

Lexploitation minière, facteur dune nouvelle configuration des migrations internes au Burkina Faso
Résumé :
Cet article sintéresse à limpact du développement des exploitations minières sur la reconfiguration des courants migratoires internes au Burkina Faso. À partir des données issues des recensements de 1996 et de 2006 et celles de la direction générale des études et des statistiques sectorielles du Ministère des Mines et de lEnergie, les résultats de lanalyse montrent que les traditionnelles régions daccueil, les régions du Boucle du Mouhoun et des Hauts-Bassins, perdent de leur attraction migratoire au profit des régions minières, le Nord, Sahel, le Centre-Nord, anciennes régions de départ. Celles-ci sont devenues le bassin demploi pour les migrants internes.
Entrées d'index
Mots-clés : Burkina Faso, région, migration interne, développement, mine.
Keywords:
INTRODUCTION
Le développement des zones dexploitation minière au Burkina Faso constitue des bassins demploi qui concourent lentement à la recomposition dun nouveau schéma des courants migratoires internes. La multiplication des sites dexploitation, tant artisanal quindustriel, est remarquable dans presque toutes les régions. En moyenne, le nombre de site artisanal par région administrative, à titre illustratif, est passé de 5,4 en 2003, 7,9 en 2006, à 13,8 en 2012. Les régions du Sahel, du Nord, du Centre nord, principales et traditionnelles zones de départ des migrations internes et internationales sont devenues des importantes régions dorpaillage et dexploitation industrielle (DGESS, 2015).
Dans ces anciens foyers de départ, le développement des activités minières a réduit non seulement les flux de sorties mais y attire également un mouvement de jeunes à la recherche de travail, redéfinissant ainsi le statut migratoire de ces régions en zone daccueil alors quelles avaient, il y a moins dune décennie, le statut de zone de répulsion (INSD, 1989, 1994, 2000). Si les motifs migratoires internes étaient, au cours des années 1970 et 1980, dominées à la fois par les aléas naturels (sécheresse de 1973 et de 1983), les problèmes fonciers et les politiques daménagements des vallées de Volta (Drabo, Ilboudo, & Tallet, 2003; Ouédraogo, 1986; Zidnaba, 2009), la dynamique actuelle est essentiellement impulsée par la recherche du travail rémunéré, les raisons familiales et les études. Lorpaillage constitue lun des principaux motifs de ces migrations de travail, notamment dans les régions du Nord, du Plateau Central, du Sahel et du Sud-Ouest (Dabiré & Sanou, 2011).
Toutefois, dans la littérature, les études sur lexploitation minière au Burkina Faso ont porté essentiellement sur les impacts socio-économiques et environnementaux (MASSN, 2011; OIT, 2009; Tomicic, Vernez, Belem, & Berode, 2011). Limpact du développement des exploitations minières sur les migrations internes au Burkina Faso a très peu fait lobjet détude. Ce papier sinscrit ainsi dans cette perspective et vise à analyser le rôle des exploitations minières dans les migrations internes au Burkina Faso à travers la question de recherche suivante : la multiplication des foyers dexploitation minière au Burkina Faso ne contribue-t-elle pas à déconstruire le traditionnel schéma migratoire interne ? Lanalyse se fonde sur lhypothèse selon laquelle le développement des exploitations minières au Burkina Faso reconstruit des nouveaux courants migratoires internes.
Sources des données et méthode
Lanalyse est basée sur des informations secondaires, issues des Recensements Généraux de la Population et de lHabitat (RGPH) de 1996 et 2006 et de la Direction générale des études et des statistiques sectorielles du Ministère des Mines et de lEnergie (MME). Les données migratoires concernent les informations relatives à la migration interne récente cest-à-dire celles qui se sont déroulées au cours des douze derniers (12) mois avant les recensements : leffectif des migrants internes, leurs caractéristiques démographiques, les flux de sorties, dentrées et le solde migratoire. Ces informations permettent dappréhender limportance de la mobilité interne, les zones de départ et de destination, les échanges migratoires entre les différentes localités participant ainsi à déterminer les régions attractives ou répulsives des migrants internes. Des données collectées auprès du MME donnent des informations sur lévolution annuelle des sites dexploitation minière, artisanale et industrielle, de 2003 à 2012 à léchelle régionale. Elles ont permis danalyser le rôle et la place de lexploitation minière dans la restructuration des migrations internes au Burkina Faso. Lunité statistique danalyse est la région administrative. Le choix de cette échelle danalyse se justifie par la difficulté de trouver des données comparables à léchelle provinciale concernant les deux derniers recensements. La migration interne est définie ici comme tout déplacement ayant pour effet de transférer la résidence dun individu de son territoire administratif, commune, province ou région, considéré lieu de départ vers un autre lieu défini comme lieu darrivée pendant une durée de six mois, conventionnellement défini ou avec lintention de séjourner. Lanalyse des données a permis de parvenir aux résultats ci-après.
