

Niveau d'accès à l'eau potable et maladies diarrhéiques dans la commune de Bongouanou (Centre-Est de la Côte d'Ivoire)
1TUO Péga, 2DIABIA Thomas Mathieu, 3ANOH Kouassi Paul
Abstract :
The problems of accessibility to drinking water are generally approached starting from the rate of access, only based on the systems of supply water in connection with the population. Concerning, the analysis of the level of access in connection with the diarrheal diseases, which is based on the indices quality of water, quantity of drinking water by habitant/jour, distance, time and reliability, it was studied very little.This study establishes the bond between the level of access to drinking water and the diseases diarrheal whose the households suffer from Bongouanou. In a specific way, it defines the various levels of access to drinking water according to scales', repartition of the listed diarrheal diseases and draws up a relationship between these two aspects starting from the geostatistic method (the regression linaire of Bravais-Pearson).The analysis is made starting from a sample of 455 households, including 210 on a rural scale and 245 on an urban scale. The results show that with a rate of communal access of 43,74%, the level of access to drinking water is dominated by the characters poor, difficult and unequally distributed in investigué space. Also, the variables related with the diarrheal diseases, are the subject of a space disparity. The comparison of these two components, reveals strong significant and negative correlations on a rural scale (r = - 0,92) and urban (r = - 0,74).The degrees of intensity of these relations are explained by the coefficients of determinations (r2) of 85% at the rural ones and 55% among townsmen.So the level of access to drinking water in the commune of Bongouanou influences the distribution of the diarrheal diseases in the households.
Introduction
En raison de leurs répercussions sur lenvironnement et sur lhomme, les questions de leau sont placées depuis quelques années, au centre des préoccupations des scientifiques et des politiques. Leau étant lune des composantes majeures de lorganisme humain (plus de 2/3, soit 70% du poids de lhomme), elle a fait lobjet de plusieurs forum à léchelle internationale : Marrakech en 1997, la Haye en 2000, Kyoto en 2003, Mexico en 2006 et Egypte en 2008 (ONU, 2005 et Nguengar, 2011). Cependant, tous ces efforts semblent ne pas donner de suites favorables à la problématique de laccessibilité à leau potable à léchelle planétaire. En 2004, 100% des français bénéficiaient dune couverture en eau potable, alors que cette proportion était de 69% en Côte dIvoire, 72% en Djibouti, 43% en Erythrée et 29% en Somalie (OMS, 2007). Selon Achi (2012), en Côte dIvoire, dans le monde rural, le taux daccès à leau potable a régressé de 70% en 1990 à 50% en 2012, et en milieu urbain, il est passé de 80% à 65% pour les mêmes dates. A léchelle des collectivités locales, dans la commune de Bongouanou, 55% de la population avait accès à leau potable en 2009 (RCI, 2009). Et pourtant, la commune dispose des trois types de points deau modernes (Hydrauliques Villageoises, Hydrauliques Villageoises Améliorées et Hydraulique Urbaine). Elle est située au Centre-Est de la Côte dIvoire (carte n° 1), dans la région du Moronou.
Carte n° 1 : présentation de la commune de Bongouanou
La population communale connait un accroissement ; 12 714 habitants en 1970, 29 148 habitants en 1988, soit plus que le double en 13 ans (MEFP, 1980, MLCVE, 1997 et RGPH-88). Et en 1998, elle était de 31 827 habitants (RGPH-98). Sur la base des données de lINS, la population est estimée à 36 938 habitants en 2015. Or, en parallèle, la diarrhée, une des maladies hydriques (liée à la consommation de leau non potable), connait aussi une progression (OMS/UNICEF, 2004): les statistiques du district sanitaire de Bongouanou ont relevé 7 085 cas de maladies diarrhéiques en 2011. Ce chiffre est passé à 8 304 en 2012, soit un accroissement de 14,68%. Et jusquà la fin du mois dOctobre de 2013, il a été dénombré 7 392 malades de diarrhées. Au regard de ces constats, il se pose le problème de difficile accès à leau potable et de la propagation de maladies diarrhéiques dans la commune de Bongouanou. Comment le niveau daccès à leau potable expose-t-il les ménages de la commune de Bongouanou aux maladies diarrhéiques ? Cette recherche veut établir le lien entre le niveau daccès à leau potable et les maladies diarrhéiques dont souffrent les ménages de Bongouanou.
