. Quel que soit la forme d’organisation de circuit public, le transport intervient à toutes les étapes de la commercialisation. Bien qu’ils soient agents indirects, ils sont indispensables de ce commerce, dans la mesure où ils détiennent les véhicules qui assurent le ravitaillement des marchés (CHALEARD J.L, 1996).

2.3  Les marchés agricoles et la commercialisation

L’importance d’un système de commercialisation efficace et compétitif est complémentaire aux services de transport rural et aux infrastructures. La disponibilité des marchés représente un moyen par lequel la demande réelle de transport peut être accrue. Un marché est un point de focalisation où les marchandises et les biens s’amalgament et donc concentrent la demande de transport. Lorsque les populations sont dispersées, les marchés le sont aussi, avec de longues distances à parcourir entre les différents marchés. Cela peut s’expliquer par les coûts de transport.

2. 3.1 L’accès aux marchés et aux facilités de stockage

L’analyse des résultats de l’enquête montre la disponibilité des moyens de transport et l’impact des facilités de commercialisation dans le département de Daloa. En effet, la présence de marchés et les facilités de stockage jouent un rôle important dans le choix des moyens de transport. En effet, le degré d’accessibilité aux facilités en termes de distance ou de capacité à les utiliser, dicte la décision du producteur quant au choix du moyen de transport. Par exemple, si le point de stockage est proche, il peut choisir de prendre un moyen de transport non motorisé qui devient inutile au-delà de deux kilomètres. Dans ce cas, le produit agricole peut être soit vendu aux négociants, soit le paysan pensera à un moyen plus perfectionné s’il est convaincu que cet apport augmentera le prix à la vente. Les caractéristiques d’accessibilité aux marchés et aux lieux de stockage diffèrent dans le département de Daloa. (Tableau 1). Dans les 5 sous- préfectures du département de Daloa, les marchés et les lieux de stockage sont généralement plus proches des villages à Gonaté qu’à Bédiala. De plus, les paysans sont plus aptes à vendre leurs produits sur le marché Horly et au marché central de la ville de Daloa. Dans la sous- préfecture de Gboghué, la présence de multitudes intermédiaires ne permet pas au paysan un accès facile au marché. Même si le paysan est capable d’accéder au marché, il n’a pas forcement l’équipement ou les contacts nécessaires pour vendre ces produits à des prix raisonnables. Car le manque de facilités de stockage contraint les paysans à accepter des prix plus bas pour éviter de perdre leurs récoltes.

Tableau 2 : Caractéristiques d’accessibilité des marchés et des lieux de stockage dans 5 sites d’études.

 S/P de ZaiboS/P de GonatéS/P de GadouanS/P de GboghueS/P de Bediala
Distances moyennes aux marchés et aux facilités de stockage plus proche  1-10 km  5-10km  ›20km  10-30km  5-20km
Accès des paysans aux marchés  bon  bonFaible-les femmes des marchés ont toutes les contacts de marketingBon. Mais doivent vendre                         aux grossistes                           ou semi-grossistes  Bon
Capacité du paysan à transporter ses propres produitsBonne sauf dans les villages enclavésBonne, mais les récoltes sont parfois trop petites pour le justifierLes paysans ont une mobilité très faibleSous 20km, c’est bon, mais faible après                       cette distanceBonne voyagerait pendant                       des dizaines de km
Confiance                        dans                        les négociantsTrès peu ; sauf dans les villages proches de la sous-préfectureBonne, mais les paysans les plus pauvres dépendent des négociantsConfiance presque totaleTechniquement illégal, mais les villages enclavés ont besoin d’euxTrès facile

Source : OCPV, 2018

2.4  Potentiel des moyens intermédiaires de transport (mit) pour la commercialisation

Les MIT jouent un important rôle dans la commercialisation des produits agricoles dans le département de Daloa. La vente des produits agricoles est souvent réduite à cause de la faiblesse des transports. Dans le département de Daloa, les produits pourrissent dans les champs et aux points de collecte, faute de manque de moyens de transport vers les marchés. En 2017, une grande partie de la récolte dans la sous- préfecture de Bédiala n’a pas été collectée faute de services de transport et à cause du mauvais état des routes (tableau 2).