Lexploitation minière, facteur actuel de lintensification des mouvements migratoires internes au Burkina Faso
Les migrations internes mobilisent de plus en plus une frange importante de la population au Burkina Faso. Le recensement de 1996 a dénombré 135 661 migrants internes récents. Cet effectif est passé à 231 623 personnes en 2006. Si les hommes ont respectivement représenté 51,8%, leur proportion a baissé, 48,3%, au profit de celle des femmes, 51,7%. La particularité de ces migrations est lâge des migrants. La moitié de ces migrants sont des adolescents âgés de 10 à 29 ans (49% en 1996, 50,1% en 2006).
Figure 1: Répartition des migrants internes récents au Burkina Faso selon le sexe et l'année
Ces migrations internes sintensifient actuellement à la faveur de la prolifération des sites dexploitation, notamment lorpaillage dont le nombre de sites accroit annuellement. Les sites dorpaillage sont passés de 70 en 2003 à 236 en 2014. Le nombre de sites dexploitation industrielle est également passé de 1 à 14 entre 2003 et 2014 (DGESS, 2015; DGMG, 2015). Le tableau I présente la répartition des travailleurs permanents des mines industrielles selon la société minière et la provenance géographique. Les sociétés minières industrielles ont enregistré 3888 travailleurs permanents nationaux à la fin de décembre 2011. Parmi ces travailleurs, leffectif des travailleurs locaux recrutés dans les régions des sites dexploitation est presque égal à celui de leurs homologues venus des autres régions du Burkina Faso. Mais, cette égalité cache des disparités numériques selon les sociétés minières. Les travailleurs recrutés sur place représentent le triple des travailleurs nationaux dans les entreprises minières de Kalsaka Mining SA dans le Nord et dESSAKANE SA dans le Sahel et moins de la moitié pour le reste. Ces entreprises font la promotion des travailleurs régionaux. Mais, labsence de certaines compétences professionnelles à léchelle locale oblige les compagnies minières à recruter des travailleurs venant dautres localités ou hors du pays. En 2012, 31,6% du personnel des sociétés minières étaient des expatriés contre 62,4% des nationaux et 6,0% des non déclarés (DGESS, 2015). Selon le Ministère de lEnvironnement et du Cadre de Vie (MECV), les activités minières formelles et les services connexes ont fourni 9 000 emplois directs et 27 000 emplois indirects.
Dans les exploitations minières artisanales, le nombre des travailleurs est estimé entre 700 000 et 750 000 personnes (MECV, 2011). Mais parmi ces derniers, il est un peu difficile de dénombrer les migrants internes en raison du caractère circulaire des exploitants et surtout de labsence des registres de collecte de données. Néanmoins, selon Gilles (2012), «il y aurait environ 200 000 orpailleurs en activité sur le territoire burkinabè , provenant du Burkina Faso lui-même ou des pays voisins (Mali, Niger, Ghana, Cote dIvoire, Togo et Benin)» (Ibid.:1).
En conséquence, le développement des exploitations minières au Burkina Faso contribue à intensifier les flux migratoires, contribuant ainsi à déconstruire le schéma traditionnel des migrations internes à lapparition des nouvelles zones dattraction et de répulsion migratoire sur tout le territoire national.