1. Outils et méthodes
Pour collecter les données, deux méthodes ont été utilisées. Il sagit dabord de la recherche documentaire. Elle nous a permis de bâtir lintroduction, et dengager la discussion des résultats obtenus. Puis, les données primaires, cest-à-dire, les informations produites par nous-mêmes à partir des questionnaires adressés aux chefs de ménages des deux zones détudes. A défaut de faire un recensement exhaustif, nous avons opté pour un échantillon de ménages, auxquels les questions ont été adressées. Et à lintérieur de chaque strate, nous avons appliqué le tirage systématique à probabilité inégale ; et dont la méthode est appelée : plan déchantillonnage systématique à probabilité inégale stratifiée. Cest une méthode qui nous assure davoir un échantillon représentatif, dont la composition est semblable à celle de la population mère. En effet, suite à lapplication de la méthode, 455 ménages ont été tirés dans la commune de Bongouanou ; dont 245 à léchelle urbaine et 210 à léchelle rurale (tableau n° 1).
Tableau n° 1 : Répartition des ménages de la commune de Bongouanou selon les échelles
Pour traiter les données recueillies, nous nous sommes appuyés les méthodes statistiques. Toutes les données ont été saisies et traitées à travers les logiciels EPI data et Excel version 2013. EPI data a permis de saisir les données denquête. Puis ces résultats ont été exploités grâce à Excel version 2013. Le logiciel Excel a servi à élaborer des tableaux et des figures. Puis le croisement des tableaux grâce à la méthode de régression linéaire de Bravais-Pearson nous ont permis détablir des liens entre les variables (le coefficient de corrélation r). Et de mesurer lintensité de ces relations par le biais du coefficient de détermination (r2).
2. Résultats
Les résultats de létude portent sur lanalyse des différents niveaux daccès à leau potable et les maladies diarrhéiques selon les échelles (rurale et urbaine). Puis, le lien entre ces deux groupes de variables. Ils sont aussi discutés. En effet, après le traitement des données et analyses, cinq différents niveaux daccès à leau potable (EP) ont été obtenus : le niveau dAccès Optimal (AO), le niveau dAccès Intermédiaire (AI), le niveau dAccès Basique (AB), le niveau dAccès médiocre (AM) et le niveau Difficile (AD). En consolidant les différentes données, grâce à la matrice déchelle de service, ces résultats ont été obtenus aux échelles rurale et urbaine (tableau n°2 et n°3).
Tableau n°2 : application de léchelle de service pour définir les niveaux daccès des ménages en eau potable en zone rurale
Le tableau n°2 présente les différents niveaux daccès à lEP par variable à léchelle rurale. Et la consolidation des données relatives à ces variables permet de distinguer les caractéristiques de chaque niveau de service dEP. Puis, selon ces mêmes réalités, le tableau n°3 montre les résultats en milieu urbain.
Tableau n°3 : niveau daccès par indicateur dans la ville de Bongouanou
2-1 Un niveau daccès médiocre, difficile et inégalement répartie selon les échelles dans la commune de Bongouanou
Les résultats portent sur deux échelles différentes (échelles rurale et urbaine).
2-1-1 Une échelle rurale dominée par le niveau daccès médiocre, mais varié
En consolidant les données, le tableau n°4 présente les différents niveaux de services atteints.