Tableau 2 : Répartition des productions perdues en 2017 dans la sous-préfecture de Bédiala.

Source : OCPV; 2017

Dans la Sous-préfecture de Bédiala, la perte en production d’exportation varie entre 8 % (café) et 40 % (cacao). Cependant, celle de la production vivrière, se situe entre 13 % (maïs) à 92 % (banane plantain). Ces résultats  permettent de conclure que la conservation des produits d’exportation est facile que les produits vivriers sauf dans le cas du maïs. De ce fait, les infrastructures routières adéquates et les moyens de transport motorisés doivent être un impératif pour les zones de production agricoles.

2.4.1 L’accès des marchés à pieds (proximité)

Le port sur la tête joue un rôle considérable dans la vente des produits agricoles. En effet, les paysans des villages Zébra et Zetto, deux villages de la sous-préfecture de Daloa empruntent des sentiers pour accéder aux différents marchés de la ville. Certains paysans préféraient transporter une grande part de leurs produits sur la tête que de les vendre aux négociants équipés de camions car ceux-ci les achètent à bas (Photo 1). Il est donc important d’améliorer des sentiers car ils permettent de réduire le temps de voyage et de diminuer les accidents. Cela augmente le taux d’intégration au marché et une isolation rurale réduite. Cependant, le transport par la marche est difficile à cause du poids des produits portés et de la distance parcourue dans la journée. Les MIT peuvent accroître la capacité de portages de charges et la vitesse, réduire les coûts de transport et réer également des opportunités économiques supplémentaires. Ils permettent aussi aux paysans de vendre leurs produits quand l’état des routes est mauvais et lorsque les véhicules motorisés sont rares. Dans ce cas, les prix des produits sont plus élevés. Dans certains villages de la sous-préfecture Bédiala comme Gnamanou, Luénoufla, les paysans disent franchir les routes pendant les saisons de pluies grâce à leurs charrettes à bœufs, quand les camions sont enlisés par la boue.

Photo 1 : Une femme allant au marché

2.4.2- L’accès difficile des marchés parles MIT

L’accès aux marchés trop éloignés sur de longues distances, impose l’utilisation des véhicules motorisés. Cependant une approche appropriée peut être utilisée, si le transport multimodal est considéré. L’approche classique centrée d’avantage sur les routes et les voitures, présente des inconvénients. Une des raisons qui expliquent la faiblesse du transport rural est l’existence de moyens de transport inadéquats et restreints par l’état des routes (photo 2), la faible demande et l’insuffisance de véhicules disponibles. La plupart des véhicules sont utilisés en urbain. Dans les zones rurales du département de Daloa, le déclin du parc automobile de transport a créé une situation favorable aux vendeurs de services de transport. La concurrence parmi les prestataires est très faible et ceux-ci ne sont pas soumis à une pression qui les obligerait à répercuter les réductions de coût sur les producteurs et les commerçants. Dans un tel environnement non concurrentiel, les coûts de transport peuvent être quatre (4) fois plus élevés dans les zones rurales que sur les routes urbaines du département de Daloa. Le quasi-monopole du marché du transport rural donne ainsi l’opportunité aux opérateurs d’exiger des tarifs excessifs qui réduisent d’autant le revenu des producteurs.

Le coût élevé du transport des produits agricoles, est aussi lié à la combinaison de la cherté des intrants, de la faiblesse du taux d’utilisation des véhicules et de l’existence de monopoles de services de transport. Dans leur tentative de résolution des problèmes de transport en milieu rural, les institutions nationales concentrent leurs efforts sur l’entretien de l’infrastructure routière.