Tableau I : Répartition des travailleurs permanents des mines industrielles selon la société minière et la provenance géographique en 2011
Vers une déconstruction de lancien schéma migratoire interne au Burkina Faso
Le développement de ces mouvements migratoires internes liés à lexploitation minière, aussi bien artisanale quindustrielle au Burkina Faso, contribue à déconstruire les courants migratoires traditionnels du fait que la colonisation agricole est actuellement à bout de souffle en raison des problèmes fonciers récurrents, consécutifs à la pression démographique et surtout liés aux nouveaux enjeux de la libéralisation de la terre. En effet, la saturation des anciennes zones de colonisation agricoles telles que la Boucle du Mouhoun, les régions de lOuest des années 1970 et 1980 a suscité des mouvements de départ dans ces anciens foyers daccueil vers de nouvelles destinations dans le Sud-Ouest, les Cascades et le Centre-sud (Paré & Tallet, 1999; Traoré, Dabiré, & Sanogo, 2000; Zidnaba, 2009). Ces nouvelles vagues de peuplement nont pas reçu un accueil favorable à linstar des premiers fronts pionniers en raison des enjeux socio-économiques et politiques des transactions foncières (vente de terres, récupération politique, croissance démographique, culture de rente) créant des conflits fonciers et de problèmes daccueil. Ce blocage foncier a suscité une certaine crise des mouvements de colonisation agricole au Burkina Faso.
Cette crise migratoire interne a eu un nouvel élan à la faveur du boom minier qui recompose une nouvelle carte migratoire. Les migrations internes sont désormais plus liées à la recherche de lor et non à la terre agricole. Les anciennes zones de départ, la région du Nord, du Sahel, le centre Nord, sont devenues des zones dattractions de flux. Cette nouvelle dynamique migratoire interne est mis en évidence à travers lanalyse des flux des sorties lors des deux derniers recensements et le développement spatiale des exploitations minières (Cf. Tableau II et Carte 1).
Selon lévolution du nombre des sortants récents recensés, trois types de régions administratives sont distinguées. Il y a des régions qui ont connu un accroissement du volume de sortants; celles dont leffectif est resté presque stable et enfin celles dont le nombre de sortants a évolué à la baisse.
La région du Centre et celle des Hauts-Bassins, respectivement capitales politique et économique, ont enregistré une augmentation de leffectif des sortants récents. Cet accroissement traduit une forme de répulsion des zones urbaines marquées par le chômage des populations. En effet, le taux dactivité est passé de 59,2% en 2003 à 47,8% en 2007 dans la région du Centre et de 81,1% à 55% dans la région des Hauts-Bassins, (INSD, 2013). Les grandes villes comme Ouagadougou et Bobo Dioulasso nattirent plus des ruraux, à limage du passé, mais elles constituent un bassin démigration vers les zones à forte opportunités économiques et professionnelles, en loccurrence les sites dexploitation.
Quatre régions ont connu une stabilité des effectifs des sortants récents : les Cascades, le Sud-ouest, le Centre-sud et le Nord. Les trois premières régions jouissent dun climat de type sud soudanien, où la pluviométrie importante constitue un facteur favorable aux ressources naturelles (bonnes terres, disponibilité en eau, foret), aux activités agro-sylvopastorales, donc au maintien des populations locales. Malgré la proximité du Ghana et de la Côte dIvoire, traditionnels pays daccueil, ces régions parviennent à maintenir leurs effectifs. En plus, les régions des Cascades et du Sud-Ouest ont également connu le développement de lorpaillage, ce qui réduit leffet répulsif, doù la stabilité des flux de sortie. Pour le Centre-Sud, 2 sites dexploitation minière artisanale ont été dénombrés en 2005, 5 sites en 2010 et 8 sites en 2012 (DGESS, 2015); ce qui limite les mouvements migratoires hors de la région. Le maintien des effectifs de migrants sortants dans la région du Nord est également lié au développement de lexploitation minière dans la région réduisant ainsi leffet répulsif. Le nombre de site dexploitation minière artisanale est passé de 11 en 2003, 12 en 2006 à 19 sites en 2012 (Ibid.).