Tableau n°4 : Niveau daccès à leau potable à léchelle rurale
A léchelle rurale, trois espaces différents se dessinent quant aux niveaux daccès à lEP. Le groupe de niveau médiocre représente la proportion la plus importante. Il est composé en majorité par les ménages de Tanosso (40,00%), Bocassi (37,14%) et de Broukro (34,28%) qui sont voisins et distants de 6 Km. A léchelle rurale, ce niveau absorbe 28,86% des ménages. Et, est expliqué à 38,33% par lindice de fiabilité, puis à 23,33% par la quantité : c'est-à-dire que ces populations de Bongouanou souffrent dun approvisionnement en eau potable très discontinu en temps et en distance réelle, puis en quantité. Ceux-ci bénéficient dune quantité deau potable oscillant entre 5 et 20 litres/habitant/jour, soit en deçà de la norme internationale qui est entre 20 litres et 40 litres/habitant/jour. La deuxième classe est constituée par le niveau daccès basique. Elle est composée dAhorosso, Akakro et Tanosso. Ce niveau absorbe 26,95% de ménages, soit 57 ménages sur 210. En effet, de façon ordinale, le niveau daccès basique occupe la deuxième place sur les cinq. Il est expliqué à 35,09% par lindicateur distance, puis à 17,54% par la quantité : ce qui signifie que la proportion de ménage qui sidentifie à ce niveau passe moins de 1 000 mètres et bénéficie au minimum 20 litres/habitant/jour. Enfin, les espaces qui ont le niveau daccès difficile à leau potable. Ils sont composés de Broukro et les espaces de production agricole (les campements). Ce niveau occupe le troisième rang (21,43%) des différents niveaux daccès à leau potable dominants des espaces ruraux : AM (28,86%), AB (26,95%) et AD (21,43%). Il est justifié à 33,33% par le paramètre temps (plus de 30 min) et 22,22% par la quantité insuffisante dEP (moins de 5 litres /habitant/jour). Ce sont les campagnards qui souffrent le plus. Ce niveau concerne 74,28% des habitants des campagnes, qui, pourtant sont les grands producteurs du vivre. Cependant, si le temps mis et la quantité inférieure dEP par habitant/jour sont plus justifiés à Broukro par le caractère incertain (fiabilité) des services de la SODECI ; à léchelle des campements, ils sont plutôt liés à la distance entre les points deau et les concessions.
2-1-2 Des niveaux daccès à leau potable difficiles, médiocres et variés à léchelle urbaine
Les différents niveaux daccès à leau potable sont consignés dans le tableau n°5.
Tableau n°5 : Niveaux de services combinés par quartier dans la ville de Bongouanou
Lanalyse du tableau n°5 montre que 151 ménages enquêtés de la ville, soit 61,63% ont en dessous du niveau daccès de base (basique), dont 31,84% en niveau médiocre et 29,79% ont un niveau difficile. Ces bas niveaux daccès à lEP regroupent les quartiers Agnikro, Dioulakro et Kangandissou. Et, respectivement, 56,19% à Agnikro dont 37,14% en niveau médiocre et 19,05% en niveau AD ; 71,14% à Dioulakro, dont 30% des ménages ont un niveau médiocre et 47,14% en niveau difficile. Puis, 77,14% des enquêtés de Kangandissou, dont 22,86% ont un niveau AM et 56,29% de niveau difficile. Ces ménages accèdent à lEP à plus de 500 m, plus de 15 min de marche et ont moins de 40 litres deau par jour/habitant (pour ceux qui ont un niveau médiocre) et moins de 10 litres (niveau AD). Dès lors, une partie des besoins journaliers est satisfaite par de sources non potables par les ménages de niveau AM et tous les besoins sont gérés par ceux ayant un niveau difficile. Seulement 38,37% de citadins ont à minima un niveau basique, dont 17,55% ont un niveau optimal (100 litres et plus dEP/habitant/jour et accèdent à EP à moins de 5 min), 9,79% niveau intermédiaire (entre 60 et 100 litres, à moins de 10 min) et 11,02% niveau basique (soit entre 40 et 60 litres en moins de 15 min daccès). Les ménages du quartier CEG, espace relativement plat, où vivent la plupart des salariés, sont les plus favorisés par ces niveaux de services. Et, 68,57% de ménages de ce quartier sont concernés. Ces résultats traduisent non seulement les inégalités relatives à l'accès à l'eau potable dans la ville de Bongouanou, mais aussi l'accès très médiocre et difficile aux ressources en eau conventionnelle. Cela est donc réconforté par les signes de comparaison entre l'effectif des ménages selon le niveau d'accès à leau potable : AM (31,84%) > AD (29,79%) > AO (17,55%) > AB (12,02%) >AI (9,8%). Il se dessine ainsi, une supériorité numérique des ménages dont le niveau d'accès est inférieur à la norme (ménages non desservis) par rapport à ceux qui ont un niveau acceptable, voire optimal. Dès lors, 61,63% des ménages ont du mal à satisfaire correctement les besoins en consommation deau et en hygiène. Il sagit de lessentiel des ménages de Dioulakro et Kangandissou voire Agnikro. La commune de Bongouanou présent des niveaux daccès à leau potable médiocre et difficile. Mais variés entre espaces, puis à lintérieur de chaque zone détude.