Le transport multimodal peut régler certains des problèmes, en utilisant les avantages comparés des MIT dans la chaîne de transport allant du champ au marché. Les MIT peuvent porter effectivement de petites charges depuis le champ ou les facilités de stockage jusqu’aux points de collecte où les camions fonctionnent à leur optimum, sur de longues distances et sur de routes en bon état. En supposant l’existence d’un marché libre pour les transporteurs, l’utilisation des MIT augmentera la concurrence car ils opèrent à faible coût entre les points de collecte et le village et des opérations de transport efficaces entre le point de collecte et le marché en encourageant d’autres structures à offrir leurs services. Pour mettre fin au monopole des opérateurs de transport rural, il faut réduire les coûts et cela accroitra les revenus des paysans.

Source : Goh bi, 2019

Photo 2 : Une route coupée par les flaques d’eau

La photo 2 montre une route qui relie la sous-préfecture de Gadouan à Daloa ville. Cette route est coupée par les flaques d’eau. Ce constat se fait à travers tout le trajet et aussi dans plusieurs localités du département. Cela rend difficile la circulation des personnes et des marchandises dans le département de Daloa en temps de saison des pluies.

2.3.3 Le MIT, un moyen de réduction des coûts de transports

Le critère économique le plus important pour le choix modal est le coût de transport. L’utilisation des MIT pour le transport des récoltes à haut rendement peuvent réduire considérablement les coûts de transport si le paysan utilise une charrette ou bien porte sur la tête ses produits. Il peut faire une économie de 20 000FCFA par hectare cultivé. Si une moto à 3 roues est utilisée, le revenu s’accroitra de 40 000FCFA par hectare Lorsqu’on utilise une moto à trois roues pour le transport de ces mêmes produits, le revenu du paysan s’accroitra à 40 000F CFA par hectare (ANADER, OCPV, 2017).

2.3.4- Le rôle des MIT dans la commercialisation agricole

Les MIT (moyens intermédiaires de transport) sont en général des moyens non motorisés utilisés par la grande majorité des producteurs et ayant une faible capacité.

Le déplacement à pieds, moyens de transport dominant des paysans, peut restreindre toute augmentation de la production agricole. Les MIT permettent d’améliorer l’efficacité des transports agricoles en réduisant les coûts de transports et le temps de déplacement. Les effets sur la production agricole peuvent être divers entre autres, l’utilisation de sols plus fertiles mais plus éloignés et la production de récoltes plus abondantes. A cela, s’ajoutent la réduction des dommages causés par les parasites et des altérations des produits lors de la récolte, la réduction du temps de transport, utilisé en partie pour générer des revenus, la réduction de l’effort et des corvées induites par le port des charges et les effets- surplus si les animaux sont utilisés pour labourer et transporter. Il en résulte que les MIT permettent aux paysans de mieux répondre aux besoins des marchés en augmentant ou en variant leur production. De plus, ils réduisent leurs pertes, et économisent sur les coûts du transport et le temps investi. L’efficacité du transport peut être donc accrue de manière significative par l’amélioration des chemins utilisés par les MIT. Si les marchés sont distants de plus d’une demi-journée de marche, un système de transport multimodal est une solution efficace en termes d’économie.

Conclusion

L’étude a permis d’analyser le rôle du transport routier dans le commerce des produits agricoles dans le département de Daloa. Elle met d’abord en exergue les facteurs favorables aux coûts élevés du transport et leur impact sur le département de Daloa. Ensuite, elle présente le circuit général de la commercialisation des produits agricoles en identifiant les différents circuits du commerce des vivriers. Enfin elle montre l’importance des marchés agricoles dans le transport routier et dans la commercialisation des produits vivriers dans le département de Daloa. L’analyse des résultats permet de voir les difficultés dans le développement du commerce des produits vivriers qui occasionnent ainsi la pénurie du vivrier dans les zones non productrices d’une part et la pauvreté des populations de la zone de production d’autre part. Face à cela, L’Etat de Côte d’ivoire doit mettre en place une politique appropriée afin d’éradiquer les causes des coûts élevés du transport routier. Cela permettra d’éviter au département de Daloa, l‘impact des coûts du transport routier dans le commerce des produits agricoles. Par ailleurs, un reprofilage des routes, une reprise des pistes et la subvention des transporteurs doivent être régulières afin de réduire l’impact du coût de transport dans le commerce des produits agricoles.

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Félicien GOH BI GOH

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