Tableau II: Dynamique des flux de sortants de 1 an et plus au cours des 12 derniers mois des deux derniers recensements dans les régions administratives au Burkina Faso
Plus de la moitié des régions administratives (7/13) a enregistré une diminution de leffectif des sortants récents. La région de lEst vient en tête, suivie de la Boucle du Mouhoun, le Sahel, le Centre-nord, le Centre-est, le Plateau central et le Centre-ouest. A lexception de la Boucle du Mouhoun qui est une ancienne zone de colonisation agricole, toutes ces régions sont des zones de départ migratoire, tant interne quexterne. La baisse de leffectif des sortants au cours des 12 derniers mois est tributaire de la multiplication des sites dexploitation minière, tant artisanaux quindustriels (Carte 1). A titre dexemple, les régions de lEst, du Centre-Nord et du Sahel ont enregistré chacune une augmentation du nombre des mines dexploitation artisanale entre 2003 et 2012. Ces deux dernières régions ont respectivement dénombré, à la fois en 2014, 2 (Taparko, Bissa) et 4 mines dexploitation industrielle (Inata, Essakane, Guiro, Tambao). Pour la Boucle du Mouhoun, louverture des sites dexploitations minières artisanales et industrielles ont été favorables à la réduction des flux de sortants.
Somme toute, louverture des sites dexploitation minière, industrielle et artisanale concerne presque toutes les régions surtout dans la partie sahélienne du pays et a contribué à changer de statut migratoire des habituelles zones de départ. Celles-ci retiennent leurs flux de sorties à travers des activités extractives et connexes, comme le commerce.
Carte 1 : la répartition régionale de lévolution des mines artisanales et industrielles au Burkina Faso
Les anciennes zones daccueil en baisse dattraction migratoire interne
Les destinations des migrants sont fonction des opportunités locales, notamment la possibilité dobtenir des emplois rémunérés et de la proximité géographique. Lanalyse des effectifs des entrants de 1996 et de 2006 a permis de rendre compte du niveau dattractivité migratoire des régions administratives (Tableau III).
Tableau III: Evolution des flux des entrants récents de 1 an et plus lors des deux derniers RGPH au Burkina Faso
La région du Centre, celle des Hauts-Bassins et le Centre-Nord ont enregistré chacune une hausse de leffectif des entrants, au cours des deux périodes. Ce qui implique que, pour les deux premières régions, les projets migratoires des entrants sont théoriquement différents de ceux des sortants précédemment analysés. En effet, dans la ville de Ouagadougou, une enquête réalisée en 2001 a montré que 43% des habitants étaient des migrants. Parmi ces migrants, 47,9% ont une durée de séjour de moins de 10 ans. Létude note que «la migration vers Ouagadougou semble ne plus traduire le simple phénomène dexode rural. En effet, 60,6% des migrants viennent dautres milieux urbains. La principale raison qui motive limmigration est le besoin de rejoindre la famille (56,7%). Les femmes sont les plus concernées par le regroupement familial (67,7%), tandis que les hommes (86,5%) migrent essentiellement dans la perspective de trouver un emploi. Parmi ceux qui migrent pour des raisons détudes (12% des motifs avancés), les hommes représentent 62,5%. » (INSD, 2003, p7).
En conséquence, ces résultats montrent que les migrations vers ces les grandes villes sont plus liées à des raisons familiales et scolaires et moins économiques.
Les régions du Centre-Sud et du Sud-ouest ont, par contre, enregistré une évolution stable des entrants des RGPH de 1996 et de 2006. Elles sont toutes éloignées des principales zones de départs des migrants notamment les régions du Nord, du Centre-Nord ou du Centre-Ouest. Des facteurs socioculturels ou sécuritaires locales ont empêché des colonisations agricoles vers ces régions tels les conflits fonciers, les problèmes dintégration sociale. En 2007, des enquêtes menées dans la région du Sud-Ouest indique quelle connaît « aujourdhui de nombreux conflits fonciers liés aux attributions de parcelles à plusieurs personnes à la fois, aux retraits et ventes de terres anciennement cédées, aux non respects des limites de terres cédées, aux attributions de parcelles hors des limites des domaines familiaux ou lignagers, etc. Les conflits entre autochtones et migrants sont les plus récurrents et sont liés aux retraits de terres (souvent sans préavis) qui sont revendues à de nouveaux migrants, aux réductions de surfaces de terres déjà vendues, au refus des migrants de payer le landa, aux remises en causes des accords fonciers par les jeunes, etc. » (Ouédraogo, Dabiré, & Guengant, 2009: 91)
Parmi les treize régions administratives, sept ont vu leurs effectifs entrants évolués à la baisse de 1996 à 2006. La région de la Boucle Mouhoun vient en tête, avec une baisse de lordre 7 000 personnes ; suivie de la région du Centre-Ouest. Cest la région du Plateau Central qui occupe la dernière position. Pour la Boucle du Mouhoun, lattraction migratoire de la région a atteint son apogée dans les années 1970-1980 (Paré & Tallet, 1999), doù la baisse du nombre des entrants. Cette baisse peut être liée à la faible intensité des sorties migratoires des principales zones de départ, en loccurrence la région du Nord, où les activités extractives maintiennent les populations sur place.