2.2. Une répartition variable des proportions de malades de diarrhées selon les échelles à Bongouanou
Les résultats de ce point portent également sur les deux échelles (rurale et urbaine).
2.2.1. Une inégale répartition spatiale de cas de morbidité diarrhéique à léchelle rurale
Il y a une inégale répartition de cas de maladies diarrhéiques selon le village. Le tableau ci-dessous expose le nombre de cas déclarés et leffectif réel de ménages qui présentent les signes de la maladie conformément aux normes de lOMS.
Tableau n°6 : Répartition spatiale de cas de morbidité diarrhéique à léchelle rurale
A lanalyse du tableau n°6, il ressort que 70,95% des enquêtés affirment être quotidiennement victimes de maladie diarrhéique. Or, conformément aux directives de lOMS, 56,67% présentent les vrais signes de la maladie. Ces traits permettent de faire une analyse selon le degré dexposition des ménages par espace. En effet, à léchelle rurale, trois groupes despaces se distinguent quant à la contraction de la diarrhée (tableau n°6). Le premier groupe est constitué des espaces au sein desquels moins de 50% des ménages sont fréquemment malades de diarrhée. Il sagit du seul village dAkakro, dont 34,29% des ménages enquêtés déclarent être constamment sujet de la maladie. Et, dans ce village, seulement 10 ménages, soit 28,57% présentent réellement les signes de diarrhée (9 ménages font trois selles/jour et un fait plus que trois). Ensuite, le deuxième groupe prend en compte les zones qui ont plus que 50% et moins que 70% des ménages qui présentent les signes de la maladie. Cest la classe la plus représentative, composée de 51,43% des ménages dAhorosso, 60% à Tanosso et 54,29% à Bocassi. Enfin, à léchelle rurale, le dernier groupe comptabilise les ménages dont la proportion de la morbidité diarrhéique est supérieure à 70%. Broukro et les campements se distinguent par ce niveau. Ainsi, 85,71% (30 ménages à Broukro) et 94,29% (33 ménages) des campements confirment être quotidiennement lobjet de la maladie. Mais réellement, 71,43% des ménages de Broukro et 77,14% au niveau des campements présentent les signes de diarrhée. Les variations significatives existent aussi chez les citadins.
2.2.2. Une répartition bicéphale de la morbidité diarrhéique à léchelle urbaine
La majeure partie des citadins de Bongouanou présentent des signes de diarrhéique (tableau n°7)
Tableau n°7 : Répartition spatiale de cas de morbidité diarrhéique à léchelle urbaine
Lanalyse du tableau n°7 montre que 193 ménages, soit 78,77% des citadins enquêtés confirment la fréquence de la maladie. Cependant, 166 ménages, soit 67,75% font réellement la diarrhée. Tous les quartiers de la ville nont pas les mêmes proportions quant à lexposition à cette pathologie. A léchelle urbaine, deux types de répartition se dessinent. En effet, il y a les quartiers à morbidité moins prononcée ; c'est-à-dire un taux inférieur à 50% daffection. Cest le seul quartier CEG, le plus connecté au réseau HU. Seulement 45,71% des ménages affirment fréquemment être sujet de diarrhée. Néanmoins, 34,29% font au moins trois selles/jour. Quant au groupe constitué de forte morbidité diarrhéique, c'est-à-dire, là où la proportion de victime est supérieure à 70% de cas déclarés et 62% de cas réels. Il sagit des autres quartiers enquêtés, qui font de la ville de Bongouanou un espace très sensible à la maladie. Ainsi, Kangandissou totalise 62,86%, Dioulakro 72,86% et Agnikro 77,14%. La commune de Bongouanou présente un tableau diversifié quant à la répartition spatiale des sujets victimes de morbidités diarrhéiques. Ce caractère composite est relatif aux deux milieux.