Toutefois, les destinations des migrants orpailleurs, tout comme les migrants agricoles, ne se limitent pas au territoire national. Certains traversent les frontières en direction des pays voisins. (OIT, 2009) en travaillant sur le travail des enfants dans lorpaillage au Niger, a enquêté 410 enfants dans 4 Villages Foulo, Komabangou, Maijamaa et Tangounga situés dans la région de Tillabéri et les départements de Say et de Téra. Parmi ces enfants 55,6% ne sont pas originaires de ces localités. Les orpailleurs burkinabè représentent 42% ; les nigériens sont autant, 15% viennent du Mali et 1% dautres nationalités.
Dynamique migratoire interne au Burkina Faso : les anciennes zones de départ deviennent un bassin demploi pour les migrants internes
Les résultats des analyses précédentes montrent que le développement des activités minières constituent des facteurs de rétention des flux de sorties dans les traditionnelles zones de départ telles que le Sahel, le Nord, le Centre-Nord et que les anciennes zones daccueil comme la Boucle du Mouhoun, les Hauts-Bassin et le Centre connaissent plus de facteur de répulsion, réduisant ainsi leur attraction migratoire. Ces analyses partielles des effectifs des sortants ou des entrants ne sont pas suffisantes pour identifier le statut migratoire réel des régions administratives. Le solde migratoire est lun des indicateurs privilégiés et permet danalyser le statut migratoire des régions administratives du Burkina Faso en mettant celui-ci en rapport avec limpact de la multiplication des sites dexploitations minières dans cette recomposition spatiale des courants migratoires. Lanalyse des soldes migratoires distingue des régions qui ont enregistré au cours des deux périodes un solde positif ou négatif et celles qui ont alternativement connu lun ou lautre.
Les régions du Centre, des Cascades, du Centre-est et du Sahel ont enregistré chacune des soldes positifs tant en 1996 quen 2006 (cf. tableau IV). Le Centre, en tant que capitale politique, voire économique, constitue le point de convergence des flux migratoires ou de transit à destination de lextérieur du pays. Les ressources naturelles, la présence du barrage de Bagré et les ressources minières constituent respectivement les facteurs dattraction des autres régions.
Le Centre-nord et lEst sont les deux régions qui avaient un solde négatif en 1996 alors quelles ont enregistré un bilan positif en 2006 contrairement aux régions du Centre-ouest, des Hauts-Bassins et le Plateau central. Le bilan positif en 2006 est tributaire des effets de la multiplication des sites dexploitation minière artisanale qui ont attiré des flux migratoires dans ces localités. Le nombre de site y a accru de façon soutenu de 2003 à 2012 (cf. Carte 1). Le bilan négatif du Plateau central est relativement marginal. Sa proximité avec les régions du Centre Nord et du Nord, principales régions minières, ont attiré des migrants de cette localité, doù le solde négatif. Mais les situations migratoires des Hauts-Bassins et du Centre-ouest traduisent leur nouveau statut de région démigration interne alors quelles étaient jadis des zones dattraction. Le développement des exploitations minières est tributaire dans cette reconstruction de ce nouveau schéma migratoire.
Des régions telles que le Nord, le Sud-Ouest et le Centre-sud ont chacune enregistré des soldes négatifs en 1996 et en 2006. Le bilan migratoire en faveur des sortants indique que ces zones présentent des facteurs contextuels répulsifs suscitant la sortie migratoire. Pour la région du Nord, les populations ont, par excellence, une culture migratoire. Depuis la période coloniale, elles ont peuplé les régions de lOuest, les grandes villes, Ouagadougou et Bobo Dioulasso et hors du pays (INSD, 1978, 1989, 2000). Les exploitations extractives ont eu un faible impact sur les départs migratoires, notamment durant la période davant 2006. Toutefois, la multiplication des sites dexploitation dans cette région durant cette dernière décennie a un effet réducteur sur la propension migratoire interne. Dans une région à tradition migratoire, le développement des activités minières en 2006, année de recensement, nétaient pas suffisamment élevée pour infléchir les flux de sorites, doù le solde négatif. Dans le Sud-Ouest, la pauvreté constitue lun des facteurs répulsifs. Lincidence de la pauvreté de la région en 2006 était lune des plus élevées du Burkina Faso, 64,0% (INSD, 2009b). Les activités minières dans cette région sont essentiellement exercées par des personnes venues dautres localités du pays ou de létranger. Les autochtones, en majorité Dagara, Lobi nexercent pas des activités liées à lOr pour des raisons socioculturelles. Celles-ci sont dévolues aux femmes.
Tableau IV: Situation des migrations internes récentes de 1 an et plus de ces dernières décennies au Burkina Faso
CONCLUSION
Cet article a mis en lumière le lien entre le développement des exploitations minières et la dynamique migratoire interne au Burkina Faso. A travers les données issues des RGPH de 1996 et 2006 et celles de la Direction générale des études statistiques et sectorielles du Ministère des mines et des carrières, lanalyse a mis en évidence une nouvelle dynamique de reconfiguration des courants migratoires internes. Certaines régions de départ sont devenues des bassins demplois pour les jeunes. Lattraction migratoire des régions de la Boucle du Mouhoun et des Hauts-Bassins, traditionnelles régions daccueil, est en baisse en raison du développement de lexploitation minière dans les principaux foyers de départ, suscitant ainsi la déconstruction des courants migratoires traditionnels. Les résultats du RGPH de 2016 en vue permettront de mieux étayer certaines parties de ces résultats.
Si dans le passé les migrations apparaissent comme un facteur de régulation de la pression démographique dans les parties centrale et septentrionale du pays, elles semblent constituer de nos jours comme lun des facteurs de transformation des systèmes de production et dusage des ressources naturelles. Elles contribuent aux recompositions territoriales, imposant ainsi le renforcement de la gouvernance locale des ressources naturelles, notamment les mines.
Bibliographie
Coulibaly, S., Gregory, J., & Piché, V. (1980). Les migrations voltaïques. Importance et ambivalence de la migration voltaïque (tome I). Institut National de la Statistique et de la Démographie, Centre la Recherche Voltaïque, République de la Haute Volta, Canada, 143 pages.
Dabiré, B., & Sanou, M. O. (2011). Jeunesse, migration et emploi. Rapport d'étude, Ministère de la jeunesse, de la formation professionnelle et de lemploi, Observatoire national de lemploi et de la formation professionnelle, Burkina Faso, 70 pages;
DGESS. (2015). Annuaire statistique 2014 du Ministère des mines et de lénergie. Direction générale des études et des statistiques sectorielles. Ouagadougou, Burkina Faso: Ministère des mines et de lénergie, 63 pages.
DGMG. (2015). Données statistiques sur la répartition des sites dexploitation industrielle dor par région. Direction Générale des Mines et de la Géologie.
Drabo, I., Ilboudo, F., & Tallet, B. (2003). Dynamique des populations, disponibilités en terres et adaptations des régimes fonciers?: le Burkina Faso, une étude de cas. Cicred, FAO, 114 pages.
Gilles, S. (2012). lorpaillage face à larrivée des industries minières aurifères: cas du Burkina Faso. 17ième colloque international en évaluation environnementale. Presented at the Lévaluation environnementale pour une gestion durable des ressources minières, énergétiques et biologiques, Montréal. 4 pages
INSD. (1978). Résultats définitifs du recensement général de la population (décembre 1975). Volume 1 les données nationales. Ouagadougou, Burkina Faso: Ministère du Plan et de la coopération, 208 pages)
INSD. (1989). Analyse des résultats définitifs du recensement général de la population de 1985. Ouagadougou, Burkina Faso: Institut National de la Statistique et de la Démographie, Ministère du plan et de la coopération, 326 pages.
INSD. (1994). Analyse des résultats de lEnquête Démographique 1991. Deuxième partie: Phénomènes démographique. Ouagadougou, Burkina Faso: Institut National de la Statistique et de la Démographie, 175 pages.