2.3 De forte corrélation significative et négative entre le niveau daccès et les maladies diarrhéiques dans la commune de Bongouanou
Les résultats sont présentés à léchelle rurale comme urbaine
2.3.1. De très forte corrélation négative entre le niveau daccès à leau potable et la morbidité diarrhéique à léchelle rurale
Le croisement des deux groupes de données, à léchelle rurale, a permis de déceler lintensité de relation qui existe entre eux. Les résultats sont consignés dans le tableau n°8.
Tableau n°8 : influence du niveau daccès à leau potable sur la morbidité diarrhéique à léchelle rurale
Le tableau ci-dessus fait transparaître de très forte corrélation négative et significative entre les deux groupes de variables. Ce lien est révélé par le coefficient de corrélation de Bravais-Pearson. Il est égal à (r=-0,92) : ce qui signifie que les villages ou campements caractérisés par des niveaux daccès à leau potable élevés ont de faibles proportions de ménages exposés aux morbidités diarrhéiques, et vice versa. Autrement dit, les deux variables évoluent dans le sens contraire. Cet écart est réconforté par le coefficient de détermination qui exprime lintensité de relation entre ces deux groupes de variables. En effet, celui-ci est égal à 0,85 ; ce qui veut dire que les cas de morbidités sont expliqués à 85,15% par les niveaux daccès à leau potable. Spatialement, ces écarts sont prouvés par deux types despaces opposés (figure n°1). Dun côté, les villages dAkakro et dAhorosso au sein desquels les niveaux élevés de service deau potable sont en contradiction aux cas de morbidités diarrhéiques. Et de lautre côté, de Broukro, de Tanosso et les campements au sein desquels les faibles niveaux daccès à leau potable équivalent aux cas élevés des populations morbides. Lanalyse du signe du coefficient directeur de la droite de régression linéaire (y = -0,7405x + 94,172) révèle la forme décroissante dun caractère par rapport à lautre (figure n°1). Puis, le coefficient de détermination r2 montre bien lexistence dune corrélation de très forte intensité entre ces deux caractères.
Figure n°1 : corrélation entre les niveaux daccès à leau potable et maladies diarrhéiques à léchelle rurale
2.3.2. Une corrélation négative et significative entre le niveau daccès à leau potable et les maladies diarrhéiques à léchelle urbaine : des relations moins fortes que le monde rural
La matrice de corrélation a permis également de constater, chez les citadins, une relation négative entre les deux variables prises en compte par létude (tableau n°9).
Tableau n°9 : influence du niveau moyen daccès à leau potable sur les incidences diarrhéiques à léchelle urbaine
Les résultats présentés par le tableau ci-dessus montrent de corrélation négative et significative entre le niveau daccès à leau potable et les cas de maladies diarrhéiques recensées dans les quartiers de Bongouanou. Cette régression linéaire est mise en évidence par la méthode géostatistique (coefficient de corrélation de Bravais-Pearson). Il est égal à - 0,74. Cette relation, quoiquelle soit importante, est moins prononcée quà léchelle rurale. Cela est prouvé par le coefficient de détermination, qui est égal à 0,5533 ; ce qui signifie que les indices de morbidités diarrhéiques sont influencés à 55,33% par le niveau daccès à leau potable dans les quartiers de Bongouanou. En effet, dautres paramètres au rang desquels le niveau dinstruction, la relative culture de lavage des mains au savon, etc., peuvent expliquer cette situation. Au niveau des zones de résidences, deux situations opposées de même ordre de grandeur permettent détayer ces résultats. Il y a le quartier CEG, zone de résidence de la plupart des salariés (appelé encore Résidentiel 1), qui présente un niveau daccès élevé en AEP opposé aux cas de populations morbides moins importantes (figure n°2). Et le deuxième schéma, présenté par les espaces à morbidités diarrhéiques élevées et à faible taux daccès à leau potable : dont les quartiers Agnikro, Dioulakro et Kangandissou sont concernés. Cette décroissance est perceptible à travers le signe de la droite de régression (y = - 0,66x + 87,873). Ce signe et lallure de la droite de régression indiquent que la proportion de population malade décroît en fonction de lévolution du niveau daccès à lEP. Et le r2 traduit lexistence dune corrélation dintensité moyenne entre les deux caractères (figure n°2).
Figure n°2 : corrélation entre les niveaux daccès à leau potable et maladies diarrhéiques à léchelle urbaine
3. Discussion
Lanalyse a permis de mettre en évidence le lien entre les différents niveaux daccès à leau potable et les indices diarrhéiques dans la commune de Bongouanou. Les paramètres de service deau ont servi à définir les différents niveaux daccès leau potable. En exploitant la matrice déchelle de service (Pezon et al, 2012), cinq niveaux daccès à leau potable ont été obtenus ; il sagit des niveaux AO, AI, AB, AM et AD. Chaque niveau détermine les caractéristiques de services bien définis, dont lindice seuil est le niveau service Basique (Base). En milieu rural comme urbain, ce seuil permet de distinguer les ménages qui accèdent à leau potable de ceux qui naccèdent pas : en temps raisonnable (moins de 15 minutes), à une distance acceptable (moins de 500 mètres chez les citadins et de 1 000 mètres chez les ruraux), une eau de qualité (potable), en quantité minimale (20 litres chez les ruraux et 40 litres chez les urbains) et de façon continue (fiabilité). Ces définitions sappuient sur les normes de lOMS (OMS, 2003), la méthode de Pezon et al (2012) et la classification de Howard et al (2003). En effet, la répartition spatiale des indices relatifs aux niveaux daccès à lEP révèle des disparités entre espace (rural et urbain). Puis des niveaux médiocres, difficiles et inégaux au sein de chaque zone détude. La cartographie de ces variables fait transparaître ces écarts. De même, les données recueillies auprès des 455 ménages, relatives aux maladies diarrhéiques, ont permis également détablir une cartographie à léchelle rurale et urbaine. Cependant, en confrontant ces données aux mornes de lOMS, on a pu distinguer les cas réels des cas déclarés : cest-à-dire, ceux qui font trois selles moles et plus par jour, de ceux qui font moins que ça. Et la distribution spatiale des sujets malades montre également des inégalités entre espaces (rural et urbain). En effet, la mise en relation de ces deux groupes de variables (niveau daccès et maladies diarrhéiques), à travers la méthode de régression linéaire de Bravais-Pearson, a pu révéler des corrélations. Ainsi, existe-t-il de fortes corrélations significatives et négatives entre ces indices à léchelle rurale et urbaine : avec r=-0,74 et r2=0,55 chez les citadins, et r=-0,92 et r2=0,85 chez les ruraux. Ce qui veut dire quà un taux de confiance de 95%, on a seulement 5% de chance de se tromper quand on affirme quil y a de corrélation entre indices. Et ces corrélations négatives expriment des écarts entre ces indices. Doù le lien significatif entre le niveau daccès à leau potable et les maladies diarrhéiques dans la commune de Bongouanou. Des études similaires ont pu montrer le lien entre le difficile accès à leau potable et les maladies diarrhéiques, même si les méthodes utilisées ne sont pas pareilles. Dos Santos (2006) a prouvé que la consommation insuffisante deau potable par habitant/jour augmente les risques sanitaires, notamment diarrhéiques. Lauteur présente les ménages qui sapprovisionnent via les revendeurs comme les plus exposés à ces pathologies. Pour lui, cette catégorie de population paye dix fois plus que les abonnés, et sexpose aux risques diarrhéiques liés à la collecte, au transport, au stockage, à lusage et à la quantité inférieure deau par habitant/jour. Cette situation montre une chaîne dexposition aux risques diarrhéiques du fait dun approvisionnent difficile. Certains ménages du Burkina Faso néchappent pas à ces pathologies relatives à laccès à leau salubre (Kombassere, 2007) ; même si pour Adams (1989), cité par Dharley (2012), lhistoire de leau est liée à celle de la vie et que leau