INSD. (2000). Analyse des résultats du Recensement Général de la Population et de lHabitation de 1996. Chapitre 12: les migrations. Volume 2. Ouagadougou, Institut National de la Statistique et de la Démographie, Ministère de léconomie et de finance, Burkina Faso, pp.25-198
INSD. (2003). Enquête 1, 2, 3. Lemploi, le chômage et les conditions dactivité dans lagglomération de Ouagadougou, Ministère de léconomie des finances. Ouagadougou, Institut National de la Statistique et de la Démographie, Burkina Faso.
INSD. (2009a). Analyse des résultats définitifs?: thème 8?: migrations. Ouagadougou, Institut National de la Statistique et de la Démographie, Ministère de léconomie et de finance, Burkina Faso,159 pages;
INSD. (2009b). Analyse des résultats définitifs?: thème 15?: Mesure et cartographie de la pauvreté. Institut National de la Statistique et de la Démographie, Ouagadougou, Burkina Faso, 208 pages.
INSD. (2013). Tableau 07.02?: Situation de lemploi des individus de 15 ans et plus par région en 2003, 2005 et 2007 (en %). MASSN. (2011). Etude sur le travail des enfants sur les sites dorpaillage et les carrières artisanales dans cinq régions du Burkina Faso. Rapport détude, Ministère de lAction Sociale et de la Solidarité Nationale, Ouagadougou, Burkina Faso, 85 pages.
MECV. (2011). Analyse économique du secteur des mines liens pauvreté et environnement. Projet Initiative Pauvreté Environnement. Ouagadougou, Burkina Faso: Ministère de lEnvironnement et du Cadre de Vie, 69 pages.
OIT. (2009). Etude transfrontalière sur le travail des enfants dans lorpaillage au Burkina Faso, au mali et au Niger. Rapport Volet pays Niger. Niger: Organisation Internationale du Travail, Programme international pour labolition du travail des enfants (IPEC), 98 pages;
Ouattara, A. (1998). Migration, urbanisation et développement au Burkina Faso. Les travaux de lUERD, n°8. Ouagadougou, Burkina Faso: Unité denseignement et de recherche en démographie, 33 pages.
Ouédraogo, D. (1986). Aménagement hydro agricoles?: opération Terres Neuves et le déplacement de la population au Burkina Faso?: De 1960 à nos jours. Thèse de Géographie de Bordeaux, Université de Bordeaux, Paris, France.
Ouédraogo, D., Dabiré, B., & Guengant, J.-P. (2009). Limpact des migrations internationales de retour de Côte dIvoire sur le développement des régions frontalières du Burkina Faso avec la Côte dIvoire. Institut Supérieur des sciences de la Population, Université de Ouagadougou, Institut de recherche pour le développement (IRD), Ouagadougou, Burkina Faso,
Paré, L., & Tallet, B. (1999). Dun espace ouvert à un espace saturé dynamique foncière et démographie dans le département de Kouka Burkina Faso. "UFR de Géographie", Lille, pp.83-92.
Tassimbédo, B. M., Zongo, L. S., & Sié, C. (2013). La place des ressources minières Dans léconomie du Burkina Faso. Communication de la délégation du Burkina Faso à la 1ère réunion des CNPE avec la Commission de lUEMOA sur les dossiers de la surveillance multilatérale, Cotonou, du 8 au 11 juillet 2013; Ministère de léconomie et des finances, Cotonou, 18 pages.
Tomicic, C., Vernez, D., Belem, T., & Berode, M. (2011). "Human mercury exposure associated with small-scale gold mining in Burkina Faso", International Archives of Occupational and Environmental Health, Vol 84, N°5, pp.539-546.
Traoré, S., Dabiré, B., & Sanogo, A. (2000). Etude sur les migrations agricoles, transformations sociales et dégradation des écosystèmes. Rapport détude. Ouagadougou, Burkina Faso: Conapy, 78 pages;
Zidnaba, I. (2009). Limmigration interne, facteur de développement socio-économique? Lexemple De la ville de Solenzo. Mémoire de maîtrise en géographie, option démographie, Université de Ouagadougou, Burkina Faso, 92 pages.
Notes
Table d'illustrations
Auteur(s)
1ZIDNABA IRISSA
1Ingénieur de recherche Département Sciences de la Population de lInstitut des Sciences de Société Centre National de Recherche Scientifique et Technologie, Burkina Faso alnourzidnaba10@gmail.com
Droit d'auteur
Université Félix Houphouët-Boigny (Abidjan, Côte dIvoire)