est le constituant essentiel de toute la créature vivante sur terre. Lauteur souligne quau Burkina, du fait de la croissance urbaine, mal maitrisée, la quantité deau potable par habitant jour est limitée dans beaucoup de ménages. Pour pallier au déficit deau potable, comme certains ménages de Bongouanou, les Burkinabès sont obligés de recourir aux sources non améliorées, ce qui les exposent aux maladies diarrhéiques. Intembue (2013) est parvenu aux mêmes résultats à Mwene-Ditu en RDC. Pour lui, du fait dun approvisionnement très incertain, offert par la REGIDESO, seulement 17% des ménages enquêtés ont régulièrement de leau potable ; tandis que le reste des ménages bénéficiaires, sont desservis une à deux fois par semaine. Et, selon lauteur, la détermination de limpact de leau consommée sur les maladies dorigines hydriques, daprès les rapports de la surveillance épidémiologie de la zone, a montré la place quoccupe cette pathologie. En effet, les maladies diarrhéiques ont occupé la deuxième place après le paludisme, avec 27% de la population. Comme implications de ces résultats, la question de leau potable doit être au cur des projets de développement ; compte tenu de ses implications (élément de sécurité sociale et de développement humain). Elle doit fait lobjet de beaucoup dattention et la mise en place des projets deau doit faire suite à des études sérieuses impliquant tous les acteurs. Surtout que, pour lOMS (2004), les heures et les distances consacrées à la recherche de leau ont des répercussions négatives sur léconomie et la société. Le problème deau occasionne labsence dans les écoles et services, et sur les pistes pour la recherche de leau, les femmes et les jeunes filles sont victimes des agressions de tous genres.
CONCLUSION
Les résultats issus des investigations ont permis de constater des liens entres les paramètres relatifs aux niveaux daccès à leau potable et les maladies diarrhéiques. Cette relation a été prouvée par la méthode géostatistique, la régression linéaire (le coefficient de corrélation de Bravais-Pearson). Elle stipule quà un degré de liberté de 95%, soit un taux de risque de 5%, il y a de forte corrélation entre les différentes variables. Ainsi, existe-t-il de très forte corrélation négative et significative entre ce même niveau daccès à leau potable et les cas de morbidités diarrhéiques. Des deux milieux de vie, la corrélation est réelle entre les variables, avec une intensité un peu plus forte chez les ruraux (r=-0,92) par rapport aux citadins (r=-0,74). Ces valeurs révèlent que, plus un espace à un niveau daccès élevé en eau potable, moins il est exposé aux pathologies diarrhéiques. Dautres facteurs au rang desquels le niveau dinstruction, linculture de lavage des mains au savon, le recours à lassainissement individuel traditionnel (puits perdu, défécation dans la nature, dans les caniveaux, etc.), lhygiène domestique, permettent aussi dexpliquer la distribution spatiale des cas de maladies diarrhéiques. Il faut, de ce fait, accorder plus dimportance au secteur de leau potable. Puis associer à ce secteur, celui de lassainissement et la culture de lhygiène à partir des méthodes comme recherche-action-formation.
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Notes
1CV est le coefficient de variation. Cest un indice de dispersion qui permet de voir le caractère de la distribution des variables autour de la valeur moyenne.
Table des illustrations
Auteur(s)
1TUO Péga, 2DIABIA Thomas Mathieu, 3ANOH Kouassi Paul
1Maître-Assistant, E-mail : pega12007@yahoo.fr
2Doctorant, E-mail : diathomath@gmail.com
3Professeur Titulaire, E-mail : anohpaul@yahoo.fr,
Droits d'auteur
Université Félix Houphouët-Boigny (Abidjan, Côte dIvoire)